Dès
le mois d'octobre 2012, le service anti-terroriste de la police
norvégienne (PST) émet des inquiétudes à propos du nombre
grandissant de nationaux partant combattre en Syrie. Le chef du
renseignement militaire précise que 7 Norvégiens, déjà, sont
partis se battre sur place au sein de groupes liés à al-Qaïda. La
plupart sont alors liés au groupe Ummah du Prophète (Profetens
Ummah, anciennement Ansar-al-Sunnah), qui opère en Norvège. Ce
groupe structuré en 2013 prend la suite d'autres plus anciens qui
apparaissent dès 2010. Un des membres importants du mouvement est
alors Arfan Bhatti1.
Ce dernier est parti faire le djihad en Syrie dès 20122.
Ubaydullah Hussain, qui dirige le mouvement, avait conduit en
septembre 2012 des manifestations contre le film « L'innocence
des musulmans » devant l'ambassade américaine à Oslo. Il
prétend qu'une douzaine de membres de son organisation sont partis
faire le djihad en Syrie, dont un âgé de 21 ans a été récemment
tué à Alep, ce qui est démenti ensuite par la famille, qui reçoit
des preuves du maintien de la bonne santé du jeune homme3.
Un
an plus tard, en novembre 2013, le PST porte officiellement à 40 le
nombre de Norvégiens partis en Syrie, mais il est probablement plus
élevé. Un journal norvégien en a répertorié 22. La plupart ont
entamé une conversion radicale qui a complètement échappé à
leurs familles. Certains étaient bien membres du groupe Ummah.
D'autres, comme ce Norvégien converti, a menti à ses parents en
prétextant un voyage en Arabie Saoudite. Deux Norvégiens d'origine
algérienne ont péri en Syrie, l'un en 2012 et l'autre en 2013. Un
Tunisien qui avait des liens avec la Norvège a également été tué
sur place à l'automne 2012. Pour les spécialistes, ce djihad syrien
pourrait être l'opportunité d'une radicalisation des factions
islamistes qui opèrent en Norvège. D'autant que le nombre de
vétérans revenus en Norvège se monterait déjà à deux
chiffres4...
L'un
des exemples les plus connus est celui de ce Norvégien d'origine
érythréenne, parti faire le djihad en Syrie à 23 ans. Il était
arrivé en Norvège en 2003, à l'âge de 13 ans. Puis il se
radicalise subitement, en quelques mois, au contact de quelques
personnes de même origine qui font partie d'Ummah. Son dernier
emploi était gardien d'un parking à Oslo, jusqu'en septembre 2012,
il était marié à une jeune femme elle aussi originaire d'Erythrée.
En décembre, père d'un bébé de quelques semaines, il part en
Syrie. Il opère au sein de Kataib al-Muhajereen et se trouve associé
au front al-Nosra5.
En
août 2013, la femme d'un Norvégien d'origine algérienne de 32 ans,
Sirine, une Norvégienne d'origine turque de 27 ans, accompagne son
époux pour faire le djihad en Syrie. Son mari est tué à peine deux
mois après son arrivée, mais elle choisit de rester sur place.
Sirine invoque l'idée du djihad défensif comme motivation
principale de son départ en Syrie6.
En
octobre 2013, l'opinion norvégienne s'émeut lorsqu'on apprend que
deux jeunes filles ont gagné la Syrie, et la ville d'Alep. Les deux
jeunes filles, âgées de 16 et 19 ans, ont rejoint le pays via la
Turquie. Le père des deux jeunes filles, d'origine somalienne, se
rend en Turquie pour tenter de les récupérer. La plus âgée a
commencé à se radicaliser quelques mois plus tôt, notamment en
portant le niqab, mais les premiers signes d'un départ pour la Syrie
ne sont apparus qu'à peine une semaine avant le passage à l'acte7.
La communauté somalienne de Norvège -environ 30 000 personnes-
avait également fourni un des participants à l'attaque des Shebaab
du mall de Nairobi, en septembre 20138.
Le père des deux jeunes adolescentes arrive finalement à ramener
ses filles en Norvège.
Dès
février 2014, le service de renseignement norvégien tire la
sonnette d'alarme : le nombre de vétérans du djihad de retour
en Norvège s'accroît, et parmi eux des personnes liés aux groupes
djihadistes, notamment l'EIIL. Une douzaine de femmes aurait
également gagné la Syrie. Le 27 mai, la police arrête un Norvégien
d'origine somalienne et deux autres d'origine kosovare, résidant à
Oslo, soutenant l'EIIL. Les deux Kosovars sont frères, ont combattu
en Syrie, tandis qu'un troisième frère y est mort. Egzon Avdyli
aurait été tué dans les rangs de l'EIIL ; il était l'un des
porte-parole d'Ummah en Norvège et avait rejoint la Syrie au début
de l'année 20149.
Il avait 25 ans10.
Cette arrestation fait suite à celle d'un Norvégien d'origine
pakistanaise, en février dernier, qui revenait de Syrie et avait
combattu pour al-Nosra et l'EIIL. Agé de 22 ans, l'homme était
revenu à Oslo se faire soigner après avoir été blessé en Syrie
(une balle dans la jambe)11.
On estime en mai 2014 que 10 Norvégiens ont peut-être péri en
Syrie. Si la plupart des Norvégiens djihadistes viennent d'Oslo ou
des alentours, un noyau provient également du comté de Trömso,
près du cercle Arctique, au nord de la Norvège12.
A droite, Egzon Avdly, avec U. Hussayn, le chef du groupe Ummah.-Source : http://www.longwarjournal.org/threat-matrix/images/Egzon-Avdyli-ISIS.jpg |
En
juillet 2014, le PST lance une enquête contre Bastián Vásquez,
alias Abu Safiyya, un Chilo-Norvégien qui apparaît dans des vidéos
de propagande de l'Etat Islamique. Agé de 25 ans, le jeune homme
aurait certaines responsabilités au sein de l'EI. En 2012, il avait
pris part aux manifestations à Oslo contre le film « L'innocence
des musulmans ». Vasquez appartient à une famille
installée à Skien, en Norvège, pays qui compte une importante
communauté chilienne exilée du temps de la dictature de Pinochet.
L'intérêt est que sa double nationalité lui permet d'être
doublement utile pour le recrutement de l'EI. Vasquez s'est converti
à un islam radical depuis au moins 2008. Un de ses compagnons,
d'origine somalienne, a été arrêté par le PST après avoir
combattu en Syrie. Il est proche de Mohyeldeen Mohammad, un Norvégien
d'origine irakienne qui est le pivot du djihadisme norvégien et qui
a été l'un des premiers à partir en Syrie. Vasquez rejoint la
Syrie peu de temps après les manifestations à Oslo au sein du
groupe Oummah (il a été arrêté en 2012 après avoir posté une
vidéo sur Youtube où il menaçait de mort le Premier
Ministre et la famille royale) ; en 2013, il fait partie de
l'EIIL dans la région d'Alep13.
Vasquez est d'ailleurs désavoué par ses parents, qui précisent
qu'il est bien norvégien, étant né après l'arrivée de ses
parents dans ce pays. Son profil correspond à celui de nombreux
djihadistes scandinaves, fils d'immigrés récents14.
Fin juillet 2014, le PST (service de sécurité de la police) annonce
qu'il est en état d'alerte en raison de la menace d'une action
terroriste en Norvège perpétrée par des vétérans du djihad
syrien15.
Les informations font état d'un groupe de djihadistes ayant combattu
en Syrie qui retournerait vers l'Europe, et peut-être vers la
Norvège, pour y commettre des attentats. Le PST redoute en
particulier l'action d'un Norvégien qui aurait été formé à
l'utilisation des explosifs au Yémen. Le musée juif d'Oslo a été
interdit aux visites de même que le palais royal16.
Bastian Vazquez.-Source : http://santiagotimes.cl/wp-content/uploads/2014/07/vasquez-new.jpg |
Bastian Vazquez dans la vidéo de propagande pour l'EI, devant un Humvee capturé en Irak.-Source : http://santiagotimes.cl/wp-content/uploads/2014/07/bastian-vasquez.png |