On ne présente plus la collection bleue J'ai Lu leur Aventure, qui proposait voici plusieurs décennies des témoignages ou récits d'acteurs ou de moments importants de la Seconde Guerre mondiale, en particulier. Le tome 101 est le récit de Jacques Bergier, physicien français, résistant, qui prit part notamment à un réseau de renseignement "scientifique" qui contribua à traquer les fameuses armes V.
Comme il le rappelle dans la préface, son récit n'est qu'un aperçu du travail de ce réseau (il renvoie à d'autres sources dont certaines aujourd'hui dépassées ou remises en question, tel David Irving). Il explique combien les débuts de la résistance en France, dès 1940, ont été difficiles et qu'il était difficile d'entrer en contact avec l'Angleterre.
En novembre 1940, Bergier forme, avec André Helbronner et Alfred Eskenazi, deux autres scientifiques, un réseau de renseignements à Lyon. Transmissions, liaisons, faux papiers sont des problèmes prioritaires pour assurer la survie d'un réseau de résistance. Le contact avec Londres une fois établi à Berne, le groupe tente de diffuser son activité, mais se heurte au problème des relations avec la France Libre, voulue par de nombreux interlocuteurs.
Montrose, parachuté de Londres, met sur pied avec eux, entre novembre 1942 et janvier 1943, le réseau Marco-Polo. Ce réseau favorise largement l'effort de renseignement sur celui d'action à proprement parler. Surveillé par l'Abwehr de Canaris, Marco-Polo commence à réunir des informations sur les armes V. Il installe une base d'archives à la centrale Blindenheim, à Villeurbanne. Les renseignements sur les armes V, d'après Bergier, ne sont pas forcément pris au sérieux à Londres, du moins au départ.
Comme souvent, le réseau est victime d'une trahison. Helbronner et Eskenazi sont arrêtés successivement en juin 1943. Le réseau est cependant réconforté en août par l'annonce sur la BBC du bombardement de Peenemünde, la base secrète où l'on met au point les armes V. Bergier doit monter sur Paris pour rencontrer les FTP, qui éliminent des agents secrets de son réseau de renseignement sans en avoir connaissance.
La Gestapo surgit dans la centrale Blindenheim le 23 novembre 1943. Bergier est arrêté. Torturé par les Allemands, sans dire un mot. On lui propose de travailler pour la recherche nazie, il refuse. A l'extérieur, dès janvier 1944, le réseau Marco-Polo devient Promontoire. Il continue d'informer Londres, en particulier sur les rampes de lancement de V-1, matraquées pendant la fameuse opération Crossbow. Le 7 mars, Bergier est déporté dans le camp de concentration de Neue Bremme. La seconde centrale du réseau, dans la banlieue de Lyon, est démantelée par les Allemands le 25 juillet 1944.
Bergier évoque alors cette mystérieuse opération "Oeuf de Pâques", citée par Canaris : des sabotages et assassinats prévus par la division Brandenburg, un soulèvement de collaborateurs français dans le Midi, l'action d'éléments en Espagne, avec bombardement par V-1 et V-2 et la contre-offensive des Ardennes. L'opération Tarzan, monté notamment par les Américains, aurait éliminé les deux premiers éléments de cette menace jamais apparue au grand jour.
Bergier termine le livre en évoquant les V-1 et les V-2, et leurs atouts respectifs. Il imagine les armes du futur : la foudre à boule et le laser, et évoque la guerre secrète qui a cours entre les deux superpuissances du moment. La postface comprend une interview du colonel Passy par Roger Wybot. Passy apporte un contrepoint utile au récit et explique notamment pourquoi il a été difficile, pendant longtemps, de rencontrer des agents de la France Libre. Jean Prim rajoute un dictionnaire des termes évoqués, notamment scientifiques.