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« Et combattez-les jusqu'à ce qu'il ne subsiste plus d'association, et que la religion soit entièrement à Allah. ». Un portrait des combattants étrangers de l'insurrection en Syrie.

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« Et combattez-les jusqu'à ce qu'il ne subsiste plus d'association, et que la religion soit entièrement à Allah. »1. Un portrait des combattants étrangers de l'insurrection en Syrie.


Article publié simultanément sur l'Alliance Géostratégique.


Mise à jour 16-samedi 29 mars 2014 : rajout d'un tableau sur les volontaires européens, beaucoup d'ajouts dans les différents contingents ; à suivre prochainement, d'autres exemples (Norvégiens, Américains, etc).


Mise à jour 15 samedi 22 février 2014 : des précisions sur les Jordaniens, les Britanniques, les Belges.

Mise à jour 14 dimanche 9 février 2014 : précisions sur les Azéris, Tchétchènes.

Mise à jour 13 mercredi 5 février 2014 : les Indonésiens.


Mise à jour 12 jeudi 30 janvier 2014 : précisions importantes sur les Belges et les Azéris, grâce à de nouveaux articles.


Mise à jour 11 samedi 25 janvier 2014 : ajout des Danois et des Azéris, précisions sur les Espagnols, les Néerlandais, et d'autres, ajouts d'images supplémentaires.

Mise à jour 10 samedi 18 janvier 2014 : republication totale du billet avec les notes de bas de page, des rajouts sur quelques contingents + les Saoudiens et les Canadiens en plus.

Mise à jour 9 lundi 13 janvier 2014 : les Tunisiens, à suivre avec d'autres compléments prochainement.


Mise à jour 8 _ vendredi 10 janvier 2014 : un long développement sur les Egyptiens.

Mise à jour 7 mardi 7 janvier 2014 : des précisions sur les Marocains d'Harakat al-Sham et sur les Espagnols.


Mise à jour 6 dimanche 5 janvier 2014 : rajout de l'exemple espagnol, des précisions sur les Marocains de Harakat al-Sham.


Mise à jour 5 jeudi 2 janvier 2014 : les volontaires turcs et belges ; précisions sur les Britanniques et les groupes composés d'étrangers.


Mise à jour 4 vendredi 28 décembre : des précisions sur les volontaires nord-caucasiens.


Mise à jour 3 vendredi 27 décembre : les volontaires d'Asie Centrale, quelques précisions sur les groupes composés de volontaires étrangers.


Mise à jour 2 samedi 21 décembre 2013 : des précisions sur les pertes subies par les volontaires étrangers.


Mise à jour 1 vendredi 20 décembre 2013 : précisions sur les volontaires jordaniens + exemple allemand rajouté. 




La guerre en Syrie a entraîné l'intervention de milliers de combattants étrangers qui sont venus soutenir les insurgés luttant contre Bachar el-Assad. L'attention des Occidentaux se focalise, bien sûr, sur ceux qui viennent combattre auprès des groupes liés à al-Qaïda, et qui pourraient éventuellement constituer une menace dans ces pays, mais c'est aussi oublier que l'intervention étrangère est sans doute bien plus considérable en faveur de Bachar el-Assad1. Cet article se propose d'esquisser un portrait d'ensemble du phénomène des combattants étrangers qui sont venus se battre en Syrie du côté de l'insurrection, de façon à démonter quelques idées reçues et à fournir des exemples circonstanciés qui aident à mieux saisir la réalité du phénomène, à partir de sources fiables.

 


« Les volontaires étrangers en Syrie, combien de divisions ? »


En Europe, l'afflux de volontaires aux côtés des rebelles étrangers commence à inquiéter à partir du printemps 2013. The Independant estime que 100 Britanniques sont déjà partis ; le Figaro parle de 50 à 80 Français ; Der Spiegelévoque des douzaines d'Allemands ; et le Jyllands-Poste parle de 45 Danois. Les Pays-Bas haussent leur niveau d'alerte en raison du retour de certains au pays, parmi la centaine ou plus de musulmans qui sont partis combattre en Syrie. A ce moment-là, ce sont entre 140 et 600 Européens environ qui sont déjà allés se battre du côté des insurgés, soit 7-11% du nombre total de volontaires étrangers2.

En avril 2013, Aaron Zelin estimait le nombre total de volontaires étrangers partis en Syrie depuis 2011 à 2 000-2 500, dont 135 à 590 Européens. Il y en avait entre 70 à 441 encore sur place, parmi ces derniers, à ce moment-là. Sur 249 notices de martyrs des groupes djihadistes syriens, seules 8 (3%) concernaient alors des Européens. De fait, les combattants étrangers représentent au maximum 10% de l'insurrection, et probablement moins. En novembre 2013, Thomas Hegghamer parlait de 1 100 à 1 700 Européens de l'ouest partis en Syrie, ce qui d'après lui représente déjà plus que tous les autres contingents des conflits entre 1990 et 2010. Le phénomène, globalement, semble s'accélérer tout au long de l'année 2013.


Nombre de combattants étrangers en Syrie par pays d'origine, estimation des services de renseignement en 20133. A gauche : estimation minimum ; à droite : estimation maximum

France
200-400
Allemagne
200
Royaume-Uni
200-300
Belgique
100-300
Espagne
95
Danemark
65
Bosnie
60
Autriche
57
Pays-Bas
50-100
Italie
45-50
Norvège
30-40
Suède
30-40.

Récemment, le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung4, citant une étude à paraître de The International Centre for the Study of Radicalisation, évoque au total 11 000 combattants étrangers en Syrie, dont 1 800 Européens de l'Ouest (et 240 Allemands). L'étude en question, parue finalement le 17 décembre5, confirme effectivement ces chiffres : 11 000 volontaires étrangers venant de 74 nations différentes depuis 2011 ; le nombre d'Européens de l'Ouest a triplé depuis avril 2013, passant de 600 à plus de 1 900. La fourchette se situe désormais entre 3 300 et 11 000 combattants, et le total est probablement de plus de 8 500. Les Européens de l'ouest constituent désormais 18% du contingent, avec en tête la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas. Rapportés à la population totale, les chiffres sont les plus élevés pour la Belgique, le Danemark et les Pays-Bas. Les pays du Moyen-Orient continuent à fournir près de 70% des volontaires étrangers, les plus gros contingents venant de Jordanie, d'Arabie Saoudite, de Tunisie, du Liban et de Libye, mais les chiffres sont ici probablement moins fiables. Les Balkans et les anciennes républiques soviétiques fournissent le dernier gros contingent. En tout cas, malgré cette augmentation, le nombre de combattants étrangers ne représente pas plus de 10% de l'insurrection, qui se monte au moins à 100 000 hommes.

Les combattants étrangers en Syrie, d'après Süddeutsche, citant l'ICRS + l'étude de l'IRCS parue le 17 décembre 2013 (à gauche, estimation basse, à droite, estimation haute).

Jordanie
180-2 089
Arabie Saoudite
386-1 016
Tunisie
382-970
Liban
65-890
Libye
336-556
Turquie
63-500
Egypte
119-358
Pakistan
7-330
Algérie
68-123
Territoires palestiniens
74-114
Yémen
14-110
Somalie
6-68
Irak
59-247
Soudan
2-96
Maroc
77-91
Koweït
54-71
Afghanistan
12-23
Bahreïn
12
Qatar
14-15
Emirats Arabes Unis
14
Israël
15-20
Iran
3
Mauritanie
2
Oman
1
France
63-412
Royaume-Uni
43-366
Irlande
11-26
Belgique
76-296
Luxembourg
1
Allemagne
34-240
Suisse
1-8
Pays-Bas
29-152
Kosovo
4-150
Albanie
9-140
Espagne
34-95
Danemark
25-84
Autriche
1-60
Bosnie
18-60
Macédoine
3-20
Serbie
3
Bulgarie
1
Italie
2-50
Suède
39-87
Norvège
33-40
Finlande
4-20
Australie
23-205
Canada
9-100
Etats-Unis
17-60
Russie
9-423
Tchétchénie
36-186
Kazakhstan
14-150
Kyrgyzstan
9-30
Chine
6-100


Du côté des rebelles sunnites, il y a probablement eu en tout au moins 5 000 combattants étrangers, une fourchette plus large menant à 10 000 ou un peu plus, ce chiffre recouvrant tous ceux qui sont arrivés depuis 2011 -beaucoup ont été tués, arrêtés ou sont repartis entretemps6. La mobilisation de ce vivier reste néanmoins sans précédent, même comparée à celle en Irak contre les Américains ou contre les Soviétiques en Afghanistan. La majorité des volontaires vient des pays arabes -Arabie Saoudite, Tunisie et Libye, principalement, avec peut-être un nombre d'Irakiens plus important que ce que l'on peut savoir actuellement. L'Europe occidentale fournit le second plus gros contingent avec en tête l'Angleterre, la France, la Belgique et les Pays-Bas, selon Zelin, au début 2013. Il y a également des volontaires moins nombreux des Balkans, du Caucase, et d'autres régions du monde, soit au total plus de 60 pays d'où viennent ces combattants sunnites. La plupart de ces combattants intègrent les factions islamistes les plus radicales, en premier lieu l'EIIL et le front al-Nosra, mais également des groupes salafistes comme Ahrar al-Sham. Ils constituent aussi une bonne partie des groupes armés liés de près ou de loin à l'EIIL ou à al-Nosra comme l'Armée Muhajirin wa-Ansar, les bataillons Suqqour al-Ezz, le mouvement Sham al-Islam, le bataillon Vert, la brigade Umma et le Jund al-Sham.





Pour le centre israëlien Meir Amir, en février 2014, il y aurait 1 600 à 2 100 volontaires étrangers européens (sans compter les autres nationalités, donc) présents sur le terrain, en Syrie, majoritairement avec le front al-Nosra et l'EIIL7.


Tableau listant le nombre de volontaires étrangers européens présents en Syrie, côté insurrection, février 20148.


Pays
Nombre estimé de volontaires
Royaume-Uni
200-350
Belgique
200-300
Irlande
10-26
France
200-220
Pays-Bas
100-200
Espagne
10-plusieurs douzaines
Italie
45-60
Allemagne
Plus de 200
Danemark
65
Suède
Au moins 30
Finlande
Plusieurs douzaines
Norvège
30-40
Autriche
Plusieurs douzaines
Ukraine
Quelques individus.
Hongrie
Environ 12
Luxembourg
1
Suisse
1
Roumanie
Au moins 1
Bulgarie
1
Bosnie Herzégovine
Plusieurs douzaines
Kosovo
Environ 100
Macédoine
Douzaines
Albanie
Plus de 100
Serbie
Quelques individus
Russie
Quelques individus (hors Nord-Caucase)
Arménie
Quelques individus


La plupart des volontaires étrangers ont peu d'expérience et passent d'abord par des camps d'entraînement. Quelques-uns ont pu déjà être formés dans des camps en Afrique du Nord, comme ceux mis en place par Ansar al-Sharia en Libye ou d'autres milices islamistes. Il y a également, cependant, des vétérans d'Afghanistan, de Bosnie, de Tchétchénie, du Yémen et de la Libye. La majorité des djihadistes syriens ou étrangers considère les Tchétchènes comme les plus expérimentés, après vingt ans de guerre contre la Russie. Mais les volontaires caucasiens viennent surtout d'Europe et ont aussi peu d'expérience que les autres, généralement. Ceux qui sont intervenus en premier sur le champ de bataille ont eu souvent le plus d'impact. L'armée Muhajrin wa-Ansar, liée à l'EIIL, a ainsi joué un rôle clé dans la prise de la base aérienne de Minnagh, en août 2013. D'autres formations de volontaires étrangers ont attaqué furieusement dans la région de Lattaquié, en plein coeur du pays alaouite, procédant d'ailleurs à des nettoyages de population dans les zones conquises9. La brutalité du régime de Bachar el-Assad a probablement entraîné une radicalisation de ceux qui sont venus combattre en Syrie. En outre, les djihadistes étant mieux financés que les autres acteurs de l'insurrection, ils ont beaucoup plus attiré. Il semblerait que les combattants tunisiens, profitant de l'expérience d'Ansar al-Sharia, aient contribuer à préparer un programme de prosélytisme (dawa) pour l'EIIL. Ce programme vise à briser l'image négative qu'a l'organisation depuis la guerre en Irak et à s'attirer la bienveillance des habitants. C'est pourquoi, aussi, ce programme vise les enfants et les adolescents de 8 à 16 ans.

Pour le centre Meir Amit, la plupart des volontaires partagent l'idéologie des salafistes radicaux, et partent en Syrie pour l'accomplir et la ramener dans leur pays d'origine. D'autres partent en raison des images de la souffrance du peuple syrien, pour aider à renverser le régime Assad et parfois par goût de l'aventure. La plupart des volontaires rejoignent le front al-Nosra et surtout l'EIIL, ou la JMA, dont une fraction est alliée à l'EIIL. Parmi les musulmans qui partent faire le djihad en Syrie, ceux d'origine marocaine, en Europe, sont plus nombreux que les autres, mais on trouve de nombreuses autres origines également. Les volontaires sont moins célibataires que précédemment, surtout depuis la seconde moitié de 2013, où certains emmènent leurs familles avec eux. La majorité des combattants est sans expérience du feu ; ils reçoivent parfois une préparation dans leur pays d'origine, et surtout quand ils arrivent en Syrie. Les combattants étrangers interviennent surtout dans la région d'Alep, mais pas exclusivement, encore une fois. Le financement des voyages et des combattants se fait notamment par des donations dans les mosquées et les centres islamiques ; il est probable que les donateurs ignorent, parfois, à qui sert leur argent. En Syrie, en revanche, ce sont les groupes armés eux-mêmes qui financent les combattants, notamment par un salaire mensuel. On conseille néanmoins aux volontaires de se munir d'argent (quite à ne pas payer leur sécurité sociale, comme le conseille un Allemand se trouvant en Syrie, Abu Talha) pour acheter vêtements et autres impedimenta jusqu'à leur arrivée en Syrie. Des réseaux plus organisés existent aussi comme Sharia4Belgium, mais pas dans tous les pays. Arrivés en Turquie, généralement en avion à Istanbul, les volontaires gagnent via les transports publics, ou par avion, la frontière, où ils sont pris en charge dans des maisons sûres. Ils prennent ensuite contact avec les groupes armés qui leur font facilement franchir la frontière10.


Les volontaires pakistanais : une contribution au djihad mondial du TTP ?


De nombreux commandants du Tehrik-i-Taliban Pakistan (TTP) ont précisé avoir envoyé des militants en Syrie pour combattre le régime de Bachar el-Assad11. Mohammed Amin, le coordinateur du TTP pour la Syrie, a ainsi affirmé que son organisation avait établi une base en Syrie avec l'aide de vétérans de l'Afghanistan. Un commandant de rang intermédiaire du TTP justifie l'envoi de militants par le fait que des chiites seraient également recrutés par l'Iran au Pakistan pour aller combattre aux côtés du régime de Bachar el-Assad. Le réseau qui se charge d'acheminer les volontaires en Syrie est tenu conjointement par le TTP et par le Laschkar-i-Jangvi (LJ), deux groupes affiliés à al-Qaïda. Il aurait envoyé de 100 à 150 hommes. Abdul Rashid Abbasi, un proche du chef du TTP, Hakimullah Mehsud, a précisé que 120 combattants pakistanais se trouvaient en Syrie et qu'ils étaient sous les ordres du commandement local d'al-Qaïda. Le réseau est dirigé par Usman Ghani, un ancien commandant du LJ, et Alimullah Umry, un commandant du TTP de la province de Khyber Pakhtunkhwa. Selon al-Jazeera, les Pakistanais se trouvent dans la Katibat Mujahiroon, un groupe djihadiste composé de volontaires étrangers qui combat à Lattaquié et qui est commandé par un Libyen, Abu Jaafar il Libi. Le TTP, le LJ et un autre groupe sectaire, le Hafiz Gul Bahadur, ont envoyé des combattants. Le TTP a également demandé à ses commandants de Mohmand, Bajaur, Khyber, Orakzai et des agences tribales du Waziristan de procéder à des recrutements.


Source : http://raymondpronk.files.wordpress.com/2013/06/al-nusra-front.jpg


Une première vidéo, le 31 juillet 2013, confirme la présence de combattants du TTP en Syrie. Elle montre un groupe de 10 à 20 Pakistanais et a été mise en ligne par l'EEIL. En septembre, les médias annoncent que les corps de 30 Pakistanais ont déjà été rapatriés au pays, la plupart appartenant au LJ ou à la faction du Punjab du TTP. Cette participation du TTP à l'insurrection syrienne ne doit pas surprendre : elle fait partie de la stratégie d'internationalisation promue par Mehsud, qui veut participer aux djihads à l'étranger en lien avec al-Qaïda. Il y en a eu d'autres exemples : en juin 2012, le président du Niger affirmait que des Afghans et des Pakistanais entraînaient des hommes au nord du Mali. Au Yémen, des Pakistanais convoyés par al-Qaïda formeraient des militants aux explosifs, l'un d'entre eux, Ragaa Bin Ali, étant même tué par un drone en 2013. Faisal Shahzad, un jeune Pakistanais résidant aux Etats-Unis et qui avait tenté de placer une bombe à Times Square en mai 2010, était lié au TTP. L'envoi de combattants en Syrie a aussi eu pour effet de raviver les tensions sectaires au Pakistan entre sunnites et chiites.


Les Jordaniens : la radicalisation des salafistes


Depuis le début de l'insurrection, les militants jordaniens ont eux gagné la Syrie12. Au départ, ils comptaient renverser Bachar el-assad pour installer un Etat islamique sunnite, dans une dimension guerrière proprement religieuse. Cette approche s'est intensifiée avec le caractère de plus en plus sectaire du conflit. Parmi les Jordaniens, salafistes ou djihadistes, qui sont partis pour la Syrie, il y a certains vétérans d'Afghanistan ou d'Irak, et certaines sources parlent de plusieurs milliers d'hommes en tout. On sait que Zarqawi, un Jordanien, avait dirigé la branche d'al-Qaïda en Irak jusqu'à sa mort en juin 2006. Son mentor spirituel, Abu Muhammad al-Maqdisi, un Jordanien d'origine palestinienne, est le chef de file du djihadisme en Jordanie. Les djihadistes semblent gagner du terrain autour des villes de Maan et de Zarqa, cette dernière étant d'ailleurs la ville natale de Zarqawi. En octobre 2012, les autorités démantèlent une cellule qui s'apprêtaient à commettre des attentats anti-occidentaux à Amman grâce à des explosifs et à des armes venus de Syrie. Il faut dire qu'au départ, elles ont eu tendance à fermer les yeux sur le transit de combattants jordaniens en direction de ce pays. Mohammed el-Shalabi, un des leaders djihadistes jordaniens, affirme que de 700 à 800 combattants sont partis en Syrie, un chiffre qu'il est difficile de vérifier. D'autres rapports parlent de 500 hommes.





On sait par contre que Mahmoud Abdoul Al, le gendre de Abu Muhammad al-Talawi, un des cheiks djihadistes influents de Jordanie, s'est fait sauter à Deraa en octobre 2012. Al-Tahawi lui-même encourage les Jordaniens à se joindre au djihad sous la bannière d'al-Nosra. D'autres clercs sunnites jordaniens ont fait de même depuis, à l'instar du chef d'al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri. Au début des hostilités, les Jordaniens franchissent la frontière dans les provinces de Deraa et de Rif Dishmashq. Ils sont aussi présents à l'ouest et à l'est de la Syrie, à Alep, Homs et Deir es-Zor. Le gouvernement jordanien laisse d'abord faire, sans doute dans l'intention de se débarrasser à peu de frais de ses djihadistes. Mais quand le conflit s'éternise, les autorités verrouillent la frontière et mettent le hola sur le trafic d'armes qui revient vers la Jordanie. En conséquence, les Jordaniens font désormais un détour via la Turquie et pénètre en Syrie par le nord. La plupart des volontaires s'intègrent dans le front al-Nosra, et les combattants expérimentés semblent même diriger certaines brigades de l'organisation. Deux Jordaniens d'ascendance palestinienne, originaires de Zarqa, ont aidé à l'établissement du conseil de la Choura d'al-Nosra, aux côtés d'Abu Muhammad al-Juhani, le chef de l'organisation. Ces deux militants, Iyad Toubasi et Mustafa Abdul Latif, ont fait partie du commandement d'al-Qaïda en Irak. Ils sont présents en Syrie depuis le début du conflit. Le premier est par ailleurs marié à la soeur de Zarqawi. Abou Gelebeb, c'est son nom de guerre, est l'émir d'al-Nosra pour les provinces de Deraa et Damas. Blessé en décembre 2012, il est soigné en Turquie avant de rejoindre le combat. C'est Latif qui prend la suite du front sud d'al-Nosra. Proche de Zarqawi, il avait notamment organisé l'arrivée des Syriens venus se battre en Irak contre les Américains.

En décembre 2013, les Jordaniens forment le plus gros contingent de volontaires étrangers venus se battre en Syrie aux côtés des rebelles, avec plus de 2 000 hommes13. Selon Abou Sayaf, le chef des djihadistes jordaniens, il y a actuellement 1 200 Jordaniens encore en Syrie ; 200 auraient été tués depuis le début de leur participation. En plus des militants historiques, une génération plus jeune contriburait désormais en majorité au départ, originaire des villes de Zarqa, Salt, Maan et Irbid. Les Jordaniens seraient majoritairement dans des brigades radicales, en particulier celles du front al-Nosra. Ils seraient assez opposés aux vues radicales de l'EIIL en ce qui concerne le traitement des minorités et ses pratiques de guerre, de manière générale14.

On estime qu'il y a en Jordanie 5 000 salafistes djihadistes, pour 15 000 salafistes environ au total. Plutôt discrets jusqu'en 2011, la guerre en Syrie leur a donné l'occasion de s'exprimer : face à un « ennemi proche », ils défendent la création d'une « forteresse » en Syrie (Diyar al-Tamkeen) pour étendre leurs activités en capitalisant sur l'expérience acquise sur place. Le groupe des salafistes djihadistes est assez lâche, avec plusieurs chefs influents, comme Abu Muhammad al-Maqdisi et Abu Muhammad al-Tahawi. Les Jordaniens restent parmi les plus gros contributeurs en volontaires étrangers avec probablement entre 700 et 1 000 hommes actuellement sur le terrain, en février 2014. Pour les salafistes-djihadistes jordaniens, la guerre en Syrie recentre l'affrontement non pas contre l'Occident mais contre les dirigeants de l'étranger proche jugés impie, un combat qui peut finalement s'importer en Jordanie. Les autorités ne s'y trompent et ont arrêté de 150 à 170 personnes jusqu'en janvier 2014, dont, en décembre dernier, Raed Hijazi, un personnage qui aurait des liens avec al-Qaïda. En outre, le conflit est devenu de plus en plus sectaire, opposant sunnites et chiites, et les combattants jordaniens pourraient être amenés à intervenir sur d'autres champs de bataille d'un tel djihad. Une victoire en Syrie pourrait radicaliser davantage encore les salafistes-djihadistes jordaniens contre le pouvoir hachémite15.


Les Néerlandais : un recrutement dans une communauté ciblée


Au moins 20 Néerlandais sont partis combattre en Syrie depuis le début de la guerre civile et 6 y ont trouvé la mort16. Il n'y a pas de réseaux organisés jusqu'à présent qui recrutent les musulmans néerlandais sur place, mais des groupes comme Sharia4Holland, Behind Bars, Hizb-al-Tahrir et Millatu Ibrahim se servent du conflit pour promouvoir leur cause, ce qui est un facteur potentiel de radicalisation de leur public. Il est d'ailleurs fort possible que le nombre total de Néerlandais partis en Syrie dépasse en fait la centaine. Les 20 personnes qui ont été identifiées proviennent des communautés marocaine, somalienne et turque surtout, bien que l'une d'entre elles soit originaire de Bosnie. La majorité est néanmoins d'origine marocaine. Ils viennent de Zeist, Delft, Rotterdam et La Hague (en particulier le quartier de Schilderswijk). La plupart des hommes recrutés ont entre 23 et 26 ans, même si deux étaient des mineurs. Le soutien à la cause s'exprime via un site Internet et le recrutement s'effectuerait par des activistes de Sharia4Holland et Behind Bars qui ont déjà effectué le voyage en Syrie. Les volontaires gagnent la Turquie via les Pays-Bas ou la Belgique et entrent dans le nord de la Syrie.




Le premier Néerlandais tué en Syrie, d'origine marocaine, est mort en mars 2013. Il faisait partie d'un groupe de 20 jeunes hommes de Delft, certains ayant un passé de délinquant ; lui-même cherchait manifestement à « racheter ses péchés » en partant combattre en Syrie. Un de ses amis, qui jouait dans l'équipe de foot Delfia, est également tué en Syrie, ainsi que son frère. Une jeune femme de 19 ans, connue sous le nom d'Oum Usama, de Zoetermeer, suspectée de procéder au recrutement, est arrêtée en juillet 2013. Un autre recruteur, Murat Ofkeli, surveillé par les autorités depuis 2001 et qui avait notamment envoyé en 2005 3 jeunes Néerlandais pour la Tchétchénie, qui avaient été arrêtés en Azerbaïdjan, n'est pas pris au sérieux jusqu'à ce que la presse se fasse l'écho de plaintes des parents des candidats au djihad. Banni de la mosquée As-Soennah de La Hague, Ofkeli aurait trouvé la mort en Syrie en juin 2013.

Le chef des djihadistes néerlandais en Syrie, Abu Fidaa, a donné une interview au journal De Volkskrant en juin 2013. Il fournit des précisions qui sont impossibles à vérifier, mais qui n'en sont pas moins intéressantes. On conseille ainsi aux volontaires de lire 48 Laws of Power ou Les 36 Stratagèmes de la guerre, par exemple. D'après lui, une fois arrivés en Syrie, les volontaires sont entraînés pendant six semaines ; ils peuvent alors se porter candidats au martyr. Les Néerlandais sont mélangés avec d'autres nationalités pour favoriser l'intégration dans un djihad « global ». On pense que les Néerlandais sont surtout à Alep mais Abu Fidaa précise qu'ils se trouvent aussi dans d'autres parties du pays. 3 femmes ont également fait le choix de suivre leurs maris en Syrie.

Le 17 janvier 2014, le ministre des Affaires Etrangères néerlandais déclare que 10 Néerlandais ont déjà trouvé la mort en Syrie ; 120 seraient toujours là-bas ; et 20 sont revenus et étroitement surveillés17.

Le recrutement, aux Pays-Bas, se ferait par des réseaux assez organisés. On trouve des mosquées salafistes, en particulier dans la communauté marocaine, et des imams appartiennent aussi à une organisation salafiste saoudienne, la fondation Ahl al-Sunnah. D'autres salafistes opèrent plus discrètement, en dehors des mosquées. Arrivés en Turquie par avion, généralement en provenance d'Allemagne, les volontaires gagnent la frontière et contactent par téléphone des personnes indiquées par les vétérans revenus aux Pays-Bas. Ils reçoivent armes et équipement sur place. Les Néerlandais stationnent généralement dans la province d'Alep18.


Les Britanniques : au-delà du « Londonistan »


Depuis le début de la guerre en Syrie, les autorités britanniques ont arrêté trois hommes suspectés de participer à des réseaux de recrutement et d'acheminement de volontaires pour les groupes djihadistes19. Le cas britannique rappelle de fâcheux souvenirs, notamment celui de la Bosnie. L'attention est attirée sur les volontaires britanniques au moment de l'enlèvement d'un journaliste anglais et d'un autre néerlandais, le 19 juillet 2012, qui sont finalement libérés par un groupe de rebelles qui les avaient aidés à pénétrer en Syrie. Or, parmi leurs ravisseurs, se trouve une douzaine de Britanniques, dont un docteur du National Health Service, Shajul Islam, d'origine bengalie, intercepté à son retour au pays via l'Egypte le 9 octobre suivant. D'autres arrestations ont lieu en janvier 2013, dont celle du frère de Shajul, et d'un homme qui avait converti un MAC-10 tirant à blanc en une arme opérationnelle. Najul Islam, c'est son nom, aurait assuré le soutien financier du voyage de son frère et de son complice, arrêté avec lui, et aurait également convoyé en Syrie des équipements de vision nocturne, des lunettes de visée et autres matériels sensibles. Dans un autre cas, Nassim Terreri et Walid Blidi, deux Londoniens d'origine algérienne, sont tués à Darkoush, à quelques kilomètres de la frontière turque, le 26 mars 2012. Les deux Britanniques appartenaient à la brigade Hisham Haboub, de l'Armée syrienne libre : ils sont morts en ouvrant le feu sur un convoi du régime qui a répliqué à leurs tirs, un autre Britannique du même groupe étant d'ailleurs blessé dans l'accrochage.


Source : http://news.images.itv.com/image/file/106123/image_update_5f0cd34c80bde19a_1350476632_9j-4aaqsk.jpeg



Les Britanniques se sont en fait retrouvés sur nombre de champs de bataille du djihad depuis l'Afghanistan. La communauté dite « Londonistan » avait aussi produit des prêcheurs radicaux capables d'influencer la jeunesse britannique, jusqu'à pousser certains éléments à rejoindre al-Qaïda et à commettre les attentats du 7 juillet 2005 à Londres. Depuis le printemps arabe cependant, ce sont les communautés arabes en exil, via leurs liens avec leurs pays d'origine, qui sont devenus importantes, comme le montre le cas de la Libye et de la Tunisie, ou bien encore de l'Egypte. On estime qu'il y a au moins 13 000 exilés syriens au Royaume-Uni, dont une partie fournit des fonds, organise des convois, alimente aussi le vivier des volontaires. Mais comme on l'a vu, des Britanniques à proprement parler sont aussi partis en Syrie. Il y en a au moins 30. La communauté soudanaise de l'ouest de Londres parle de 21 hommes déjà entraînés sur place, et il y aurait eu des départs dans les communautés marocaine et somalienne. Des Syriens comme un prêcheur de l'est de Londres, Abu Basir al-Tartusi, qui n'était pas parmi les plus radicaux, sont aussi partis combattre en Syrie. On trouve aussi parmi eux Mustafa Setmariam Nassar, un théologien djihadiste vétéran de l'Afghanistan arrivé à Londres dans les années 90, qui avait soutenu les groupes radicaux en Algérie avant de retourner en Afghanistan et d'être arrêté par les Américains à Quetta en 2005, livré aux autorités syriennes qui l'ont relâché, sans que l'on comprenne bien pourquoi, en février 2012. Muhammad Surur bin Nayif Zain al-Abidin, en lien avec deux dissidents saoudiens, Saad al-Faqih et Muhammad al-Massari, contribue au financement des insurgés. Théologien salafiste, il est revenu au Qatar en 2004 et organise de là le flux financier à destination de certains groupes rebelles.






Le portrait type du volontaire britannique est donc le suivant : un homme jeune, entre 20 et 30 ans, originaire du sud-est asiatique, plutôt bien éduqué, et qui a des liens avec des individus ou des groupes ayant des relations internationales. Les motivations relèvent plutôt de la solidarité de l'oumma (défendre les « frères syriens) et sont facilités par l'accès aisé à la Syrie via la Turquie et l'absence d'une contre-discours qui empêcherait les jeunes musulmans ciblés de partir se battre. Les combattants syriens déconseillent cependant aux volontaires de se rendre par leurs propres moyens en Syrie : il faut d'abord entrer en contact avec les réseaux ou les groupes armés pour faciliter le transit20.

Le 20 novembre 2013, Mohammed el-Araj, de l'ouest de Londres, est le deuxième Britannique à être reconnu mort au combat en Syrie par les autorités21. Mort à la mi-août 2013, il avait passé 18 mois en prison pour avoir protesté violemment devant l'ambassade israëlienne de Londres en 2009. Habitant de Ladbroke Grove, dans l'ouest de Londres, il était né dans un vol de British Airways et a grandi au Royaume-Uni. Il faisait une formation pour être ingénieur mécanicien avant son arrestation. Selon l'ISCR, el-Araj était en lien avec al-Nosra et l'EIIL et aurait combattu dans l'une de ses formations, ou un groupe associé, dans les provinces d'Alep et d'Idlib. Sa famille est d'origine palestinienne. Un de ses amis aurait également trouvé la mort en Syrie.

Le 6 février 1914, Abdul Waheed Majid meurt dans l'explosion d'un véhicule kamikaze en Syrie, lors de l'assaut raté sur la prison centrale d'Alep, sous la bannière d'al-Nosra et le nom de Abu Suleiman al Britani22. Ce n'est pas le premier. Il était cependant lié au groupe al Muhajiroun, de Crawley. Il était en contact avec les membres de ces cercles radicaux depuis la fin des années 1990 et le début des années 2000. Le cas de cet homme est inquiétant car il a attendu presque 15 ans d'activisme et d'engagement avant de partir sur le champ de bataille syrien, et il était connu des services de renseignement23. Au moins 10 citoyens britanniques auraient déjà péri sur les champs de bataille syriens. Deux Britanniques encore présents en Syrie, Mahdi Hassan, un ancien étudiant d'un cours privé catholique, et Muhammad Hamidur Rahman, salarié d'un petit commerce, discutent avec des sympathisants sur un réseau social basé en Lettonie, Ask.fm24.

Selon l'ISCR, en janvier 2014, au moins 50 Britanniques partis en Syrie sont revenus dans leur pays. Parmi les volontaires, de nombreux jeunes hommes d'origine pakistanaise, marocaine, tunisienne et libyenne. Si la plupart des départs sont individuels, des réseaux organisés autour de mosquées peuvent contribuer au financement et aux contacts sur place. Le réseau Sharia4UK, dirigé notamment par Anjem Choudary, fait de la propagande pour le recrutement. Né en 1967, d'origine pakistanaise, Choudary a étudié la médecine à l'université de Southampton. Devenu finalement avocat, il rallie le Cheikh Omar Bakri Muhammad, le fondateur d'al-Muhajiroon, interdite par les autorités britanniques, puis fonde al-Ghurabaa, également interdite, avant de lancer Sharia4UK, bannie en 2010. En mai 2012, il se rend aux Pays-Bas pour piloter le démarrage de Sharia4Belgium, qui recrute pour le djihad en Syrie. Bakri, né à Alep en 1958, rejoint les frères musulmans syriens, puis se radicalise au Liban. Arrivé en Angleterre en 1986, il fonde une branche de Hizb al-Tahrir, une organisation libanaise extrêmiste qui veut établir un califat islamique. En 2005, craignant une arrestation pour ses prises de position radicales sur le 11 septembre, il se réfugie au Liban. Dans une interview du 27 novembre 2013, il affirme que Choudari est son émir pour le Royaume-Uni25.


Les Finlandais : un changement d'échelle


En Finlande, les premières rumeurs à propos de combattants partis en Syrie commencent à circuler dans les médias à partir d'août 201226. Un an plus tard, le ministère de l'Intérieur confirme que plus de 20 Finlandais ont déjà rejoint les groupes islamistes radicaux sur place. Ce phénomène marque la radicalisation, en filigrane, de musulmans finlandais depuis environ deux ans. La population musulmane finlandaise, très réduite au départ, s'est accrue dans les années 90 par l'apport de nombreux réfugiés. On l'estimait à 50 à 60 000 personnes en 2011, dont 90% de sunnites. Ce sont des musulmans de la deuxième génération, mal intégrés, originaires de zones de conflit, qui se sont radicalisés. Cependant, la plupart des musulmans radicalisés sont liés, de fait, à des groupes islamistes ou autres avec des enjeux locaux, même si plusieurs organisations comme al-Qaïda, les Shebaab, le Hezbollah sont représentées en Finlande. Les Shebaab, en particulier, sont plus visibles car ils ont recruté dans la communauté somalie finlandaise (15 000 personnes en 2012). Le processus semble se restreindre à partir de 2012, moment où les Shebaab s'associent très nettement à al-Qaïda et commencent à avoir recours à des méthodes classiques de l'organisation comme l'attentat à la voiture kamikaze.

On pense qu'il n'y a pas eu de Finlandais engagés en Afghanistan. Le premier combattant étranger finlandais mis en évidence est Abu Ibrahim, parti combattre en Tchétchénie et arrêté par les autorités géorgiennes. Son père est un officier de l'armée finlandaise. Le plus gros contingent reste donc celui débauché par les Shebaab entre 2007 et 2009, avant la radicalisation de ce dernier mouvement vers al-Qaïda. On évoque aussi, peut-être, la présence d'un Finlandais auprès du Front National de Libération de l'Ogaden, en Ethiopie. C'est avec la guerre en Syrie que le contingent de volontaires finlandais est le plus important. Après les rumeurs dévoilées en août 2012, un premier martyr finlandais, Kamal Badri, est identifié en janvier 2013 : il a été tué à Alep. Quelques mois plus tard, les autorités commencent à parler d'une dizaine, puis d'une vingtaine de personnes parties en Syrie. Le portrait d'ensemble reste encore peu clair, faute d'informations suffisantes, même si l'on peut en déduire que la communauté musulmane radicalisée, en Finlande, se structure davantage depuis deux ans.


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L'Australie : la communauté libanaise et le djihad


En ce qui concerne l'Australie, 6 combattants en Syrie ont potentiellement été identifiés comme australiens, avec cependant des doutes sur plusieurs d'entre eux27. Trois cas sont cependant plausibles : Roger Abbas, Yusuf Topprakaya et un kamikaze connu sous le nom de Abu Asma al-Australi. Roger Abbas, tué en octobre 2012, venait de Melbourne et était d'origine libanaise : c'était aussi un champion de kickboxing. Arrivé au départ pour une aide humanitaire, il a visiblement combattu ensuite avec le front al-Nosra. Yusuf Topprakaya, tué en décembre 2012, était originaire de la communauté turque et était surveillé par les autorités australiennes depuis 2010. Arrivé à la frontière turque à la mi-2012, il attend de pouvoir entrer en Syrie et rejoint une unité locale des brigades al-Farouk près de la ville de Maarat al-Numan. Il se fait remarquer par ses compétences au tir et dans la fabrication de bombes, avant d'être tué par un sniper. A la mi-septembre 2013, enfin, Abu Asma al-Australi jette un camion rempli de 12 tonnes d'explosifs contre une école qui sert de lieu de cantonnement à des soldats du régime syrien dans la ville de al-Mreiya, dans la province de Deir es-Zor. L'attaque kamikaze aurait permis au front al-Nosra de prendre la base aérienne de la ville. Le martyr, originaire de Brisbane et de la communauté libanaise, était lui aussi surveillé par les autorités australiennes avant son départ.

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D'autres cas sont moins documentés. En août 2012, un cheik de Sydney, Mustapha al-Mazjoub, est tué en Syrie. D'ascendance saoudienne, il est à noter que son frère était le seul membre australien du Conseil National Syrien. Il serait mort au combat. En novembre 2012, un dénommé Marwan al-Kassab, considéré comme un Australien, meurt dans une explosion au Nord-Liban alors qu'il fabrique des bombes pour les rebelles syriens. En avril 2013, Sammy Salma, originaire de Melbourne, et qui avait voyagé avec Abbas, est également tué. En tout, on estime que 80 Australiens sont partis en Syrie et que 20, peut-être, ont combattu avec al-Nosra. La plupart sont issus de la communauté libanaise, 70% d'entre eux étaient connus des autorités précédemment et ils sont entrés en Syrie via la Turquie, un peu moins par le Liban. La Syrie n'est pas le premier cas de départ d'un contingent australien. Entre 1998 et 2003, 20 personnes avaient rejoint l'Afghanistan et les camps du LeT au Pakistan. Entre 2002 et 2012, 16 Australiens ont été arrêtés au Liban, ou condamnés in abstentia, pour activités djihadistes, principalement en lien avec Ansbat al-Ansar ou Fatah al-Islam. Après l'invasion de la Somalie par l'Ethiopie en 2006, de 10 à 40 Australiens ont également rejoint les Shebaab en Somalie. Des Australiens seraient également partis au Yémen en 2010. Le conflit en Syrie marque cependant un changement d'échelle. Une des causes est évidemment l'importance de la communauté libanaise : le conflit en Syrie concerne davantage ses membres que ceux en Somalie ou au Yémen. Ensuite, l'accès à la Syrie via la Turquie est beaucoup plus aisé que lors des conflits précédents. Enfin, le caractère de plus en plus sectaire du conflit et l'impuissance de la communauté occidentale à le juguler ont manifestement constitué un appel d'air pour des groupes comme al-Nosra ou l'EIIL.

Le combat s'est en outre transposé en Australie. Depuis le début 2012, 17 incidents ont été relevés comme étant en rapport avec le conflit syrien : principalement des attaques de sunnites contre des personnes, des biens ou des commerces chiites ou alaouites. Elles ont lieu surtout à Sydney et Melbourne et impliquent des personnes issues des communautés syrienne, turque et libanaise. L'Australie a connu plusieurs préparations d'attentats terroristes déjouées avant exécution, contre les J.O. De Sydney en 2000, une du LeT en 2003, et deux cellules autonomes démantelées à Sydney et Melbourne en 2005 qui comprenaient des personnes entraînées en Afghanistan et au Pakistan. Un attentat prévu contre les Hollsworthy Army Barracks en 2009, là encore arrêté à temps, impliquait des hommes qui participaient au réseau de financement et de recrutement des Shebaab. A noter toutefois que les incidents sectaires ont reculé en 2013.

En décembre 2013, deux hommes ont été arrêtés à Sydney. La police affirme qu'un des deux hommes, Hadmi Alqudsi, était un recruteur pour al-Nosra et probablement pour l'EIIL (il aurait envoyé au moins 6 personnes en Syrie. Le deuxième homme arrêté était sur le point de partir. Pour Andrew Zammit, le spécialiste de la question, cela signifie que les réseaux d'acheminement en Australie sont en train de s'organiser petit à petit28. Le 8 décembre d'ailleurs, les autorités annoncent avoir confisqué 20 passeports de peur de départs vers la Syrie, ce qui porte le total de la mesure à 90 en tout.

En janvier 2014, après le déclenchement des combats contre l'EIIL, Yusuf Ali, un Australien, et son épouse, sont tués à Alep. Tyler Casey est entré en Syrie entre juin et août grâce à l'aide d'Alqudsi, arrêté en décembre 2013 à Sydney. Il combattait au sein du front al-Nosra. Né aux Etats-Unis, Yusuf a ensuite gagné l'Australie avec ses parents et a été élevé comme chrétien. Quand ses parents se séparent, lorsqu'il a 13 ans, il gagne les Etats-Unis avec sa mère. Il regagne l'Australie à 17 ans et se convertit à l'islam. En novembre 2011, il épouse Amira Ali à Sydney, qui est donc morte avec lui en Syrie. Yusuf est donc le 7ème Australien dont on est sûr qu'il ait bien été tué sur place29.


La Suède : un profil de combattants très ciblé


En avril 2013, le service de sécurité suédois estime que 30 personnes ont déjà rejoint les insurgés syriens30. L'auteur de l'article de référence sur la question a identifié personnellement 18 Suédois qui, à coup sûr, ont gagné la Syrie. Presque toutes ces personnes viennent du sud-ouest de la Suède, et plus de la moitié des faubourgs de Gothenburg, la seconde ville du pays. 11 sont originaires des faubourgs d'Angered et Bergjsön. Les liens d'amitié jouent incontestablement : trois candidats appartenaient ainsi au même cercle d'arts martiaux. D'autres fréquentaient une mosquée radicale bien connue de Gothenburg, la Bellevue Masjid. Seul l'un des hommes concernés avait un lien direct avec la Syrie, où il est entré en juin 2013. Un tiers des personnes est né en Suède de parents immigrés. Le reste provient de différents pays : Irak, Jordanie, Kosovo, Maroc et même Philippines. Pourtant au moins 10 sont d'origine libanaise (dont 2 qui étaient peut-être Palestiniens). Un seul à des origines familiales suédoises. Ce sont tous des hommes : l'âge moyen est de 23,5 ans. La plupart viennent de familles avec de nombreux enfants et à faible revenu ; 8 étaient sans emploi ou revenu d'aucune sorte. 8 étaient également connus pour délinquance, dont 4 pour des affaires de drogue et 3 pour des violences. L'un des volontaires, Abo Isa, était un criminel endurci : il a fait trois fois de la prison et a été condamné en tout à 15 reprises.


Sur ces 18 Suédois, 8 ont été tués en Syrie. Abu Kamal est victime d'un éclat d'obus de char à Alep, en janvier 2013. A la mi-mars, une vidéo le présente comme un membre de Kataib al-Muhajirin ; un Britannique a d'ailleurs péri au cours de la même opération. Abu Omar, lui, est tué en avril 2013 par une roquette de RPG ; là encore, il aurait servi avec un groupe radical. Abu Dharr, qui avait réalisé la première vidéo de propagande en suédois, est tué en avril 2013. Abu Abdurahmann a été tué en juin 2013 dans la province d'Idlib ; il faisait lui aussi partie de Kataib al-Muhajirin. Deux frères, Abu Maaz et Abu Osman, ont également péri en Syrie. Ils ont été tués lors de l'attaque d'un checkpoint du régime près d'Abu Zeid, à proximité du Krak des Chevaliers, dans la province de Homs. Abu Maaz est mort au volant de la voiture kamikaze qu'il conduisait et son frère aîné dans les échanges de tirs qui ont suivi ; ils servaient dans Jund al-Sham. Un autre frère avait été tué 18 mois plus tôt, en 2012, lors d'affrontements sectaires à Tripoli, au Liban. Abu Omar Kurdi a lui été tué en août 2013 durant l'assaut de la base aérienne de Minnagh. En plus des 8 morts recensés, deux autres pourraient bien avoir été Suédois : Adam Salir Wali, tué par une grenade le 29 mars 2013 (le seul Suédois qui aurait rejoint l'Armée syrienne libre et pas un groupe radical), et Abu Mohammad al-Baghdadi, tué fin août 2013. Tous les Suédois ont rejoint, à l'exception de Wali, des groupes radicaux : al-Nosra, Kataib al-Muhajirin et Jund al-Sham. Certains se sont même ralliés à l'EIIL. Plusieurs sont fortement suspectés de crimes de guerre.

9 des 18 Suédois identifiés étaient précédemment liés au terrorisme ou au djihadisme. Isa al-Suedi est le frère cadet d'un homme condamné pour la préparation d'une attaque du type Mumbaï contre un quotidien danois, avec trois autres hommes, à partir de la Suède. Il avait été arrêté à la frontière somalienne en 2007 et au Waziristan en 2009. Abu Omar était le fils d'un djihadiste albanais du Kosovo. Un des oncles de la fratrie est emprisonné pour avoir participé à la préparation d'un attentat contre des trains en Allemagne en mai 2006 ; un autre était le quatrième responsable hiérarchique du mouvement libanais Fatah al-Islam et a été tué par l'armée libanaise en mai 2007. Abu Dharer Filippino annonce depuis la Syrie, fin octobre 2012, qu'il a été entraîné au Pakistan en 2001 par le LeT. Il est retourné en Suède au printemps 2013 et fait depuis une intense propagande pour le djihad. Le profil type des volontaires suédois est donc assez ciblé : un homme jeune, du sud-ouest de la Suède, probablement des faubourgs de Gothenburg, d'une famille immigrée mais pas syrienne, sans emploi, déjà condamné pour délinquance. Des amis ou des parents peuvent le relier au terrorisme ou au djihadisme.


Les Tchétchènes et les Nord-Caucasiens : peu nombreux mais influents


Avant de parler de la présence des Tchétchènes, il faut signaler qu'une diaspora tchétchène est présente en Syrie depuis le XIXème siècle (1866) suite à un déplacement forcé de population sous l'Empire ottoman. Les familles tchétchènes se sont installées à la fois dans le nord (Qamichli, Raqqa) et le sud (Kouneitra) du pays. Il y aurait eu encore 7 à 8 000 Tchétchènes en Syrie au déclenchement du conflit en 2011. En avril 2013, un spécialiste estimait qu'un très petit nombre seulement avait rejoint l'insurrection, alors que certains combattent au sein des forces du régime31.


Source : http://chechen.org/wp-content/uploads/2013/08/Abu-Umar-Shishani.jpg


Les Tchétchènes figurent également parmi les étrangers partis rejoindre l'insurrection syrienne32. Les premiers combattants nord-caucasiens sont signalés dès le mois d'août 2012. Le départ de volontaires en Syrie n'est pas sans entraîner des discordes, notamment parmi les Tchétchènes et les Ingouches, car le combat local est toujours considéré comme plus important, face à la Russie, que les guerres extérieures comme le conflit syrien. Rustam Gelayev a été le premier tué tchétchène en août 2012. Depuis, les Tchétchènes ont notamment formé l'ossature du groupe Jaysh al-Muhajireen wal al-Ansar, dont une partie a rallié l'EIIL en novembre 2013 (voir ci-dessous). On trouve en Syrie non seulement des Tchétchènes et des Nord-Caucasiens issus de la région en question, mais également des membres des communautés en exil ou de réfugiés proches des frontières du Caucase33. Le recrutement se fait donc dans les Tchétchènes d'Europe, ceux qui étudient dans les pays arabes, ou bien aussi parmi ceux de Géorgie. En plus des Tchétchènes, il faut ajouter que le FSB russe a reconnu dès le mois d'août 2013 que 200 citoyens du Dagestan combattaient probablement en Syrie. Un réseau de recrutement se serait installé en Russie pour débaucher des Nord-Caucasienss, des citoyens d'Asie Centrale et du Tatarstan. Le réseau serait dirigé par un salafiste vétéran de l'Afghanistan, un Tatar du nom de Salman Bulgar34.





Trois commandants, l'émir Muslim, l'émir Seifullah et l'émir Abu-Musaaba ont gagné la Syrie le 31 octobre 2013 et ont formé un nouveau groupe sous l'autorité de l'émir Muslim, qui dirigeait précédemment Jundu Sham. Muslim a probablement attiré à lui certains combattants servant sous les ordres de l'émir Umar Shishani, des hommes qui ont combattu en Tchétchénie ou au Daghestan. Ce sont des combattants expérimentés qui par ailleurs savent aussi que l'émir Muslim a des liens importants avec des bailleurs de fonds du Moyen-Orient, depuis l'époque d'Ibn al-Khattab.

Des Arabes remplacent les combattants qui quittent Umr Shishani, mais celui-ci aura du mal à maintenir la cohésion d'un groupe composé d'hommes dont il ne parle pas forcément la langue. La plupart des volontaires tchétchènes d'Europe semblent cependant rejoindre ce groupe. En décembre 2013, l'émir Muslim revendique 1 500 combattants tandis que Shishani en alignerait 600. Les deux groupes comprennnent à la fois des Tchétchènes, d'autres nationalités du Caucase et des Arabes, syriens ou non. Il existe aussi d'autres groupes avec des Tchétchènes. Abu Musa, qui est arrivé en Syrie en 2012, dirigerait un groupe de 300 hommes. Le groupe Jamaat du Caliphat de l'émir Abdulkhakim compterait 100 militants. Si Shishani reconnaît l'autorité de Doku Umarov, le chef de l'insurrection tchétchène contre les Russes, ce n'est pas le cas de Muslim. En outre, Shishani est intégré dans la structure de l'EIIL, contrairement à Muslim. L'émir Salaudin, le représentant d'Umarov en Syrie, est devenu le chef des volontaires caucasiens. De Tchétchénie même, l'afflux s'est accru depuis cet automne mais ne concerne pour l'instant qu'un maximum de 100 personnes, dont peut-être quelques femmes. Mais les Tchétchènes ont intégré les groupes les plus puissants de l'insurrection et leur influence est sans doute sans rapport avec leur nombre réel.

En février 2014, les Tchétchènes et les autres Nord-Caucasiens opèrent au sein de 4 groupes, tous commandés par des Tchétchènes : Omar al-Shishani (Shishani signifiant « le Tchétchène »), Seyfullakh al-Shishani ( (tué le 6 février lors de l'assaut de la prison centrale d'Alep), Amir Muslim et Salahuddin al-Shishani35. Omar al-Shishani est un Tchétchène du village de Jokolo, de la gorge de Pankisi, en Géorgie. Il a servi en Abkhazie en 2006-2007 mais n'a pu intégrer l'armée géorgienne en raison d'une tuberculose. Arrêté pour achat et détention illégale d'armes, en septembre 2010, il gagne l'Egypte une fois relâché. Il passe en Syrie via la Turquie, combat à Alep dès septembre 201236 et fonde Jaysh al-Muhajireen wa’l-Ansar (qui aurait compté jusqu'à 3 000 combattants du Caucase, d'Ukraine, de Crimée et de pays arabes), puis devient ensuite émir du nord de la Syrie pour l'EIIL en avril 2013. Son second est Abou Jihad Shishani, qui devient influent après la prise de la base aérienne de Minnagh, au mois d'août 2013. Seyfullakh, un Tchétchène de Pankisi réfugié en Turquie, faisait partie du groupe d'Omar jusqu'à ce qu'il fasse scission en septembre 2013 pour fonder sa propre force avec quelques douzaines de combattants. Il avait rallié le front al-Nosra le 31 décembre 2013, après avoir participé à la prise de l'hôpital al-Kindi, bastion du régime à Alep37. Il est tué dans l'assaut sur la Prison Centrale de la ville, le 6 février dernier. Salahuddin avait récupéré une bonne partie des combattants d'Omar en novembre 2013 : en effet, ceux-ci avaient refusé de prêter allégeance à l'émir de l'EIIL, Baghdadi, se considérant déjà liés à l'émir du Caucase, Oumarov. D'autres ne voulaient tout simplement pas être incorporés dans l'EIIL. Amur Muslim, un Tchétchène de Pankisi, est vétéran des deux guerres en Tchétchénie. Il avait été arrêté par les Russes en 2008 mais assez étrangement vite relâché. Il dirige son propre groupe, Jund al-Sham, dans la province de Lattaquié. Il est surnommé « Spoka » (le sommet de la colline, en russe) après avoir capturé les villages alaouites sur les hauteurs durant une offensive dans cette province. Muslim a servi dans les forces de défense aérienne soviétiques en Mongolie, puis en Tchétchénie au sein de l'insurrection, aux côtés de combattants arabes. Il a participé à l'assaut sur la Prison Centrale d'Alep aux côtés du front al-Nosra38.

Il existe d'autres formations comprenant des Tchétchènes ou des Nord-Caucasiens, moins importantes. Jamaat Sabiri est un groupe incluant surtout des Ouzbeks et dirigés par Abdullah al-Tashkenti, un chef dont on sait peu de choses et qui est mort durant l'assaut sur la Prison Centrale d'Alep. Le groupe a combattu aux côtés d'Omar Shishani et prétend disposer de camps d'entraînement en Syrie. Le groupe Khalifat jamaat combat également le régime syrien ; son chef, Abdul Hakim Shishani, reste assez mystérieux39. Récemment, on a vu apparaître sur les réseaux sociaux des djihadistes russophones un groupe dirigé par un Dagestanais, Abu Hanif, qui fait partie de l'EIIL mais conserve une organisation distincte en raison de la proximité culturelle et linguistique de ses membres. Les combattants du groupe viennent de Russie, du Nord-Caucase et du Kazakhstan. Le groupe a été l'origine fondé dans la province d'Alep par Abu Hanif et un autre Dagestanais, Abu Banat40.

Plus originale encore, l'histoire de ce kamikaze, Abu Khalid, qui se fait sauter le 25 avril 2013 à Alep. Ramazan, originaire de Nizhnegorsk en Crimée, est un Tatar dont le profil ne correspond pas à celui de la majorité des combattants nord-caucasiens. D'âge mûr, il fait partie de Jaish al-Muhajireen wal-Ansar, d'Omar ash-Shishani : c'est avec ce groupe qu'il va conduire un camion bourré d'explosifs contre l'hôpital al-Kindi. On pense que quelques Tatars de Crimée combattent ou ont combattu en Syrie. Les autorités tatares locales accusent le groupe islamiste radical Hizb ut-Tahrir de conduire le recrutement, de même que les médias ukrainiens, qui évoquent en avril 2013 la mort de Abdullah Jepparov, de Belogorsk, en Crimée, tué en Syrie. Abullah aurait été recruté par Hizb ut-Tahrir avec 6 autres Tatars de Crimée, puis transporté en Turquie avec eux, et de là en Syrie41.

La majorité des Tchétchènes présents en Syrie (de 400 à 1 000) est au départ constituée d'étudiants en Syrie ou en Egypte, au déclenchement de la révolution, qui ont contribué à attirer les autres. Les Tchétchènes de Pankisi ont aussi beaucoup plus de facilité à gagner la Syrie que le Nord-Caucase, paradoxalement. D'autres viennent des 150 à 250 000 Tchétchènes réfugiés en Europe. Très peu de volontaires sont donc issus de la Tchétchénie à proprement parler. Les volontaires sont formés pendant un mois à un mois et demi, sauf pour ceux qui ont au moins un an d'expérience du combat. Ils sont étroitement limités dans leurs déplacements les 4 premiers mois. Manifestement, les Nord-Caucasiens cherchent à créer en Syrie des camps d'entraînement pour le combat dans le Nord-Caucase, où il est difficile d'installer de telles structures. Quelques volontaires seraient déjà retournés au Nord-Caucase.


Les Allemands : la poursuite de la radicalisation


L'Allemagne, contrairement à la France ou au Royaume-Uni au sein de l'UE, s'est opposée à l'envoi d'une aide militaire ou à une intervention directe pour renverser Bachar el-Assad. Ce qui n'a pas empêché un nombre croissant d'Allemands de rejoindre le djihad en Syrie42. Les médias allemands parlent d'ailleurs depuis quelques mois d'un véritable « camp d'entraînement » allemand en Syrie destiné à attirer les volontaires pratiquant la langue de Goethe. Le phénomène n'est pas nouveau. En 2009, un camp « allemand » s'était ainsi installé au Pakistan pour alimenter le Mouvement Islamique d'Ouzbékistan lié à al-Qaïda. En 2012, le renseignement allemand évoque une véritable « colonie salafiste » allemande en Egypte, comprenant plus de 60 combattants, dont le fameux rappeur Denis Cuspert (« Deso Dogg ») qui avait échappé à la surveillance des services de sécurité allemands et qui combat maintenant en Syrie. A la mi-novembre, la police allemande indique d'ailleurs que « Deso Dogg » compte mener des attaques contre l'Allemagne, ce que celui-ci dément aussitôt dans une vidéo. Des rumeurs font état de son décès à la fin novembre 2013 mais il semblerait plutôt qu'il soit hospitalisé en Syrie ou bien en Turquie.





Les Allemands, selon un spécialiste, ne se trouvent pas en majorité dans le front al-Nosra et l'EIIL, qui, victimes de « l'espionnite », se méfient par exemple des nouveaux convertis comme « Deso Dogg ». Les services de sécurité allemands avaient déjà été mis sur la sellette dès 2012 par le New York Times qui affirmait qu'un Tunisien qui aurait peut-être servi de garde du corps à Ben Laden un an avant les attentats du 11 septembre avait tranquillement vécu en Allemagne pendant un certain temps. Sami A., du fait de son expérience et de son entraînement dans les camps d'Affghanistan, aurait constitué une source d'afflux de volontaires pour le djihad. La dernière estimation fait état de 230 Allemands, selon l'hypothèse haute, qui seraient partis en Syrie. En mars 2013, le nombre n'était que de 60, avant de passer à 150 en août. Le länder de Hesse a dû installer un dispositif spécial de surveillance pour freiner les départs d'adolescents vers le djihad syrien. Sur 23 cas étudiés, la plupart des recrues ont moins de 25 ans et 9 sont encore à l'école. Le ministre de l'Intérieur a donc créé un dispositif pour différencier les tendances radicales parmi les candidats au départ, sur le modèle de ce qui a été fait pour les mouvements néonazis ou d'extrême-droite.

Des combattants allemands auraient aussi participé à des massacres de chrétiens syriens. L'Allemagne craint que le retour de ces combattants ne radicalise la frange salafiste et la tension est vive avec la Turquie, accusée d'avoir maintenue une frontière poreuse avec la Syrie et d'avoir favorisé l'accès des volontaires européens au champ de bataille syrien.

En février 2014, une vidéo confirme que Deso Dogg, alias Abu Talha al-Almani, a survécu à ses blessures reçues en novembre 2013 après un raid aérien, dans le nord de la Syrie. Denis Cuspert, de son vrai nom, né en 1975 à Berlin, avait abandonné le rap en 2010 pour se convertir en prêcheur islamique. Fin 2011, il se lie avec Mohamed Mahmoud, alias Abu Usama al-Gharib, un Autrichien d'origine égyptienne. Ce dernier, condamné à la prison en 2008, dirige une plate-forme de propagande djihadiste. Il avait quitté l'Autriche pour Berlinb après sa sortie de prison en septembre 2011. Avec Cuspert, il gagne le land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie où ils fondent une association salafiste, Millatu Ibrahim. En juin 2012, les autorités allemandes interdisent l'association après des affrontements entre salafistes et policiers à Bonn, qui font deux blessés parmi ces derniers. Cuspert, qui prend alors le nom de guerre de Abu Talha al-Almani, quitte l'Allemagne. Cuspert gagne la Syrie à l'été 2013, mais dans ses vidéos de propagande, comme celle de novembre 2013, il ne prêche pas pour un retour en Allemagne afin d'y prolonger le djihad ; son but est d'encourager des Allemands à venir se battre en Syrie. En février 2014, on le voit distribuer des vêtements d'hiver à des enfants dans les zones contrôlées par les rebelles ; les dons viennent d'Allemagne et les vêtements ont été fournis par le front al-Nosra. Les autorités allemandes estiment alors qu'au moins 270 personnes sont impliquées, depuis 2011, dans le djihad en Syrie43.

Selon les autorités allemands, les volontaires bénéficient d'un important soutien financier de la communauté musulmane. Des millieurs d'euros sont collectés par donations. Un camp d'entraînement pour les volontaires allemands a été établi dans le nord de la Syrie, et accueillent des Allemands qui viennent surtout du land de Rhénanie du Nord-Westphalie (où vit un tiers de la communauté musulmane germanique). D'autres viennent de la Hesse, de Berlin, de Bavière et de Hambourg. Un centre d'information aurait même été bâti sur place pour diffuser de la propagande pour le djihad en Allemagne. Les volontaires seraient recrutés par les prêches des imams radicaux et par sollicitation sur Internet44.


Les volontaires d'Asie Centrale


Le nombre de combattants étrangers originaires d'Asie Centrale a grimpé en 2013, et ceux qui reviennent risquent de relancer la déstabilisation des régimes en place après leur expérience syrienne45. En mars 2013 déjà, le groupe Jaysh al-Muhajirin wal-Ansar, dominé par les Tchétchènes et les Nord-Caucasiens, annonçait déjà avoir incorporté des combattants d'Asie Centrale. Deux mois plus tard, un journal tadjik confirme que des citoyens de ce pays sont passés par des camps d'entraînement en Syrie. En juin, c'est un site ouzbek qui confirme que des Tadjiks ont gagné la Syrie et que les recruteurs puiseraient aussi dans les travailleurs saisonniers qui partent en Russie. Un an plus tôt, en 2012, un reportage du Guardian mentionnait un contrebandier turc travaillant avec les djhadistes qui affirmait voir de nombreux Ouzbeks franchir la frontière nord de la Syrie.

Ce même mois de juin 2013, le Kazakhstan arrête 8 de ses citoyens qui cherchaient à se procurer des fonds pour financer un voyage en Syrie. En juillet, un Kazakh surnommé Abu Muadh al-Muhajir appelle depuis Damas, via une vidéo, ses compatriotes à se lancer dans le djihad. Un Kazakh reconnaît également son petit-fils dans une vidéo de l'EIIL, en octobre 2013 ; celui-ci se serait radicalisé après être parti au Moyen-Orient avec femmes et enfants pour trouver du travail46. Le Kirgizstan reconnaît pour sa part qu'une vingtaine de nationaux sont probablement partis se battre en Syrie et mentionne aussi en détenir d'autres arrêtés dans les aéroports. Dès 2011, des citoyens d'origine ouzbèke du sud du pays partent faire le djihad contre Bachar el-Assad. 6 jeunes hommes sont ainsi recrutés par des salafistes russes, qui les rapatrient à Moscou puis les expédient en direction de la Turquie47. Le Mouvement Islamique d'Oubzékistan aurait lui aussi envoyé des combattants en Syrie. L'un de ses membres confie même préférer combattre les chiites et les alaouites syriens que les soldats pakistanais sunnites, aux côtés des talibans du Sud-Waziristan48. Recruté par le front al-Nosra, il perd une jambe sous un obus d'artillerie en juillet 2013. Il y a également des citoyens chinois. 3 autres combattants au moins ont rejoint le front al-Nosra ; un réseau de recrutement de salafistes ouzbeks attirerait les volontaires depuis la province de Hatay, en Turquie. En mars 2013, un Han converti à l'islam, Yusuf al-Sini (Bo Wang), apparaît dans une vidéo de Jaysh al-Muhajirin wal-Ansar. Une autre vidéo du front al-Nosra semble mettre en scène un Ouïghour, baptisé le « djihadiste chinois ». Le Parti Islamique du Turkistan, basé au Pakistan et dirigé par des Ouïghours, aurait acheminé des combattants en Syrie.

Il semblerait que les volontaires d'Asie Centrale, en raison des difficultés d'adaptation au contexte syrien, aient suscité un profond ressentiment parmi la population du nord du pays, où ils sont intervenus en majorité. C'est pourquoi les combattants syriens les ont parfois incités à rentrer chez eux pour y poursuivre le djihad. La Chine rapporte en juillet 2013 l'arrestation d'un étudiant ouighour qui a étudié à Istanbul puis combattu à Alep et qui aurait préparé des attaques dans le Xinjiang. 15 personnes à l'origine d'une attaque contre un poste de police et ses environs à Turpang, en juin, se seraient vu refuser le départ pour la Syrie et aurait conduit une opération locale. Le 12 septembre, lors du sommet de l'organisation de coopération de Shanghaï à Bishkek, le Kirgizstan annonce avoir démantelé une cellule de l'Union du Djihad Islamique qui aurait visé le sommet. Par ailleurs, on sait de longue date que plusieurs milliers de combattants d'Asie Centrale interviennent en Afghanistan, notamment les membres du Mouvement Islamique d'Ouzbékistan, sur les frontières nord du pays, dans les provinces de Kunduz et Takhar.


Les Turcs : des réseaux organisés ?


Depuis trois décennies, des Turcs participent aux conflits extérieurs impliquant des combattants étrangers. Ils ont combattu en Afghanistan (contre les Soviétiques puis les Occidentaux), en Irak, en Bosnie, et dans le Nord-Caucase, certains ayant même occupé de hautes fonctions dans les groupes armés. Cevdet Doger, alias Emir Abdullah Kurd, était le commandant en second des combattants du Nord-Caucase avant sa mort en mai 2011. En août 2012, un journaliste turc rapportait la mort de 4 combattants turcs près d'Alep, où opérait alors au moins 50 hommes de même nationalité49.

Les djihadistes proposent un large éventail de données en ligne en langue turque, comme le font les pages Facebook d'al-Nosra ou de l'EIIL. Des vidéos de combattants turcs, justifiant leur action et appelant les volontaires au djihad, sont mises en ligne régulièrement. L'émir Seyfullah, un Tchétchéne qui a vécu en Turquie et qui dirige une fraction dissidente du groupe Jaysh al-Muhajirin wa Ansar, groupe désormais rallié à l'EIIL, s'est directement adressé aux Turcs dans une vidéo datée de juillet 2013. De nombreux combattants du Nord-Caucase vivaient encore en Turquie ces dernières années. Une vidéo postée également en juillet 2013 dresse la liste de 27 « martyrs » turcs tombés en Syrie, la plupart venant de l'est du pays : Gazianatep, Diyarbakir, Adana. L'âge des martyrs va de 17 ans à des personnes beaucoup plus âgées.




Ahmet Zorlu, 30 ans, alias Emir Ahmed Seyyaf, a été tué avec 4 autres Turcs lors d'une opération à Han el-Asel, près d'Alep. Arrivé en Syrie quelques mois plus tôt, Zorlu dirigeait vraisemblablement un groupe composé de combattants turcs. Abdurrahman Koc, originaire de la province d'Adiyaman, était un homme âgé chef d'une association religieuse. Il est arrivé en Syrie en janvier 2013 et a été tué par un sniper lors du siège de la base aérienne de Minagh, en juillet. Un de ses associés, Yakup Senatas, d'origine kurde, a également été tué le 25 juillet au même endroit. Metin Ekinci a été tué un an plus tôt, en juillet 2012, à Alep. Membre d'une organisation religieuse plutôt modérée, il est surtout le frère d'Azaz Ekinci, impliqué dans l'attentat contre l'immeuble d'HSBC à Istanbul le 20 novembre 2003, une des attaques organisées par al-Qaïda dans la ville qui ont coûté la vie à 57 personnes.


Les Belges : le poids de Sharia4Belgium


La Belgique a de longue date une relation duale avec ses immigrés maghrébins ou turcs. Dans la décennie 1960, l'immigration marocaine et turque a été encouragée, de façon à fournir une main d'oeuvre peu onéreuse pour l'industrie du charbon et de l'acier, ce qui a permis à la Belgique de tenir son rang dans la construction européenne. Le déclin de l'industrie lourde n'a pas entraîné le départ de ces immigrés. Aujourd'hui, certaines personnes des troisième et quatrième générations se trouvent en marge de la société belge. Une partie de la jeunesse immigrée d'origine marocaine bascule dans la délinquance dès les années 1980-1990.

Capitalisant sur ces difficultés d'intégration, le parti Sharia4Belgium est né le 3 mars 2010. Son porte-parole salafiste, Fouad Belkacem, est persona non grata sur la place publique. Après plusieurs actions judiciaires et sous la pression publique, le parti est finalement dissous le 7 octobre 2012. La guerre en Syrie fait alors rage depuis un an et demi. Il faut attendre quelques mois pour obtenir les premières informations à propos des volontaires belges et néerlandais partis rejoindre le djihad en Syrie. En ce qui concerne la Belgique, les premières personnes sont identifiées en mars 2013, notamment par la langue flamande sur des vidéos postées depuis la Syrie. Les parents de Brian De Mulder et Jejoen Bontinck reconnaissent leurs fils sur des vidéos. Le parti d'extrême-droite Vlaams Belang réussit à embrigader une des familles pour sa propagande tandis que le père de Bontinck se rend en Syrie pour chercher son fils. Tous blâment Sharia4Belgium50.




Le 10 avril 2013, un hebdomadaire belge publie un article sur les djihadistes nationaux, affirmant que 12 d'entre eux ont déjà été tués (chiffre toujours non confirmé). En juin, deux journaux apportent des précisions sur le contingent après la mort d'Abd ar-Rahman Ayashi, un Franco-Syrien qui avait quitté la Belgique en 2012 après avoir purgé 8 ans de prison. Il était devenu chef de bataillon au sein du groupe Suqour as-Sham, menant pas moins de 600 hommes au combat. Il était le fils du cheikh Bassam Ayashi, un Syrien de Molenbeek, à Bruxelles. La famille est surveillée par les autorités belges depuis au moins septembre 2009. Quelques mois plus tôt, l'ami d'Ayashi, le Français Raphaël Gendron, avait également été tué en Syrie. Parmi les autres Belges morts au combat, il y a aussi Nur ad Din Abouallal, membre de Sharia4Belgium, tué le 25 juillet 2013. 33 autres membres du groupe, en septembre, combattaient encore en Syrie, dont Hussyan Elouassaki, alias Abu Fallujah, qui dirigerait la brigade Ansār Majlis Shūra al-Mujahidīn, près d'Alep, qui a commis des décapitations. On évalue alors à 150 à 200 le nombre de Belges déjà partis en Syrie.

Le 13 janvier 2014, le ministre des Affaires Etrangères confirme que plus de 200 Belges ont gagné la Syrie depuis le début du conflit, et qu'au moins 20 y ont été tués51. Pour Petier van Ostaeyen, spécialiste du sujet, ce serait en fait 34852 Belges qui auraient rejoint la Syrie depuis le début du conflit53 : sur les 72 identifiés via les médias, 29 sont impliqués avec Sharia4Belgium, dont 11 ont rejoint l'EIIL et au moins un al-Nosra. Pour le reste de l'échantillon, il est très difficile de savoir quels groupes armés les volontaires ont rejoint (moins de 10% de l'ensemble : 21 avec l'EIIL, 5 avec al-Nosra, 5 avec Suqur as-Sham et 1 avec Liwa Shuhada Idlib). 18 sont dans la province d'Alep, 9 dans celle d'Idlib. 5 ont 16 ans et viennent de Bruxelles et Vilvoorde. L'âge des combattants va de 15 à 68 ans (si l'on inclut le cheikh Bassam al-Ayashi ; sinon il tombe à 38). L'âge moyen est à 23,5 ans. 17 mineurs au moins sont partis, dont 4 sont revenus ; 1 a été ramené par sa mère. 10 viennent de Bruxelles ou Vilvoorde, une cité proche. Sur 81 volontaires dont les villes de départ sont identifiées, 29 viennent de Bruxelles, 18 de Vilvoorde, 12 d'Anvers et 14 de Mechelen. Un axe Anvers-Mechelen-Vilvoorde-Bruxelles se dessine donc sur la carte. Au moins 29 des volontaires sont revenus en Belgique (dont 4 refoulés à la frontière turque). L'un d'entre eux, Hakim Elouassaki, a été blessé et il est revenu pour se soigner. Le 23 janvier dernier, deux femmes de combattants, enceintes, ont été rapatriées, en accord avec les autorités, probablement en échange de renseignements sur leurs maris (qui appartiennent à Sharia4Belgium). On sait que 9 membres de l'organisation sont revenus, tout comme 6 autres qui faisaient partie de l'EIIL et 2 d'al-Nosra. Les plus gros contingents de retour sont à Anvers et Vilvoorde. 7 membres de Sharia4Belgium, 6 habitants de Bruxelles, 6 de Vilvoorde et au moins un de Maaseik et un autre de Mechelen ont été tués ; en tout, il y a 24 (peut-être 26) morts depuis décembre 2012, soit un peu plus de 10% du total (8 membres de Sharia4Belgium, 6 résidents de Bruxelles, 6 résidents de Vilvoorde, un de Maaseik, un autre de Mechelen)54. Près de 270 Belges seraient toujours en Syrie.

Peter van Ostaeyen présente également quelques exemples de Belges partis se battre en Syrie. Te Ou, 19 ans, originaire de Vilvoorde, est actuellement à Alep, où il combat pour l'EIIL. Abu Houdaifa Ahmed, dont la famille est d'origine marocaine (et sans doute berbère), a 21 ans : lui aussi combat à Alep, comme la majorité des Belges d'ailleurs, et a un frère qui serait en Afghanistan. Abu Sulayman al-Muhajir, d'origine algérienne, est parti avec sa femme à Alep en août 2013. Un de ses frères combattrait aussi en Syrie. Younes (Michaël) Delefortrie, un converti d'Anvers, est un membre connu de Sharia4Belgium : en 2011 il avait été arrêté en possession d'une AK-47. Il a combattu à Alep mais est revenu en Belgique après le déclenchement des combats contre l'EIIL, le 3 janvier ; arrêté par la police, il nie avoir combattu en Syrie. Abdel Monaïm, d'origine marocaine, 32 ans, a été tué en janvier 2014 : on le décrivait plus comme un aventurier que comme un islamiste radical. Abu Sulayman al-Baljiki, 36 ans, est le Belge le plus âgé faisant partie de l'EIIL. Originaire de Bruxelles, il combat dans un groupe de Franco-Belges présent à Homs, puis à Alep. Abu al-Maqdad Muhajir, d'origine marocaine (berbère), combat à Alep et à la particularité de parler arabe, français et néerlandais. Abu Jihad al-Baljiki est l'un des rares membres de Sharia4Belgiumà avoir rejoint al-Nosra. Ismail Mujahid, 17 ans, a quitté Bruxelles pour la Syrie en avril 2013 avec son ami Bilal. Son frère Zakaria, 23 ans, était déjà en Syrie. Bilal est revenu en Belgique après quelques mois mais Ismail, lui, est resté avec l'EIIL. Hisham Chaib, 30 ans, d'Anvers, était l'un des gardes du corps du chef de Sharia4Belgium, Fuad Belkacem. Il avait passé deux mois en prison début 2013 pour son rôle dans les émeutes de Borgerhout à Anvers55.


Les Espagnols


En décembre 2013, les spécialistes espagnols estimaient que 17 personnes avaient fait le voyage pour combattre en Syrie au sein des groupes djihadistes56. Les agences de sécurité du Maroc ont également identifié 3 résidents espagnols supplémentaires qui sont partis faire le djihad en Syrie57. 11 sont des citoyens espagnols et les 9 autres des immigrés marocains vivant en Espagne. La plupart viennent de Ceuta, l'enclave espagnole en territoire marocain, qui compte 85 000 habitants, dont 37% de musulmans. Les Espagnols de Ceuta qui commencent à partir en Syrie à partir du mois d'avril 2012 appartiennent aux classes sociales les plus pauvres. Les Marocains sont aussi partis de villes du continent comme Girona et Malaga. Ce sont tous des hommes, âgés de 16 à 49 ans, la plupart ont entre 25 et 30 ans et sont mariés. La plupart sont chauffeurs de taxis, travailleurs non qualifiés, étudiants ou sous emploi. Sauf 3 ou peut-être 4 d'entre eux, aucun n'avait de lien particulier avec les réseaux djihadistes (probablement, même, 19 sur les 20). Au moins deux avaient cependant participé à des manifestations djihadistes qui se tiennent depuis 2008 à Ceuta et dans une municipalité de la province de Cadix. Plusieurs avaient participé à des échauffourées contre la police à Principe Alfonso, un faubourg de Ceuta, et à du trafic de drogue. L'exception est Mouhannad Almallah Dabas, un Syrien naturalisé espagnol qui a fait partie de la cellule espagnole implantée par al-Qaïda dès le milieu des années 1990 avant d'être démantelée en novembre 2001. Dabas a été arrêté et jugé pour les attentats de Madrid en 2004, avant d'être relâché. Il est ensuite parti en Syrie où il se charge des activités logistiques pour le front al-Nosra, en compagnie de son jeune fils. Il a été tué à Homs en octobre 2013 au sein du front al-Nosra.

Ceuta a connu des implantations djihadistes par le passé. En 2006, les autorités espagnoles conduisent l'opération Duna et arrêtent 10 Espangols et 1 Marocain suspectés d'activités terroristes, même si 9 sont finalement relâchés. En 2007, trois autres personnes sont également arrêtées. Entre juin et septembre 2013 enfin, ce sont 10 personnes qui sont appréhendées et qui appartiennent à un réseau organisé, avec des connections internationales, chargé de radicaliser des recrues et de les expédier en Syrie, dans le cadre de l'opération Cesto. Parmi les personnes arrêtées, 9 Espagnols de Ceuta et un Belge. C'est cette opération qui permet d'identifier le 20 djihadistes déjà partis en Syrie58.

Les Espagnols rejoignent surtout al-Nosra ou l'EIIL, voire le groupe Harakat al-Sham composé de Marocains. Ceux qui manquent d'expérience djihadiste subissent un processus de radicalisation à Ceuta ou dans des communes marocaines voisines comme Castillejos. On sait ainsi qu'un imam marocain radical venu de Tétouan, arrêté après les attentats de Casblanca en 2003, a prêché en juin 2012 dans la mosquée Attauba de Principe Alfonso à Ceuta. Plusieurs djihadistes partis en Syrie se rendaient à cette mosquée59. Deux ou trois agents recruteurs opèrent à travers la frontière au sein d'un réseau hiérarchisé : on encourage le volontariat en fournissant de l'argent aux familles. Les volontaires gagnent Algésiras en ferry, puis rejoignent Malaga ou Madrid où ils prennent l'avion pour Istanbul. Une fois en Turquie, ils sont acheminés dans la province frontalière d'Hatay où les membres des groupes de recueil se chargent de leur faire passer la frontière. Parfois les vols pour Istanbul partent de Casablanca. En Syrie, les volontaires passent par des camps d'entraînement. Certains sont affectés à des cellules kamikazes -trois cas ont été identifiés. L'attaque kamikaze la plus meurtrière, qui aurait tué plus de 100 personnes, est intervenue en juin 2012 dans la province d'Idlib. En plus des Espagnols ayant rejoint les groupes djihadistes, au moins 25 autres ont également rejoint précédemment l'Armée syrienne libre et ont peut-être changé d'allégeance depuis.

Le 5 janvier 2014, la police espagnole arrête Abdelwahid Sadik Mohamed, un des 20 djihadistes partis en Syrie, considéré comme étant lié à l'EIIL60. Il a été arrêté à sa descente d'avion à Malaga, en provenance d'Istanbul. Originaire de Ceuta, Mohamed était parti en mai en Syrie via la Turquie et a été formé dans les camps d'entraînement de l'EIIL. La police espagnole a déjà arrêté plusieurs membres d'une cellule qui recruterait à Ceuta, notamment des candidats aux attaques kamikazes. Le chef, Yassin Ahmed Laarbi, a été arrêté en septembre dernier, après 8 autres personnes en septembre.


Les Egyptiens


Le 5 septembre 2013, un attentat à la voiture piégée a lieu à Nasr City, un faubourg du Caire, visant le ministre de l'Intérieur. L'attentat, qui blesse au moins 20 personnes, est revendiqué par Ansar Bayt al-Maqdis, un groupe djihadiste du Sinaï. Deux mois plus tard, les djihadistes postent une vidéo du kamikaze, Walid Badr, ancien officier de l'armée égyptienne et surtout vétéran des combats en Syrie61.

Le conflit syrien fournit en effet une expérience appréciable aux djihadistes égyptiens qui cherchent à déstabiliser le régime des militaires. Selon le dernier décompte, entre 119 et 358 Egyptiens auraient déjà pris part aux combats en Syrie. Un autre combattant du même groupe, Saaed al-Shahat, avait tué un officier de police et s'était fait sauter avec sa ceinture de bombes quand les forces de sécurité avaient investi son appartement. Lui aussi était un vétéran de la Syrie. Ansar Bayt al-Maqdis s'est imposé progressivement comme le groupe le plus violent parmi la nébuleuse djihadiste égyptienne : l'attentat à la voiture piégée du 24 décembre dernier à Mansourah montre que ses capacités ne cessent de croître, peut-être sous l'influence du retour de combattants partis en Syrie.

Des centaines d'Egyptiens étaient partis combattre les Soviétiques en Afghanistan à la fin de la décennie 1980. Les vétérans de ce conflit avaient entretenu les rangs de deux organisations plus tard liées à al-Qaïda, al-Gamaa al-Islamiyya et le Djihad Islamique égyptien, qui avaient semé la terreur en Egypte dans les années 1990. Le renversement du président Morsi a fourni des munitions aux djihadistes. Un idéologue, le cheikh Abou al-Mundhir al-Shinqiti, a appelé à la guerre contre les services de sécurité ; l'EIIL a proclamé son soutien à ses « frères » égyptiens. Le 1er septembre 2013, les forces de sécurité égyptiennes avaient arrêté Adel Habbara, qui serait lié à al-Qaïda, aurait dirigé un groupe nommé Al-Muhajereen wal-Ansar dans la péninsule du Sinaï, lequel serait responsable de l'exécution de 25 soldats en août. Habbara aurait juré allégeance à l'EIIL et se serait vu promis 10 000 dollars pour financer les activités de son groupe armé. Les vidéos du groupe font de plus en plus référence aux discours de Baghdadi, le chef de l'EIIL. En plus des Egyptiens partis combattre en Syrie, le groupe recruterait également parmi la communauté des réfugiés syriens arrivés en Egypte depuis 2011. Le commandant de l'Etat Islamique en Irak, l'ancêtre de l'EIIL, était d'ailleurs jusqu'à sa mort en avril 2010, un Egyptien, Abou Ayyoub al-Masri, un des bras droits de Zarqawi62.

Les Egyptiens qui partent combattre en Syrie proviennent donc de milieux assez variés, même si leur profil comporte des points communs. Aboubakr Moussa, tué au combat aux côtés de l'insurrection syrienne, était diplômé d'une des meilleures écoles du Caire et n'est devenu « religieux » qu'à son entrée à l'université. A la mosquée, il rencontre un homme dont il épouse la soeur, veuve d'un Tchétchène. Il tente de gagner la Tchétchénie mais est refoulé par les autorités russes, puis emprisonné six mois par la police égyptienne. Après s'être remarié, sa première femme l'ayant quitté, il participe au renversement de Moubarak, puis se trouve dans des convois humanitaires à destination de la Libye -on ne sait pas s'il a pris part aux combats sur place. Il gagne ensuite la Syrie via un réseau visiblement assez organisé et combat à Damas, dans la province d'Idlib, à Homs, à al-Qusayr, avant d'être tué le 1er septembre 201263. Ahmed Refat, un djihadiste qui s'était échappé des prisons égyptiennes à la faveur du renversement de Moubarrak, a été tué en Syrie le 7 juillet 2012. Il avait lutté les armes à la main contre Khadafi avant de rejoindre le djihad syrien64. Abou Rami, âgé de 37 ans, a fait quatre voyages aller-retour en Syrie en 2012, où il a gagné la confiance d'une association chargée de maintenir l'ordre dans les territoires libérés par l'insurrection. Il est entré par la Turquie, comme nombre de combattants étrangers ; d'après lui le voyage coûterait 250 dollars en tout. Il a déclaré par ailleurs que les volontaires pour le djihad en Egypte étaient des gens éduqués, sans problèmes sociaux ni financiers. Dès février 2013, le gouvernement égyptien a publié les noms de 10 citoyens nationaux tués au combat en Syrie. Abou Rami en rajoutait 3 de plus, qui seraient entrés par le Liban et seraient morts à Homs ce même mois. Abou Ahmed, un étudiant égyptien de 34 ans en Angleterre, a quitté femme et enfant pour rejoindre une brigade de l'Armée syrienne libre via le point de passage de Bab el-Hawa à la frontière turque. Bien qu'affilié à al-Gamaa al-Islamiyya, il prétend ne pas avoir utilisé ce réseau ; c'est la rencontre d'un exilé repartant pour le djihad qui l'a convaincu. Il a acheté une AK-47 appartenant à un combattant mort 700 dollars et a payé 80 dollars pour les munitions. Il a fait la cuisine pour son groupe armé avant d'être engagé dans de petites opérations et d'être blessé à la jambe, puis il a été soigné et il est revenu en Egypte65.

Jérôme Drevon66 explique également comment le conflit entre al-Nosra et l'EIIL a eu des répercussions dans le paysage djihadiste égyptien. Une faction, baptisée les « puristes », s'est alignée avec l'EIIL et rejette al-Nosra, en particulier parce que ce dernier mouvement accueille des volontaires égyptiens qui n'ont pas les mêmes idées politiques que les djihadistes, ainsi le cheikh Hazim Abou Ismaïl. Ces djihadistes égyptiens rejettent à la fois al-Nosra qui se confine au djihad syrien, uniquement sur le plan militaire, mais aussi la direction d'al-Qaïda, c'est à dire Zahawiri, qui a soutenu al-Nosra sans sa querelle avec l'EIIL. Ils se sont ralliés à Abou Umar al-Kuwaiti, qui dirige un groupe de combattants étrangers, Jamaat al-Muslimin, installé près de la frontière turque, vers Atme et Bab el-Hawa. Le groupe est associé avec l'EIIL mais a en plus excommunié al-Nosra, ce qu'a rejeté l'EIIL lui-même. Les puristes s'opposent en cela au courant dominant du salafisme égyptien qui, lui, prône la réconciliation. Ce qui est intéressant, peut-être, c'est la centralité de l'expérience syrienne dans la redéfinition du djihadisme issu du salafisme.


Les Tunisiens


Des septembre 2012, des informations font état de la mort de Tunisiens combattant aux côtés du bataillon al-Furqan, un groupe armé de la province d'Idlib qui combat aux côtés du front al-Nosra67. En mars 2013, les autorités tunisiennes estiment que 40% des combattants étrangers de l'insurrection syrienne sont tunisiens68. Les deux-tiers combattraient au sein d'al-Nosra. La plupart des djihadistes tunisiens seraient alors originaires de la ville de Ben Gardane, au sud de Tunis. La ville est située dans la province de Médenine, à la frontière avec la Libye. Le Qatar alimenterait en argent des organisations non-gouvernementales tunisiennes pour procéder au recrutement, offrant jusqu'à 3 000 dollars par personne. Les combattants sont regroupés et entraînés dans des camps situés dans le triangle désertique entre la Libye, la Tunisie et l'Algérie, acheminés jusqu'en Turquie puis insérés en Syrie. Les groupes djihadistes libyens ont établi des camps d'entraînement dans la province de Ghadames, à moins de 70 km de la frontière tunisienne. Les volontaires complètent leur entraînement militaire pendant 20 jours69 dans la province de Zawiyah, puis gagnent le port de Brega pour Istanbul, pour finir à la frontière syrienne. Certains combattants tunisiens entrent aussi par le Liban, en particulier s'ils doivent gagner Damas ou ses environs ; quand c'est Alep ou d'autres villes du nord, ils passent par la Turquie.




A l'automne 2013, le phénomène semble un peu mieux cerné. Il n'est pas limité à une classe sociale pauvre, qui effectivement fournit des volontaires : des diplômés des classes moyennes ou supérieures participent aussi au djihad70. Si au départ le sud de la Tunisie, traditionnellement plus islamistes, comprend les gros bataillons, aujourd'hui des Tunisiens partent du centre et du nord du pays -Bizerte étant devenu l'un des bastions de la cause. Ayman Nabeli quitte la ville de Tabalba, dans la province centrale de Monastir, pour combattre dans les rangs de l'EIIL. Né en 1986, cadet d'une famille de huit enfants, il n'est pas au départ particulièrement religieux. C'est après la révolution de 2011 qu'il devient un salafiste. Les salafistes tunisiens ont en effet investi les mosquées après la victoire du parti Ennahda aux élections, et en particulier celle d'al-Iman, proche de la maison d'Ayman. Malgré les démarches de sa famille, les autorités tunisiennes se montrent relativement complaisantes à l'égard des salafistes. Des vols entiers de Turkish Airlines transportent les volontaires pour le djihad jusqu'à Istanbul. Dans les faubourgs de Tunis, l'Etat a disparu avec la chute de Ben Ali et l'Ennahda impose sa présence notamment par le biais de mosquées contrôlées par des salafistes. Le ministre de l'Intérieur tunisien a déclaré que ses services ont d'ores et déjà empêché 6 000 hommes de se rendre en Syrie... un Tunisien avait tourné une vidéo pour Jaysh al-Muhajireen wa al-Ansar, le groupe d'Omar Shishani désormais rallié à l'EIIL, en juillet 201371. En mai de la même année, le ministre des Affaires Etrangères tunisien avait pourtant reconnu la présence d'un maximum de 800 Tunisiens en Syrie, une radio locale parlant de chiffres beaucoup plus importants, avec pas moins de 132 Tunisiens tués en février 2013 dans la région d'Alep, la plupart originaires de Sidi-bou-Zid, là où avait commencé la révolution en 201172. Mais ces chiffres semblent largement surestimés, la radio étant par ailleurs coutumière de la diffusion d'informations erronées.




Le parcours de Aymen Saadi, qui a failli faire détoner ses explosifs près d'un mausolée présidentiel, celui de Bourguiba, au sud de Tunis en octobre 2013, illustre la variété du recrutement. La ville de Zarghouan, à l'est de Tunis, n'est pourtant pas un bastion connu de l'islamisme. Aymen a d'excellentes notes à l'école, en particulier en langues et en histoire. Fin 2012 pourtant, il se radicalise, montrant une influence des salafistes, puis gagne les camps d'entraînement libyen en mars 2013. Il se retrouve pourtant bardé d'explosifs en Tunisie, et non en Syrie. Abou Talha, originaire d'une ville près de la frontière libyenne, a combattu près d'Alep. Il a passé six mois au sein d'une brigade islamiste en 2012. Il s'est alors rendu en Syrie seul avant de prendre contact avec les rebelles à la frontière turque, ce qui montre peut-être que les réseaux plus sophistiqués et organisés ne se sont constitués qu'à la fin 2012-début 2013. Un commandant syrien apprend aux recrues le maniement de l'AK-47, du RPG et des pistolets, le tout entrecoupé de séances de lecture du Coran et autres cours religieux. Abou Talha a combattu côte-à-côte avec le front al-Nosra73.

Abou Ayman est un exemple de volontaire recruté par Ansar-al-Charia74. Architecte à Tunis, il décide de partir se battre en Syrie avec deux voisins. Il prend l'avion pour Amman en Jordanie, où il faut réussir à passer la frontière, surveillée par les renseignements jordaniens. Une fois l'insertion effectuée, Abou Ayman et ses compagnons se séparent. Lui-même atterrit finalement dans les combats des faubourgs de Damas. Il intègre une unité, Ansar al-Chariaa, qui comporte 300 combattants dont de nombreux étrangers (Tchétchènes, Kosovars, et Tunisiens). En août 2013, Aaron Zelin avait interrogé un combattant tunisien de retour de Syrie, dans la province de Nabeul, à l'est de Tunis. Originaire d'un milieu modeste, ce combattant est revenu avec de l'argent qui lui a permis d'aider sa famille à mieux vivre. Son patron, un salafiste qui a des liens avec l'Arabie Saoudite, avait financé une partie de son voyage vers la Turquie. Il a combattu probablement avec al-Nosra : il était devenu plus « religieux » en 2011, après la révolution tunisienne, en suivant d'abord Ennahda, puis les salafistes. Sa mosquée était dépendante d'Ansar al-Sharia, avec un imam égyptien venu d'Arabie Saoudite. Il semblerait qu'Ans ar-al-Charia dirige ses combattants vers al-Nosra, et s'en portent garants : trois autres hommes étaient partis avec ce volontaire, dont un a été tué. A son retour, il est arrêté à sa descente de l'avion et détenu pendant trois mois et demi, avant d'être relâché75.

En ce qui concerne les camps d'entraînement en Libye par lesquels passeraient les volontaires tunisiens et autres, ils seraient notamment le fait du mouvement Ansar al-Charia en Libye, une ancienne brigade rebelle qui avait combattu Kadhafi en 2011, avant de mener l'attentat qui avait coûté la vie à l'ambassadeur américain du consulat de Benghazi en septembre 201276. C'est cette organisation qui organise le transit et le passage dans des camps mobiles des volontaires dans tout l'est libyen, près de la frontière tunisienne. Selon les rapports officiels, des douzaines d'Algériens et de Tunisens arrivent chaque semaine pour être formés dans ces camps, avant de partir par avion avec de faux passeports libyens à Benghazi, Ansar al-Charia bénéficiant de complices dans l'aéroport. Ayman Saadi, arrêté le 30 octobre 2013 près du mausolée de Bourguiba, est probablement passé par ces camps de Benghazi et Derna mais les Libyens l'ont ensuite renvoyé en Tunisie, et non en Syrie. On ne sait pas si Saadi a eu des liens avec Ansar al-Charia en Libye. On sait en revanche que les deux mouvements tunisien et libyen sont en relation : le premier reçoit notamment des armes du second.

En février 2014, le ministre de l'Intérieur déclare que 400 djihadistes tunisiens sont revenus du champ de bataille syrien77. La déclaration survient après que la garde nationale et l'agence de contre-terrorisme aient été mises en échec dans la capture de Kamel Zarrouk, le numéro 2 d'Ansar al-Sharia, à l'intérieur d'une mosquée d'un faubourg de Tunis. Zarrouk aurait ensuite rejoint les rangs de l'EIIL en Syrie. Ancien videur de boîte de nuit à Tunis, il a commencé à recruter pour le djihad syrien en 201178.


Les Saoudiens : un rôle important


En Syrie, le contingent saoudien se distingue par le fait qu'il fournit un certain nombre de chefs aux groupes armés et de nombreux candidats aux attaques kamikazes79. En décembre dernier, on a vu un jeune homme de 17 ans, Mouaz al-Maataq, arriver en Syrie. Abdul Aziz al-Othman a probablement été l'un des premiers Saoudiens à atterrir en Syrie. Il fait partie de la direction du front al-Nosra et il meurt à al-Shaddadi, dans la province de Hasaka, avec un autre Saoudien, Omar al-Mouhaisini, apparemment dans un accident de voiture. On sait qu'il était proche de Golani, le chef d'al-Nosra. On peut supposer que les Saoudiens vétérans d'al-Qaïda ou de l'Afghanistan ont établi les premières cellules en Syrie. Abou Khalid as-Souri, une figure importante du djihadisme, aurait participé à la formation du premier bataillon islamique ; on sait que plus tard Zawahiri l'a choisi comme son arbitre dans le conflit entre al-Nosra et l'EIIL. Souri a visiblement joué un rôle important dans la formation du mouvement, à partir de mai 2011, qui deviendra Ahrar al-Sham, aujourd'hui un des groupes les plus puissants du Front Islamique ; les Saoudiens ont eux plutôt rejoint, ensuite, le front al-Nosra.

On sait aussi que Sheikh Abdel Wahed, « le Faucon du Djihad », est l'un des premiers vétérans afghans à être arrivé en Syrie après le déclenchement de l'insurrection. Installé dans les montagnes de Lattaquié, il a fondé le groupe Suqur al-Izz, qui a rapidement attiré de grandes figures du djihad afghan, Abdel malak al-Ihsa’i (Abou Leen), Zaid al-Bawardi (Abou Ammar al-Makki) et Abou Mohammed al-Halabi, des hommes de la première génération qui ont passé 25 ans à se battre -de l'Afghanistan à l'Irak en passant par la Bosnie et la Tchétchénie- et qui ont tous péri en Syrie. Suqur al-Izz a aussi pour tâche d'accueillir les migrants venant de la frontière turque avant qu'ils ne soient répartis dans les bataillons. Najmeddine Azad, qui avait combattu en Afghanistan avec Ben Laden, est lui aussi venu en Syrie malgré sa jambe en moins, tout comme Fayez al-Mitab, qui accueillait Ben Laden dans sa maison en Arabie Saoudite. Les convois de djihadistes saoudiens se sont faits encore plus importants avec la création d'al-Nosra et le recours aux attaques suicides. Abdoul Hakim al-Muwahad, pourtant interdit de voyage par les autorités saoudiennes, a pourtant lui aussi gagné la Syrie où il est devenu le coordinateur pour attirer les Saoudiens vers le djihad et leur faire passer la frontière en évitant les services de sécurité.

Ce n'est pas le premier djihadiste interdit de déplacement par les autorités saoudiennes qui gagne la Syrie : Abdullah bin Qaed al-Otaibi, Badr bin Ajab al-Mqati, Abdulla al-Sudairi, Uqab Mamdouh Marzouki, l'ont également fait, comme des douzaines d'autres, le tout par l'aéroport de Riyadh, comme ils l'indiquent sur Twitter. Sibaie a été tué en août 2013 à Jobar, près de Damas, mais son frère Suleiman a rejoint le djihad, alors qu'il avait prêté son passeport et ses papiers à son frère, preuve qu'il a pu en obtenir de nouveaux. Le plus étonnant est que les Saoudiens qui jusqu'ici manifestaient contre le régime en Arabie Saoudite ou participaients aux sit-in pour la libération des prisonniers politiques rejoignent désormais le djihad en Syrie. Souvent, d'ailleurs, c'est après avoir été arrêté et détenu puis relâché qu'au bout de deux ou trois semaines ces opposants gagnent la Syrie. Sans expérience du combat, beaucoup sont tués rapidement, comme Mohammed al-Taleq, mort seulement cinq jours après son arrivée. On sait également que certains djihadistes sont revenus temporairement en Arabie Saoudite pour de courtes « vacances », avant de repartir en Syrie. Depuis l'automne 2013, le recrutement n'est visiblement plus limité aux classes défavorisées mais concerne aussi les classes moyennes et même la strate juste en-dessous des princes saoudiens. De nombreux prêcheurs sont arrivés en Syrie, et même des officiers de l'armée ou leurs parents. Nayef al-Shammari, un commandant des garde-frontières saoudiens, a été tué à Deir Attiyeh en décembre 2013. Motlaq al-Motlaq, tué à Alep, était le fils du général Abdullah Motlaq al-Sudairi, le directeur du centre des officiers. Il soutenait le djihad depuis 2012 en rassemblant des fonds. Son oncle, le frère du général, fait partie de la direction des groupes djihadistes en Syrie.


Les Canadiens


On estimait, en septembre 2013, qu'une centaine de Canadiens avait rejoint le djihad syrien, soit beaucoup plus que leurs homologues américains. Certains médias parlent de 3 Canadiens qui aurait déjà été tués en Syrie, sans que les autorités aient confirmé le chiffre. Un cinéaste américain, Bilal Abdul Kareen, qui a vécu au milieu d'un groupe islamiste pendant un an, prétend avoir croisé 20 à 30 Canadiens. D'après lui, l'un d'entre eux, Abou Muslim, aurait participé aux combats autour de l'aéroport de Damas en août 201380.




En décembre, le gouvernement canadien évoquait « des douzaines » de citoyens partis en Syrie, sans être plus précis. Le Canada a mis sur sa liste d'organisations terroristes le front al-Nosra en novembre 2013, et depuis avril, la législation s'est renforcée pour empêcher les candidats au djihad de quitter le sol canadien. Ali Dirie, membre du groupe terroriste Toronto 18 (qui avait été démantelé en 2006 au milieu de la préparation d'attentats), a pourtant gagné la Syrie après avoir purgé une peine de prison : relâché en 2011, il y est mort en septembre 2013. D'origine somalienne, né en 1983, Dirie a joué visiblement un rôle important dans la radicalisation de certains détenus en prison, mettant en lumière l'absence de structure canadienne pour éviter ce processus81. Un autre Canadien, le fameux Abou Muslim, est apparu dans un documentaire britannique tourné en Syrie au milieu d'un groupe armé composé essentiellement de combattants étrangers82.

Le premier Canadien à périr en Syrie est probablement Jamal Mohamed Abd al-Kader, né et élevé au Canada, mais dont la famille, d'origine kurde, vient du nord-est de la Syrie83. Devenu étudiant, il choisit de rejoindre le djihad et arrive en Turquie en juillet 2012. Il franchit la frontière et rallie la brigade Asifat a-Shimal de l'Armée Syrienne Libre, avant de rejoindre Ahrar al-Sham. Il combat d'abord à Alep durant l'été et l'automne 2012, puis rejoint Damas en décembre jusqu'à sa mort le 26 février 2013. Etudiant au parcours normal, il avait cependant été arrêté par la police en décembre 2010 avec deux amis en possession d'une arme sans avoir de permis84. Dès juillet 2011, Thwiba Kanafani, avait rejoint les rebelles syriens, puis, après plusieurs mois, était revenu au Canada pour rallier de l'aide pour le djihad.

Récemment, un djihadiste américain, Abu Turab Al-Muhajir, a annoncé la mort d'Abou Muslim l'an passé lors de l'assaut de la base aérienne de Minnagh85. D'après lui, il y aurait peut-être 100 Canadiens en Syrie, ce qui correspond à l'estimation haute de l'ISCR. Andre Poulin, c'était son vrai nom, venait de l'Ontario, et s'était converti à l'islam en 2009. Il était passé devant la justice pour avoir menacé son hôte, un musulman, car il avait une liaison avec la femme de ce dernier. Un autre Canadien, Damian Clairmont, alias Abu Talha al-Canadi, a également été tué à Alep. Il s'était converti à l'islam après une tentative de suicide. En novembre 2012, il avait annoncé à sa mère qu'il se rendait en Egypte pour apprendre l'arabe, mais les services de sécurité canadiens pensaient qu'il a rejoint la Syrie. Il était surveillé car il faisait partie d'un groupe extrêmiste à Calgary : il n'aurait pas gagné Le Caire mais Istanbul. Il appelle sa mère depuis la Syrie en février 201386. Il avait porté plusieurs noms et selon certaines sources, il aurait rejoint le front al-Nosra : il aurait d'ailleurs été blessé puis exécuté par des combattants de l'ASL87.





Les Danois


En 2013, la police danoise enquête sur Abou Ahmed, la mosquée Quba d'Amagen et l'organisation charitable Hjælp4Syrien88. Le lieu et l'organisation serviraient en effet de base de recrutement et de collecte de fonds pour le djihad syrien. Copenhague surveille en fait depuis le mois de mars l'activité de cette organisation qui semble appuyer le front al-Nosra. Ahmed est bien connu des services de police pour avoir parrainé spirituellement deux jeunes Danois qui avaient voulu organiser des attentats à Copenhague. Le groupe aurait apporté un soutien financier à un ancien détenu danois de Guantanamo tué en Syrie en février 2013, Slimane Hadj Abderrahmane. En août, un autre Danois, Abu Omar Altunes, trouve également la mort en Syrie. A ce moment-là, la police estime que 65 Danois au moins sont partis pour le djihad syrien, dont 6 ont déjà trouvé la mort. Le 16 août 2013, un djihadiste, Abu Khattab, poste une vidéo où il appelle des Danois à se joindre au djihad89. Quelques jours plus tard, une autre vidéo montre Khattab et trois autres combattants tirer sur 6 photos de personnes perçues comme « ennemies de l'islam » (un agent de police, des ministres, un avocat, un dessinateur de caricatures, l'imam Ahmed Akkari, qui s'était violemment impliqué dans l'affaire des caricatures de Mahomet en 2006, avant de dire qu'il le regrettait)90


 

En mai, la brigade des Muhajireen annonce la mort, deux mois plus tôt, d'un djihadiste danois, Sørensen. Celui-ci aurait voyagé en Egypte, au Yémen, au Liban et en Libye avant de rejoindre le groupe armé. Il a été emprisonné au Yémen et au Liban et, selon ses dires, torturé dans le premier pays. Il suit au Yémen les cours de l'université Imam de Sanaa, avec l'imam Abdulmajid al Zindani, lié à Ben Laden. Sørensen a ensuite vécu trois ans en Egypte avant de partir faire la guerre en Libye, puis de rejoindre la Syrie. Il trouve la mort dans la province de Lattaquié91. En octobre 2013, les salafistes danois de Kaldet til Islam intensifient leur effort de propagande dans les prisons après la mort de leur chef, Shiraz Tariq, en Syrie. Tariq serait mort le 25 septembre dans la province de Lattaquié : lui aussi faisait partie du groupe d'Omar ash-Shishani, liée à l'EIIL. Tariq commandait probablement le contingent danois du groupe92. Le 17 novembre 2013 survient l'annonce de la mort de deux Danois supplémentaires, dont un jeune de 17 ans, tués à Alep93. Le 13 janvier 2014, les insurgés confirment que Abou Khattab, dont le sort était en suspens depuis plusieurs mois, a bien été tué en novembre dans les combats, pendant que deux autres Danois étaient blessés. Depuis l'été 2012, ce serait plus de 80 Danois, selon les autorités, qui seraient partis en Syrie, dont 7 au moins, jusqu'ici, ont été tués94.

Les motivations des volontaires danois semblent assez variées. Certains partent pour aider des frères sunnites, d'autres pour renverser une dictature jugée ignoble. D'autres partent pour établir la charia, voire un califat islamique, ou tout simplement pour subir le martyre. Enfin, des volontaires recherchent tout simplement l'aventure. La plupart sont des hommes de 16 à 25 ans, majoritairement issus de l'immigration musulmane, mais il y a aussi des convertis danois. Le groupe est donc plus jeune et diversifié que les contingents précédents (Afghanistan, Somalie, Irak). Parmi les immigrés, certains sont liés aux milieux criminels. Le recrutement se fait notamment par la sensibilisation via les vidéos et les réseaux sociaux. Il semble, encore une fois, que certains criminels partent pour le « rachat des fautes ». La majorité des volontaires a rejoint le front al-Nosra ou l'EIIL. La moitié des personnes est déjà retournée au Danemark, et plusieurs ont effectué des aller-retour95.


Les Azéris


Depuis les combats contre l'EIIL déclenchés le 3 janvier 2014, les annonces de décès de combattants azéris parmi les insurgés syriens se sont multipliées. Le 16 janvier, l'étudiant Tural Ahmadov est déclaré mort au combat. Deux autres Azéris, Rauf Khalilov et Najaf Karimov, âgé de 14 ans, avaient péri deux jours plus tôt. Deux autres sont morts le 4 janvier. Début août 2013, un combattant azéri appelait ses compatriotes à rejoindre le djihad. On estimait alors que 60 Azéris étaient déjà partis et que 20 avaient trouvé la mort en Syrie96. L'Azerbaïdjan, bien qu'il ait dénoncé la politique du régime syrien, n'a pas soutenu ouvertement les rebelles. Ses services de sécurité auraient déjoué plusieurs tentatives de djihadistes visant à commettre des attentats dans le pays. Les estimations varient de 100 à 400 Azéris, salafistes radicalisés, qui seraient partis pour le djihad. Le salafisme a pris pied en Azerbaïdjan, pays de tradition chiite, à Bakou et dans le nord du pays. Le 15 décembre 2013, la police a arrêté 15 personnes lors d'une rixe à Sumgaït, apparemment entre deux groupes salafistes qui discutaient des modalités du djihad en Syrie et qui en sont venus aux mains97...

Les Azéris ont rejoint surtout le front al-Nosra et l'EIIL, mais ils combattent visiblement surtout avec le groupe d'Omar ash-Shishani, composé de Tchétchènes et également de nombreux Caucasiens. Les Azéris du groupe sont commandés par Abou Yahya al-Azeri et viennent pour l'essentiel du nord de l'Azerbaïdjan, plus proche du Nord-Caucase. Mais les Azéris, contrairement aux Tchétchènes par exemple, ne voient pas le combat comme la continuation de celui contre la Russie (qui soutient Assad). D'ailleurs des Azéris combattent aussi, probablement, parmi les miliciens étrangers pro-régime -le pays comprend 65% de chiites. Le voyage se fait probablement via la Turquie98. L'imam de la mosquée Abou Bakr à Bakou, Haji Gamat Suleiman, a été approché par des jeunes souhaitant partir faire le djihad soit pour défendre la communauté sunnite de Syrie, soit pour résoudre des problèmes personnels. Les volontaires sont pour la plupart des adolescents ou des hommes jeunes d'une vingtaine d'années, venant souvent de familles pauvres et assez pieuses99.

Au total, au moins 7 Azéris ont été tués les 3-4 janvier 2014 lors du déclenchement des combats contre l'EIIL, dont un jeune garçon de 14 ans originaire du Nakhitchevan100. Les Azéris ont une longue tradition de djihadisme, puisqu'un certain nombre d'entre eux avaient participé à la guerre en Afghanistan et à celles en Tchétchénie. Près de 70 Azéris ont été arrêtés entre 2001 et 2003 par le Ministère de la Sécurité Nationale en tentant de rejoindre la Tchétchénie. Entre 1999 et 2013, au moins 33 Azéris y ont trouvé la mort, surtout pendant la période la plus intense des combats (jusqu'en 2005). 23 Azéris ont péri en Afghanistan dont au moins un kamikaze. 200 à 250 Azéris seraient encore en Afghanistan et au Pakistan. En 2009, les autorités ont arrêté 13 hommes à la frontière avec l'Iran qui revenaient de ces pays. Azer Misirxanov, tué par une frappe aérienne américaine, était même l'un des membres importants de Taifetul Mansura. Il avait également combattu dans le Nord-Caucase.

Dès la mi-août 2012, un journaliste français à Alep prétend avoir vu des combattants azéris, ce qu'un journaliste turc enlevé avait déjà affirmé en mai. A l'automne 2012, un premier combattant est identifié : Zaur Islamov, 37 ans, originaire de Qusar, province frontalière du Daghestan. Au moins un des membres du groupe afghan de Misirxanov a été tué en Syrie : Araz Kangarli, arrêté plusieurs fois par les autorités azéries, dont la mort est annoncée en novembre 2012. Un journal turc évoque la mort de 4 autres combattants et la présence de nombreux autres. Depuis la fin 2012, on comptabilise en tout 100 tués annoncés, mais l'auteur de North Caucasus Caucus a recensé, lui, 41 combattants dont 30 ont été tués, échantillon bien sûr incomplet.

Les djihadistes azéris, sans surprise, viennent de régions connues pour avoir fourni des combattants en Tchétchénie ou en Afghanistan et sujettes aux opérations contre-terroristes des autorités. Sumgaït revient fréquemment. En 2007, les autorités annoncent avoir démantelé un groupe Abou Jafar, mené par un Saoudien, Naielm Abdul Kerim al-Bedevi, présent dans le pays depuis 2001 et qui a voyagé dans le Nord-Caucase. En 2008, Ilgar Mollachiyev aurait fait essaimer les « Frères de la forêt » du Daghestan en Azerbaïdjan en créant deux cellules à Sumgaït et Quba/Qusar. En juillet, l'un des membres aurait reçu pour missions d'attaquer la mosquée Abou Bakr, provoquant une réaction virulente du gouvernement contre la communauté sunnite pieuse. Le groupe de Sumgaït devait braquer des banques pour fournir des fonds aux opérations, afin d'acheter les armes et le matériel. En septembre-novembre, ses membres visitent un village du district de Balakan, à la frontière avec la Géorgie, où on leur donne des armes et des munitions à acheminer à Sumgaït. Quand la police intervient, en janvier 2009, deux caches d'armes sont trouvés avec 3 vestes explosives et 5 kg de plastic.

Au nord de l'Azerbaïdjan, on trouve beaucoup de Nord-Caucasiens dont beaucoup sont sunnites. En 2001, des groupes liés à ceux du Nord-Caucase tuent 10 policiers dans les districts de Balakan et Zaqatala. En 2005, des caches d'armes sont découvertes près de la ville de Qusar. Vuqar Padarov, un Azéri de Zaqatala, combat dans le Nord-Caucase avant de revenir dans son pays en 2011 ; il est parrainé par la jamaat de Derbent, dans le sud du Daghestan. A partir de juillet 2011, il commence à recruter des militants et à rassembler des armes. Padarov est tué en avril 2012 lors d'un raid sur sa place forte à Gence, dans l'ouest du pays.

Un des aspects intéressants pour les volontaires au djihad est le faible coût du transit pour la Syrie. Les volontaires prennent un billet d'avion sur Azerbaijan Arlines au départ de Bakou pour à peine 200 dollars. Mais la plupart prennent même le bus jusqu'en Géorgie puis jusqu'à la frontière turque, trajet qui peut revenir à seulement 96 dollars. Malgré les rumeurs selon lesquelles les Azéris seraient payés 5 000 dollars par mois, l'argent ne semble pas être le principal facteur de départ. Nijat Hacizade, tué en janvier 2014, était étudiant en première année à l'université de Méditerranée orientale de la république du nord de Chypre. Rahman Shikhaliyev était un ancien boxeur semiprofessionnel de Sumgaït. Najaf Karimov, 14 ans, était le fils d'un propriétaire de 3 magasins dans le district de Seler, au Nakhitchevan. Après s'être converti au salafisme, le père ferme ses magasins et emmène toute sa famille en Syrie en août 2013. Anar Mahmudov, un jeune volontaire revenu dans son village après six mois, prétend avoir été radicalisé par un Saoudien, Sheikh Saleh Al-Fawzan, un an plus tôt.

A l'été 2013, une enquête montre que le groupe d'Omar ash-Shishani, avant la rupture suite à l'allégeance à l'EIIL, comprend un fort contingent d'Azéris entraîné par Salahuddin al-Shishani. Celui-ci prend les passeports, entraîne pendant deux mois les volontaires, puis les Azéris participent aux combats pendant six mois, après quoi ils peuvent retourner voir leurs familles. Au départ, à l'automne 2012, les volontaires azéris rejoignent plutôt, en effet, le groupe de Shishani ou al-Nosra. Les Azéris sont en bonne place dans la vidéo qui annonce la formation de Jaysh al-Muhajirin wa Ansar, en mars 2013. Abu Yahya al-Azeri, l'un des membres importants du groupe, est tué par un éclat d'obus en septembre 2013. Un autre Azéri, Ebu Muhammed, fait fonction d'adjoint de Seyfullakh, qui dirige une scission du groupe de Shishani depuis août, et qui a fait allégeance à al-Nosra le 31 décembre 2013. On prétend que le chef du contingent azéri de Shishani serait Abu Usama, originaire de Zaqatala.

Les Azéris qui partent ne reçoivent probablement pas de financement extérieur car le gouvernement a verrouillé beaucoup des possibilités dès 1996. En revanche, l'argent vient de collectes internes aux communautés et à la vente des biens avant le départ. Une page Facebook, fermé en janvier 2014, a même été créé dans ce but. Pourtant, la majorité de la communauté sunnite salafie d'Azerbaïdjan reste opposée au départ pour le djihad en Syrie. L'incident du 11 décembre dernier à Sumgaït est révélateur : un Azéri revenu de Syrie a provoqué une bagarre par des propos outranciers sur le djihad, deux hommes dont lui-même sont poignardés, et le fautif appelle des amis depuis l'hôpital qui font usage d'armes à feu et de grenades. Depuis le début 2013, Qamet Suleymanov, l'imam le plus écouté du pays, prêche contre le djihad. Puis, après le début des combats contre l'EIIL, il fait volte-face et annonce que son ancien bras droit, Alixan Musayev, et un autre membre de la mosquée Abou Bakr, Mubariz Qarayev, ont participé aux filières d'acheminement, ce que le premier a violemment démenti. Suleymanov cherche peut-être aussi à obtenir la réouverture de la mosquée, fermée depuis 2009.

Fin janvier 2014, Rasim Badalov, un vétéran du djihad syrien, est arrêté à Sumgaït, où il était revenu depuis six mois. Il a été arrêté avec Ilkin Bashirov, Elekber Zeynalov, Samir Mammedkerimov, Hamlet Talibov et Alinur Atayev dans la maison de thé « Champion » d'un faubourg de la ville. Rafael Aghayev, le propriétaire des lieux, quatre fois champion du monde de karaté, s'est converti au wahhabisme et l'endroit est devenu le lieu de rencontre de certaines personnes radicalisées. La fouille de l'appartement de Badalov livre un AK-74, deux grenades, 22 cartouches et du matériel de propagande. Visiblement, de nombreux Lezguiens du nord du pays, notamment à Sumgaït où le chômage est très important, sont facilement attirés par le radicalisme religieux. Les organisations en question ont l'avantage de bien payer -jusqu'à 384 dollars par mois101.


Les Indonésiens


Le conflit syrien est la première manifestation d'un départ massif de combattants indonésiens pour prendre part à un djihad, et pas seulement s'entraîner ou assurer un soutien logistique. Au moins 50 personnes sont parties en Syrie jusqu'en décembre 2013, selon les autorités. Les volontaires sont attirés par l'eschatologie de l'islam, qui place le combat final au Levant, par la traduction d'un livre, La Stratégie des Deux Bras (qui affirme que les printemps arabes peuvent être exploités pour instaurer un califat islamique), par les atrocités commises par le régime contre les sunnites et relayées dans les médias et enfin, comme de nombreux autres contingnets, par les facilités d'accès au champ de bataille via la Turquie102.

Historiquement, les combattants partant pour le djihad ont fortement contribué au développement d'un djihadisme en Indonésie103. Bashir et Abdullah Sungkar (le fondateur et chef de la Jemaah Islamiya -JI- jusqu'en 1999) ont organisé le départ de volontaires pour l'Afghanistan dans les années 1980. Quelques-uns ont combattu aux côtés de Ben Laden lors de la bataille de Jaji en 1987. D'autres ont été entraînés dans les camps d'Afghanistan et du Pakistan. Cette filière afghane a contribué à la JI et aux attentats de Bali en 2002. Mais ici, le conflit syrien propose non seulement un contexte classique de défense d'une population musulmane, mais aussi un contexte sectaire (un régime alaouite appuyé par les chiites de l'Iran et du Hezbollah) et « socio-révolutionnaire » (établir un califat islamique à la place d'un régime laïc). Les djihadistes indonésiens reproduisent un discours sectaire contre les chiites dans leur pays, voire attaquent les personnes de cette confession, mais cela les décrébidilisent aux yeux de nombre de musulmans. Par ailleurs, historiquement, la JI, issue de Darul Islam, tire son origine d'une lutte contre un Etat séculier, celui de Sukarno. Les attentats de Bali, contre des intérêts occidentaux, constituent une exception. En 2010 par exemple, Dulmatin, ancien membre de la JI, crée un camp d'entraînement à Aceh pour lancer une insurrection. Entre 2010 et 2013, 24 policiers ont été tués, ce qui montre l'influence de certains penseurs moyen-orientaux qui recommandement de cibler les autorités locales.

Le gros des personnes radicalisées qui partent en Syrie vient de la Jemaah Islamiya, qui avait commis les attentats de Bali en 2002, puis avait abandonné l'action violente en 2007. La branche humanitaire de l'organisation a cependant effectué plusieurs voyages en Syrie, entre fin 2012 et janvier 2014, probablement pour établir des contacts en plus de fournir du matériel médical et des fonds. D'autres salafistes djihadistes indonésiens, comme certaines factions de Darul Islam, font aussi partie des volontaires, et même des salafistes de la communauté non-violente. Les différends entre l'EIIL et le front al-Nosra se retrouvent aussi parmi le contingent indonésien.

La Stratégie des Deux Bras, publiée en juin 2013 en Indonésie, l'a été sous les auspices de Bambang Sukirno, l'un des penseurs influents de la JI. Il a d'ailleurs dirigé plusieurs des missions humanitaires vers la Syrie. Les prêcheurs de la JI réussissent à collecter des sommes allant de 1 000 à plus de 10 000 dollars lors de discussions publiques (60 de 2012 à la fin 2013), sans compter les donations en ligne. L'argent est converti en aide médicale : docteurs et infirmières partent un mois à l'hôpital de campagne Salma de Lattaquié. Nourriture et vêtements sont distribués dans le Jabal al-Akrad, dans la province d'Idlib, et une clinique mobile fait le tour des campagnes.

Les groupes radicaux mettent en avant, en Indonésie, les massacres sectaires commis par le régime ou ses alliés chiites, comme ceux de Banias ou d'al-Bayda en mai 2013, et les attaques chimiques du 21 août suivant. Le magazine An-Najah de la JI se focalise souvent sur la Syrie. Sur les 50 Indonésiens déjà partis en Syrie, 5 des 7 hommes identifiés en 2013 étaient liés à la JI. Ils ne partent pas directement d'Indonésie mais plutôt du Pakistan ou du Yémen où ils font leurs études. Au moins un membre de l'ex-réseau Abou Omar est supposé être en Syrie. La plupart des Indonésiens ont pris contact avec Ahrar al-Sham (aujourd'hui composante du Front Islamique), mais certains rejoignent l'EIIL.

Le cas le plus emblématique est celui de Riza Fardi, dont la mort a été annoncée le 28 novembre 2013 par la brigade Suqqor al-Izz. Riza venait du Kalimantan de l'ouest : diplômé de Ngruki (l'école fondée par Abu Bakar Bashir, l'ancien leader de la JI), il est parti au Yémen en 2007 pour l'université al-Iman de Sanaa. On pense qu'il a rejoint la Syrie en 2012, au sein de la brigade Suqqor al-Izz, commandée par un Saoudien, Sheikh Abdul Wahed, alias Saqr al-Jihad (le Faucon du Djihad). Le groupe s'est distingué comme étant parmi ceux ayant commis des massacres sectaires en août 2013, lors de l'offensive rebelle dans la province de Lattaquié. Riza aurait été tué dans le district Sheick Saïd à Alep, le 25 novembre. Encerclé depuis une semaine, le district, contrôlé par le régime, tenait bon ; les djihadistes se replient mais Riza reste en arrière avec 7 autres pour ouvrir le feu sur les soldats du régime une fois ceux-ci passés. Après un jet de grenade, il est abattu. C'est la seule mort confirmée même si 4 autres Indonésiens eux aussi diplômés de Ngruki sont supposés être arrivés d'Islamabad en août 2013, via la Turquie. Deux autres Indonésiens seraient avec l'EIIL : Muhammad Ayub, le fils de l'ancien chef de la branche australienne du JI, et Abdul Rauf. En janvier 2014, une opération contre-terroriste tue 6 membres du Mujahidin Indonesia Barat, qui manifestement projetaient de gagner la Syrie. Ils avaient braqué une banque à Tangerand le 12 décembre 2013 pour financer leur voyage -environ 833 dollars pour un faux passeport et deux fois plus pour le voyage. Un autre membre du groupe serait déjà sur place.

Cependant, il faut noter que certains groupes radicaux indonésiens se sont également opposés au djihad syrien, comme celui mené par Ustad Muzakir. Plus importante peut-être est la fracture entre le front al-Nosra et l'EIIL à partir d'avril 2013, qui se reflète parmi les Indonésiens. Abu Muhammad al-Maqdisi, un clerc très écouté en Indonésie, a affirmé que l'EIIL n'était qu'un groupe djihadiste comme un autre. Abu Bashir ath-Thurtusi a proclamé une fatwa contre l'EIIL. Le 5 janvier 2014, des volontaires indonésiens de Misi Medis Suriah, accompagné par des djihadistes locaux, refusent de prêter allégeance à l'émir de l'EIIL alors qu'ils sont arrêtés à un checkpointà la frontière turque, pour aller chercher une ambulance. Un échange de tirs s'ensuit. En Indonésie, Aman Abdurrahman, un clerc emprisonné, a pris fait et cause pour l'EIIL. Le front al-Nosra a aussi ses partisans comme Iwan Darmawan, condamné à mort pour son rôle dans l'attentat de 2004 contre l'ambassade australienne. La JI, pour sa part, tente de rester la plus neutre possible entre les deux camps. La tension est telle que les salafistes djihadistes radicaux en viennent à reprocher leur attitude aux salafistes trop critiques de l'EIIL, voire à les menacer de mort.


Sur le champ de bataille : que peut-on dire de l'intervention des volontaires étrangers ?


Il est courant de lire, quand on parle de la guerre en Syrie, que le front al-Nosra rassemble surtout des combattants syriens tandis que l'EIIL regroupe surtout les volontaires étrangers. Il est vrai que la plupart des combattants étrangers sunnites rejoignent l'EIIL, mais ils contribuent aussi à d'autres formations104. Pour mémoire, en novembre 2013, Romain Caillet estimait que l'EIIL dépassait déjà les 10 000 combattants, alors qu'al-Nosra, affaibli depuis la scission d'avril-mai, n'en comptait plus que 2 000105.


Jaysh al-Muhajireen wa al-Ansar est commandée par Omar ash-Shishani, un vétéran de l'armée géorgienne. En mai 2013, celui-ci est nommé émir du nord de la Syrie par le chef de l'EIIL, secteur qui englobe les provinces d'Alep, Raqqa, le nord d'Idlib et Lattaquié. A la suite de cette désignation, le groupe de Shishani devient donc le paravent de l'EIIL. Si la désignation d'origine est conservée, c'est pour montrer qu'un front idéologique plus large existe, alors qu'en réalité, le groupe de Shishani n'est que le reflet de l'EIIL. On observe le même phénomène avec les nombreuses milices iraniennes qui se battent côté régime. En août 2013, le groupe joue un rôle décisif pour faire tomber la base aérienne de Minnagh, sous les ordres d'un Egyptien, Abu Jandal al-Masri. Fin novembre 2013, une nouvelle scission a lieu entre ceux qui restent fidèles à l'EIIL derrière Shishani et ceux qui conservent le « label » d'origine et qui ont un nouveau commandant, Salah ad-Din ash-Shishani. Ce dernier mène désormais le groupe qui comprend les Tchétchènes et Caucasiens qui ont refusé de jurer allégeance à l'EIIL notamment parce qu'ils l'avaient déjà fait pour l'émir du Caucase, Umarov. Une partie des combattants, menée par Seyfullak al-Shishani, le second d'Omar que ce dernier avait expulsé cet été, a visiblement combattu avec le front al-Nosra lors de la récente capture de l'hôpital al-Kindi d'Alep et l'a peut-être rejoint106. Cette fraction, baptisée les Moudjahidine du Caucase et du Levant, s'est en fait séparée du groupe d'Omar Shishani depuis août 2013. Son chef, l'émir Seyfullak, est régulièrement intervenu avant la scission dans les vidéos du groupe en langue russe. C'est un Tchétchène originaire de la vallée de Pankisi, en Géorgie, qui a longtemps vécu en Turquie, pays qui abrite une communauté tchétchène en exil (1 500 personnes107). Le 30 décembre 2013, Seyfullak al-Shishani jure solennellement allégeance à Abu Mohammad al-Joulani, le chef du front al-Nosra108.

Jamaat Jund ash-Sham est un bataillon basé dans l'ouest rural de la province de Homs. Fondé par des combattants libanais, il comprend aussi des Syriens. Le groupe se rapproche de l'EIIL mais n'est pas hostile non plus à al-Nosra. Des activistes libanais sunnistes pro-EIIL de Tripoli relaient les informations du groupe, ce qui semble indiquer des liens avec ce milieu.

Le Bataillon Vert a émergé en août 2013. Il est proche d'EIIL et d'al-Nosra mais se démarque par son indépendance, et a pour ce faire changé d'emblème, par exemple, en septembre. Le groupe est mené par des Saoudiens mais comprend aussi des Syriens. Il a conduit des opérations conjointes avec l'EIIL et al-Nosra dans les montagnes de Qalamoun, ainsi qu'avec d'autres formations importantes comme Jaysh al-Islam, dans les zones désertiques de la province de Homs tenues par le régime -où il a d'ailleurs affirmé s'être emparé de nombreuses armes. C'est le Bataillon Vert, en lien avec l'EEIL, qui a repris la ville de Deir Atiyeh pendant la « bataille » de Qalamoun, avant que la ville ne soit reconquise par le régime et ses miliciens chiites.

Harakat Sham al-Islam a été fondé à la mi-août 2013 par des combattants marocains. Il a participé à l'offensive dans la province de Lattaquié à l'été 2013 et a aussi collaboré avec al-Nosra dans la province d'Alep, notamment dans une attaque sur la prison centrale de la ville, à laquelle n'a pas participé l'EIIL. Pendant l'offensive de Lattaquié, le groupe a perdu un ancien détenu marocain de Guantanamo, Mohammed al-Alami, venu du groupe Ahrar al-Sham. Il dirigeait la brigade des « Broyeurs » pendant l'offensive de Lattaquié. Autres tués dans cette opération, Mohamed al-Nebras, natif de Tanger , qui dirigeait la brigade Ebada Ibn al-Samet et Al-Sedik al-Sabe, un Néerlandais né au Maroc. On sait par ailleurs que 11 autres Marocains ont été tués début août 2013 lors de combats contre le régime : ils avaient rejoint l'Armée syrienne libre en mai et venaient de la province d'al-Haouz. Un autre vétéran d'al-Qaïda d'origine marocaine, Ibrahim bin Shakaran, dirige la formation. C'est un vétéran du djihadisme marocain : il a été formé en Mauritanie dans les années 90, a vécu en Arabie Saoudite, en Turquie, en Iran, au Pakistan et en Afghanistan. Il a fondé au Maroc le Jamaat Tawhid Wal Jihad avant de passer six ans en prison109. Il cherche manifestement à se poser comme leader d'un futur combat djihadiste au Maroc. En septembre 2013, on estimait que 50 à 100 Marocains étaient déjà partis combattre en Syrie110. Le groupe est quasiment lié, de fait, au front al-Nosra, branche « officielle » d'al-Qaïda en Syrie. Il se revendique aussi d'un engagement qui sert en quelque sorte de banc d'entraînement, afin que les combattants reviennent ensuite au Maroc et dans le Maghreb pour lutter contre les régimes en place. Récemment, Aymenn Jawad al-Tamini a identifié Mohammed Mizouz, alias Abu al-Izz al-Muhajir, un troisième ancien détenu marocain de Guantanamo faisant désormais partie de Harakat Sham al-Islam111. Le groupe a récemment participé à la prise de l'hôpital al-Kindi d'Alep, aux côtés d'al-Nosra et du Front Islamique.




Suqur al-Izz, comme le Bataillon Vert, a été créé et reste dirigé par des Saoudiens, en délicatesse avec al-Nosra et l'EIIL, même si le logo et certaines déclarations semblent bien rapprocher ce bataillon indépendant de l'EIIL. Né en février 2013, ce groupe opère dans la province de Lattaquié, et a participé à l'offensive coordonnée de l'été avec al-Nosra et l'EIIL. Parmi ses martyrs, on compte un Indonésien et des Syriens, tués notamment à Alep à la fin novembre 2013. Suite aux combats contre l'EIIL, le groupe se rallie finalement à al-Nosra le 13 janvier 2014112.

Le bataillon des Lions du Califat est basé lui aussi à Lattaquié et a été fondé par un Egyptien, Abu Muadh al-Masri. A la mi-novembre 2013, celui-ci annonce son ralliement à l'EIIL. La brigade Jund Allah dans Bilad ash-Sham est un groupe qui opère dans les provinces d'Idlib et de Hama et qui compte son propre bataillon de volontaires étrangers.

S'il reste difficile d'évaluer précisément le nombre de combattants étrangers parvenus en Syrie, les listes de martyrs (tués au combat) permettent en revanche d'évaluer assez finement les pertes et de voir les pays d'origine des volontaires113. En décembre 2013, ce sont au total plus de 1 100 djihadistes qui ont été tués en Syrie, ce qui représente une augmentation très importante pour l'année : ils n'étaient que 85 en février et 280 en juin. Les 9 pays les plus représentés confirment un recrutement en majorité arabe.


Pays d'origine
Nombre de notices de martyrs
Arabie Saoudite
267
Libye
201
Tunisie
182
Jordanie
95
Egypte
79
Liban
48
Maroc
29
Territoires palestiniens
21
Koweït
18
Tchétchénie
15


L'un des enseignements les plus intéressants de ces dernières statistiques et la place grandissante du nombre de volontaires saoudiens et des pertes en conséquences. A peine 20% des 1 100 notices fournissent le groupe d'affiliation du martyr, mais dans ceux qui sont connus, le front al-Nosra et l'EIIL dominent. On sait par ailleurs que 15 Saoudiens viennent de la province d'al-Qassim, et peut-être 22 autres de la capitale provinciale, Buraydah. Le plus surprenant est que le contingent le plus important semble provenir de Riyad, la capitale. La Libye est également un endroit phare, un véritable hub pour les djihadistes syriens. Des groupes comme Ansar al-Sharia ont fourni un entraînement à des Libyens, des Tunisiens et d'autres Maghrébins. Des Syriens sont même venus acquérir un entraînement sur place avant de retourner dans leur pays. En Tunisie, le recrutement semble plus répandu à travers le pays, ce qui paraît attester de l'importance des réseaux mis en place pour alimenter le djihad syrien, notamment par des groupes comme Ansar al-Sharia.

On connaît le lieu de décès de 760 des 1 100 martyrs. Ceux-ci sont morts dans 12 des 14 provinces syriennes, si l'on excepte Tartous, bastion du régime, et Kuneitra. Les pertes les plus lourdes sont survenues pendant l'offensive de l'été 2013 baptisée « Nettoyage de la côte », aux environs de Lattaquié, une autre place forte du régime syrien. Sur les 88 djihadistes qui y ont été tués, 50 l'ont été en août, pendant ladite offensive. Les pertes les plus importantes sont néanmoins concentrées à Alep, ville phare des rebelles où ont eu lieu parmi les combats les plus durs de la guerre.


Conclusion


L'afflux de volontaires étrangers a entraîné des conséquences importantes114. Il a contribué non seulement à renforcer les factions les plus radicales de l'insurrection syrienne, mais il a aussi redynamisé les communautés radicales dans les pays d'où sont partis ces volontaires. Cet afflux, qui marquera probablement une génération entière de combattants djihadistes, est facilité par les conditions d'accès relativement simples à la Syrie, notamment parce que de nombreux Etats soutiennent le même camp que ces combattants, ce qui les freine dans la répression d'un tel transit. En outre, la frontière nord de la Syrie est contrôlée par les rebelles, ce qui laisse la Turquie, un des principaux soutiens de l'insurrection, comme seule « garde-frontière », et peu désireuse de stopper le flux. Les volontaires peuvent ainsi aller en Syrie, revenir dans leur pays d'origine pour faire du recrutement et de la propagande, voire repartir. Le nombre élevé de femmes en provenance d'Europe montre aussi un certain changement d'attitude de la part des radicaux. En outre, le caractère très localisé de la guerre en Syrie fait que les combattants peuvent ne pas être forcément exposés au feu tout de suite, ou même tout court, ce qui rapproche de ce point de vue la Syrie de l'Afghanistan des Soviétiques. Le conflit syrien reflète aussi des lignes de fracture sectaires que l'on avait pu voir en Irak, et qui traditionnellement n'attirent pas les volontaires étrangers : mais l'important ici est peut-être plus qui l'on vient aider, plutôt que qui l'on vient combattre. L'échelle et la vitesse de mobilisation des combattants étrangers ont été grandement accélérées par Internet et les réseaux sociaux, mais c'est aussi parce que les autorités des pays de départ n'exercent pas une répression systématique, comme on l'a dit. Ce qui explique par exemple que le nombre de volontaires européens ait triplé en 6 mois.


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1Lire l'interview de Tom Cooper, que j'ai réalisée, à ce sujet : http://lautrecotedelacolline.blogspot.fr/2013/12/la-guerre-civile-syrienne-interview-de.html
2Aaron Y. Zelin, « CSR Insight: European Foreign Fighters in Syria », The International Centre for the Study of Radicalization, 2 avril 2013.
3Thomas Hegghammer, « Number of foreign fighters from Europe in Syria is historically unprecedented. Who should be worried? », The Monkey Cage, 27 novembre 2013.
4http://www.sueddeutsche.de/politik/radikale-islamisten-staffellaeufer-des-heiligen-kriegs-1.1845410 Merci à Florent de Saint-Victor de m'avoir fourni le lien en question.
5Aaron Y. Zelin, Sami David, « Up to 11,000 foreign fighters in Syria; steep rise among Western Europeans », The International Centre for the Study of Radicalisation, 17 décembre 2013.
6Aron Lund, « Who Are the Foreign Fighters in Syria? An Interview With Aaron Y. Zelin », Carnegie Middle East Center/Guide to Syria in Crisis, 5 décembre 2013.
7Foreign fighters from Western countries in the ranks of the rebel organizations affiliated with Al-Qaeda and the global jihad in Syria, Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 3 février 2014.
8Foreign fighters from Western countries in the ranks of the rebel organizations affiliated with Al-Qaeda and the global jihad in Syria, Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 3 février 2014.
9Aron Lund, « Who Are the Foreign Fighters in Syria? An Interview With Aaron Y. Zelin », Carnegie Middle East Center/Guide to Syria in Crisis, 5 décembre 2013.
10Foreign fighters from Western countries in the ranks of the rebel organizations affiliated with Al-Qaeda and the global jihad in Syria, Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 3 février 2014.
11Zia Ur Rehman, « Pakistani Fighters Joining the War in Syria », CTC Sentinel, Volume 6 Issue 9, septembre 2013, p.9-11.
12Suha Philip Ma’ayeh, « Jordanian Jihadists Active in Syria », CTC Sentinel, Volume 6 Issue 10, octobre 2013, p.10-13.
13Aaron Y. Zelin, Sami David, « Up to 11,000 foreign fighters in Syria; steep rise among Western Europeans », The International Centre for the Study of Radicalisation, 17 décembre 2013.
14Mona Alami, « The Jordanian Connection », NOW., 19 décembre 2013.
15Mona Alami, « The New Generation of Jordanian Jihadi Fighters », Sada/Carnegie Endowment for International Peace, 18 février 2014.
16Samar Batrawin « The Dutch Foreign Fighter Contingent in Syria », CTC Sentinel, Volume 6 Issue 10, octobre 2013, p.6-10.
18Foreign fighters from Western countries in the ranks of the rebel organizations affiliated with Al-Qaeda and the global jihad in Syria, Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 3 février 2014.
19Raffaello Pantucci, « British Fighters Joining the War in Syria », CTC Sentinel, Volume 6 Issue 2, février 2013, p.11-15.
20Shiraz Maher, « ICSR Insight: British Foreign Fighters in Syria », The International Centre for the Study of Radicalisation, 15 octobre 2013.
25Foreign fighters from Western countries in the ranks of the rebel organizations affiliated with Al-Qaeda and the global jihad in Syria, Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 3 février 2014.
26Juha Saarinen, « GUEST POST: The History of Jihadism in Finland and An Early Assessment of Finnish Foreign Fighters in Syria », Jihadology.net, 21 novembre 2013.
27Andrew Zammit, « Tracking Australian Foreign Fighters in Syria », CTC Sentinel, Volume 6 Issue 11-12, novembre 2013, p.5-9.
30Per Gudmundson, « The Swedish Foreign Fighter Contingent in Syria », CTC Sentinel, Volume 6 Issue 9, septembre 2013, p.5-9.
31Ahmet Burak OZTAS, Combattants Tchétchènes en Syrie: Mythe ou Réalité?, EHESS, avril 2013.
32 Mairbek Vatchagaev, « Chechens Among the Syrian Rebels: Small in Number, but Influential », Eurasia Daily Monitor Volume: 10 Issue: 223, The Jamestown Foundation, 12 décembre 2013.
33Mark Youngman, « The North Caucasus Insurgency’s Syrian Balancing Act », Jihadology.net, 7 septembre 2013.
34Emil Souleimanov, « North Caucasian Fighters Join Syrian Civil War », CACI Analyst, 21 août 2013.
35Murad Batal al- Shishani, « Islamist North Caucasus Rebels Training a New Generation of Fighters in Syria », Terrorism Monitor Volume: 12 Issue: 3, The Jamestown Foundation, 7 février 2014.
42 Benjamin Weinthal, « The German jihadists' colony in Syria », The Long War Journal, 19 décembre 2013.
43 John Rosenthal, « German rapper, now jihadist still alive in Syria », Al-Monitor, 21 février 2014.
44Foreign fighters from Western countries in the ranks of the rebel organizations affiliated with Al-Qaeda and the global jihad in Syria, Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, 3 février 2014.
45Jacob Zenn, « Increasing Numbers of Central Asian Jihadists in Syria », The Central Asia-Caucasus Analyst, 2 octobre 2013.
49North Caucasus Caucus, « Turkish Fighters in Syria, Online and Off », Jihadology.net, 20 août 2013.
50Pieter Van Ostaeyen, « Belgian Jihadis in Syria », Jihadology.net, 5 septembre 2013.
53Pieter Van Ostaeyen, « Belgium’s Syria Fighters ~ An Overview of 2012 and 2013 », Jihadology.net, 24 janvier 2014.
55Pieter Van Ostaeyen, « Belgium’s Syria Fighters ~ An Overview of 2012 and 2013 (II) », Jihadology.net, 25 janvier 2014.
56Fernando Reinares et Carola García-Calvo, «  Jihadists from Spain in Syria: facts and figures », Elcano Royal Institute, 12 décembre 2013.
57Fernando Reinares et Carola García-Calvo, « The Spanish Foreign Fighter Contingent in Syria », CTC Sentinel, janvier 2014, Vol 7. Issue 1, p.12-14.
58Fernando Reinares et Carola García-Calvo, « The Spanish Foreign Fighter Contingent in Syria », CTC Sentinel, janvier 2014, Vol 7. Issue 1, p.12-14.
59Fernando Reinares et Carola García-Calvo, « The Spanish Foreign Fighter Contingent in Syria », CTC Sentinel, janvier 2014, Vol 7. Issue 1, p.12-14.
61David Barnett, « Blowback in Cairo.The Syrian civil war has now reached the heart of Egypt. », Foreign Policy, 9 janvier 2014.
62Mohannad Sabry, « Al-Qaeda emerges amid Egypt’s turmoil », Al-Monitor, 4 décembre 2013.
64Bill Roggio, « Egyptian jihadist killed in fighting in Syria », The Long War Journal, 12 juillet 2012.
65 Mohamed Fadel Fahmy, « Egyptian Fighters Join 'Lesser Jihad' in Syria », Al-Monitor, 17 avril 2013.
66Jérôme Drevon, « How Syria’s War Is Dividing the Egyptian Jihadi Movement », Carnegie/Syria in Crisis, 9 janvier 2014.
67Mohamed Ben Ahmed, « African Militants Killed in Syria Fighting Alongside al-Qaeda », Al-Monitor, 10 septembre 2012.
68 Nesrine Hamedi, « Tunisian Jihadists Fighting in Syria », Al-Monitor, 24 mars 2013.
69Aaron Y. Zelin, «  New Evidence on Ansar al-Sharia in Libya Training Camps », The Washington Institute, 8 août 2013.
70Hazem al-Amin, « Tunisia’s 'Road to Jihad' in Syria Paved by Muslim Brotherhood », Al-Monitor, 23 octobre 2013.
75Aaron Y. Zelin, « Meeting a Returned Tunisian Foreign Fighter from the Syrian Front », The Washington Institute, 8 novembre 2013.
76Ludovico Carlino, « Ansar al-Shari’a: Transforming Libya into a Land of Jihad », Terrorism Monitor Volume: 12 Issue: 1, The Jamestown Foundation, 9 janvier 2013.
79 Abdullah Suleiman Ali, « Saudi jihadists flow into Syria », Al-Monitor, 8 décembre 2013.
95Truslen mod Danmark fra personer udrejst til Syrien, PET, Center for Terroranalyse, 24 novembre 2013.
97ZAUR SHIRIYEV, « Who are Syria's Azerbaijani fighters? (1) », Today's Zayman, 15 janvier 2014.
98ZAUR SHIRIYEV, « Who are Syria's Azerbaijani fighters? (2) », Today's Zayman, 23 janvier 2014.
100North Caucasus Caucus, « Azerbaijani Foreign Fighters in Syria », Jihadology.net, 28 janvier 2014.
101Glen E. Howard, Leyla Aslanova, « Azerbaijani City of Sumgait Emerges as Recruitment Center for Syrian Fighters », Eurasia Daily Monitor Volume: 11 Issue: 23, 5 février 2014.
102INDONESIANS AND THE SYRIAN CONFLICT, IPAC Report No.6, 30 janvier 2014.
103Andrew Zammit, « The impact of Syria alumni on Indonesian jihadism », The Strategist, 31 janvier 2014.
104Aymenn Jawad Al-Tamimi, « Musings of an Iraqi Brasenostril on Jihad: Muhajireen Battalions in Syria », Jihadology.net, 13 décembre 2013.
105Pierre-André Hervé, « La composante jihadiste de la rébellion syrienne à la loupe - Entretien avec Romain Caillet, chercheur à l’IFPO » , Les clés du Moyen-Orient, 7 novembre 2013.
109Mawassi Lahcen, « Un Marocain crée un groupe jihadiste en Syrie », Magharebia, 6 septembre 2013.
110Vish Sakthivel, « Weathering Morocco's Syria Returnees », PolicyWatch 2148, The Washington Institute, 25 septembre 2013.
111Aymenn Jawad Al-Tamimi, « EXCLUSIVE: Moroccan ex-Guantánamo Detainee Mohammed Mizouz Identified In Syria », Syria Comment, 22 décembre 2013.
112Pieter Van Ostaeyen, « Jabhat an-Nusra ~ New Alliances », http://pietervanostaeyen.wordpress.com , 13 janvier 2014.
113Aaron Y. Zelin, « Foreign Jihadists in Syria: Tracking Recruitment Networks », Policy Watch 2186, The Washington Institute for Near East Policy, 19 décembre 2013.
114Thomas Hegghamer, Syria's Foreign Fighters, Middle East Channel, Foreign Policy. Merci à Stéphane Taillat de m'avoir offert cet article.

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