Retour sur le numéro 52 de 2ème Guerre Mondiale auquel, comme je l'ai déjà dit, j'ai largement contribué.
- à noter qu'en plus des divers écrits que j'ai produits, vous trouverez p. 4-5 quatre fiches de lecture de mon cru, sur Himmler et l'empire SS (Edouard Calic), La traque d'Eichmann (Neal Bascomb), La guerre sans haine (réédition des carnets de Rommel, Berna Grünen), Dentistes héroïques de la Seconde Guerre mondiale (Xavier Riaud).
- je dois revenir, encore une fois (j'en ai souvent parlé, mais je souhaite développer un peu, ces propos n'engagent bien sûr que moi, en aucune façon la rédaction du magazine) sur le cas Pierre Tiquet. Cet auteur se fait une spécialité, pour ce magazine et pour d'autres, de livrer des témoignages de combattants de l'Axe (et souvent de la Waffen-SS), sans aucune distance critique, bruts (sans commentaire), et non sans cacher son admiration pour les nervis de la machine de guerre nazie. C'est ce que l'on constate ici avec le témoignage de Eero Kiviranta, chef de section de troupes de choc finlandais, qui décrit les combats en Carélie orientale, en 1941. Il est très important, me semble-t-il, quand on est auteur dans de tels magazines, d'adopter une attitude conforme à la "méthode historienne" (et ce sans être forcément un historien de métier...), en particulier quand on recueille des témoignages. Or il n'y a rien "d'historien"à fournir un simple témoignage dépourvu d'une contextualisation (avec références), de cartes, par exemple, sans parler d'une prise de position assez nette en faveur des Allemands ou, ici, des Finlandais (ce n'est pas moins pire de parler de "l'ogre russe"...). Comme je n'ai pas l'habitude de parler pour ne rien dire, je propose donc ici au rédacteur en chef, Nicolas Pontic, de lui fournir s'il le souhaite un exemple de témoignage soviétique "traité" selon une méthode un peu plus pertinente que ce qui est proposé par cet auteur (et sans complaisance à l'égard de l'Armée Rouge bien sûr, mais sans dénigrement non plus, évidemment).
Pour le reste, les thèmes traités sont des plus intéressants, et le numéro particulièrement réussi, qu'on juge un peu :
Pour le reste, les thèmes traités sont des plus intéressants, et le numéro particulièrement réussi, qu'on juge un peu :
- Vincent Bernard revient sur ce qu'on appelle, de manière générique, les Osttruppen. L'article a en fait le mérite de bien séparer les différentes catégories de combattants, ou non-combattants, venus de l'est, qui ont servi à un moment ou à un autre sous la bannière nazie. De ce point de vue, les encadrés sont fort utiles. En revanche, la taille de l'article ne permet pas de traiter un ou deux exemples précis, ce qui aurait été bien pour illustrer la différenciation (un Ostbataillone, une unité de la Waffen-SS, une étant impliquée dans l'extermination à l'est, etc). La bibliographie semble difficile à composer sur le sujet.
- le même auteur signe la chronique Ecrire l'histoire sur le massacre de Katyn. Vincent Bernard tente, en deux pages, de faire le tour d'une question qui a fait couler beaucoup d'encre. Comme il le rappelle, dès le procès de Nuremberg en 1945, et même avant, les Alliés anglo-américains savaient à quoi s'en tenir quant à la responsabilité du massacre. Les Soviétiques ne l'ont admis qu'en 1990, par la voix de Gorbatchev. L'enquête russe qui suivra reste largement minimaliste dans son évaluation du nombre de victimes polonaises. Ceci dit, les Polonais vont très loin en réclamant la qualification de "génocide" en ce qui concerne le massacre de Katyn. Vladimir Poutine avait reconnu dès 2008 la responsabilité de l'URSS et de Staline pour l'exécution des Polonais. L'accident d'avion de 2010 qui a coûté la vie au président Kaczynski a relancé les théories du complot, qui foisonnent aussi autour de la mort du général Sikorski, en 1943, dans les mêmes circonstances. En novembre 2010, la Douma, le Parlement russe, a pourtant adopté une résolution officialisant la responsabilité de Staline et d'autres responsables soviétiques en ce qui concerne les exécutions de Katyn, même si certains Russes continuent de nier la vérité (le Parti Communiste, notamment, mais aussi certains journaux).
- l'autre volet de la chronique Ecrire histoire, de Paul-Yanic Laquerre,évoque la résurgence des expériences monstrueuses de l'armée japonaise, entre 1981 et 1989, après qu'elles aient été dissimulées pendant des décennies. Le motif ? MacArthur et les Américains, qui ont interrogé les responsables du programme japonais d'expérimentation bactériologique et autres expériences abominables dès septembre 1945, ont voulu préserver la famille impériale japonaise, largement compromise, et récupérer les résultats de la recherche nipponne face aux Soviétiques. C'est pourquoi la question ne fut évoquée que par accident au procès de Tokyo, alors que l'URSS la mettait en avant en 1948 lors du procès de Khabarovsk. C'est pourquoi aussi la plupart des tortionnaires japonais se recyclèrent après la guerre dans le secteur médical ou pharmaceutique du pays, sans être inquiétés. Le constat est accablant. Dommage que l'auteur ne cite pas ses sources.
- Franck Ségretain continue sa série d'articles en abordant la question de la répression allemande en France. Comme il l'explique, dès la fin de 1943, cette répression, de plus en plus militarisée, ne vise plus seulement les "partisans", mais aussi la population considérée comme complice. On est frappé de la similitude entre les ordres donnés par Sperrle en février 1944 et ceux promulgués quelques mois avant en Grèce, comme le relate l'historien Mark Mazower: à chaque fois, on enjoint aux officiers allemands de se montrer impitoyables, sous peine de sanction -ce qui dépasse même l'attitude des troupes sur le front de l'est ! L'escalade militaro-policière voit les Allemands utiliser l'aviation, se servir du droit international pour dénier à l'adversaire le statut de combattant et donc légitimer les exécutions sommaires, à tel point que fin avril-début mai 1944, on spécifie aux troupes qu'il faut faire preuve de davantage de "modération". Néanmoins, en France, rien de comparable au front de l'est : les troupes commettent bien moins d'exactions, ce qui n'est pas le cas de la Sipo-SD, en particulier au premier semestre 1944.
- la fiche Uniformes de Jean-Patrick André porte sur un adjudant-chef du 19ème régiment de dragons.