En
Finlande, les premières rumeurs à propos de combattants partis en
Syrie commencent à circuler dans les médias à partir d'août
20121.
Un an plus tard, le ministère de l'Intérieur confirme que plus de
20 Finlandais ont déjà rejoint les groupes islamistes radicaux sur
place. Ce phénomène marque la radicalisation, en filigrane, de
musulmans finlandais depuis environ deux ans. La population musulmane
finlandaise, très réduite au départ, s'est accrue dans les années
90 par l'apport de nombreux réfugiés. On l'estimait à 50 à 60 000
personnes en 2011, dont 90% de sunnites. Ce sont des musulmans de la
deuxième génération, mal intégrés, originaires de zones de
conflit, qui se sont radicalisés. Cependant, la plupart des
musulmans radicalisés sont liés, de fait, à des groupes islamistes
ou autres avec des enjeux locaux, même si plusieurs organisations
comme al-Qaïda, les Shebaab, le Hezbollah sont représentées en
Finlande. Les Shebaab, en particulier, sont plus visibles car ils ont
recruté dans la communauté somalie finlandaise (15 000 personnes en
2012). Le processus semble se restreindre à partir de 2012, moment
où les Shebaab s'associent très nettement à al-Qaïda et
commencent à avoir recours à des méthodes classiques de
l'organisation comme l'attentat à la voiture kamikaze.
On
pense qu'il n'y a pas eu de Finlandais engagés en Afghanistan. Le
premier combattant étranger finlandais mis en évidence est Abu
Ibrahim, parti combattre en Tchétchénie et arrêté par les
autorités géorgiennes. Son père est un officier de l'armée
finlandaise. Le plus gros contingent reste donc celui débauché par
les Shebaab entre 2007 et 2009, avant la radicalisation de ce dernier
mouvement vers al-Qaïda. On évoque aussi, peut-être, la présence
d'un Finlandais auprès du Front National de Libération de l'Ogaden,
en Ethiopie. C'est avec la guerre en Syrie que le contingent de
volontaires finlandais est le plus important. Après les rumeurs
dévoilées en août 2012, un premier martyr finlandais, Kamal Badri,
est identifié en janvier 2013 : il a été tué à Alep.
Quelques mois plus tard, les autorités commencent à parler d'une
dizaine, puis d'une vingtaine de personnes parties en Syrie. Le
portrait d'ensemble reste encore peu clair, faute d'informations
suffisantes, même si l'on peut en déduire que la communauté
musulmane radicalisée, en Finlande, se structure davantage depuis
deux ans.
En
mars 2014, le service de renseignement et de sécurité finlandais
estime que plus de 30 personnes ont déjà rejoint la Syrie,
majoritairement dans les rangs du front al-Nosra, de l'EIIL, voire du
groupe Jaish Al Muhajireen Wal Ansar2.
La mobilisation est facilitée par l'effet d'entraînement du conflit
syrien, la montée en puissance de l'islam radical en Finlande et par
l'accès relativement facile au territoire de la Syrie. La frange de
l'islam radical en Finlande compterait maintenant plusieurs centaines
de personnes, ce qui augmenterait les candidats potentiels au djihad.
Par ailleurs, la législation finlandaise ne peut appréhender des
personnes qui souhaitent partir pour combattre à l'étranger, même
en rejoignant un groupe terroriste. La plupart des volontaires
finlandais sont partis seuls, même s'il y a au moins un cas où la
famille a accompagné le djihadiste sur place. On a signalé la
présence de Finlandais dans les provinces d'Idlib, Alep et Raqqa ;
au moins deux Finlandais sont morts ; certains seraient revenus
dans leur pays natal, d'autres auraient fait des aller-retour.
Abou Anas al-Finlandi.-Source : http://neildoyle.com/wp-content/uploads/2014/02/Abu-Annas-from-Finland-killed-in-Syria-300x178.jpg |
Quatre
combattants seulement ont été clairement identifiés. Muhammad est
arrivé de Somalie en 1993, à l'âge de deux ans. Il a été élevé
et éduqué en Finlande, à Espoo, avant de gagner la Turquie en
décembre 2012 et de rejoindre l'EIIL. Il ne compte pas revenir en
Finlande. Abou Mansour, repéré par le MEMRI en décembre 2013 lors
d'un discours public à Raqqa, est probablement la même personne.
Marwan, né en 1993, est un jeune converti à l'islam de Turku. Sa
mère est finlandais et son père namibien. Après avoir bouclé son
service militaire, il prétend vouloir étudier l'islam à
l'étranger, gagne la Syrie à l'été 2012, a vec sa femme, et
combat dans une unité au nord d'Alep qui comprendrait d'autres
Finlandais. Il serait mort à Alep en juin 2013. Son profil Facebook
indique qu'il a combattu dans la province d'Idlib en mars-avril
2013 ; parmi ses « amis », un autre
combattant finlandais, Abu Anas al-Finlandi. Rami, né vers 1992 de
mère finlandaise et d'un père issu d'un pays arabe, a vécu à
Helsinki avant de gagner le sud de la Turquie en juillet 2013. Il
avait eu une scolarité difficile, marquée par des problèmes d'abus
d'alcool et un comportement délinquant. Converti à l'islam à
l'adolescence, il sollicite l'imam de sa mosquée pour partir en
Syrie. Abu Anas al-Finlandi, qui serait né vers 1993, originaire
d'Espoo, aurait rejoint l'EIIL à la fin 2013 ; il a été tué
en février 2014 pendant les affrontements entre l'EIIL et les autres
groupes insurgés. Malgré le peu de renseignements sur les
volontaires finlandais, on constate que ce contingent attire les
recruteurs étrangers : Omar Bakri Mohammad, du groupe anglais
al-Muhajiroon, aurait rencontré des combattants finlandais en
Syrie et en Somalie, et Anjem Choudary est venu en Finlande en mars
2013, laissant penser qu'il aurait peut-être l'intention de
développer un mouvement Sharia4Finland, à l'image de ceux
déjà créés ailleurs en Europe3.
Choudary était venu soutenir un Norvégien emprisonné, Mullah
Krekar, ancien leader d'un groupe terroriste kurde d'Irak, Ansar
al-islam4.
1Juha
Saarinen, « GUEST POST: The History of Jihadism in Finland and
An Early Assessment of Finnish Foreign Fighters in Syria »,
Jihadology.net, 21 novembre 2013.
3Juha
Saarinen, « The Finnish Foreign Fighter Contingent in Syria »,
CTC Sentinel, March, 2014, Volume 7, Issue 3, p.6-10.