Merci
à M. Morant pour l'aide apportée dans la rédaction de ce billet,
en particulier sur l'identification des matériels.
Après
avoir analysé l'assaut des rebelles syriens sur 3 des 4 checkpoints
entourant la base militaire d'Hamadiyah (province d'Idlib), en
juillet 2014, avec Mathieu Morant,
je me propose cette fois de revenir sur une autre opération menée
par les rebelles syriens, dans un contexte militaire complètement
différent. Le siège de Mleha, en effet, ne se déroule pas en
milieu rural, où se situait la base d'Hamadiyah (même si elle
jouxte la localité de Maarat-al-Numan), mais à proximité immédiate
de Damas, la capitale, dans un espace densément urbanisé. Je me
concentre ici volontairement, encore une fois, du côté rebelle, et
je n'évoquerai les forces du régime qu'en contrepoint.
Les acteurs et les formes de combat changent mais l'on peut aussi
distinguer des caractéristiques communes, sur le plan tactique, au
sein du paysage insurgé. L'analyse portera ici plus particulièrement
sur la tentative réussie de forcer le blocus autour de Mleha par les
rebelles, depuis l'extérieur en particulier, le 3 août 2014, qui
est l'oeuvre, principalement, d'une des formations rebelles les plus
puissantes : Jaysh-al-Islam.
Mleha :
un siège de 135 jours (3/4 avril-14 août 2014)
La
ville de Mleha, au sud-est de Damas, a été le théâtre d'une
bataille acharnée entre le régime syrien et les rebelles depuis le
mois d'avril 2014 jusqu'au 14 août. Les forces du régime commencent
leur assaut le 3 avril, alors même qu'elles renouvellent également
leur offensive contre le quartier de Jobar, dans l'est de la
capitale. Mleha est en effet considérée comme une des portes
d'entrée de la Ghouta orientale, encore tenue par les rebelles,
malgré l'encerclement mis en place par les forces du régime autour
de cette dernière région (qui a également connu les attaques
chimiques du mois d'août 2013) et les combats dans le Qalamoun
(depuis l'automne 2013), région montagneuse voisine du Liban d'où
provenait une partie du ravitaillement de la Ghouta orientale. Le 2
mai, les rebelles lancent une contre-attaque et parviennent à
occuper la partie nord de la ville voisine de Jaramana, où de
nombreux Druzes servent au sein des forces pro-régime.
Dès le lendemain, les forces du régime contre-attaquent et avancent
jusqu'au coeur de la ville le 4 mai ; le Hezbollah joue un rôle
notable dans cette percée. Le 5 mai, un contingent de rebelles
arrive de Douma et engage les forces du régime qui installent le
siège de la localité.
|
3 cartes montrant l'évolution des lignes de front à Damas et sa banlieue, ainsi que dans l'est de la Ghouta. Mleha est sur le flanc ouest de la zone tenue par les rebelles dans la Ghouta orientale. |
A
ce moment-là, le régime a déjà engagé à Mleha des formations de
la Garde Républicaine (qui chapeautent le siège en quelque sorte),
certains éléments survivants de l'ancienne 4ème division blindée,
autre formation prétorienne du régime, les Forces Nationales de
Défense, des conseillers militaires iraniens, des miliciens irakiens
(dont la nouvelle milice Liwa Assad Allah al-Ghaleb),
d'autres milices (comme la Garde Nationaliste Arabe)
et même le Hezbollah
(une brigade complète), autrement dit une bonne partie de l'éventail
des forces à sa disposition. Les drones iraniens sont également
aperçus en mai au-dessus de Mleha. L'aviation du régime intervient
de manière particulièrement soutenue au-dessus de la ville. Les
forces du régime, dès qu'elles rencontrent trop de résistance, se
retirent pour laisser l'aviation et l'artillerie écraser toute
opposition, probablement pour limiter les pertes en infanterie. Cela
n'empêche pas le général Hussein Ishaq, commandant la défense
antiaérienne du régime (une branche de l'armée de l'air) d'être
tué dans les combats le 18 mai.
Côté rebelle, les combats sont essentiellement conduits par Jaysh
al-Islam,
le groupe de Zahran Alloush (membre du Front Islamique), le front
al-Nosra et quelques autres groupes armés locaux, comme le corps
al-Rahman
(une brigade à Mleha ; une autre, équipée de missiles TOW
américains, opère dans l'est du Qalamoun), mais aussi les brigades
et bataillons al-Habib al-Mustafa,
membres de l'Union Islamique Ajnad al-Sham,
la coalition rivale de Jaysh al-Islam à l'est de Damas née en
novembre 2013.
|
Carte de localisation de Mleha par rapport à Damas.-Stéphane Mantoux. |
Coincés
à l'intérieur de la ville encerclée par le régime à partir du
9/10 juillet, les rebelles tentent une première sortie le 16
juillet, précédés de l'explosion d'un kamikaze du front al-Nosra.
Plusieurs centaines de combattants tentent ensuite de force le blocus
à partir du 3 août, en rejoignant les rebelles encerclés. Mais le
régime resserre l'étau et les assiégés, pilonnés par l'aviation
et l'artillerie, sont contraints d'évacuer la ville dix jours plus
tard. Les 400 derniers insurgés évacuent Mleha en direction de
Jisreen et Kfar Batna, au nord, laissant derrière eux leurs morts et
leurs armes lourdes. Le Front Islamique évacue aussi le village
d'al-Bulaha. Les combats durant les deux derniers jours du siège ont
été particulièrement acharnés : les combattants irakiens
pro-régime auraient perdu 45 tués, revendiquant la mort de 115
rebelles. Les rebelles ont réussi à tenir en utilisant, notamment,
de nombreux tunnels pour assurer leur logistique (dont un mesurant
plus d'un kilomètre de long), rendant la progression des forces
pro-régime particulièrement difficile.
Jaysh
al-Islam : un exemple de groupe rebelle au combat
Jaysh
al-Islam (Armée de l'Islam), le groupe qui pilote l'essentiel des
forces rebelles pendant le siège de Mleha, est le résultat de la
recomposition du paysage des insurgés syriens après les attaques
chimiques du 21 août 2013 et l'accord négocié avec le régime. Le
groupe naît le 29 septembre 2013 de la fusion d'une cinquantaine de
groupes armés opérant essentiellement dans la région de Damas. Le
noyau du mouvement est cependant Liwa al-Islam,
un des groupes rebelles les plus puissants du moment, né dès l'été
2011 et devenu Liwa al-Islam en 2012 ; c'est l'une des factions
les plus actives à l'est de Damas.
Très critique du label Armée Syrienne Libre et de la représentation
politique extérieure de l'insurrection, Liwa al-Islam, dirigé par
Zahran Allousch, reçoit alors le soutien de plus en plus marqué de
l'Arabie Saoudite.
Près de deux mois plus tard, Jaysh al-Islam rejoint 6 autres groupes
pour constituer la coalition la plus puissante formée jusqu'ici par
l'insurrection syrienne, le Front Islamique, créé le 22 novembre
2013.
Zahran Alloush prend d'ailleurs la tête des opérations militaires
de cette nouvelle coalition où Jaysh al-Islam côtoie Ahrar al-Sham
et Liwa al-Tawhid, deux des autres groupes parmi les plus puissants
du paysage insurgé.
|
Emblème de Liwa al-Islam, composante principale de Jaysh al-Islam.-Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/en/4/40/Jaysh_al-Islam_logo.jpg |
|
Emblème de Jaysh al-Islam, calqué sur celui du Front Islamique.-Source : https://www.facebook.com/islamarmynews/photos/a.561350980635794.1073741825.561251493979076/561353073968918/?type=1&permPage=1 |
Zahran
Alloush, le chef de Jaysh al-Islam, est connu pour ses discours
enflammés insistant sur une guerre sectaire, ce qui le met en
porte-à-faux vis-à-vis d'autres rebelles, y compris au sein du
Front Islamique. C'est également un adversaire farouche de l'EIIL
dès 2013, devenu Etat Islamique (EI) en juin 2014, ce que l'on peut
voir au moment de l'escalade menant à l'offensive rebelle anti-EIIL
en janvier 2014.
En revanche, Alloush a longtemps entretenu de bonnes relations avec
le front al-Nosra, avec lequel son groupe a combattu dans la région
de Damas. En juillet 2014, Jaysh al-Islam a annoncé sa fusion avec
une autre composante du Front Islamique, Suquour al-Sham. On retrouve
là des fractures préexistantes à la création du Front Islamique
en novembre 2013. Les deux groupes faisaient en effet partie d'une
coalition précédente, le Front Islamique de Libération de la
Syrie, né en septembre 2012, aux côtés de Liwa al-Tawhid, autre
formation du Front Islamique. Au contraire, d'autres composantes du
Front Islamique, et notamment Ahrar al-Sham, étaient eux partie
intégrantes du Front Islamique Syrien, créé le 21 décembre 2012.
Jaysh al-Islam et Suqour al-Sham regroupent ensuite sous leur
bannière d'autres groupes importants dans une nouvelle alliance
comprenant 18 signataires, parmi lesquels le Front des
Révolutionnaires Syriens,
Harakat Hazm,
Jaysh al-Mujahideen,
l'Union Islamique Ajnad al-Sham, les brigades Noureddine al-Zanki,
les légions al-Sham,
Liwa al-Haaq et les Boucliers de Protection.
A partir des 20-21 juillet, Jaysh al-Islam est en point dans le
combat contre la présence de l'Etat Islamique à Yalda, un faubourg
très contesté du sud de Damas, aux côtés de l'Union Islamique
Ajnad al-Sham, du front al-Nosra et de groupes liés au label ASL.
Jaysh al-Islam cherche à tout prix à éviter que l'EI s'implante de
manière trop prononcée dans la région de Damas, qu'elle considère
comme sa chasse gardée.
|
Zahran Alloush, le chef de Jaysh-al-Islam.-Source : http://3.bp.blogspot.com/-1LpsQAe_DAk/UrzCjMRNfPI/AAAAAAAAFB8/8gq9j2jK0XE/s1600/20131123-185350.jpg |
Une
autre caractéristique importante de Jaysh-al-Islam est d'être un
groupe rebelle assez bien pourvu en armement lourd. Le 6
octobre 2012, Liwa-al-Islam capture deux lanceurs SA-8 Gecko
avec au moins six missiles.
Jaysh al-Islam utilise plusieurs fois les missiles SAM, notamment
contre les hélicoptères : le
17 janvier 2014, un Mi-17 est ainsi peut-être abattu par le groupe
avec un SA-8 au-dessus de Daraya, au sud de Damas.
Plus impressionnant encore bien que purement symbolique, Jaysh
al-Islam a été capable de récupérer 2 avions L-39ZA sur la base
aérienne de Kshesh, tombée le 12 février 2013, où opéraient
justement 3 escadrilles utilisant cet appareil ; le groupe a pu
tourner une vidéo où on voit les L-39 évoluer sur une piste. Jaysh
al-Islam aurait mis à profit l'argent saoudien pour corrompre un
officier de la 4ème division blindée, unité
prétorienne du régime Assad, et acquérir 2 chars T-72AV et 2
véhicules de combat BMP-1, sans
que l'on ait davantage de détails sur cette affaire. Le groupe dispose aussi d'au moins un
automoteur antiaérien ZSU 23/4 de prise. En outre, il a développé
ses propres ateliers artisanaux pour aménager les véhicules blindés
capturés, et
les modifications apportées constituent peut-être sa plus grande
originalité par rapport à d'autres groupes rebelles tout aussi bien
équipés en véhicules blindés. Sa
flotte comprend plusieurs chars de combat : des T-72AV, dont un
exemplaire modifié localement (blindage frontal et arrière
renforcé), des T-72M1, et des T-55, dont un modèle T-55M, dont le
blindage a été une nouvelle fois modifié dans leurs ateliers.
Plusieurs blindés BMP-1 et AMB-S complètent la flotte de Jaysh
al-Islam. Capturés en nombre important dans la région de Damas, des
automoteurs ZSU-23/4 sont souvent utilisés pour l'appui au sol,
comme le montre l'exemple de Mleha. S'il est difficile d'établir le
nombre exact de chars et blindés en service avec Jaysh al-Islam,
certaines vidéos publiées par le groupe montrent 2 T-72AV, 1
T-72M1, 3 BMP-1, 1 AMB-S et deux automoteurs ZSU-23/4 évoluer en
convoi : ce n’est pas la flotte la plus impressionnante de
l’insurrection syrienne, et Jaysh al-Islam n’en fait qu’une
utilisation limitée sur le plan tactique, comme le montre l’exemple
choisi à Mleha. Cependant, il est important de savoir que cette
flotte existe pour comprendre les conditions de l’affrontement
décrit.
|
Aperçu du matériel blindé de Jaysh al-Islam : en tête, le ZSU 23/4 que l'on retrouvera à Mleha.-Source : https://pbs.twimg.com/media/Bj5bAcpCEAAGGMJ.jpg:large |
Forcer
le blocus : dimanche 3 août 2014
Le
dimanche 3 août 2014, les rebelles basés à l'extérieur de Mleha
lancent une attaque pour secourir les quelques centaines d'insurgés
pris au piège dans la ville depuis le 9 juillet, soit 24 jours.
Cette attaque se combine avec une poussée des assiégés en
direction de la pince attaquant depuis l'extérieur. Elle s'ouvre par
l'explosion d'un kamikaze du front al-Nosra lancé sur les positions
du régime dans un BMP-1 bourré d'explosifs.
L'aviation du régime est particulièrement active pour soutenir la
contre-attaque des forces au sol et lance pas moins de 5 raids sur
Mleha pour la seule journée du 5 août.
L'offensive pour s'ouvrir une voie jusqu'aux assiégés de Mleha est
conduite essentiellement par Jaysh al-Islam, qui y perd des
combattants, comme Abdul Rahman al-Dirani.
Dès le 7 août cependant, le régime réussit à refermer le siège
autour des défenseurs de la ville. Le 12 août, ce sont pas moins de
11 raids aériens qui frappent Mleha
ainsi que 22 frappes d'artillerie.
Le 13 août, on compte encore 7 raids aériens et une dizaine de tirs
de missiles sur la localité.
Le 14 août, les 400 derniers rebelles pris au piège dans Mleha se
retirent de la ville.
Selon le conseil local de la ville, les rebelles auraient perdu 400
tués durant le siège de 4 mois, tandis qu'un millier de combattants
du régime y aurait perdu la vie, sans parler de dizaines de
véhicules détruits lors des combats.
Toujours selon la même source, dès le lendemain, les miliciens des
Forces Nationales de Défense mettent la ville au pillage. |
Abu Alaa al-Tunisi, le kamikaze du front al-Nosra devant le BMP-1 bourré d'explosifs qui va ouvrir la voie. |
|
Positions tenues par le régime autour de Mleha (cercles rouges) et attaques rebelles pour faire la jonction, sur le corridor nord (flèches jaunes).-Stéphane Mantoux. |
|
Les mouvements de Jaysh-al-Islam lors de la percée du 3 août, d'après les vidéos du groupe. En rouge, les positions du régime.-Stéphane Mantoux. |
Groupes/coalitions
rebelles engagés | Remarques |
Jaysh-al-Islam
(Front Islamique) |
Conduit
l'essentiel de l'effort depuis l'extérieur, le seul à mettre en
ligne des moyens blindés.
|
Front al-Nosra |
Lance un BMP-1
kamikaze peut-être piloté par un étranger (Tunisien?) pour
ouvrir la voie à l'assaut des autres formations.
|
Brigades et
bataillons al-Habib al-Mustafa (Union Islamique Ajnad-al-Sham)
|
Participe à la
percée, mais incertitude sur le rôle exact (depuis l'extérieur,
l'intérieur ?)
|
Corps al-Rahman
(dispose de missiles TOW américains, proche du label ASL)
|
Participe à la
percée, probablement depuis l'extérieur. |
La
première vidéo mise en ligne par Jaysh al-Islam sur la percée du 3
août montre l'insertion des premiers combattants à travers le
corridor au nord de Mleha, un espace ouvert mais battu par le feu des
positions du régime de part et d'autre, à l'ouest et à l'est. Ce
corridor constitue le passage obligé pour faire la jonction avec les
assiégés. Les fantassins, qui portent un bandana bleu pour éviter
les tirs fratrices, s'élancent à découvert pour rallier la
protection fournie par les bâtiments, en s'abritant au passage
derrière une carcasse de T-72 restée sur le terrain. Au moins un
des assaillants est tué pendant la progression. Un tir de
suppression est fourni par un tireur au RPG-7.
Sur cette première vidéo, les assaillants évoluent peut-être,
depuis le nord, sur le flanc ouest du corridor, à l'ouest de l'usine
de caoutchouc (Rubber
Plant), ce qui
laisserait à penser, comme le confirme l'une des vidéos suivantes,
que l'objectif est bien d'empêcher les tirs du régime sur le
corridor visé en nettoyant les flancs ouest et est. Une deuxième
vidéo montre un bâtiment investi par Jaysh al-Islam avec des
vivres, en particulier, abandonnés par les hommes du régime.
La troisième vidéo révèle quelques prises matérielles dans le
même bâtiment : un gilet pare-balles, un fusil de précision
Dragunov, un RPG avec des munitions.
La quatrième vidéo montre un T-72 de Jaysh al-Islam franchissant
une levée de terre devant la mosquée de Dalati, sur le flanc est du
corridor, puis progressant vers l'est pour couvrir l'assaut de
fantassins sur le bâtiment immédiatement au sud-est de la mosquée,
tenu par les forces du régime et qui permet lui aussi d'arroser le
corridor emprunté par les rebelles.
Le bâtiment est pris après un assaut en règle d'au moins une
dizaine de fantassins, dont un tireur RPG (il semble bien que ce soit
celui dont on voit l'intérieur précédemment, avec les prises). Une
cinquième vidéo, un peu plus longue, postée un peu plus tard, le
10 août, donne un aperçu général de l'assaut. On y voit les
commandants de Jaysh-al-islam effectuer une reconnaissance visuelle
du corridor et déterminer les axes d'assaut sur un écran
représentant une vue satellite du champ de bataille : il
apparaît bien, comme le confirment les vidéos précédentes, que la
tentative de jonction avec les assiégés passe par le nettoyage des
flancs du corridor, de façon à ce que celui-ci ne soit pas battu
par les tirs des forces du régime. Un T-72, celui déjà vu
précédemment, et le ZSU 23/4 de Jaysh-al-islam couvrent les
fantassins. La caméra filme aussi un raid d'un MiG-23 du régime
pris à partie par plusieurs pièces antiaériennes montées sur
pickups.
|
Un T-72 de Jaysh al-Islam couvre la progression des fantassins. |
|
A l'abri derrière un T-72, les hommes de Jaysh-al-Islam approchent de leur objectif. |
|
Une carcasse de T-72, appartenant probablement au régime, sert de couvert aux combattants de Jaysh-al-Islam lors d'un bond dans le corridor. |
|
L'assaut. Les combattants de Jaysh-al-Islam se lancent en terrain découvert en passant par un trou réalisé dans le mur d'un bâtiment. Les bandanas bleus visent à éviter les tirs fratricides. |
|
Mouvement des hommes de Jaysh al-Islam, probablement à l'ouest du corridor, sur le flanc ouest de la "Rubber Plant" indiquée sur la carte. |
Le
Front Islamique,
la coalition dont fait partie Jaysh al-Islam, a également mis en
ligne quelques vidéos supplémentaires relatives à l'opération du
3 août. On y voit notamment un deuxième char T-72 engagé par Jaysh
al-Islam, qui protège l'avance d'une dizaine de fantassins.
Une deuxième vidéo montre une escouade de fantassins, avec un
tireur RPG, progresser à travers les bâtiments en profitant de la
protection du char T-72 stationné non loin.
Une troisième séquence met en scène le ZSU 23/4 Shilka
de Jaysh-al-Islam, dont on reconnaît l'emblème peint sur le flanc
du véhicule, utilisé en tir tendu contre des bâtiments.
Dans une dernière vidéo, un des T-72 du groupe intervient lui aussi
pour pilonner le même objectif que le Shilka.
|
Un MiG-23 du régime syrien survole les combattants de Jaysh-al-Islam. |
|
Une prise : un fusil de précision Dragunov. |
|
Un RPG fait également partie du butin. |
|
A l'est du corridor, les fantassins de Jaysh al-Islam s'apprête à pénétrer dans un bâtiment tenu par le régime, comme le montre les fortifications sommaires, après avoir jeté des grenades à l'intérieur. |
|
A l'assaut à travers les murs des jardins de cours intérieures. Les bandanas bleus sont bien visibles. |
|
Progression à travers les jardins. Un combattant tire à l'AK-47 pour permettre le passage de ses camarades. |
|
Le long du mur d'enceinte entourant le bâtiment assailli plus haut. L'escouade compte un tireur RPG et un autre homme portant les roquettes. |
Autre
groupe qui participe aux combats de Mleha, les brigades et bataillons
al-Habib et al-Mustafa,
qui appartiennent à l'Union Islamique Ajnad al-Sham, la coalition
rivale de Jaysh-al-Islam sur la région de Damas, mais qui a renforcé
sa coopération avec celle-ci depuis quelques mois. Le 4 août, le
groupe met en ligne la vidéo montrant la destruction d'un char T-72
du régime dans Mleha.
Une deuxième vidéo laisse penser que le groupe a effectivement
participé à la tentative de jonction entre assiégés et forces à
l'extérieur de la ville.
Une autre vidéo postée un peu plus tard, le 8 août, montre les
tunnels utilisés par les défenseurs à l'intérieur de la ville
ainsi que la proximité des lignes de front en contexte urbain :
on aperçoit le drapeau du régime et les barricades improvisées par
les forces du régime.
Deux jours après la chute de Mleha, le 16 août, le groupe met en
ligne la bande annonce d'un documentaire à venir consacré au
siège.
De son côté, l'Union Islamique Ajnad al-Sham, coalition dont fait
partie l'unité, publie une courte vidéo le 8 août montrant
l'attaque menée le 3 sur le corridor au nord de Mleha expliquée sur
un écran avec projection d'un film.
|
A quelques centaines de mètres des positions des brigades et bataillons al-Habib al-Mustafa flotte le drapeau du régime syrien. |
|
Un T-72 touché le 3 août, jour de la percée. |
|
Sur une position dans Mleha, un tireur RPG pose avec son arme. |
|
Photo posée pour le photographe d'un combattant de la brigade dans Mleha. |
|
Un autre T-72 du régime tente de venir en aide au véhicule touché. |
|
Un des tunnels creusés par les insurgés dans Mleha. |
|
Le 8 août, l'Union Islamique Ajnad al-Sham publie une courte vidéo où l'on voit une projection à propos de l'opération du 3. On reconnaît aisément le corridor visé sur cette image. |
Dernier
groupe à prendre part aux combats de Mleha, le corps al-Rahman,
dont une brigade est présente (une autre combat dans le Qalamoun et
dispose de missiles TOW). L'unité filme à distance l'explosion du
BMP-1 kamikaze lancé par al-Nosra pour faciliter l'assaut sur le
corridor.
On voit ensuite les fantassins échanger des tirs avec les positions
du régime.
Les hommes du groupe portent des bandanas bleus pour éviter les tirs
fratricides, comme ceux de Jaysh-al-Islam, ce qui témoigne
probablement d'un certain degré de coordination entre les groupes
impliqués. Le corps Rahman engage aussi plusieurs pickups
armés de mitrailleuses lourdes : un
avec une ZPU-2, un autre avec un canon de 23 mm, un autre avec un
canon de 14,5 mm.
Le 6 août, le groupe met en ligne la vidéo montrant l'utilisation
d'un canon de 23 mm bricolé et monté sur affût pour le tir de
précision.
Une autre vidéo montre l'emploi d'un canon improvisé.
Le 14 août, une vidéo montre l'utilisation de plusieurs mortiers.
|
Le corps al-Rahman filme à distance l'explosion du BMP-1 kamikaze d'al-Nosra qui ouvre la voie. |
|
Le corps al-Rahman utilise un canon de 23 mm monté sur affût pour le tir de précision. |
|
Canon artisanal du corps al-Rahman en action à Mleha. |
|
L'infanterie engage les positions du régime après l'explosion du BMP kamikaze. |
Groupe rebelle | Type et nombre
de véhicules blindés engagés |
Jaysh al-Islam |
Au moins 2 chars
T-72 (1 AV et 1 M1) et 1 automoteur antiaérien ZSU 23/4 Shilka utilisé
pour des tirs au sol.
|
|
Le MiG-23 du régime vu de plus près. |
|
Reconnaissance des lieux avant l'attaque par les commandants de Jaysh-al-Islam. |
|
Plusieurs vues du Shilka engagé en soutien de l'attaque. On reconnaît l'emblème de Jaysh-al-Islam sur le flanc du véhicule. |
|
Plusieurs vues des T-72 déployés par Jaysh-al-Islam : au moins 2 voire 3 chars soutiennent l'assaut, on reconnaît là encore l'emblème du groupe sur le flanc de la tourelle du dernier, qui passe devant la mosquée. |
|
Un combattant de Jaysh-al-Islam a été tué pendant la progression sur le flanc ouest du corridor. |
|
Avant l'attaque, les chefs de Jaysh-al-Islam déterminent les axes de progression avec une vue satellite. On reconnaît aisément le corridor et ses flancs tels que désignés sur les cartes ci-dessus. |
Conclusion
L'analyse
de la tentative de percée du blocus imposé par le régime aux
rebelles de Mleha, le 3 août dernier, offre des conclusions
intéressantes, d'autant plus si on les compare à celles émises au
moment de terminer notre premier article sur l'assaut des checkpoints
autour de la base militaire d'Hamadiyah. Dans ce cas précis, côté
rebelle, on ne trouve plus qu'un acteur principal ou presque, Jaysh
al-Islam. Le front al-Nosra s'est contenté de fournir un kamikaze
qui, comme souvent lors du conflit syrien, fait office « d'artillerie
consommable » pour pallier au manque de puissance de feu
(le groupe a encore peu communiqué sur les derniers moments du siège
de Mleha), même s'il a été assez présent lors du siège. Les
rebelles, contrairement à Hamadiyah, semblent manquer ici
d'artillerie, même artisanale : les pièces sont beaucoup moins
présentes que dans la province d'Idlib.Les deux
autres groupes repérés n'ont joué qu'un rôle moindre dans la
percée. Jaysh-al-Islam incarne sans doute assez bien le degré de
sophistication militaire auquel sont parvenus les groupes rebelles
les plus puissants après trois années de guerre. La formation de
Zahran Alloush dispose ainsi d'une composante blindée dont les
équipages, on le sait par la publicité que le groupe en a faite,
bénéficient d'un entraînement dans une véritable école de la
guerre mécanisée.
Les vidéos de l'engagement du 3 août montrent à l'évidence le
souci de préserver les T-72 et le ZSU 23/4 de la destruction, et ce
même si les chars en particulier fournissent une protection pour la
progression des fantassins, comme à Hamadiyah. On remarque aussi que
les véhicules ne font pas une consommation outrancière de
munitions. D'ailleurs
la prudence prévaut puisque le nombre de véhicules engagés par
rapport à la flotte disponible est somme toute limité. Plus largement, la planification rebelle est ici à la
mesure de l'importance de l'opération, qui vise à rétablir le
contact avec les assiégés isolés dans la ville depuis près d'un
mois. La reconnaissance visuelle se couple de briefingsà
partir d'images satellites pour faciliter la progression. Les
combattants arborent des brassards de couleur bleue pour éviter les
tirs fratricides, une précaution que l'on avait déjà noté à
Hamadiyah. Les tunnels, qui ont joué un grand rôle côté rebelle
lors du siège de Mleha, ont probablement facilité l'acheminement
des forces et l'approvisionnement logistique. En revanche, on
n'observe pas d'attention portés aux blessés (pas de brancardiers
ou de soins donnés visibles, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en a
pas cependant). Il faut noter aussi que sur le plan tactique,
Jaysh-al-Islam bâtit un vrai plan d'opérations en choisissant de
cibler les bâtiments situés de part et d'autre du corridor au nord
de Mleha, qui sont tenus par le régime, et qui menacent de leurs
feux l'opération de jonction. Ces bâtiments sont assaillis sous le
couvert des chars, l'infanterie progressant en profitant des couverts
offerts par le contexte urbain. Le régime, quant à lui, qui a peu
communiqué sur cette opération rebelle, se repose surtout sur sa
puissance de feu pour l'emporter, établissant un cordon pour
étrangler les rebelles défendant Mleha et réinstallant le siège
quelques jours après la percée réussie (ce qui témoigne peut-être
aussi, à leur niveau, de la formation dispensée par les conseillers
étrangers, Iraniens, etc). Les insurgés ont dû évacuer Mleha le
14 août et se sont repliés dans les environs ; mais le succès
du régime a été particulièrement coûteux. Il aura fallu quatre
mois de siège, dont pas loin de trois de combats urbains intenses,
pour encercler et chasser les rebelles, au prix de lourdes pertes en
hommes et en véhicules probablement, que le régime peut
difficilement se permettre. Non loin de Mleha, au nord-ouest, les
insurgés tiennent d'ailleurs toujours dans le quartier de Jobar, à
l'est du centre-ville de Damas, et ont été capables encore
récemment de lancer des attaques en direction de celui-ci.