Asaib
Ahl al-Haq (AAH), véritable tête de pont de l'Iran en Irak depuis
2006, a connu des évolutions notables jusqu'à l'offensive actuelle
de ce qui est devenu l'Etat Islamique (EI) dans le nord du pays.
Conçu comme le noyau des « groupes spéciaux »
censés renouveler les attaques des milices chiites contre les forces
américaines, le groupe est devenu, après le retrait des Etats-Unis,
une formation politique capable de concurrencer le sadrisme. Mais
l'appareil militaire, contrairement à ce qui avait été annoncé,
n'a jamais disparu : dès 2012, il fournit des combattants aux
milices étrangères pro-régime en Syrie, puis, devant la montée en
puissance d'al-Qaïda en Irak devenu EIIL en 2013, combat de plus en
plus en Irak. Le Premier Ministre Nouri al-Maliki a su aussi
récupérer AAH et ses soldats pour faire pièce à ses opposants
chiites, mais aussi pour combattre l'EIIL dès janvier 2014 dans la
province d'Anbar entrée en rébellion sous les auspices du groupe
djihadiste. Après l'offensive de l'EIIL dans le nord et la chute de
Mossoul, AHH et ses miliciens sont en première ligne, à tous les
points cardinaux autour de Bagdad, pour affronter l'EI, mais perpètre
aussi, de nouveau, des massacres sectaires contre les sunnites.
L'étude de la production, sur les réseaux sociaux, d'une des
brigades irakiennes d'AAH permet d'approcher non seulement le mode
opératoire de l'organisation, ses tactiques, son équipement, les
lieux où elle combat, mais aussi l'idéologie qui est véhiculée et
qui s'assimile largement à celles des groupes étrangers financés,
armés et encadrés par l'Iran depuis plusieurs décennies.
Le
noyau des « groupes spéciaux » iraniens en Irak
(2006-2008)
Asaib
Ahl al-Haq est probablement le noyau des « groupes
spéciaux » iraniens en Irak tels que les Américains ont
pu les définir à partir de juillet 2007.
Plus précisément, ces « groupes spéciaux » liés
à Qais Khazali, qui en est le parrain, naissent à la mi-2006,
pendant l'occupation américaine de l'Irak. Ils constituent un nouvel
effort de la part de la force al-Qods des Pasdarans iraniens et du
Hezbollah pour entraîner, armer et financer des milices chiites en
Irak.
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Logo de AAH. |
Khazali
est un ancien du mouvement sadriste en Irak. Il rompt avec Moqtada
al-Sadr au moment de la seconde insurrection à Najaf, en août 2004.
En septembre 2004, il retourne dans le quartier de Sadr City à
Bagdad et conduit ses propres opérations en dehors de celles de
l'armée du Mahdi, la milice sadriste. En octobre, il ignore le
cessez-le-feu conclu entre Moqtada al-Sadr et le gouvernement
irakien. Moqtada al-Sadr semble alors se réconcilier avec Khazali,
mais celui-ci dirige sa propre faction à l'intérieur du mouvement
sadriste jusqu'en mars 2005 au moins.
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Qais Khazali, chef et fondateur d'AAH.-Source : http://english.al-akhbar.com/sites/default/files/imagecache/5cols/leading_images/Qais_al-Khazali_pic_1.jpg |
Il
est impossible de dire jusqu'à quand dure cette réconciliation mais
Khazali choisit de piloter les « groupes spéciaux »
iraniens en juin 2006, soit à peine un an plus tard. Les membres des
groupes spéciaux reçoivent un entraînement en Iran fourni par des
membres du Hezbollah. Ils voyagent par groupes de 20 à 60, et leur
entraînement dure de 4 à 6 semaines. Ils apprennent l'utilisation
des mortiers, des roquettes, des fusils de précision, la collecte de
renseignements, les kidnappings et l'utilisation des EFP
(Explosively-Formed Penetrators, un type particulièrement
létal d'IED qui peut venir à bout des véhicules lourds).
Le
20 janvier 2007, des membres déguisés avec uniformes, véhicules et
cartes d'identité, attaquent le centre de coordination provinciale
de Kerbala où se tient une réunion d'Américains et d'Irakiens pour
discuter des mesures de sécurité durant le pélerinage de l'ashura.
Les groupes spéciaux tuent 5 soldats américains et en blessent 3
autres. Les renseignements réunis par les Américains permettent
cependanr d'arrêter Qais Khazali, son frère Laith et un membre du
Hezbollah, Ali Musa Daqduq, à Bassorah, le 20 mars suivant. Akram
al‐Kabi prend la suite. Il dirige l'Armée du Mahdi jusqu'en mai
2007 avant d'être révoqué par Muqtada al-Sadr. Les « groupes
spéciaux », après une nouvelle période d'entraînement,
privilégient désormais les attaques au mortier et à la roquette,
indirectes, dès le début 2008. Devant la traque menée par les
forces de la coalition et l'armée irakienne, des milliers de membres
des « groupes spéciaux » n'hésitent pas à se
réfugier en Iran puis à revenir plus tard.
Asaib
Ahl al-Haqq (AAH) apparaît dès le mois de juin 2006 quand sont
créés les groupes spéciaux. D'après le gouvernement américain,
Abdul Reza Shahlai (alias Hajji Yusif), un commandant adjoint de la
force al-Qods, fournit une assistance à Khazali pour la création
d'AAH. Sa première attaque revendiquée a lieu pour soutenir le
Hezbollah alors en guerre contre Israël. Dès 2006, elle se divise
en quatre sous-commandements : la brigade de l'imam al-Ali,
responsable pour le sud de l'Irak ; la brigade de l'imam
al-Khazem, qui opère à l'ouest de Bagdad ; la brigade de
l'imam al-Hadi, qui est à l'est de la capitale ; et la brigade
de l'imam al-Askeri responsable des provinces de Diyala et Kirkouk.
AAH commence par des attaques au mortier, à la roquette ou des tirs
de snipers, mais la publicité de ces actions n'est faite
massivement qu'à l'été 2007, ce qui montre qu'il y a eu sans doute
réorganisation durant le premier semestre de cette année. La milice
opère surtout dans le quartier de Sadr City et aux alentours ;
de mai à juillet 2008, de nombreux combattants se réfugient en Iran
pour échapper à la capture après l'offensive des forces de la
coalition sur le quartier. En août, Moqtada al-Sadr annonce la
dissolution de l'Armée du Mahdi et la formation d'une milice plus
réduite et plus disciplinée, les Brigades du Jour Promis.
A
l'été et à l'automne 2008, AAH multiplie les attaques à l'EFP,
les kidnappings, les intimidations et les actes de violence sectaire.
En septembre, Akram al‐Kabi est désormais à la tête du
mouvement. Il est difficile de savoir si AAH a existé aux côtés
des « groupes spéciaux » ou en a été le noyau.
Une spécialiste américaine, dès 2008, penchent pour la seconde
hypothèse, qui est la plus probable.
Un mois plus tard, les Américains arrêtent un des responsables
financiers d'AAH avec plus de 400 000 dollars.
L'Iran
change de mode opératoire en Irak (2008-2012)
L'Iran,
en créant les groupes spéciaux, cherche aussi à rééditer le
modèle du Hezbollah et à installer en Irak des formations qui
pourront se prévaloir de leur résistance à l'occupant américain
après le retrait des Etats-Unis de l'Irak.
Téhéran avait ainsi prévu des groupes opérant ouvertement et
d'autres de manière clandestine, et ce dès avant l'invasion de
l'Irak en 2003 par les Américains. A l'été 2009, les « groupes
spéciaux », après leur retrait de 2008, se réinstallent
progressivement en Irak, profitant du fait que la sécurité à
l'intérieur des villes, où ils opèrent essentiellement, est
laissée aux forces irakiennes. Jusqu'au mois de mars 2010, le
Premier Ministre irakien Nouri al-Maliki, pour s'attirer les bonnes
grâces des chiites, met son veto à une opération dirigée contre
les « groupes spéciaux » par l'armée irakienne
et les Américains, pourtant réclamée par les Etats-Unis. Le
gouvernement irakien fait également relâcher les prisonniers issus
des « groupes spéciaux » au fur et à mesure
qu'ils sont transférés à son autorité par les forces américaines.
Khazali est ainsi échangé contre le Britannique Peter Moore,
kidnappé, le 5 janvier 2010 par AAH en 2007.
L'Iran
a clairement changé de mode opératoire, après avoir essayé
d'appliquer en Irak le succès rencontré par le Hezbollah durant la
guerre contre Israël à l'été 2006, jusqu'en 2007.
Désormais, il favorise la promotion d'Irakiens dans les cellules des
groupes spéciaux et envoient plus discrètement ses Pasdarans,
pour éviter les arrestations importantes des années 2005-2007.
L'Iran contrôle aussi plus étroitement l'utilisation des armes
fournies : le chef de cellule est comptable pour chaque
armement, y compris les EFP, fournissant les moyens aux combattants
les plus expérimentés et les mieux payés (de 4 à 13 000 dollars
pour une attaque à la roquette ou à l'IED). Le passage par la
frontière des armements n'a pas foncièrement changé : par
terre ou voie d'eau, avec l'appui des forces armées iraniennes, en
profitant de la corruption irakienne, des anciens réseaux de
contrebande et du manque d'équipement sophistiqué des
garde-frontières. L'Iran privilégie d'ailleurs les forces
américaines comme cible principale, et non plus les affrontements
sectaires : les roquettes de 107, 122 et 240 mm pleuvent sur les
bases américaines. Les attaques sont aussi plus sophistiquées, avec
emploi de mortiers de 60 à 81 mm à Bagdad et dans les principales
villes, tir de roquette à l'horizontal ou en salves par
lance-roquettes multiples montés sur véhicules. Les attaques à
l'EFP ciblent les véhicules américains et cherchent à réduire
autant que faire se peut les pertes civiles irakiennes. Outre la
sophistication des munitions utilisées et les trésors d'imagination
déployées par les cellules d'artificiers, celles-ci font aussi
usage d'IED en « daisy chain » utilisant de
nombreux obus d'artillerie de 122 ou 155 mm reliés entre eux. Les
prises sur les stocks d'armes des groupes spéciaux montrent
cependant la présence continue de pistolets à silencieux et d'IED
magnétiques pour la pose sous les véhicules : les « groupes
spéciaux » continuent donc probablement les assassinats
ciblés sur des Irakiens.
En
juin 2011, les Américains déplorent leur plus haut taux de pertes
mensuel depuis trois ans : 14 soldats tués dont 12 par les
« groupes spéciaux » iraniens. A ce moment-là,
ce n'est pas AAH qui est considéré par l'armée américaine comme
la principale menace, mais un autre groupe spécial, Kataib
Hezbollah, qui est beaucoup plus, lui, une extension de la force
al-Qods en Irak. Il comprend 500 à 1 000 membres et recrute
largement parmi les vétérans du corps Badr, une organisation
iranienne bien antérieure à l'invasion américaine de 2003.
Kataib Hezbollah opère en véritables unités commandos à
l'image de certaines formations du Hezbollah libanais ou de la force
al-Qods : copies iraniennes du H&K MP5, copies chinoises du
fusil d'assaut M16A1, gilets pare-balles, visées optiques, jumelles
de vision nocturne, lance-roquettes antichars RPG-29 et même
lance-missiles sol-air portables.
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Un supporter d'AAH, en janvier 2012. Source : http://images.alarabiya.net/af/f5/640x392_21029_186825.jpg |
Ci-dessous, vidéo de propagande de Kataib Hezbollah (juin 2014).
La
libération d'Ali Mussa Daqduq, en novembre 2012, rappelle pourtant
que AHH a des liens étroits avec l'Iran et le Hezbollah. Daqdud rend
compte à Youssef Hashim, qui dirige les opérations spéciales du
Hezbollah, et lui-même est redevable devant Abdul Reza Shahlai, qui
chapeaute alors les opérations extérieures de la force al-Qods des
Pasdarans iraniens. Shahlai est par exemple derrière la
tentative d'assassinat de l'ambassadeur saoudien à Washington en
2011. Tous sont eux-mêmes sous le regard étroit de Qasseim
Soleimani, le chef de la force al-Qods.
Après
le retrait américain en décembre 2011, AAH annonce la fin de son
activité armée et rejoint le paysage politique irakien. Le groupe
se calque sur le modèle du Hezbollah pour obtenir le soutien
populaire. En 2012, AAH se reformate comme une organisation
nationaliste de résistance islamique, visant les minorités,
installant des bureaux politiques partout à travers l'Irak. Elle
déploie aussi une activité charitable et devient une véritable
force politique. Mais AAH, et ce depuis 2006, est en concurrence avec
le mouvement sadriste. La campagne d'assassinats politiques ciblés
en 2012 montre que la milice du mouvement n'a pas disparu, loin de
là. Désormais dirigée par Hassan Salem, elle est même capable de
se projeter en dehors de l'Irak, si besoin, sur demande de l'Iran,
comme le montre l'intervention aux côtés du régime syrien. Depuis
2010, AAH est particulièrement présente à Bagdad, où elle
entretient deux bureaux politiques et organise de nombreuses
manifestations publiques. Ailleurs dans le pays, l'organisation a
même réussi à investir des bastions historiques du mouvement
sadriste. Les réseaux religieux chiites sont eux aussi infiltrés
par le biais de l'école du « Sceau des Apôtres »,
à des fins de propagande et de recrutement. C'est une façon de
promouvoir les intérêts iraniens tout en ayant un discours d'unité
nationale. Dès 2011, AAH s'est également installé au Liban,
ouvrant une représentation politique à Beyrouth, ce qui témoigne
là encore d'un soutien important de l'Iran.
Du
combat en Syrie au retour en Irak contre l'EEIL/EI (2012-2014)
AAH
est intervenue de plusieurs façons différentes aux côtés du
régime syrien. Elle alimente en combattants la plus ancienne milice
étrangère pro-régimen, Liwa Abou Fadl al-Abbas (LAFA), apparue dès
l'automne 2012.
Elle en fournit aussi à Liwa Zulfiqar, une nouvelle milice
pro-régime créée à partir de LAFA en juin 2013, au moment où le
soutien étranger de l'Iran et du Hezbollah auprès du régime syrien
est de plus en plus manifeste et massif.
Elle est probablement aussi partie prenante dans une autre milice
pro-régime, Liwa Ammar Ibn Yassir, qui est l'une des premières à
ne pas intervenir dans la région de Damas, en particulier pour
protéger le sanctuaire chiite de Zaynab, au sud de la capitale, mais
à Alep.
Enfin, en juillet 2013, AAH dévoile la structure qui accueille ses
combattants en Syrie, une sorte de corps expéditionnaire en quelque
sorte : Asa’ib Ahl al-Haq-Liwa’a Kafeel Zaynab. Ce
corps expéditionnaire collabore étroitement avec le Hezbollah
libanais en Syrie, ce qui n'est pas étonnant puisque le Hezbollah a
participé à la formation initiale et continue d'AAH. Muhammad
al-Tabatabai, un ancien chef sadriste et fondateur d'AAH, a même
visité les miliciens engagés en Syrie à l'été 2013.
AAH continue aussi d'alimenter de nouvelles milices « paravents »
en Syrie, comme Liwa’a al-Hamad
ou Faylak Wa’ad al-Sadiq.
Au final, AAH est sans doute le « groupe spécial »
iranien en Irak qui contribue le plus, en nombre de combattants, au
soutien du régime syrien.
Ci-dessous, des combattants d'Asaib Ahl al-Haqq en Syrie, à Alep.
En
Irak, AAH se trouve en première ligne à partir du moment où l'EIIL
réinvestit la province d'Anbar, à l'ouest de Bagdad, profitant du
mécontentement sunnite à l'égard du gouvernement de N. Al-Maliki,
en décembre 2013. Dès ce mois-ci, probablement, AAH redéploie une
partie de ses vétérans de Syrie vers l'Irak, pour opérer dans la
province d'Anbar en particulier.
Cet engagement contre l'EIIL vaut à AAH d'être pris pour cible par
ce dernier : le 26 avril 2014, un rassemblement politique à
Bagdad est victime d'un attentat kamikaze, qui tue 37 personnes, dont
10 vétérans des combats en Syrie. AAH est aussi accusé par
l'opposition chiite au Premier Ministre, et notamment le mouvement
sadriste, de fournir des hommes à une force spéciale paramilitaire
chargée à la fois d'opérations de police contre l'EIIL dans la
province d'Anbar, mais aussi de cibler les opposants chiites à N.
Al-Maliki. Ce dernier utilise aussi les services d'AAH dans la
province de Diyala, au centre-est de l'Irak : la milice est
accusée d'avoir exécuté de sang froid, dans la ville de Buhriz, 23
civils en mars 2014. AAH est également pointée du doigt dans le
« nettoyage » de tribus sunnites autour de la
ville de Bassorah, pour garantir une population chiite homogène dans
la région.
D'après le blog Musings on Iraq, c'est en fait dès le début
de l'année 2013 que AAH a recentré une partie de son activité
militaire en Irak, en raison du renouveau de ce qui est devenu l'EIIL
dans ce pays, après s'être engagé en Syrie et dans l'activisme
politique en 2012.
Ce recours aux milices des « groupes spéciaux iraniens »
se fait avec l'aval du Premier Ministre Al-Maliki, non seulement pour
affaiblir ses adversaires chiites mais aussi pour se constituer une
sorte d'armée privée : les miliciens sont intégrés dans la
structure des forces de sécurité et de l'armée et en reçoivent
les uniformes, les insignes, si ce n'est les armes.
AAH
accélère l'effort de recrutement en Irak, pour contrer la menace
grandissante de l'EIIL, dès le mois d'avril 2014, à l'instar des
autres groupes spéciaux iraniens comme Kataib Hezbollah.
Ceux-ci travaillent en étroite collaboration avec les forces de
sécurité et l'armée irakienne. C'est ainsi qu'AAH participe aux
combats pour Falloujah dans la province d'Anbar dès le mois de
janvier (un de ses commandants, qui a combattu en Syrie, est
d'ailleurs tué).
Dès le 5 juin, avant même la chute de Mossoul aux mains de l'EIIL,
AAH est présente, avec nombre d'autres milices des groupes spéciaux
et autres, dans la ville sainte pour les chiites de Samarra.
En raison de l'effondrement d'une partie de l'armée irakienne et des
difficultés de cette dernière à conduire la contre-offensive face
à ce qui est devenu l'Etat Islamique (EI), les groupes spéciaux
iraniens, et AAH en particulier, constituent désormais un acteur
avec lequel il va falloir compter sur le plan militaire. Ce qui
n'empêche pas AAH de revenir à une logique sectaire : le 21
août, une unité de miliciens associé à AAH a probablement commis
un massacre contre des sunnites dans une mosquée de la province de
Diyala, où les groupes spéciaux (en particulier l'organisation Badr
pour cette province) sont particulièrement présents.
AAH avait déjà été accusée de l'exécution de 50 Irakiens dans
la province de Babil, au sud de Bagdad, au mois de juillet 2014.
Ci-dessous, des combattants d'AAH aux côtés de l'armée irakienne au combat contre l'EI dans la province de Diyala (juillet 2014).
Un
exemple d'unité d'AAH au combat contre l'EI en Irak : la
brigade de l'Imam Al-Ali
Kataab
Imam Ali, ou la brigade de l'imam al-Ali, la subdivision pour le
sud de l'Irak de AAH, représente un exemple intéressant de la
production du groupe en ligne, via les réseaux sociaux,
à propos de ses opérations militaires, en particulier contre l'EI,
en Irak.
Une
première vidéo, le 2 juillet, constitue pour ainsi dire une
bande-annonce de présentation de la brigade. Sur fond de chant
chiite en l'honneur de Kataab Imam Ali, on peut distinguer les
hommes à l'entraînement, de nuit, manipulant mortiers et roquettes
pour les attaques indirectes, mais aussi des armes légères, M4,
fusil d'assaut britannique SA80 de prise, lance-roquettes
antichar, etc. Les
hommes qui s'entraînent de nuit ont le visage noirci et sont équipés
de tenues militaires. D'autres extraits montrent les combattants de
la brigade intégrés aux forces régulières irakiennes. Le tout est
entrecoupé de clips montrant soit les villes chiites irakiennes,
soit des personnages importants du chiisme, en particulier Ali et son
épée à deux pointes Zulfiqar, ou des emblèmes de celui-ci,
comme le drapeau rouge d'Huseyn, le fils d'Ali tué à la bataille de
Kerbala, qui est au-dessus de la tombe de celui-ci.
La publication du premier emblème de la brigade, le 3 juillet,
s'accompagne d'un texte précisant qu'une des sous-unités de la
brigade est partie combattre dans la province de Diyala, au nord-est
de Bagdad, ce qui montre que les formations circulent apparemment
volontiers dans les subdivisions en fonction des besoins.
Le lendemain, la brigade de l'imam Ali indique avoir repris des
positions à l'EI dans la province d'Anbar, à l'ouest de Bagdad, et
publie une photo montrant quelques munitions capturées.
Ce même jour, la brigade loue l'effort de sa composante logistique
qui ravitaille en munitions les combattants de première ligne.
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Un combattant de la brigade Imal al-Ali avec un RPG-7 muni d'une roquette tandem. |
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Les combattants d'AAH sont manifestement bien équipés individuellement. |
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Les membres d'AAH avec les uniformes et l'équipement de l'armée irakienne. |
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Manoeuvres nocturnes pour une vidéo de promotion. Un combattant épaule un lance-roquettes antichar RPG-29. |
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Visage noirci, arme occidentale ou sa copie étrangère pour ce combattant de la brigade Imam al-Ali. |
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Première vue de la copie iranienne du fusil de sniping lourd en 12,7 mm Steyr HS 50. La brigade en a au moins un exemplaire. |
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La même arme. |
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Un combattant équipé d'un M4. |
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Au premier plan, ce combattant camouflé vise avec un SA80 britannique. |
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Autre vue d'un combattant armé d'un M4, ou sa copie étrangère, et d'un lance-grenades. |
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Une batterie de roquettes individuelles est préparée pour le tir. |
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Un tube lance-roquettes est chargé. |
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Autre vue de la batterie de roquettes préparée par la brigade. |
Le
8 juillet, le groupe publie une photo de combattants utilisant une
mitrailleuse lourde M2 de 12,7 mm.
Toujours le 8, la brigade remet en ligne la photo de la province
d'Anbar accompagnée d'un commentaire précisant que la prise
d'explosifs et de containers pour les dissimuler (une nouvelle photo
est ajoutée) s'est faite dans la région de Ramadi.
Le 13 juillet, ce sont les snipers de la formation des
opérations spéciales qui sont mis en avant : deux photo
présentent les tireurs d'élite armés non seulement d'un Dragunov
mais aussi d'un HS 50 Steyr ou plutôt sa copie iranienne, l'AM-50.
Cette dernière arme a été utilisée par le Hezbollah et les
milices étrangères pro-régime en Syrie,
mais on l'a vu aussi plus récemment entre les mains de l'armée
irakienne, avec des passerelles possibles entre les deux
composantes.
Un de ces fusils anti-sniper apparaît déjà dans la vidéo
du 2 juillet. Le 14 juillet, un groupe de combattants de la brigade
de l'imam Ali pose à côté d'un hélicoptère Mi-8 de l'armée
irakienne : il aurait pris part à des combats dans la province
de Salahuddine contre l'EI, aux côtés des formations régulières.
La brigade prétend d'ailleurs avoir combattu contre des Tunisiens
appartenant à l'EI.
Le lendemain, 15 juillet, la page Facebook du groupe montre
une photo où l'on voit un homme déployer un drapeau avec des
symboles chiites, dont probablement
Ali et Abbas, le combattant de la bataille de Kerbala
aux côtés d'Huseyn, mais aussi un dôme doré.
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Véhicule de la brigade Imam al-Ali. On reconnaît l'emblème de la brigade. |
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Ramadi, province d'Anbar : la brigade expose des munitions prises à l'EI et qui auraient servi à fabriquer des pièges explosifs. |
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Autre vue de la même scène, les bidons servent de containers aux engins. |
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Une mitrailleuse M2 de 12,7 mm utilisée par les combattants chiites de la brigade. |
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La brigade de l'Imam al-Ali dispose apparemment d'au moins un exemplaire de la copie iranienne du fusil de sniping lourd Steyr HS 50. |
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La même arme avec un autre sniper équipé d'un SVD Dragunov à droite. |
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Photo de groupe. On note que la plupart des miliciens sont équipés de M16/M4 américains. |
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Les photos de groupe mettent comme souvent en évidence le drapeau et les autres emblèmes de la brigade. |
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Devant un Mi-8 de l'armée irakienne : les combattants de la brigade ont probablement été aérotransportés durant les opérations du mois de juillet. |
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Un drapeau qui montre la tombe, probablement, de l'imam Huseyn à Kerbala. Le personnage central est probablement Ali ; en haut à droite, peut-être Abbas, le compagnon d'Huseyn à Kerbala. |
Le
16 juillet, la brigade Imam al-Ali publie une première photo de ses
véhicules en opération en Irak : des roquettes tirées depuis
des LRM (Type 63 chinois probablement, 107 mm) montés sur véhicules
légers.
Le même jour, une photo montre un convoi de la brigade se diriger
vers la province de Salahuddine, mélangé à des véhicules de
l'armée régulière dont au moins un Humvee.
Le 17 juillet, les snipers sont une nouvelle fois mis à
l'honneur avec une photo montrant un tireur délite portant un SVD
Dragunov.
Une autre photo de groupe est accompagnée d'un commentaire
mentionnant la participation à des combats contre l'EI dans la
province de Diyala.
Le lendemain, le groupe met en ligne une photo de combattants
transportés dans des pick-ups flambant neuf.
Le 26 juillet, un billet proclame le soutient de la brigade aux
chrétiens chassés de Mossoul et accueillis à Bagdad.
Le lendemain, un communiqué d'opérations précise que la brigade
participe à l'encerclement de Tikrit en vue d'une contre-attaque
contre l'EI qui s'est emparé de la ville précédemment.
Ce même jour, la brigade revendique l'élimination de 11 combattants
de l'EI pour la seule province de Diyala.
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La première photo postée par le groupe montrant une jeep équipée d'un LRM Type 63 chinois, qui est fréquemment utilisé. |
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Convoi de la brigade, avec un Humvee de l'armée irakienne à l'arrière-plan. On note le second emblème de la brigade à gauche. |
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Le Type 63 monté sur Jeep en action. |
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Sur cette photo de groupe, on distingue plusieurs dizaines de combattants de la brigade, dont l'effectif se monte probablement à plusieurs centaines d'hommes. |
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Un tireur d'élite armé d'un Dragunov que l'on verra apparaître à plusieurs reprises sur les photos du groupe. |
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Convoi de la brigade. Les pick-ups sont flambant neuf. |
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Sur la ligne de front, les hommes de la brigade sont abrités derrière une levée de terre. |
Le
2 août, une photo montre les mortiers de la brigade en action.
Une autre photo postée la même journée montre toujours le même
tireur d'élite équipé de son SVD Dragunov.
Le même jour, la brigade revendique la mort de 10 combattants de
l'EI dans la région de Mossoul, dont un Saoudien.
Le 4 août, la brigade prétend avoir incorporé dans ses effectifs
présents dans la région 125 jeunes gens volontaires.
Le 6 août, la brigade ajoute 4 membres de l'EI de plus à son actif
à Mossoul.
Le 9 août, elle revendique l'assassinat, lors d'une opération
spéciale, d'un responsable de recrutement étranger de l'EI,
toujours à Mossoul.
Ce même jour, des photo montrent des camions civils légers sur
lesquels ont été montés des mitrailleuses lourdes DShK de 12,7
mm.
La brigade dispose aussi d'une unité du génie qui procède à la
neutralisation de mines et autres engins explosifs installés par
l'EI sur les routes de la province de Diyala.
Des mortiers sont également utilisés, en batterie, dans les combats
contre l'EI dans cette dernière province.
Le 11 août, 3 corps de tués de la brigade sont rapatriés par
hélicoptère Mi-8 de l'armée irakienne ; les cercueils, portés
par les miliciens, recouverts du drapeau de la brigade et du drapeau
de l'Irak, sont promenés à travers les rues.
Deux jours plus tard, la brigade revendique la mort de 4 combattants
de l'EI à Mossoul.
Une vidéo mise en ligne le 14 août montre les corps des 3
combattants décédés rapatriés par Mi-8 et accueillis par des
convois de véhicules marqués de l'emblème de la brigade.
Le 15 août, une vidéo permet de voir le LRM Type 63 monté sur jeep tirer sur Tuz Khurmatu, une ville d'un district de la province
de Salahuddine, à environ 90 km au sud de Kirkouk, occupée par
l'EI.
Une autre vidéo montre les combats dans ce secteur : les
fantassins, abrités derrière des levées de terre, tirent notamment
à la mitrailleuse PK. La caméra s'attarde sur un Toyota Hilux
abandonné par les combattants de l'EI, marqué de l'étendard noir
des djihadistes, et sur un autre en flammes. Les miliciens de la
brigade, relativement nombreux comme on peut le voir sur une des
séquences, fêtent leur victoire par des coups de feu tirés en
l'air.
Une troisième vidéo montre des armes lourdes pilonnant les
positions de l'EI, toujours dans la province de Salahuddine (district
de Yathrib) : pièce quadruple antiaérienne de mitrailleuses
KPV en 14,5 mm (ZPU-4), mitrailleuse lourde de 12,7 mm, mortiers de
82 mm.
Ce même jour, une photo montre les responsables d'AAH en vol pour
aller inspecter les unités engagées au combat dans la province de
Salahuddine. On les voit ensuite dans la province de Diyala, avec
l'uniforme la brigade. Une autre photo les montre en inspection sur
Camp Speicher, dans la province de Tikrit.
Sur un autre cliché, alors qu'on les voit en vol vers Tikrit, ils
sont accompagnés d'un général irakien.
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Le même tireur SVD que sur la photo plus haut. |
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Les mortiers de 82 mm de la brigade en action. |
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Portait de combattants ; l'homme de gauche tient à la fois une M4 et un AKM. De manière générale, les hommes de la briagde apparaissent "surarmés", certains portent même des pistolets attachés aux chevilles sur certaines vidéos. |
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AAH a gardé de son action indirecte contre les troupes américaines une forte présence de mortiers pour l'appui-feu. |
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Ces camions légers sont équipés sur la plage arrière d'une mitrailleuse lourde DShK de 12,7 mm, la brigade en a plusieurs de ce type. |
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Tir de mortier la nuit. Plusieurs séquences laissent penser que la brigade conduit aussi des opérations nocturnes, ponctuellement, et pas seulement pour la propagande en ligne. |
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Un groupe de la brigade conduit une opération de déminage dans la province de Diyala. |
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Les technicals avec mitrailleuse lourde de 12,7 mm en action. |
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Cérémonie pour les 3 combattants de la brigade tués et ramenés par hélicoptère Mi-8. Les drapeaux du groupe recouvrent les cercueils. |
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Autre vue de la même scène. |
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2 Mi-8 viennent de déposer les corps, un impressionnant cortège les attend. |
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Vue de l'arrivée des Mi-8 quelques instants plus tôt. |
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Les responsables d'AAH en visite sur le front, portant l'uniforme de la brigade. |
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A côté des responsables d'AAH, à droite, un général de l'armée irakienne. |
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Les responsables d'AAH en visite au camp Speicher, près de Tikrit. |
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Dans l'avion, en route vers le front. L'homme du milieu, un cadre important d'AAH, ainsi que celui de droite, apparaît dans de nombreuses photos. |
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Un affût ZPU-4 avec 4 mitrailleuses KPV en 14,5 mm utilisé en tir tendu. |
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Après la bataille à Tur Khuzmatu, les combattants de la brigade se réjouissent en tirant en l'air. |
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Une mitrailleuse lourde de 12,7 mm utilisée à Tur Khuzmatu. |
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Un mortier de 82 mm ouvre le feu sur les positions de l'EI. |
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Toujours le tir de mortier. |
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Un pick-up de l'EI a été incendié à Tur Khuzmatu. |
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Le premier homme tire à la PK à la hanche, l'homme à l'arrière-plan est armé d'un M4. |
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Rafale de PK d'un combattant de la brigade. |
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La jeep avec le Type 63 en action. |
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La roquette du Type 63 file vers son objectif. |
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La roquette est partie, elle est visible en vol. |
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Un Toyota Hilux frappé de l'étendard noir de l'EI a été abandonné. Il est inspecté par les combattants de la brigade. |
Le
16 août, la brigade de l'Imam Al-Ali annonce encore avoir tué 5
combattans de l'EI à Mossoul.
Deux jours plus tard, une nouvelle vidéo montre les chefs d'AAH en
visite auprès des combattants de la brigade, avant que ceux-ci ne
partent en direction d'Amerli, une bourgade de Turkmènes chiites
assiégée depuis le mois de juin par l'EI, à 180 km au nord de
Bagdad.
Le 21 août, une vidéo présente la milice au combat en compilant
notamment les vidéos précédentes et en y ajoutant quelques
extraits. L'insistance est plus de mise que de coutume sur les
portraits de combattants, les symboles chiites (jusqu'au baiser sur
le cercueil d'un des trois martyrs tués en août), et les convois de
véhicules.
Un communiqué du 22 août montre que la brigade combat encore
largement dans la province de Salahuddin, de Samarra au camp
Speicher.
Le 23 août, on voit d'ailleurs le secrétaire général d'AAH au
sanctuaire chiite de Samarra.
Le lendemain, une autre vidéo montre un convoi en route vers Amerli
et les préparatifs de l'expédition.
Une autre vidéo montre le cortège funéraire de deux combattants
tués dans les combats pour lever le siège d'Amerli :
un cadre, Saeb Al Aboodi et un milicien, Mostafa Shehab Al-aboudi.
Les deux martyrs sont enterrés à Najaf.
La vidéo suivante de la brigade, postée le 26 août, montre le
cadre tué à Amerli, Saeb Al Aboodi, pendant les opérations à Tuz
Khurmatu, plus tôt dans le mois.
Une autre postée le même jour montre les funérailles de ce même
cadre.
La brigade combat manifestement toujours à Tuz Khurmatu.
La dernière vidéo de la brigade étudiée ici (je me suis arrêté
au 26 août) est une compilation des clips précédents enrichie de
quelques images supplémentaires, sur un fond musical chiite repris
souvent, avec également incorporation d'images de lieux saints ou de
combats historiques à travers des films, comme la bataille de
Kerbala.
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Convoi de la brigade en route vers le front. |
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Le cadre d'AAH effectue une visite au sanctuaire chiite de Samarra. |
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Enterrement d'un commandant de la brigade et d'un milicien tués lors de la poussée vers Amerli, à Najaf. |
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Poster montrant Saeb Al Aboodi, cadre de la brigade tué lors de la poussée vers Amerli. |
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Saeb Al Aboodi et le milicien tué lors de la poussée vers Amerli, sur les posters du cortège funéraire. |
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Le pick-up noir transporte le corps de Saeb Al Aboodi. |
Conclusion
L'étude
des communiqués, documents audiovisuels et autres de la brigade Imam
al-Ali, une des composantes d'AAH en Irak, permet de tirer quelques
enseignements sur ses modes opératoires tactiques, son armement, son
équipement, son idéologie au combat contre l'EI. De la période de
l'occupation américaine, le groupe a conservé l'utilisation d'armes
indirectes, mortiers de 82 mm ou approchant et roquettes, tirées
seules ou en salves à partir de véhicule, comme le montre l'unique
jeep dotée d'un Type 63 chinois que l'on voit fréquemment
dans les vidéos, en action ou au sein des convois, fusils de
précision (avec apport d'armes lourdes iraniennes). Il conserve
aussi l'emploi d'armes occidentales en plus des armes soviétiques ou
chinoises, notamment pour les armes de poing : fusils d'assaut
M4 ou M16, SA 80, etc. A l'ensemble se rajoutent quelques armes
lourdes comme les mitrailleuses de 12,7 mm, DshK ou M2, et l'affût
quadruple de KPV 14,5 mm ZPU-4 que l'on peut observer sur les vidéos.
Mais
la brigade Imam al-Ali a aussi cette particularité, sur la période
allant de fin juin à fin août 2014 que nous avons étudié, de
travailler de concert avec l'armée et les forces de sécurité
irakiennes contre l'EI. Non seulement on observe des officiers
généraux qui accompagnent l'encadrement de la milice en inspection
sur le front, mais les hélicoptères Mi-8 qui servent à
aérotransporter les combattants ou les corps des « martyrs »
sont fournis par les forces régulières. De même que les Humvee
et probablement d'autres équipements que l'on observe au sein des
convois de la brigade sur les vidéos. L'étude confirme donc ce que
nombre de spécialistes avaient mis en avant : l'étroite
imbrication, depuis des mois, des « groupes spéciaux »
iraniens et des forces régulières irakiennes dans le combat contre
ce qui est devenu en juin dernier l'EI. Sur le plan tactique, la brigade de
l'Imam al-Ali, qui normalement correspond à la subdivision sud
d'AAH, n'est jamais vue au combat dans cette région. Elle opère
dans un arc de cercle qui va de la province d'Anbar, à l'ouest de
Bagdad (Ramadi), au nord de la capitale et jusqu'au nord-est, avec les
provinces de Salahuddine et de Diyala. Ses unités ont combattu en
particulier dans la localité de Tuz Khurmatu, d'où proviennent de
nombreux documents iconographiques, et pour lever le siège d'Amerli.
Il n'est donc probablement pas exclu qu'une formation de la brigade
ait pu commettre le massacre de la mosquée située dans la province
de Diyala, le 21 août dernier. Je n'ai pas d'explication à fournir
pour cette incohérence au niveau de la répartition géographique,
sauf peut-être que la menace de l'EI sur le flanc sud de Bagdad,
notamment au nord de la province de Babil, est peut-être traitée
par d'autres formations ce qui permet dans ce cas à la brigade de
faire tourner ses forces là où elles sont nécessaires. Autre
hypothèse : les subdivisions d'AAH correspondraient davantage à
des bassins de recrutement qu'à des zones d'action opérationnelle.
Sur plan de l'engagement au feu, la brigade de l'Imam al-Ali se
présente avant tout comme une force d'infanterie légère bien
entraînée, très mobile via les pick-up et autres technicals
improvisés, sans parler des véhicules fournis par l'armée
irakienne (et jusqu'aux hélicoptères donc). La brigade fait un
large usage de son appui-feu indirect pour « ramollir »
la résistance avant l'assaut : mortiers, roquettes (notamment
le LRM monté sur jeep), mitrailleuses lourdes ou
antiaériennes en tir tendu, quelques lance-roquettes antichars.
L'effectif est difficile à estimer mais il est probable que la seule
brigade de l'Imam al-Ali aligne plusieurs centaines de combattants,
de ce qu'on peut voir des images, et elle ne constitue qu'un quart du
total.
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Le premier emblème de la brigade Imam al-Ali, subdivision d'AAH. |
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Deuxième emblème de la brigade de l'imam al-Ali que l'on voit souvent dans les documents du groupe. |
Le
niveau de pertes admis est relativement faible (moins d'une dizaine
de tués sur la période considérée), preuve, probablement, que les
engagements ne sont pas forcément très soutenus, mais peut-être
aussi, néanmoins, que la milice a un degré notable d'efficacité,
ce qui serait assez logique vu son historique. Sur le plan
idéologique, AAH fait une large place à l'imagerie chiite
combattante : Ali et son épée à deux pointes, Zulfiqar,
Abbas, le drapeau rouge d'Huseyn, sans compter le culte traditionnel
porté aux « martyrs », comme on le voit très
bien dans le cas de la brigade de l'Imam al-Ali. Les emblèmes
choisis par le groupe sont de ce point de vue instructifs. Le premier, sur
fond vert, présente la carte de l'Irak dans laquelle est contenu un
dôme doré, probablement celui du tombeau d'Huseyn à Kerbala. De
part et d'autre de la carte, l'épée à deux pointes d'Ali, le tout
environné de vert. Un second insigne, que l'on retrouve parfois sur
les épaules des combattants ou d'autres parties de leur uniforme,
consiste en en cercle sur fond jaune, contenant toujours les deux
épées, la carte de l'Irak en vers mais avec cette fois une AK-47 en
position centrale. On se rapproche ici de l'emblème du Hezbollah
libanais, formateur initial d'AAH, et de l'emblème de la milice AAH
elle-même. Car quand bien même AAH a évolué au fil des années,
devenant un parti politique en plus d'une organisation armée, il
n'en demeure pas moins étroitement liée à l'Iran, qui par
l'intermédiaire des « groupes spéciaux »,
dispose en Irak, mais aussi en Syrie, de pions supplémentaires en
plus de ses Pasdarans. Des pions dont l'importance est
peut-être plus considérable encore dans le second pays, mais en
Irak, les événements de ces deux derniers mois montrent qu'ils
constituent une force non négligeable : c'est parce que AAH et
les autres « groupes spéciaux » ont « lâché »
N. Al-Maliki qui celui-ci, entre autres, a été contraint à la
démission.
Ce sont donc des acteurs qui ne sont pas à sous-estimer.