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Un groupe plus que « spécial » ? Asaib Ahl al-Haq en Irak et en Syrie

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Asaib Ahl al-Haq (AAH), véritable tête de pont de l'Iran en Irak depuis 2006, a connu des évolutions notables jusqu'à l'offensive actuelle de ce qui est devenu l'Etat Islamique (EI) dans le nord du pays. Conçu comme le noyau des « groupes spéciaux » censés renouveler les attaques des milices chiites contre les forces américaines, le groupe est devenu, après le retrait des Etats-Unis, une formation politique capable de concurrencer le sadrisme. Mais l'appareil militaire, contrairement à ce qui avait été annoncé, n'a jamais disparu : dès 2012, il fournit des combattants aux milices étrangères pro-régime en Syrie, puis, devant la montée en puissance d'al-Qaïda en Irak devenu EIIL en 2013, combat de plus en plus en Irak. Le Premier Ministre Nouri al-Maliki a su aussi récupérer AAH et ses soldats pour faire pièce à ses opposants chiites, mais aussi pour combattre l'EIIL dès janvier 2014 dans la province d'Anbar entrée en rébellion sous les auspices du groupe djihadiste. Après l'offensive de l'EIIL dans le nord et la chute de Mossoul, AHH et ses miliciens sont en première ligne, à tous les points cardinaux autour de Bagdad, pour affronter l'EI, mais perpètre aussi, de nouveau, des massacres sectaires contre les sunnites. L'étude de la production, sur les réseaux sociaux, d'une des brigades irakiennes d'AAH permet d'approcher non seulement le mode opératoire de l'organisation, ses tactiques, son équipement, les lieux où elle combat, mais aussi l'idéologie qui est véhiculée et qui s'assimile largement à celles des groupes étrangers financés, armés et encadrés par l'Iran depuis plusieurs décennies.




Le noyau des « groupes spéciaux » iraniens en Irak (2006-2008)


Asaib Ahl al-Haq est probablement le noyau des « groupes spéciaux » iraniens en Irak tels que les Américains ont pu les définir à partir de juillet 20071. Plus précisément, ces « groupes spéciaux » liés à Qais Khazali, qui en est le parrain, naissent à la mi-2006, pendant l'occupation américaine de l'Irak. Ils constituent un nouvel effort de la part de la force al-Qods des Pasdarans iraniens et du Hezbollah pour entraîner, armer et financer des milices chiites en Irak.

Logo de AAH.


Khazali est un ancien du mouvement sadriste en Irak. Il rompt avec Moqtada al-Sadr au moment de la seconde insurrection à Najaf, en août 2004. En septembre 2004, il retourne dans le quartier de Sadr City à Bagdad et conduit ses propres opérations en dehors de celles de l'armée du Mahdi, la milice sadriste. En octobre, il ignore le cessez-le-feu conclu entre Moqtada al-Sadr et le gouvernement irakien. Moqtada al-Sadr semble alors se réconcilier avec Khazali, mais celui-ci dirige sa propre faction à l'intérieur du mouvement sadriste jusqu'en mars 2005 au moins.

Qais Khazali, chef et fondateur d'AAH.-Source : http://english.al-akhbar.com/sites/default/files/imagecache/5cols/leading_images/Qais_al-Khazali_pic_1.jpg


Il est impossible de dire jusqu'à quand dure cette réconciliation mais Khazali choisit de piloter les « groupes spéciaux » iraniens en juin 2006, soit à peine un an plus tard. Les membres des groupes spéciaux reçoivent un entraînement en Iran fourni par des membres du Hezbollah. Ils voyagent par groupes de 20 à 60, et leur entraînement dure de 4 à 6 semaines. Ils apprennent l'utilisation des mortiers, des roquettes, des fusils de précision, la collecte de renseignements, les kidnappings et l'utilisation des EFP (Explosively-Formed Penetrators, un type particulièrement létal d'IED qui peut venir à bout des véhicules lourds).

Le 20 janvier 2007, des membres déguisés avec uniformes, véhicules et cartes d'identité, attaquent le centre de coordination provinciale de Kerbala où se tient une réunion d'Américains et d'Irakiens pour discuter des mesures de sécurité durant le pélerinage de l'ashura. Les groupes spéciaux tuent 5 soldats américains et en blessent 3 autres. Les renseignements réunis par les Américains permettent cependanr d'arrêter Qais Khazali, son frère Laith et un membre du Hezbollah, Ali Musa Daqduq, à Bassorah, le 20 mars suivant. Akram al‐Kabi prend la suite. Il dirige l'Armée du Mahdi jusqu'en mai 2007 avant d'être révoqué par Muqtada al-Sadr. Les « groupes spéciaux », après une nouvelle période d'entraînement, privilégient désormais les attaques au mortier et à la roquette, indirectes, dès le début 2008. Devant la traque menée par les forces de la coalition et l'armée irakienne, des milliers de membres des « groupes spéciaux » n'hésitent pas à se réfugier en Iran puis à revenir plus tard.

Asaib Ahl al-Haqq (AAH) apparaît dès le mois de juin 2006 quand sont créés les groupes spéciaux. D'après le gouvernement américain, Abdul Reza Shahlai (alias Hajji Yusif), un commandant adjoint de la force al-Qods, fournit une assistance à Khazali pour la création d'AAH. Sa première attaque revendiquée a lieu pour soutenir le Hezbollah alors en guerre contre Israël. Dès 2006, elle se divise en quatre sous-commandements : la brigade de l'imam al-Ali, responsable pour le sud de l'Irak ; la brigade de l'imam al-Khazem, qui opère à l'ouest de Bagdad ; la brigade de l'imam al-Hadi, qui est à l'est de la capitale ; et la brigade de l'imam al-Askeri responsable des provinces de Diyala et Kirkouk. AAH commence par des attaques au mortier, à la roquette ou des tirs de snipers, mais la publicité de ces actions n'est faite massivement qu'à l'été 2007, ce qui montre qu'il y a eu sans doute réorganisation durant le premier semestre de cette année. La milice opère surtout dans le quartier de Sadr City et aux alentours ; de mai à juillet 2008, de nombreux combattants se réfugient en Iran pour échapper à la capture après l'offensive des forces de la coalition sur le quartier. En août, Moqtada al-Sadr annonce la dissolution de l'Armée du Mahdi et la formation d'une milice plus réduite et plus disciplinée, les Brigades du Jour Promis.

A l'été et à l'automne 2008, AAH multiplie les attaques à l'EFP, les kidnappings, les intimidations et les actes de violence sectaire. En septembre, Akram al‐Kabi est désormais à la tête du mouvement. Il est difficile de savoir si AAH a existé aux côtés des « groupes spéciaux » ou en a été le noyau. Une spécialiste américaine, dès 2008, penchent pour la seconde hypothèse, qui est la plus probable2. Un mois plus tard, les Américains arrêtent un des responsables financiers d'AAH avec plus de 400 000 dollars.


L'Iran change de mode opératoire en Irak (2008-2012)


L'Iran, en créant les groupes spéciaux, cherche aussi à rééditer le modèle du Hezbollah et à installer en Irak des formations qui pourront se prévaloir de leur résistance à l'occupant américain après le retrait des Etats-Unis de l'Irak3. Téhéran avait ainsi prévu des groupes opérant ouvertement et d'autres de manière clandestine, et ce dès avant l'invasion de l'Irak en 2003 par les Américains. A l'été 2009, les « groupes spéciaux », après leur retrait de 2008, se réinstallent progressivement en Irak, profitant du fait que la sécurité à l'intérieur des villes, où ils opèrent essentiellement, est laissée aux forces irakiennes. Jusqu'au mois de mars 2010, le Premier Ministre irakien Nouri al-Maliki, pour s'attirer les bonnes grâces des chiites, met son veto à une opération dirigée contre les « groupes spéciaux » par l'armée irakienne et les Américains, pourtant réclamée par les Etats-Unis. Le gouvernement irakien fait également relâcher les prisonniers issus des « groupes spéciaux » au fur et à mesure qu'ils sont transférés à son autorité par les forces américaines. Khazali est ainsi échangé contre le Britannique Peter Moore, kidnappé, le 5 janvier 2010 par AAH en 2007.

L'Iran a clairement changé de mode opératoire, après avoir essayé d'appliquer en Irak le succès rencontré par le Hezbollah durant la guerre contre Israël à l'été 2006, jusqu'en 20074. Désormais, il favorise la promotion d'Irakiens dans les cellules des groupes spéciaux et envoient plus discrètement ses Pasdarans, pour éviter les arrestations importantes des années 2005-2007. L'Iran contrôle aussi plus étroitement l'utilisation des armes fournies : le chef de cellule est comptable pour chaque armement, y compris les EFP, fournissant les moyens aux combattants les plus expérimentés et les mieux payés (de 4 à 13 000 dollars pour une attaque à la roquette ou à l'IED). Le passage par la frontière des armements n'a pas foncièrement changé : par terre ou voie d'eau, avec l'appui des forces armées iraniennes, en profitant de la corruption irakienne, des anciens réseaux de contrebande et du manque d'équipement sophistiqué des garde-frontières. L'Iran privilégie d'ailleurs les forces américaines comme cible principale, et non plus les affrontements sectaires : les roquettes de 107, 122 et 240 mm pleuvent sur les bases américaines. Les attaques sont aussi plus sophistiquées, avec emploi de mortiers de 60 à 81 mm à Bagdad et dans les principales villes, tir de roquette à l'horizontal ou en salves par lance-roquettes multiples montés sur véhicules. Les attaques à l'EFP ciblent les véhicules américains et cherchent à réduire autant que faire se peut les pertes civiles irakiennes. Outre la sophistication des munitions utilisées et les trésors d'imagination déployées par les cellules d'artificiers, celles-ci font aussi usage d'IED en « daisy chain » utilisant de nombreux obus d'artillerie de 122 ou 155 mm reliés entre eux. Les prises sur les stocks d'armes des groupes spéciaux montrent cependant la présence continue de pistolets à silencieux et d'IED magnétiques pour la pose sous les véhicules : les « groupes spéciaux » continuent donc probablement les assassinats ciblés sur des Irakiens.

En juin 2011, les Américains déplorent leur plus haut taux de pertes mensuel depuis trois ans : 14 soldats tués dont 12 par les « groupes spéciaux » iraniens. A ce moment-là, ce n'est pas AAH qui est considéré par l'armée américaine comme la principale menace, mais un autre groupe spécial, Kataib Hezbollah, qui est beaucoup plus, lui, une extension de la force al-Qods en Irak. Il comprend 500 à 1 000 membres et recrute largement parmi les vétérans du corps Badr, une organisation iranienne bien antérieure à l'invasion américaine de 2003. Kataib Hezbollah opère en véritables unités commandos à l'image de certaines formations du Hezbollah libanais ou de la force al-Qods : copies iraniennes du H&K MP5, copies chinoises du fusil d'assaut M16A1, gilets pare-balles, visées optiques, jumelles de vision nocturne, lance-roquettes antichars RPG-29 et même lance-missiles sol-air portables5.

Un supporter d'AAH, en janvier 2012. Source : http://images.alarabiya.net/af/f5/640x392_21029_186825.jpg

Ci-dessous, vidéo de propagande de Kataib Hezbollah (juin 2014).




La libération d'Ali Mussa Daqduq, en novembre 2012, rappelle pourtant que AHH a des liens étroits avec l'Iran et le Hezbollah. Daqdud rend compte à Youssef Hashim, qui dirige les opérations spéciales du Hezbollah, et lui-même est redevable devant Abdul Reza Shahlai, qui chapeaute alors les opérations extérieures de la force al-Qods des Pasdarans iraniens. Shahlai est par exemple derrière la tentative d'assassinat de l'ambassadeur saoudien à Washington en 2011. Tous sont eux-mêmes sous le regard étroit de Qasseim Soleimani, le chef de la force al-Qods6.

Après le retrait américain en décembre 2011, AAH annonce la fin de son activité armée et rejoint le paysage politique irakien. Le groupe se calque sur le modèle du Hezbollah pour obtenir le soutien populaire. En 2012, AAH se reformate comme une organisation nationaliste de résistance islamique, visant les minorités, installant des bureaux politiques partout à travers l'Irak. Elle déploie aussi une activité charitable et devient une véritable force politique. Mais AAH, et ce depuis 2006, est en concurrence avec le mouvement sadriste. La campagne d'assassinats politiques ciblés en 2012 montre que la milice du mouvement n'a pas disparu, loin de là. Désormais dirigée par Hassan Salem, elle est même capable de se projeter en dehors de l'Irak, si besoin, sur demande de l'Iran, comme le montre l'intervention aux côtés du régime syrien. Depuis 2010, AAH est particulièrement présente à Bagdad, où elle entretient deux bureaux politiques et organise de nombreuses manifestations publiques. Ailleurs dans le pays, l'organisation a même réussi à investir des bastions historiques du mouvement sadriste. Les réseaux religieux chiites sont eux aussi infiltrés par le biais de l'école du « Sceau des Apôtres », à des fins de propagande et de recrutement. C'est une façon de promouvoir les intérêts iraniens tout en ayant un discours d'unité nationale. Dès 2011, AAH s'est également installé au Liban, ouvrant une représentation politique à Beyrouth, ce qui témoigne là encore d'un soutien important de l'Iran.


Du combat en Syrie au retour en Irak contre l'EEIL/EI (2012-2014)


AAH est intervenue de plusieurs façons différentes aux côtés du régime syrien. Elle alimente en combattants la plus ancienne milice étrangère pro-régimen, Liwa Abou Fadl al-Abbas (LAFA), apparue dès l'automne 20127. Elle en fournit aussi à Liwa Zulfiqar, une nouvelle milice pro-régime créée à partir de LAFA en juin 2013, au moment où le soutien étranger de l'Iran et du Hezbollah auprès du régime syrien est de plus en plus manifeste et massif8. Elle est probablement aussi partie prenante dans une autre milice pro-régime, Liwa Ammar Ibn Yassir, qui est l'une des premières à ne pas intervenir dans la région de Damas, en particulier pour protéger le sanctuaire chiite de Zaynab, au sud de la capitale, mais à Alep9. Enfin, en juillet 2013, AAH dévoile la structure qui accueille ses combattants en Syrie, une sorte de corps expéditionnaire en quelque sorte : Asa’ib Ahl al-Haq-Liwa’a Kafeel Zaynab. Ce corps expéditionnaire collabore étroitement avec le Hezbollah libanais en Syrie, ce qui n'est pas étonnant puisque le Hezbollah a participé à la formation initiale et continue d'AAH. Muhammad al-Tabatabai, un ancien chef sadriste et fondateur d'AAH, a même visité les miliciens engagés en Syrie à l'été 201310. AAH continue aussi d'alimenter de nouvelles milices « paravents » en Syrie, comme Liwa’a al-Hamad11 ou Faylak Wa’ad al-Sadiq12. Au final, AAH est sans doute le « groupe spécial » iranien en Irak qui contribue le plus, en nombre de combattants, au soutien du régime syrien13.


Ci-dessous, des combattants d'Asaib Ahl al-Haqq en Syrie, à Alep.



En Irak, AAH se trouve en première ligne à partir du moment où l'EIIL réinvestit la province d'Anbar, à l'ouest de Bagdad, profitant du mécontentement sunnite à l'égard du gouvernement de N. Al-Maliki, en décembre 2013. Dès ce mois-ci, probablement, AAH redéploie une partie de ses vétérans de Syrie vers l'Irak, pour opérer dans la province d'Anbar en particulier14. Cet engagement contre l'EIIL vaut à AAH d'être pris pour cible par ce dernier : le 26 avril 2014, un rassemblement politique à Bagdad est victime d'un attentat kamikaze, qui tue 37 personnes, dont 10 vétérans des combats en Syrie. AAH est aussi accusé par l'opposition chiite au Premier Ministre, et notamment le mouvement sadriste, de fournir des hommes à une force spéciale paramilitaire chargée à la fois d'opérations de police contre l'EIIL dans la province d'Anbar, mais aussi de cibler les opposants chiites à N. Al-Maliki. Ce dernier utilise aussi les services d'AAH dans la province de Diyala, au centre-est de l'Irak : la milice est accusée d'avoir exécuté de sang froid, dans la ville de Buhriz, 23 civils en mars 2014. AAH est également pointée du doigt dans le « nettoyage » de tribus sunnites autour de la ville de Bassorah, pour garantir une population chiite homogène dans la région15. D'après le blog Musings on Iraq, c'est en fait dès le début de l'année 2013 que AAH a recentré une partie de son activité militaire en Irak, en raison du renouveau de ce qui est devenu l'EIIL dans ce pays, après s'être engagé en Syrie et dans l'activisme politique en 201216. Ce recours aux milices des « groupes spéciaux iraniens » se fait avec l'aval du Premier Ministre Al-Maliki, non seulement pour affaiblir ses adversaires chiites mais aussi pour se constituer une sorte d'armée privée : les miliciens sont intégrés dans la structure des forces de sécurité et de l'armée et en reçoivent les uniformes, les insignes, si ce n'est les armes.

AAH accélère l'effort de recrutement en Irak, pour contrer la menace grandissante de l'EIIL, dès le mois d'avril 2014, à l'instar des autres groupes spéciaux iraniens comme Kataib Hezbollah. Ceux-ci travaillent en étroite collaboration avec les forces de sécurité et l'armée irakienne. C'est ainsi qu'AAH participe aux combats pour Falloujah dans la province d'Anbar dès le mois de janvier (un de ses commandants, qui a combattu en Syrie, est d'ailleurs tué17). Dès le 5 juin, avant même la chute de Mossoul aux mains de l'EIIL, AAH est présente, avec nombre d'autres milices des groupes spéciaux et autres, dans la ville sainte pour les chiites de Samarra18. En raison de l'effondrement d'une partie de l'armée irakienne et des difficultés de cette dernière à conduire la contre-offensive face à ce qui est devenu l'Etat Islamique (EI), les groupes spéciaux iraniens, et AAH en particulier, constituent désormais un acteur avec lequel il va falloir compter sur le plan militaire. Ce qui n'empêche pas AAH de revenir à une logique sectaire : le 21 août, une unité de miliciens associé à AAH a probablement commis un massacre contre des sunnites dans une mosquée de la province de Diyala, où les groupes spéciaux (en particulier l'organisation Badr pour cette province) sont particulièrement présents19. AAH avait déjà été accusée de l'exécution de 50 Irakiens dans la province de Babil, au sud de Bagdad, au mois de juillet 201420.


Ci-dessous, des combattants d'AAH aux côtés de l'armée irakienne au combat contre l'EI dans la province de Diyala (juillet 2014).




Un exemple d'unité d'AAH au combat contre l'EI en Irak : la brigade de l'Imam Al-Ali


Kataab Imam Ali, ou la brigade de l'imam al-Ali, la subdivision pour le sud de l'Irak de AAH, représente un exemple intéressant de la production du groupe en ligne, via les réseaux sociaux21, à propos de ses opérations militaires, en particulier contre l'EI, en Irak.

Une première vidéo, le 2 juillet, constitue pour ainsi dire une bande-annonce de présentation de la brigade. Sur fond de chant chiite en l'honneur de Kataab Imam Ali, on peut distinguer les hommes à l'entraînement, de nuit, manipulant mortiers et roquettes pour les attaques indirectes, mais aussi des armes légères, M4, fusil d'assaut britannique SA80 de prise, lance-roquettes antichar, etc. Les hommes qui s'entraînent de nuit ont le visage noirci et sont équipés de tenues militaires. D'autres extraits montrent les combattants de la brigade intégrés aux forces régulières irakiennes. Le tout est entrecoupé de clips montrant soit les villes chiites irakiennes, soit des personnages importants du chiisme, en particulier Ali et son épée à deux pointes Zulfiqar, ou des emblèmes de celui-ci, comme le drapeau rouge d'Huseyn, le fils d'Ali tué à la bataille de Kerbala, qui est au-dessus de la tombe de celui-ci22. La publication du premier emblème de la brigade, le 3 juillet, s'accompagne d'un texte précisant qu'une des sous-unités de la brigade est partie combattre dans la province de Diyala, au nord-est de Bagdad, ce qui montre que les formations circulent apparemment volontiers dans les subdivisions en fonction des besoins23. Le lendemain, la brigade de l'imam Ali indique avoir repris des positions à l'EI dans la province d'Anbar, à l'ouest de Bagdad, et publie une photo montrant quelques munitions capturées24. Ce même jour, la brigade loue l'effort de sa composante logistique qui ravitaille en munitions les combattants de première ligne25.

Un combattant de la brigade Imal al-Ali avec un RPG-7 muni d'une roquette tandem.

Les combattants d'AAH sont manifestement bien équipés individuellement.

Les membres d'AAH avec les uniformes et l'équipement de l'armée irakienne.

Manoeuvres nocturnes pour une vidéo de promotion. Un combattant épaule un lance-roquettes antichar RPG-29.

Visage noirci, arme occidentale ou sa copie étrangère pour ce combattant de la brigade Imam al-Ali.

Première vue de la copie iranienne du fusil de sniping lourd en 12,7 mm Steyr HS 50. La brigade en a au moins un exemplaire.

La même arme.

Un combattant équipé d'un M4.

Au premier plan, ce combattant camouflé vise avec un SA80 britannique.

Autre vue d'un combattant armé d'un M4, ou sa copie étrangère, et d'un lance-grenades.

Une batterie de roquettes individuelles est préparée pour le tir.

Un tube lance-roquettes est chargé.

Autre vue de la batterie de roquettes préparée par la brigade.




Le 8 juillet, le groupe publie une photo de combattants utilisant une mitrailleuse lourde M2 de 12,7 mm26. Toujours le 8, la brigade remet en ligne la photo de la province d'Anbar accompagnée d'un commentaire précisant que la prise d'explosifs et de containers pour les dissimuler (une nouvelle photo est ajoutée) s'est faite dans la région de Ramadi27. Le 13 juillet, ce sont les snipers de la formation des opérations spéciales qui sont mis en avant : deux photo présentent les tireurs d'élite armés non seulement d'un Dragunov mais aussi d'un HS 50 Steyr ou plutôt sa copie iranienne, l'AM-5028. Cette dernière arme a été utilisée par le Hezbollah et les milices étrangères pro-régime en Syrie29, mais on l'a vu aussi plus récemment entre les mains de l'armée irakienne, avec des passerelles possibles entre les deux composantes30. Un de ces fusils anti-sniper apparaît déjà dans la vidéo du 2 juillet. Le 14 juillet, un groupe de combattants de la brigade de l'imam Ali pose à côté d'un hélicoptère Mi-8 de l'armée irakienne : il aurait pris part à des combats dans la province de Salahuddine contre l'EI, aux côtés des formations régulières31. La brigade prétend d'ailleurs avoir combattu contre des Tunisiens appartenant à l'EI32. Le lendemain, 15 juillet, la page Facebook du groupe montre une photo où l'on voit un homme déployer un drapeau avec des symboles chiites, dont probablement Ali et Abbas, le combattant de la bataille de Kerbala aux côtés d'Huseyn, mais aussi un dôme doré33.

Véhicule de la brigade Imam al-Ali. On reconnaît l'emblème de la brigade.

Ramadi, province d'Anbar : la brigade expose des munitions prises à l'EI et qui auraient servi à fabriquer des pièges explosifs.

Autre vue de la même scène, les bidons servent de containers aux engins.

Une mitrailleuse M2 de 12,7 mm utilisée par les combattants chiites de la brigade.

La brigade de l'Imam al-Ali dispose apparemment d'au moins un exemplaire de la copie iranienne du fusil de sniping lourd Steyr HS 50.

La même arme avec un autre sniper équipé d'un SVD Dragunov à droite.

Photo de groupe. On note que la plupart des miliciens sont équipés de M16/M4 américains.

Les photos de groupe mettent comme souvent en évidence le drapeau et les autres emblèmes de la brigade.

Devant un Mi-8 de l'armée irakienne : les combattants de la brigade ont probablement été aérotransportés durant les opérations du mois de juillet.

Un drapeau qui montre la tombe, probablement, de l'imam Huseyn à Kerbala. Le personnage central est probablement Ali ; en haut à droite, peut-être Abbas, le compagnon d'Huseyn à Kerbala.


Le 16 juillet, la brigade Imam al-Ali publie une première photo de ses véhicules en opération en Irak : des roquettes tirées depuis des LRM (Type 63 chinois probablement, 107 mm) montés sur véhicules légers34. Le même jour, une photo montre un convoi de la brigade se diriger vers la province de Salahuddine, mélangé à des véhicules de l'armée régulière dont au moins un Humvee35. Le 17 juillet, les snipers sont une nouvelle fois mis à l'honneur avec une photo montrant un tireur délite portant un SVD Dragunov36. Une autre photo de groupe est accompagnée d'un commentaire mentionnant la participation à des combats contre l'EI dans la province de Diyala37. Le lendemain, le groupe met en ligne une photo de combattants transportés dans des pick-ups flambant neuf38. Le 26 juillet, un billet proclame le soutient de la brigade aux chrétiens chassés de Mossoul et accueillis à Bagdad39. Le lendemain, un communiqué d'opérations précise que la brigade participe à l'encerclement de Tikrit en vue d'une contre-attaque contre l'EI qui s'est emparé de la ville précédemment40. Ce même jour, la brigade revendique l'élimination de 11 combattants de l'EI pour la seule province de Diyala41.

La première photo postée par le groupe montrant une jeep équipée d'un LRM Type 63 chinois, qui est fréquemment utilisé.

Convoi de la brigade, avec un Humvee de l'armée irakienne à l'arrière-plan. On note le second emblème de la brigade à gauche.

Le Type 63 monté sur Jeep en action.

Sur cette photo de groupe, on distingue plusieurs dizaines de combattants de la brigade, dont l'effectif se monte probablement à plusieurs centaines d'hommes.

Un tireur d'élite armé d'un Dragunov que l'on verra apparaître à plusieurs reprises sur les photos du groupe.

Convoi de la brigade. Les pick-ups sont flambant neuf.

Sur la ligne de front, les hommes de la brigade sont abrités derrière une levée de terre.


Le 2 août, une photo montre les mortiers de la brigade en action42. Une autre photo postée la même journée montre toujours le même tireur d'élite équipé de son SVD Dragunov43. Le même jour, la brigade revendique la mort de 10 combattants de l'EI dans la région de Mossoul, dont un Saoudien44. Le 4 août, la brigade prétend avoir incorporé dans ses effectifs présents dans la région 125 jeunes gens volontaires45. Le 6 août, la brigade ajoute 4 membres de l'EI de plus à son actif à Mossoul46. Le 9 août, elle revendique l'assassinat, lors d'une opération spéciale, d'un responsable de recrutement étranger de l'EI, toujours à Mossoul47. Ce même jour, des photo montrent des camions civils légers sur lesquels ont été montés des mitrailleuses lourdes DShK de 12,7 mm48. La brigade dispose aussi d'une unité du génie qui procède à la neutralisation de mines et autres engins explosifs installés par l'EI sur les routes de la province de Diyala49. Des mortiers sont également utilisés, en batterie, dans les combats contre l'EI dans cette dernière province50. Le 11 août, 3 corps de tués de la brigade sont rapatriés par hélicoptère Mi-8 de l'armée irakienne ; les cercueils, portés par les miliciens, recouverts du drapeau de la brigade et du drapeau de l'Irak, sont promenés à travers les rues51. Deux jours plus tard, la brigade revendique la mort de 4 combattants de l'EI à Mossoul52. Une vidéo mise en ligne le 14 août montre les corps des 3 combattants décédés rapatriés par Mi-8 et accueillis par des convois de véhicules marqués de l'emblème de la brigade53. Le 15 août, une vidéo permet de voir le LRM Type 63 monté sur jeep tirer sur Tuz Khurmatu, une ville d'un district de la province de Salahuddine, à environ 90 km au sud de Kirkouk, occupée par l'EI54. Une autre vidéo montre les combats dans ce secteur : les fantassins, abrités derrière des levées de terre, tirent notamment à la mitrailleuse PK. La caméra s'attarde sur un Toyota Hilux abandonné par les combattants de l'EI, marqué de l'étendard noir des djihadistes, et sur un autre en flammes. Les miliciens de la brigade, relativement nombreux comme on peut le voir sur une des séquences, fêtent leur victoire par des coups de feu tirés en l'air55. Une troisième vidéo montre des armes lourdes pilonnant les positions de l'EI, toujours dans la province de Salahuddine (district de Yathrib) : pièce quadruple antiaérienne de mitrailleuses KPV en 14,5 mm (ZPU-4), mitrailleuse lourde de 12,7 mm, mortiers de 82 mm56. Ce même jour, une photo montre les responsables d'AAH en vol pour aller inspecter les unités engagées au combat dans la province de Salahuddine. On les voit ensuite dans la province de Diyala, avec l'uniforme la brigade. Une autre photo les montre en inspection sur Camp Speicher, dans la province de Tikrit57. Sur un autre cliché, alors qu'on les voit en vol vers Tikrit, ils sont accompagnés d'un général irakien58.

Le même tireur SVD que sur la photo plus haut.

Les mortiers de 82 mm de la brigade en action.

Portait de combattants ; l'homme de gauche tient à la fois une M4 et un AKM. De manière générale, les hommes de la briagde apparaissent "surarmés", certains portent même des pistolets attachés aux chevilles sur certaines vidéos.

AAH a gardé de son action indirecte contre les troupes américaines une forte présence de mortiers pour l'appui-feu.

Ces camions légers sont équipés sur la plage arrière d'une mitrailleuse lourde DShK de 12,7 mm, la brigade en a plusieurs de ce type.

Tir de mortier la nuit. Plusieurs séquences laissent penser que la brigade conduit aussi des opérations nocturnes, ponctuellement, et pas seulement pour la propagande en ligne.

Un groupe de la brigade conduit une opération de déminage dans la province de Diyala.

Les technicals avec mitrailleuse lourde de 12,7 mm en action.

Cérémonie pour les 3 combattants de la brigade tués et ramenés par hélicoptère Mi-8. Les drapeaux du groupe recouvrent les cercueils.

Autre vue de la même scène.

2 Mi-8 viennent de déposer les corps, un impressionnant cortège les attend.

Vue de l'arrivée des Mi-8 quelques instants plus tôt.



Les responsables d'AAH en visite sur le front, portant l'uniforme de la brigade.

A côté des responsables d'AAH, à droite, un général de l'armée irakienne.

Les responsables d'AAH en visite au camp Speicher, près de Tikrit.

Dans l'avion, en route vers le front. L'homme du milieu, un cadre important d'AAH, ainsi que celui de droite, apparaît dans de nombreuses photos.

Un affût ZPU-4 avec 4 mitrailleuses KPV en 14,5 mm utilisé en tir tendu.

Après la bataille à Tur Khuzmatu, les combattants de la brigade se réjouissent en tirant en l'air.

Une mitrailleuse lourde de 12,7 mm utilisée à Tur Khuzmatu.

Un mortier de 82 mm ouvre le feu sur les positions de l'EI.

Toujours le tir de mortier.

Un pick-up de l'EI a été incendié à Tur Khuzmatu.

Le premier homme tire à la PK à la hanche, l'homme à l'arrière-plan est armé d'un M4.

Rafale de PK d'un combattant de la brigade.

La jeep avec le Type 63 en action.

La roquette du Type 63 file vers son objectif.

La roquette est partie, elle est visible en vol.

Un Toyota Hilux frappé de l'étendard noir de l'EI a été abandonné. Il est inspecté par les combattants de la brigade.



Le 16 août, la brigade de l'Imam Al-Ali annonce encore avoir tué 5 combattans de l'EI à Mossoul59. Deux jours plus tard, une nouvelle vidéo montre les chefs d'AAH en visite auprès des combattants de la brigade, avant que ceux-ci ne partent en direction d'Amerli, une bourgade de Turkmènes chiites assiégée depuis le mois de juin par l'EI, à 180 km au nord de Bagdad60. Le 21 août, une vidéo présente la milice au combat en compilant notamment les vidéos précédentes et en y ajoutant quelques extraits. L'insistance est plus de mise que de coutume sur les portraits de combattants, les symboles chiites (jusqu'au baiser sur le cercueil d'un des trois martyrs tués en août), et les convois de véhicules61. Un communiqué du 22 août montre que la brigade combat encore largement dans la province de Salahuddin, de Samarra au camp Speicher62. Le 23 août, on voit d'ailleurs le secrétaire général d'AAH au sanctuaire chiite de Samarra63. Le lendemain, une autre vidéo montre un convoi en route vers Amerli et les préparatifs de l'expédition64. Une autre vidéo montre le cortège funéraire de deux combattants tués dans les combats pour lever le siège d'Amerli65 : un cadre, Saeb Al Aboodi et un milicien, Mostafa Shehab Al-aboudi66. Les deux martyrs sont enterrés à Najaf67. La vidéo suivante de la brigade, postée le 26 août, montre le cadre tué à Amerli, Saeb Al Aboodi, pendant les opérations à Tuz Khurmatu, plus tôt dans le mois68. Une autre postée le même jour montre les funérailles de ce même cadre69. La brigade combat manifestement toujours à Tuz Khurmatu70. La dernière vidéo de la brigade étudiée ici (je me suis arrêté au 26 août) est une compilation des clips précédents enrichie de quelques images supplémentaires, sur un fond musical chiite repris souvent, avec également incorporation d'images de lieux saints ou de combats historiques à travers des films, comme la bataille de Kerbala71.

Convoi de la brigade en route vers le front.

Le cadre d'AAH effectue une visite au sanctuaire chiite de Samarra.

Enterrement d'un commandant de la brigade et d'un milicien tués lors de la poussée vers Amerli, à Najaf.


Poster montrant Saeb Al Aboodi, cadre de la brigade tué lors de la poussée vers Amerli.

Saeb Al Aboodi et le milicien tué lors de la poussée vers Amerli, sur les posters du cortège funéraire.

Le pick-up noir transporte le corps de Saeb Al Aboodi.



Conclusion


L'étude des communiqués, documents audiovisuels et autres de la brigade Imam al-Ali, une des composantes d'AAH en Irak, permet de tirer quelques enseignements sur ses modes opératoires tactiques, son armement, son équipement, son idéologie au combat contre l'EI. De la période de l'occupation américaine, le groupe a conservé l'utilisation d'armes indirectes, mortiers de 82 mm ou approchant et roquettes, tirées seules ou en salves à partir de véhicule, comme le montre l'unique jeep dotée d'un Type 63 chinois que l'on voit fréquemment dans les vidéos, en action ou au sein des convois, fusils de précision (avec apport d'armes lourdes iraniennes). Il conserve aussi l'emploi d'armes occidentales en plus des armes soviétiques ou chinoises, notamment pour les armes de poing : fusils d'assaut M4 ou M16, SA 80, etc. A l'ensemble se rajoutent quelques armes lourdes comme les mitrailleuses de 12,7 mm, DshK ou M2, et l'affût quadruple de KPV 14,5 mm ZPU-4 que l'on peut observer sur les vidéos.

Mais la brigade Imam al-Ali a aussi cette particularité, sur la période allant de fin juin à fin août 2014 que nous avons étudié, de travailler de concert avec l'armée et les forces de sécurité irakiennes contre l'EI. Non seulement on observe des officiers généraux qui accompagnent l'encadrement de la milice en inspection sur le front, mais les hélicoptères Mi-8 qui servent à aérotransporter les combattants ou les corps des « martyrs » sont fournis par les forces régulières. De même que les Humvee et probablement d'autres équipements que l'on observe au sein des convois de la brigade sur les vidéos. L'étude confirme donc ce que nombre de spécialistes avaient mis en avant : l'étroite imbrication, depuis des mois, des « groupes spéciaux » iraniens et des forces régulières irakiennes dans le combat contre ce qui est devenu en juin dernier l'EI. Sur le plan tactique, la brigade de l'Imam al-Ali, qui normalement correspond à la subdivision sud d'AAH, n'est jamais vue au combat dans cette région. Elle opère dans un arc de cercle qui va de la province d'Anbar, à l'ouest de Bagdad (Ramadi), au nord de la capitale et jusqu'au nord-est, avec les provinces de Salahuddine et de Diyala. Ses unités ont combattu en particulier dans la localité de Tuz Khurmatu, d'où proviennent de nombreux documents iconographiques, et pour lever le siège d'Amerli. Il n'est donc probablement pas exclu qu'une formation de la brigade ait pu commettre le massacre de la mosquée située dans la province de Diyala, le 21 août dernier. Je n'ai pas d'explication à fournir pour cette incohérence au niveau de la répartition géographique, sauf peut-être que la menace de l'EI sur le flanc sud de Bagdad, notamment au nord de la province de Babil, est peut-être traitée par d'autres formations ce qui permet dans ce cas à la brigade de faire tourner ses forces là où elles sont nécessaires. Autre hypothèse : les subdivisions d'AAH correspondraient davantage à des bassins de recrutement qu'à des zones d'action opérationnelle. Sur plan de l'engagement au feu, la brigade de l'Imam al-Ali se présente avant tout comme une force d'infanterie légère bien entraînée, très mobile via les pick-up et autres technicals improvisés, sans parler des véhicules fournis par l'armée irakienne (et jusqu'aux hélicoptères donc). La brigade fait un large usage de son appui-feu indirect pour « ramollir » la résistance avant l'assaut : mortiers, roquettes (notamment le LRM monté sur jeep), mitrailleuses lourdes ou antiaériennes en tir tendu, quelques lance-roquettes antichars. L'effectif est difficile à estimer mais il est probable que la seule brigade de l'Imam al-Ali aligne plusieurs centaines de combattants, de ce qu'on peut voir des images, et elle ne constitue qu'un quart du total.

Le premier emblème de la brigade Imam al-Ali, subdivision d'AAH.

Deuxième emblème de la brigade de l'imam al-Ali que l'on voit souvent dans les documents du groupe.


Le niveau de pertes admis est relativement faible (moins d'une dizaine de tués sur la période considérée), preuve, probablement, que les engagements ne sont pas forcément très soutenus, mais peut-être aussi, néanmoins, que la milice a un degré notable d'efficacité, ce qui serait assez logique vu son historique. Sur le plan idéologique, AAH fait une large place à l'imagerie chiite combattante : Ali et son épée à deux pointes, Zulfiqar, Abbas, le drapeau rouge d'Huseyn, sans compter le culte traditionnel porté aux « martyrs », comme on le voit très bien dans le cas de la brigade de l'Imam al-Ali. Les emblèmes choisis par le groupe sont de ce point de vue instructifs. Le premier, sur fond vert, présente la carte de l'Irak dans laquelle est contenu un dôme doré, probablement celui du tombeau d'Huseyn à Kerbala. De part et d'autre de la carte, l'épée à deux pointes d'Ali, le tout environné de vert. Un second insigne, que l'on retrouve parfois sur les épaules des combattants ou d'autres parties de leur uniforme, consiste en en cercle sur fond jaune, contenant toujours les deux épées, la carte de l'Irak en vers mais avec cette fois une AK-47 en position centrale. On se rapproche ici de l'emblème du Hezbollah libanais, formateur initial d'AAH, et de l'emblème de la milice AAH elle-même. Car quand bien même AAH a évolué au fil des années, devenant un parti politique en plus d'une organisation armée, il n'en demeure pas moins étroitement liée à l'Iran, qui par l'intermédiaire des « groupes spéciaux », dispose en Irak, mais aussi en Syrie, de pions supplémentaires en plus de ses Pasdarans. Des pions dont l'importance est peut-être plus considérable encore dans le second pays, mais en Irak, les événements de ces deux derniers mois montrent qu'ils constituent une force non négligeable : c'est parce que AAH et les autres « groupes spéciaux » ont « lâché » N. Al-Maliki qui celui-ci, entre autres, a été contraint à la démission72. Ce sont donc des acteurs qui ne sont pas à sous-estimer.




1Marisa Cochrane, Asaib Ahl al‐Haq and the Khazali Special Groups Network, Backgrounder 38, Institute for the Study of War, 13 janvier 2008.
2Marisa Cochrane, Asaib Ahl al‐Haq and the Khazali Special Groups Network, Backgrounder 38, Institute for the Study of War, 13 janvier 2008.
3Michael Knights, « The Evolution of Iran’s Special Groups in Iraq », CTC Sentinel, Novembre 2010, Vol. 3, Issue 11-12, p.12-16.
4Le général Soleimani, qui dirige la force al-Qods des Pasdarans, reçoit alors carte blanche pour « bouter les Américains hors d'Irak » : le nombre d'attaques à l'EFP est de 42 par mois entre août et octobre 2006, 88 en juillet 2007. 43 caches d'armes majeures iraniennes sont découvertes au premier semestre 2007. L'Iran ne stoppe le processus que lorsque les chiites irakiens commencent à se déchirer entre eux, notamment à Kerbala en août 2007.
5Michael Knights, « Shia strength - Iraqi militants adapt to the US drawdown », Jane's Intelligence Review, 30 septembre 2011.
6Sam Wyer, THE RESURGENCE OF ASA’IB AHL AL-HAQ, MIDDLE EAST SECURITY REPORT 7, The Institute for the Study of War, décembre 2012.
13D'après un témoignage recueilli dans cet article, le cimetière de Najaf accueillerait déjà, en mars 2014, 500 corps de combattants d'AAH tués en Syrie depuis le début de l'engagement du groupe aux côtés du régime : http://www.theguardian.com/world/2014/mar/12/iraq-battle-dead-valley-peace-syria
15Nicholas A. Heras, « Iraqi Shi ’a Militia Asa ’ib Ahl al -Haq Expands Operations to Syria », Terrorism Monitor, Volume XII, Issue 10, 16 mai 2014, The Jamestown Foundation.
21Ce travail a été notamment réalisé via la page Facebook de la brigade, et d'une autre page Facebook de soutien à celle-ci : https://www.facebook.com/kataabimamali/timeline et https://www.facebook.com/pages/%D8%A3%D8%A8%D8%B7%D8%A7%D9%84-%D9%83%D8%AA%D8%A7%D8%A6%D8%A8-%D8%A7%D9%84%D8%A7%D9%85%D8%A7%D9%85-%D8%B9%D9%84%D9%8A-%D8%B9/1434104030209803, ainsi que de la chaîne Youtube officielle de la brigade.

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