A l'occasion du 70ème anniversaire du débarquement en Normandie, le dernier thématique de 2ème Guerre Mondiale donne la plume à Benoît Rondeau, auteur du récent Invasion ! que je commentais récemment. L'auteur revient sur des points négligés de la réaction allemande au débarquement et à la bataille de Normandie, à travers quatre chapitres.
Dans le premier, il est question des 48 premières heures du débarquement. Les forces allemandes ne réagissent que timidement, avec des attaques trop faibles et pas assez coordonnées, face à un adversaire encore fragile. La Wehrmacht ne se montre pas capable de monter une contre-attaque d'envergure pour éliminer ne serait-ce qu'une seule des têtes de pont du débarquement. Les 352. et 716. I.D., décimées sur les plages, ont certes joué leur rôle mais ne sont plus en mesure de mener des contre-attaques. L'armée allemande, victime de problèmes de communications, de la supériorité aérienne alliée, de fausses rumeurs et aussi d'un trop-plein d'optimisme, est obligée de faire feu de tout bois.
Les Panzerdivisionen ne peuvent monter une contre-attaque immédiate, contre le montre la tentative malheureuse de la 21. Panzer le 6 juin. La destruction du QG du Panzergruppe West quelques jours après le débarquement par l'aviation alliée anéantit toute possibilité de le faire. De fait, les Panzerdivisionen doivent être engagées devant Caen, secteur le plus favorable aux mouvements de chars mais qui est aussi le plus critique pour les Allemands. Les divisions blindées allemandes sont loin d'être homogènes et toutes à plein effectif mais elles doivent sans cesse parer les assauts alliés, notamment devant Caen. Il est donc impossible à la Wehrmacht de constituer une réserve stratégique. Les contre-attaques lancées dans le secteur américain manquent singulièrement de poids. Lüttich n'est qu'un coup d'épée dans l'eau. En outre, les Alliés jouent de la propension des Allemands à contre-attaquer systématiquement après la perte d'une position. Outre le problème dans la concentration des forces, il y a aussi le problème d'une vision très nazie du matériel et des hommes mis en ligne, censés l'emporter en raison de la puissance technologique et du triomphe de la volonté. Or ce ne sera pas le cas. On constate ainsi la permanence de défaillances présentes depuis au moins l'année précédente.
Les renforts allemands ne sont pas arrivés en quantité suffisante. Certaines unités rejoignent d'ailleurs leurs unités-mère à l'est, où la situation est tout aussi critique après le déclenchement de Bagration. Il n'y a que la première semaine après le débarquement et au début août que les renforts arrivent en quantité importante. Outre la difficulté à faire relever les Panzerdivisionen sur le front par des divisions d'infanterie, l'acheminement est compliqué par la sous-motorisation de l'armée allemande, la congestion des lignes de communication en raison de l'acheminement logistique et l'intervention massive de l'aviation alliée. Les réserves n'arrivent que fractionnées, les remplacements sont insuffisants, le carburant fait défaut.
La chaîne de commandement allemande à l'ouest est complexe et divisée, en raison du système nazi lui-même, où tout dépend d'Hitler. Le Führer commet des erreurs, mais ses généraux aussi. Rommel n'a pas la liberté de manoeuvre qu'il avait en Afrique du Nord. Kluge se rend vite aux raisons de Rommel, tandis que Model doit assurer la retraite, comme il l'a fait précédemment à l'est. Le commandement allemand, du corps d'armée à la division, se montre inégal face à la tâche. Faute de place, problème fréquent dans le magazine, Benoît Rondeau ne peut pas aller jusqu'au bout de la démonstration : les officiers allemands n'ont manifestement pas tiré toutes les leçons de la guerre à l'ouest, en particulier en 1943, comme le montre la sous-estimation des Américains. On retrouve là une problématiquement générale présente aussi à l'est.
L'artillerie allemande, hétéroclite, est pourtant dotée de bons matériels. Mais elle souffre de l'absence de motorisation. Les Nebelwerfer, en particulier, se montrent pourtant redoutables. Mais la puissance de l'artillerie britannique ou américaine défie la comparaison. L'artillerie allemande peut se montrer efficace, utilise des pièces de campagne en antichars, mais elle doit souvent abandonner ses pièces et manque de munitions. L'armée allemande n'a tout simplement pas les moyens de mener la guerre d'usure imposée par les Alliés.
En conclusion, l'auteur souligne que la Wehrmacht reste, à parité, le meilleur outil tactique en 1944. Pour ma part, je n'en suis pas persuadé. Sans tomber dans le travers qui consiste à dénigrer la performance de l'armée allemande pour en valoriser d'autres, je crois que l'armée allemande montre de plus en plus de limites, y compris sur le plan tactique, à partir de 1943. Et comme le souligne Benoît Rondeau, elle est étirée entre une lutte sur plusieurs fronts qui prend tout son sens à l'été 1944. Le succès du débarquement n'était pas écrit à l'avance mais à ce moment-là, la Wehrmacht est déjà sur le déclin. Les succès alliés de l'été 1944 vont contribuer à le précipiter. On trouvera p.79 les 7 titres qui ont servi à l'auteur pour monter ce thématique.