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Richard D. NOLANE, MAZA, Wunderwaffen, tome 5 : Disaster Day, Paris, Soleil, 2014, 50 p.

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6 juin 1946. Goebbels, aux côtés de Laval, célèbre en Normandie l'échec du débarquement allié sur les plages, deux ans plus tôt. Murnau, à bord de son Lippisch et aux côtés des Horten Ho 229 et autres Me 262 dernier cri, assure la protection aérienne de l'événement contre les attaques des avions alliés. Il se souvient également du désastre du 6 juin 1944...

Cette fois-ci, je dis stop. J'ai émis des réserves sur la série Wunderwaffen depuis le tome 3, mais avec Disaster Day -un titre qui fait fortement penser à une autre bande dessinée, D Day, le jour du désastre-, c'est la goutte d'eau.

Commençons par l'auteur. Richard D. Nolane (pseudonyme d'Olivier Raynaud), s'intéresse, selon sa page Wikipédia, à la science-fiction, au fantastique et au paranormal. Il a participé, entre autres, à la rédaction de deux livres dans la collection rouge chez J'ai Lu, Les mystères de l'univers : un baptisé Des sociétés secrètes au paranormal, l'autre Les Illuminati. Rien de très remarquable jusque là, en plus d'une fascination évidente pour le mythe de l'occultisme nazi. Ce qui l'est davantage, ce sont les noms de ces deux coauteurs pour les ouvrages concernés. Le premier est Arnaud de l'Estoile, un auteur à classer à l'extrême-droite, plutôt dans une tendance catholique intégriste. La seconde, Geneviève Béduneau, a un profil encore plus détonnant. Elle a été candidate aux élections législatives de 2012 dans le 20ème arrondissement de Paris, sur une liste du Rassemblement Bleu Marine, où l'on trouve notamment nombre de candidats dont le Front National ne veut pas, pour des questions d'images, sur ses propres listes (identitaires, royalistes, etc). C'est en fait une militante du SIEL, un parti qui se propose notamment de faire la jonction entre l'UMP et le FN. Elle est proche de milieux catholiques intégristes, défend les criminels de guerre serbes du conflit en ex-Yougoslavie et, plus récemment, le régime syrien de Bachar el-Assad. Elle est en outre adepte de la théorie du complot à propos des attentats du 11 septembre : pour résumer, on peut la classer dans une extrême-droite piquée d'ésotérisme et sensible à l'occultisme. Pour revenir à Richard D. Nolane, il tient un nombre important de blogs en ligne, avec des contenus thématiques ; parmi ces derniers, celui-là, qui s'intéresse à la littérature que l'on pourrait appeler "naziexploitation", laquelle s'inspire du nazisme pour des romans laissant court à tous les fantasmes guerriers et sexuels issus du IIIème Reich, comme ceux deséditions Gerfaut que je commentais ici il y a quelques temps... quelles sont donc réellement les motivations de l'auteur ? Difficile à dire, puisqu'il collabore avec des personnes ouvertement associées avec l'extrême-droite (apparemment sans en être partisan, comme il nous le dit dans les commentaires ci-dessous), et qu'il semble très au fait du mythe de l'occultisme/ésotérisme nazi (ce qu'il  confirme également dans son commentaire).

Quant au contenu même de la BD, il y a plusieurs éléments troublants, et ce n'est en rien lié au fait que ce soit une uchronie basée sur un renversement de la guerre en faveur des nazis. C'est plutôt l'insistance sur un point de vue quasi uniquement nazi de l'histoire, avec une fascination qui finit par mettre mal à l'aise et par interroger. Dans les premières planches de combat aérien du tome, p.6-9 notamment, et ce n'est pas la première fois, les Wunderwaffen aériennes ne font qu'une bouchée des appareils alliés, y compris à réaction. Aucun avion allemand n'est abattu. En ce qui concerne la mise à jour de l'opération Fortitude, on note aussi que l'auteur choisit de mettre en scène un traître homosexuel et deux autres Juifs, le premier étant trompé par un espion nazi qui se fait passer pour un communiste... ce qui permet aux dignitaires nazis, Himmler et Kaltenbrunner, de s'en donner à coeur joie sur le sujet. La deuxième séquence de combats aériens, où les Me 262 sont opposés à des B-17 et P-51 (p.14-19), elle aussi, ne voit aucun avion allemand tomber. Pire : l'auteur rajoute dans le sordide avec ce corps de pilote américain éjecté de son Mustang qui vient s'écraser en contrebas dans le cockpit d'un B-17 américain (!), avec tous les détails sanguinolents. On remarque aussi, lors de la séquence d'attaque au sol (p.23-30) de la Leibstandarte par des Mosquitos, que c'est un des appareils britanniques touchés par les Allemands qui s'écrase malencontreusement sur un bus bondé d'enfants qui passe par là... tout un symbole. Et là encore, les Mosquitos n'ont quasiment aucune possibilité de riposter face aux Me 262. Le thème de l'échec du D Day, lui, comme je le disais au début de la fiche, a déjà été utilisé dans la bande dessinée dans cette reprise du mythe de l'occultisme/ésotérisme nazi. L'auteur s'en donne ainsi à coeur joie pour nous montrer les He 219 Uhu tirer comme des pigeons les C-47 bourrés de parachutistes. Puis ce sont les Arado Ar 234 Blitz qui bombardent la flotte alliée avant que celle-ci ne soit désintégrée par des nuées d'éclairs que l'on devine liés à un phénomène occulte...

Quant au bonus, le fiasco du Jour J vu par les médias (en fait Die Deutsche Wochenschau), il est théoriquement là pour prolonger l'uchronie. Mais que penser devant ce language reprenant la propagande nazie, mot pour mot ou presque, et ce même si c'est dans le cadre d'une uchronie ? Avec ces images de Dieppe qui furent bel et bien utilisées par la propagande du IIIème Reich pour rassurer la population allemande au moment du débarquement en Normandie, ou cette affiche inspirée des canons du docteur Goebbels... il manque une certaine distance, pour le lecteur, par rapport à l'utilisation de tels documents.

Bref, Wunderwaffen, d'une idée plutôt entraînante au départ, tournant autour des armes "miracles" nazies et du mythe de l'ésotérisme/occultisme du IIIème Reich, commence à prendre un tour franchement contestable. La mise en scène de victoires continues des nazis grâce à des interventions paranormales ou à des avancées technologiques, provoquant un véritable carnage chez les alliés, interrogent sur les intentions profondes de l'auteur. S'agit-il seulement de proposer une énième uchronie sur le sujet, et ce quand bien même est-elle bien illustrée, ou de faire passer un message plus implicite ? On est en droit de se le demander. D'autant que l'auteur propose maintenant une uchronie sur la Première Guerre mondiale, Zeppelin's War, où intervient encore Hitler... de mon côté, Wunderwaffen, c'est terminé.




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