Au
moins 20 Néerlandais sont partis combattre en Syrie depuis le début
de la guerre civile et 6 y ont trouvé la mort1.
Il n'y a pas de réseaux organisés jusqu'à présent qui recrutent
les musulmans néerlandais sur place, mais des groupes comme
Sharia4Holland, Behind Bars, Hizb-al-Tahrir et Millatu Ibrahim
se servent du conflit pour promouvoir leur cause, ce qui est un
facteur potentiel de radicalisation de leur public. Il est d'ailleurs
fort possible que le nombre total de Néerlandais partis en Syrie
dépasse en fait la centaine. Les 20 personnes qui ont été
identifiées proviennent des communautés marocaine, somalienne et
turque surtout, bien que l'une d'entre elles soit originaire de
Bosnie. La majorité est néanmoins d'origine marocaine. Ils viennent
de Zeist, Delft, Rotterdam et La Hague (en particulier le quartier de
Schilderswijk). La plupart des hommes recrutés ont entre 23 et 26
ans, même si deux étaient des mineurs. Le soutien à la cause
s'exprime via un site Internet et le recrutement s'effectuerait par
des activistes de Sharia4Holland et Behind Bars qui ont
déjà effectué le voyage en Syrie. Les volontaires gagnent la
Turquie via les Pays-Bas ou la Belgique et entrent dans le nord de la
Syrie.
Le
premier Néerlandais tué en Syrie, d'origine marocaine, est mort en
mars 2013. Il faisait partie d'un groupe de 20 jeunes hommes de
Delft, certains ayant un passé de délinquant ; lui-même
cherchait manifestement à « racheter ses péchés »
en partant combattre en Syrie. Un de ses amis, qui jouait dans
l'équipe de foot Delfia, est également tué en Syrie, ainsi que son
frère. Une jeune femme de 19 ans, connue sous le nom d'Oum Usama, de
Zoetermeer, suspectée de procéder au recrutement, est arrêtée en
juillet 2013. Un autre recruteur, Murat Ofkeli, surveillé par les
autorités depuis 2001 et qui avait notamment envoyé en 2005 3
jeunes Néerlandais pour la Tchétchénie, qui avaient été arrêtés
en Azerbaïdjan, n'est pas pris au sérieux jusqu'à ce que la presse
se fasse l'écho de plaintes des parents des candidats au djihad.
Banni de la mosquée As-Soennah de La Hague, Ofkeli aurait trouvé la
mort en Syrie en juin 2013.
Le
chef des djihadistes néerlandais en Syrie, Abu Fidaa, a donné une
interview au journal De Volkskrant en juin 2013. Il fournit
des précisions qui sont impossibles à vérifier, mais qui n'en sont
pas moins intéressantes. On conseille ainsi aux volontaires de lire
48 Laws of Power ou Les 36 Stratagèmes de la guerre, par
exemple. D'après lui, une fois arrivés en Syrie, les volontaires
sont entraînés pendant six semaines ; ils peuvent alors se
porter candidats au martyr. Les Néerlandais sont mélangés avec
d'autres nationalités pour favoriser l'intégration dans un djihad
« global ». On pense que les Néerlandais sont
surtout à Alep mais Abu Fidaa précise qu'ils se trouvent aussi dans
d'autres parties du pays. 3 femmes ont également fait le choix de
suivre leurs maris en Syrie.
Abou Fidaa, à gauche sur la photo.-Source : http://onafhankelijkdelft.nl/wp-content/uploads/Abu-Fidaa-delft-jihadsrijder-kanonnevoer-assad.jpg |
Le
17 janvier 2014, le ministre des Affaires Etrangères néerlandais
déclare que 10 Néerlandais ont déjà trouvé la mort en Syrie ;
120 seraient toujours là-bas ; et 20 sont revenus et
étroitement surveillés2.
Le
recrutement, aux Pays-Bas, se ferait par des réseaux de plus en plus
organisés en 2014. On trouve des mosquées salafistes, en
particulier dans la communauté marocaine, et des imams appartiennent
aussi à une organisation salafiste saoudienne, la fondation Ahl
al-Sunnah. D'autres salafistes opèrent plus discrètement, en dehors
des mosquées. Arrivés en Turquie par avion, généralement en
provenance d'Allemagne, les volontaires gagnent la frontière et
contactent par téléphone des personnes indiquées par les vétérans
revenus aux Pays-Bas. Ils reçoivent armes et équipement sur place.
Les Néerlandais stationnent généralement dans la province d'Alep3.
Khalid
K., arrêté une première fois par les autorités néerlandaises
pour activités terroristes en 2011, vient de la ville d'Almere,
surgie du néant au milieu des années 1970 aux Pays-Bas, sur une
étendue d'eau du Zuidersee. Traité pour claustrophobie et
schizophrénie, Khalid est relâché faute de preuves. Depuis, il est
probablement parti combattre en Syrie, d'abord avec le front
al-Nosra, puis avec l'EIIL. Une photo le présente, selon toute
vraisemblance, en train de poser devant 5 têtes issues de corps
décapités, d'anciens camarades du front al-Nosra4.
En
février 2014, le contre-terrorisme néerlandais estimait qu'une
centaine de personnes était partie en Syrie ; 70 y seraient
toujours, au moins 11 ont été tués et une vingtaine, qui est
revenue, est étroitement surveillée. La plupart des volontaires
sont des hommes jeunes, d'un peu plus de 20 ans, mais certains sont
mineurs -9 cas rien que pour la région de La Hague. Zakariya
al-Hollandi fait partie des convertis néerlandais, de son vrai nom
Victor Droste. Il a rejoint le front al-Nosra. Il vient du village de
Heeten, dans la province de Overijssel. L'endroit et le contexte
familial semblent a priori peu propices à une conversion. Et c'est
pourtant ce qui arrive en 2010. L'année suivante, il commence à
s'intéresser au mouvement salafiste radical britannique Islam4UK,
de Choudary, puis à la version néerlandaise établie par celui-ci,
Sharia4Holland. Après avoir rencontré Choudary lors d'une
conférence, Droste, qui choisit désormais de s'appeler Zakariya
al-Hollandi, rejoint un groupe radical à La Hague, où il écoute
les prêches enregistrées de Anwar al-Awlaki, théologien d'al-Qaïda
à la fois yéménite et américain et qui est tué par une frappe de
drones américains au Yémen à la fin septembre 2011. Après une
dispute avec ses parents à Noël de cette même année, Droste part
pour la Syrie.
En encadré, Victor Droste, un converti, alias Zakariya al-Hollandi.-Source : http://bin.snmmd.nl/m/m1mw7uqpmnl2_std1024.jpg/victor-droste-zakaria-al-hollandi.jpg |
A
Arnhem, à 60 km au sud-ouest de Heeten, ville célèbre pour les
combats qui s'y sont déroulés en septembre 1944, on trouve une
forte communauté immigrée, marocaine et turque. Au moins deux
jeunes du quartier de Malburgen sont partis pour la Syrie. Marouane
vient de la communauté marocaine alors que Robbin est un converti.
Jusqu'ici, ils étaient plutôt connus pour leur passion du rap. En
juillet 2013, le ton de leurs vidéos de rap commence à changer. Ils
prennent des cours d'arabe à l'association Omar al Khattab, dirigée
par Anoire Rharsisse, qui recrute manifestement pour le djihad. Ils
regardent en boucle des images et des vidéos des massacres commis en
Syrie ; deux de leurs amis, Nadeem et Hakim (ce dernier arrêté
par la police allemande), sont déjà partis. Ils lisent des ouvrages
dont celui de Abu Muhammad al Maqdisi, un théologien jordanien
salafiste radical, maître à penser d'al-Zarqawi. Sur Internet, ils
consultent le site “De Ware Religie” (la vraie religion),
proche des volontaires néerlandais du djihad syrien, ainsi que celui
de Sharia4Belgium de Fouad Belkacem, un autre clone de
Islam4UK. En novembre 2013, les deux jeunes gagnent la Syrie
via la Turquie. Robbin est revenu de Syrie après 4 mois passés à
Alep, fuyant le combat interne entre le front al-Nosra, l'EIIL et les
autres groupes rebelles5.
Robbin, le jeune converti d'Arnhem.-Source : http://www.carelbrendel.nl/wp-content/uploads/2014/01/Image386.png |
Récemment,
les autorités néerlandaises ont renforcé la surveillance à titre
préventif des personnes susceptibles de se radicaliser. Amsterdam,
La Hague et Almere sont des villes particulièrements surveillées,
suivies par Rotterdam, Delft, Zoetermeer, Gouda, Arnhem et Zeist, là
d'où partent le gros du contingent des volontaires. 13 jeunes gens
se sont vus retirer leurs passeports et plusieurs douzaines se sont
vus priver d'aides sociales. Le contre-terrorisme parle de 100
Néerlandais peut-être présents en Syrie mais reconnaît que le
nombre peut être à plusieurs centaines6.
1Samar
Batrawin « The Dutch Foreign Fighter Contingent in Syria »,
CTC Sentinel, Volume 6 Issue 10, octobre 2013, p.6-10.
3Foreign
fighters from Western countries in the ranks of the rebel
organizations affiliated with Al-Qaeda and the global jihad in
Syria, Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center,
3 février 2014.