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De la Syrie à l'Irak, de l'Irak à la Syrie. Liwa Assad Allah al-Ghaleb

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Une des dernières milices pro-régime d'origine irakienne apparue en Syrie est Liwa Assad Allah al-Ghaleb (LAAG)1. LAAG naît officiellement en décembre 2013 lorsque son chef, Abou Fatima al-Mussawi, l'annonce dans une vidéo tournée à l'aéroport international de Damas. Abou Fatima al-Mussawi a servi dans Liwa Abu Fadl al-Abbas (LAFA), la plus ancienne et sans doute la plus importante milice chiite irakienne ayant combattu aux côtés du régime syrien, depuis la seconde moitié de 2012, et qui est ensuite progressivement alimentée par des milices irakiennes pro-iraniennes comme Asaib Ahl al-Haqq ou Kata'ib Hezbollah2. Revenu en Irak, où il trouve un soutien moral et financier, Abou Fatima al-Mussawi commence à recruter pour former sa propre milice.

Qassim al-Tai'i est le chef spirituel de LAAG mais aussi de la branche irakienne de LAFA, créée récemment, en janvier 2014. C'est un clerc chiite de Nadjaf qui fait partie des fondateurs du mouvement sadriste. Il a participé à plusieurs soulèvement ratés contre Saddam Hussein et a été emprisonné par le régime irakien. Il a également des liens avec l'Iran dont il adopté la règle de jurisprudence3. En proie à l'hostilité de Moqtada al-Sadr, il revient sur le devant de la scène avec la guerre en Syrie, militant très tôt pour encourager le départ de volontaires chiites à Damas. C'est ainsi qu'il parraine la formation de LAFA. Il fait d'ailleurs plusieurs fois le voyage en Syrie pour rencontrer les chefs de cette milice. Il ouvre le 23 décembre 2012 un bureau dans le quartier d'al-Sayyida Zaynab, au sud de Damas, où se trouve le fameux sanctuaire chiite dont la défense sert de prétexte à l'envoi des miliciens chiites irakiens. Ce bureau est dirigé par Ibrahim Dawa. Dawa, le secrétaire de al-Ta'i, fait le lien entre le chef religieux et les combattants. C'est lui qui distribue l'aide financière aux familles des combattants tués. Al-Tai'i a usé de son influence pour que les Irakiens chiites venant des milices pro-iraniennes prennent le contrôle de LAFA, qui au départ a été une création spontanée en Syrie, pas forcément organisée depuis l'extérieur. La mainmise étrangère a d'ailleurs créé des affrontements armés internes à LAFA à l'été 2013. La création d'une branche irakienne de LAFA en janvier dernier est la dernière phase de ce processus4.

 

Qassim al-Tai (extrême-gauche, avec le turban).



Aqil al-Mussawi, plus connu en Syrie sous le nom de guerre Abou Fatima al-Mussawi, est le fondateur et le chef de LAAG. C'est un militant irakien qui a été présent en Syrie dès les débuts de LAFA. Après la mort d'Ahmad Kabara, Abou Fatima tente de créer sa propre milice en Syrie en se séparant de LAFA mais échoue. Il retourne donc en Irak. C'est là qu'il obtient le soutien logistique et financier d'al-Tai'i, ce qui lui permet de revenir en Syrie et d'annoncer la formation de LAAG le 7 décembre 2013. Il s'impose rapidement aux côtés des autres chefs de milices irakiennes.

Abou Fatima al-Mussawi (capture d'écran).
 

Qassim a-Ma'amouri est le bras droit de Mussawi. Il apparaît sur de nombreuses photos et les insurgés l'accusent d'avoir commis des massacres dans les quartiers sud de Damas et à Jobar, à l'est de la capitale. On le voit également sur une photo observer le terrain dans des binoculaires à côté d'une mitrailleuse DShK de 12,7 mm. Mouhammad Ali Mohyeddine (alias Dhu al-Faqar), un autre chef de LAAG, est un chiite syrien du village de Nubbol, dans la province d'Alep. Il a été tué le 11 mai 2014 durant les combats à Mleha, dans l'est de la Ghouta. Formé par la Garde Républicaine du régime syrien, il avait combattu autour de Damas, dans l'ouest et l'est de la Ghouta. Sur les photos du groupe, on le voit souvent accompagné de son cousin, Makaren. Hassan Mohyeddine est un clerc chiite du village de Nubbol qui encadre les volontaires chiites syriens de la milice qui viennent des deux villages chiites proches d'Alep, Nubbol et al-Zahra'a, assiégés par les insurgés syriens5. LAAG a en effet élargi son recrutement à des chiites et des druzes syriens, dont certains, pour ces derniers viennent de la localité de Jaramana, non loin de Mleha6.


Qassim a-Maamouri, le bras droit d'Abou Fatima.


Dhul al-Faqar.


L'emblème choisi par LAAG est des plus instructifs7. On reconnaît immédiatement la filiation avec LAFA en remarquant la présence, à l'arrière-plan, du dôme doré de Zaynab. Les deux sabres de part et d'autre figurent probablement Zulfiqar, l'épée d'Ali, à deux pointes. La figure centrale est sans doute Abbas Ibn Ali, le compagnon d'Huseyn à Kerbala, une bataille centrale pour la mémoire chiite, et qui donne en partie son nom à LAFA. En plus du nom du groupe sur le bandeau du bas, on reconnaît bien sûr le drapeau syrien. On peut noter la ressemblance avec le récent emblème de la branche irakienne de LAFA. Sur une vidéo datée du 1er mai 2014 et probablement tournée à Mleha, on observe un écusson de dos, sur un des miliciens, qui est celui du régime syrien, preuve des liens étroits qui unissent les volontaires irakiens à ce dernier. Les combattants de LAAG arborent aussi dans plusieurs vidéos un écusson de manche caractéristique, différent de l'emblème du groupe, qui permet de les reconnaître facilement.

Emblème de LAAG.


Emblème de la branche irakienne de LAFA.


Sur le dos de ce milicien de LAAG, on distingue l'écusson du régime syrien (capture d'écran).

Ce combattant de LAAG porte l'écusson de manche caractéristique de la milice, différent de l'emblème qu'on aperçoit en haut à gauche (capture d'écran).

Capture d'écran d'une vidéo montrant des miliciens de LAAG écoutant les conseils tactiques de leur chef avant de monter à l'assaut, à Mleha. On reconnaît l'écusson de la milice sur les manches des deux soldats à gauche et à droite.


Un rebelle syrien montre l'écusson de manche de LAAG récupéré sur le cadavre d'un milicien.



Depuis sa création, LAAG a d'abord été engagée dans le quartier de Daraya, au sud de Damas, puis dans le reste de la Ghouta. Ses miliciens ont aussi combattu le long de l'autoroute Damas-Deraa et dans le secteur d'al-Qadam qui en est proche. Actuellement, la brigade participe à la tentative du régime pour reprendre Mleha, dans l'est de la Ghouta. Elle a reçu son entraînement de la Garde Républicaine syrienne, au camp près de Qatana, et aussi dans ceux de la 4ème division blindée, sur la montagne d'al-Mazzeh, non loin du palais présidentiel à Damas. L'entraînement aurait été assuré par des conseillers iraniens des Pasdarans. Il est difficile d'évaluer les effectifs de LAAG mais ils ne doivent pas être conséquents. On sait qu'elle a subi des pertes assez lourdes dans ses premiers engagements avant d'accumuler une certaine expérience8. Les combats à Mleha sont aussi particulièrement durs (la bataille dure depuis plusieurs mois), puisque plusieurs vidéos et photos des insurgés montrent des miliciens de LAAG tués, que l'on reconnaît à leurs écussons. On peut l'estimer, d'après les vidéos du groupe, à plusieurs dizaines d'hommes au minimum, peut-être une centaine, mais probablement guère plus. LAAG n'est certainement pas la milice pro-régime étrangère (et syrienne) la plus étoffée, d'autant qu'elle est encore de création récente.

Cette carte réalisée par un blog pro-régime montre la ligne de front à Mleha, dans l'est de la Ghouta, le 9 juin dernier.


Les vidéos9 mises en ligne par LAAG confirment assez bien les représentations des autres milices chiites irakiennes plus anciennes engagées en Syrie, aux côtés du régime, depuis la seconde moitié de 201210. On peut distinguer plusieurs thèmes récurrents. Le premier est celui de la justification de l'intervention des chiites irakiens en Syrie, notamment par la défense du sanctuaire de Zaynab, au sud de Damas. La première vidéo postée par le groupe, le 16 janvier 2014, montre ainsi le dôme doré de Zaynab, illuminé, durant une nuit pluvieuse. Une autre vidéo, qui est un montage de plusieurs séquences, reprend notamment la fameuse scène où un combatttant de LAFA monte sur le dôme de Zaynab, elle-même reprise sur des emblèmes de cette milice. Enfin, une des dernières vidéos mises en ligne, le 23 mai 2014, filme des pélerins chiites qui viennent au sanctuaire de Zaynab, symbolisant en quelque sorte la « mission accomplie » de LAAG et justifiant les sacrifices consentis.


Le sanctuaire de Zaynab, de nuit, sous la pluie : première vidéo postée par LAAG.



Un des pick-up utilisés par LAGG (capture d'écran).



Le deuxième thème dominant est celui de l'activité militaire de la milice, au sens large. La deuxième vidéo, toujours mise en ligne le 16 janvier, montre le chef de la milice s'adressant à ses hommes. La troisième, postée elle aussi le 16 janvier, est la première à montrer le groupe en opération. Les visages sont floutés (ce qui étrangement n'est pas systématiquement le cas, il s'agit en général de membres importants, manifestement, ou qui souhaitent demeurer discrets pour des raisons de sécurité), et les miliciens irakiens défendent des positions dans un immeuble, en contexte urbain, notamment des meurtrières placées au milieu d'empilements de sacs de sable à des fenêtres ou autres ouvertures du bâtiment. Les vidéos suivants montrent des patrouilles de miliciens ; l'une en particulier, filme les chefs revenant vers ce qui semble être le QG du groupe. Les chefs de LAAG sont souvent présents dans les vidéos, et mis en valeur : on reconnaît le fondateur, Abou Fatima, mais aussi son bras droit Qassim et Mouhammad Ali Mohyeddine. Les premières vidéos montrant des combats ou des échanges de tirs, comme pour les autres milices irakiennes, insistent sur certains armements : mitrailleuses PK utilisées depuis des bâtiments ou des barricades au sol, fusils de sniper (SVD Dragunov), lance-roquettes RPG-7 etc. Les snipers, ici armés de Dragunov, sont particulièrement prisés, comme pour d'autres milices irakiennes pro-régime. Une vidéo un peu plus longue, postée le 25 février, montre le groupe patrouiller et combattre de nuit. Les blessés de la milice sont pris en charge dans un hôpital du régime. LAAG n'oublie pas non plus de célébrer ses « martyrs », dans la tradition chiite. Une vidéo postée le 8 avril évoque plusieurs hommes de la milice tués au combat. Une autre vidéo mise en ligne le lendemain montre les miliciens du groupe manoeuvrer en terrain urbain, puis poser avec leur drapeau devant un ZSU 23/4 Shilka qui précède lui-même une colonne de chars, ce qui montre l'imbrication étroite, à l'occasion entre les miliciens irakiens et les forces du régime syrien. Bien que bénéficiant parfois de l'appui des véhicules blindés du régime, les miliciens de LAAG ont aussi leurs propres pick-up. Le 6 mai, une première vidéo met en scène l'utilisation par LAAG, sur le front de Mleha, de roquettes Volcano fournies par le régime syrien. C'est la première fois que ces roquettes iraniennes modifiées en Syrie, et qui ont servi pour les attaques chimiques du 21 août 2013, sont confiées à une milice étrangère pro-régime11. Une vidéo postée le 8 mai montre un peu plus en détails le tir des roquettes Volcano12.


Un combattant de LAAG épaule un RPG-7 à Mleha.


Des miliciens de LAAG déploient leur drapeau devant un automoteur antiaérien ZSU 23/4 qui précède lui-même une colonne de chars.

Ci-dessous : 5 captures d'écran montrant des snipers de LAAG tirant au Dragunov.









Poster montrant les "martyrs" de LAAG.

Capture d'écran montrant le camion transportant les deux lance-roquettes Volcano -bricolées à partir de Falaj-2 iraniennes, 333 mm- utilisé à Mleha par LAAG.

Tir de roquette Volcano à Mleha (capture d'écran).





Comme d'autres milices irakiennes, LAAG insiste enfin, dans ses vidéos sur les corps des ennemis abattus, qui constituent une dernière thématique en soi. Plusieurs séquences s'attardent sur les cadavres d'insurgés syriens abattus par LAAG durant ses opérations, parfois baignant littéralement dans leur sang. Dans l'une d'elles, on voit même certains miliciens poser, le pied sur leurs victimes, dans la démarche classique du « trophée de chasse » que l'on a pu déjà constater pour d'autres milices irakiennes13. Une des séquences, particulièrement dure, montre aussi l'interrogatoire d'un homme (un insurgé ?) capturé, plaqué au sol et menacé d'un couteau par un des miliciens irakiens.


Un milicien de LAAG pose son pied sur un cadavre d'insurgé (capture d'écran).

Cadavre d'un insurgé filmé par LAAG.

Autre cadavre d'insurgé filmé par LAAG.

Dans cette capture d'écran, on voit un homme (un insurgé ?) maintenu au sol et menacé d'un couteau par un milicien de LAAG.





5Présentation des membres importants de LAAG dans cette vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=6tpIHHUGAK4#t=74
7Merci à Yalla Souriya pour l'aide apportée dans l'identification des éléments de cet emblème.
9Travail réalisé à partir de la chaîne officielle Youtube de LAAG : https://www.youtube.com/channel/UCirgRdfpPBf3hr4kSwliSOw
10Cf l'impressionnant et passionnant travail de Philip Smyth, qui m'a en partie inspiré ce billet : http://jihadology.net/hizballah-cavalcade/
11La Garde Nationaliste Arabe, une autre milice étrangère, utilise aussi peu après le même matériel à Mleha : cf http://historicoblog3.blogspot.com/2014/01/mourir-pour-assad-les-combattants_27.html

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