En plus du dossier et de la chronique que j'ai déjà signalée et qui font partie de ce numéro, je précise qu'une de mes fiches de lecture apparaît p.5 (résumé de celle sur le livre à propos de l'atlas de Stalingrad d'A. Joly).
- la double page Actualité : focus est consacrée à l'Ukraine et aux Ukrainiens pendant la Seconde Guerre mondiale (et non à la Crimée et la Seconde Guerre mondiale, comme indiqué en haut de la p.9, traité dans un numéro précédent). Difficile d'être efficace en deux pages, vu le sujet. La chronologie indicative sur le conflit ukrainien, en bas de la p.9, ne fait bizarrement pas mention de l'intervention russe en Crimée au début de l'année (un oubli ?). Les deux références citées en notes renvoient en fait à deux liens internet sur le même site, infooukes.com. Mais ce sont des travaux déjà anciens : l'article de P. Potichnyj, a manifestement été rédigé dans les années 1980 ; l'ouvrage d'A. Gregorovich, mis en ligne en 1995 pour le cinquantenaire de la victoire de 1945, a été écrit juste après la chute de l'URSS. Or, bénéficiant d'ouvertures d'archives et autres avancées plus récentes, les travaux se sont depuis multipliés, en anglais tout particulièrement, sur la place de l'Ukraine durant la Seconde Guerre mondiale. Même si l'on met de côté l'ouvrage de T. Snyder, très débattu, de nombreux autres livres (ou articles de revues) sont venus éclairer notre connaissance du phénomène de la collaboration ukrainienne avec les nazis, de l'implication des Ukrainiens dans le mouvement des partisans, etc. Du coup, on peut se demander si la conclusion de Potichnyj que cite l'auteur a la fin du focus est toujours valide : les Ukrainiens avaient-il majoritairement un agenda politique nationaliste, que ce soit contre les nazis ou les soviétiques ? Il y a eu en fait des expériences très différentes à l'ouest et à l'est de l'Ukraine, et même entre régions de l'ouest du pays pour descendre à un niveau plus réduit. Plus de 5 millions d'Ukrainiens ont servi dans l'Armée Rouge ou dans les partisans, qui pour ces derniers ont compté probablement jusqu'à 50 000 hommes fin 1943, alors que l'OUN-B alignait à la même période pas plus de 20 à 23 000 hommes. L'OUN puis l'UPA n'ont pas combattu de la même façon les Soviétiques et les Allemands : pour ces derniers, ils ont tué à peine quelques centaines d'hommes, notamment des formations de police composées d'anciens prisonniers polonais ou soviétiques. Au contraire, 55% des chefs de l'UPA ont été tués au combat contre les forces soviétiques ou alliées, alors que les partisans soviétiques en Ukraine, d'après les sources allemandes elles-mêmes, auraient tué au bas mot 15 à 25 000 adversaires (soldats, policiers, miliciens supplétifs, etc). En réalité, la perspective nationaliste était très peu présente chez les Ukrainiens servant dans les partisans (encadrés par des Russes du NKVD) ou dans l'Armée Rouge. Contrairement à l'OUN/UPA où l'essentiel de l'effectif était ukrainien, pro-nazi en grande partie, et a participé à des massacres de Polonais ou de Juifs. Malgré la focalisation récente de l'historiographie sur les collaborateurs (et l'assimilation maladroite qui peut être faite avec l'ensemble des Ukrainiens), ceux-ci ont relativement été probablement bien moins nombreux (même en comptant, en plus de l'OUN, les unités de sécurité et la division SS Galice, entre autres) que les Ukrainiens servant côté soviétique (partisans, Armée Rouge, etc). Plus intéressantes encore sont les questions, que je ne développerai pas ici, de mémoire et d'instrumentalisation de l'histoire par les différents acteurs pendant la guerre froide puis après la chute de l'URSS et la naissance de l'Ukraine, jusqu'au conflit actuel. La rhétorique et la réhabilitation nationaliste n'ont pas l'exclusivité du discours parmi les acteurs en présence.
- Franck Ségretain traite d'un sujet classique, la libération de Strasbourg par la 2ème DB en novembre 1944. Rien à dire de particulier sur le fond mais je trouve l'auteur un peu sévère sur la performance des divisions blindées américaines : effectivement elles manquent d'expérience, pour la plupart, au printemps 1944, mais l'opération Cobra donne les premières possibilités de manoeuvre et certaines divisions font déjà preuve d'une grande souplesse au feu, comme la 4th Armored. C'est seulement à partir de ce moment que les divisions blindées américaines peuvent être réellement utilisées pour des missions d'exploitation. Steven J. Zaloga, à travers un ouvrage qu'il me reste à ficher, avait bien fait le tour de ces questions de doctrine de l'arme blindée américaine, via le suivi du char Sherman, un des principaux exécutants. Je trouve Franck Ségretain plus intéressant sur ses sujets de prédilection, les phénomène d'occupation, résistance et répression en France, que sur ce thème d'histoire militaire pure.
- dans la chronique Ecrire l'histoire, B. Rondeau revient sur les questions de terminologie : comment désigne-t-on le 6 juin 1944, le conflit germano-soviétique ou la guerre du Pacifique. Ou quand même la dénomination d'une guerre est porteuse de sens et de subjectivité.
- la fiche personnage de Vincent Bernard porte sur le général Guillaume, personnage il est vrai méconnu, qui a notamment mené au combat les goumiers marocains en Italie mais aussi les tirailleurs algériens, plus tard. Je me souviens de lui surtout parce qu'il a été attaché militaire à Moscou juste après la guerre et qu'il a écrit à ce moment-là un des rares livres en français consacré à l'Armée Rouge et à sa performance durant le conflit. A noter que la bibliographie indicative comprend un livre sur la campagne d'Italie d'un certain J.-C. Notin, qui avant de traiter "à la suite" les conflits actuels où est engagée à la France (plutôt sous l'angle de l'histoire officielle, quoique cela soit un peu moins vrai paraît-il pour son ouvrage sur la guerre au Mali, que je n'ai pas lu), a effectivement écrit quelques livres d'histoire.
- le même auteur signe un article sur le s. Panzer-Abteilung 508, un des bataillons de Tigres les moins connus, mais quand même souvent déjà abordé dans la presse spécialisée, et qui a servi exclusivement en Italie. Le contenu est classique, c'est un historique d'unité. Je m'interroge toujours par contre, à titre personnel et quand je vois le tableau des "rendements" des bataillons de Tigres, sur la crédibilité à accorder aux sources allemandes, un peu comme dans le cas des victoires aériennes. Que le Tigre ait remporté de nombre de succès contre les blindés alliés, c'est indubitable. Mais quelqu'un comme Schneider, cité en bibliographie, ne se repose que sur les sources allemandes, quasiment sans les critiquer. Même Wilbeck, également cité, beaucoup plus critique sur les bataillons de Tigres, fait peut-être un peu trop confiance aux chiffres allemands. J'avais rapidement réfléchi à la question, à partir de la perspective des spécialistes russes, dans mon article sur l'as des chars Dimitri Lavrinenko.
- le dernier article est plus original : Benoît Rondeau tente de dresser un rapide portrait de la 8th Army. Une armée symboliquement importante pour le Royaume-Uni, mais qui souffre de faiblesses tactiques, en dépit de réelles qualités, en défense, pour les raids en profondeur, etc. Elle pâtit du manque de coopération interarmes et d'une acclimatation nécessaire à la guerre du désert, comme les autres belligérants. Dans le domaine logistique en revanche, la supériorité britannique est nette, et le problème matériel pas si à l'avantage que ça de l'Allemagne. La 8th Army souffre peut-être en revanche, vu sa composition multinationale, d'un manque d'homogénéité et d'esprit corps, du moins selon l'auteur jusqu'à El Alamein. Par contre, à l'inverse de l'Afrika Korps, elle n'a jamais été considérée comme secondaire. A noter que l'auteur commente sa bibliographie, ce que j'ai également fait pour la première fois dans le magazine avec mon dossier "Peiper", lui aussi très classique (pour le sujet en tout cas). Une première que je compte rééditer si possible.
- la fiche Uniformes porte sur un fantassin britannique de la 5th Infantry Division de la 8th Army en Sicile.