Marc Gabolde,égyptologue, maître de conférences à Montpellier-III, est un spécialiste de la période amarnienne. Il a dirigé des fouilles, à partir de 1998, dans la nécropole royale de Tell el-Amarna. Il est donc tout indiqué pour écrire ce Découvertes Gallimard consacré à Akhenaton.
Amenhotep IV, futur Akhenaton, hérite au XIVème siècle av. J.-C. d'un empire égyptien qui compte parmi les grandes puissances du Proche-Orient. Paradoxalement, alors que le personnage a fasciné à la fois les chercheurs et le grand public, la documentation le concernant reste très lacunaire. Akhenaton, qui règne de 1356 à 1339 avant notre ère, est le dixième roi de la XVIIIème dynastie, la première du Nouvel Empire. Il dirige un ensemble à l'unité retrouvée contre les Hyksôs, où le pharaon est un chef à la fois politique et religieux, monarque itinérant d'un pays dont la culture fascine ses voisins, qui influencent en retour une société égyptienne cosmopolite. La religion est un polythéisme complexe, mais sous la XVIIIème dynastie, on assiste à la solarisation de nombreuses divinités locales et à la montée en puissance de la figure d'Amon, qui devient le dieu dynastique, en particulier à Thèbes. Le grand-père d'Akhenaton, Thoutmosis IV, a mis fin aux guerres de conquête et a établi de solides relations diplomatiques avec les autres puissances. Le règne de son fils, Amenhotep III, assez mal connu, est cependant une période de prospérité où le culte solaire prend déjà de l'ampleur. Son propre fils, le futur Akhenaton, naît assez tard dans le règne et n'était pas destiné à régner : un frère aîné décède subitement. Quand son père meurt, Amenhotep IV monte sur le trône à l'âge de dix ans.
Dès la deuxième année de son règne, il met en avant une nouvelle divinité, le soleil incarné sous la forme du disque-Aton. Après avoir célébré un jubilé après trois ou quatre ans de règne (au lieu de trente ans), il épouse Néfertiti, peu connue par ailleurs, mais dont il reste le magnifique buste conservé à Berlin. Le pharaon commence alors des constructions à Karnak et modifie l'architecture des sanctuaires. Comme il n'arrive pas à imposer sa nouvelle divinité au clergé d'Amon, le pharaon commence à s'éloigner de Thèbes et recherche un emplacement pour une autre capitale. Le culte d'Aton est la première forme de monothéisme, encore qu'Amenhotep ne fait que prolonger une phénoménologie née sous le Nouvel Empire, qui correspond à une crise du polythéisme égyptien. Le rapport à la mort est ainsi beaucoup plus prosaïque, même si les rites funéraires sont conservés.
An l'an VII de son règne, le pharaon, devenu Akhenaton, s'installe dans sa nouvelle capitale, à Tell el-Amarna, à 250 km au nord de Thèbes. Marquée par des stèles frontières, Akhetaton est un espace dédié à Aton, autour des palais royaux et des sanctuaires. Des faubourgs se développent autour pour accueillir les membres de la cour, les fonctionnaires, les ouvriers, ainsi que des nécropoles. La vie est rythmée par le culte d'Aton et les dévotions du pharaon. La vie quotidienne est animée : on l'entrevoit grâce à quelques tombes de notables. La situation de l'Egypte sous le règne est mal connue mais on ne signale ni révolte ni famine : l'expérience religieuse du roi semble être un épiphénomène. La découverte des lettres d'Amarna a permis de découvrir les relations diplomatiques entre l'Egypte et ses puissants voisins. La réception des tributaires, en l'an XII, est un temps fort du règne.
Entre l'an XIV et l'an XVII du règne, de nombreux proches du pharaon décèdent, dont trois de ses six filles, tandis que naît son fils Toutânkhaton, le futur Toutânkhamon. Alors que les troupes égyptiennes combattent en Palestine, Akhenaton meurt à son tour et laisse probablement le pouvoir à sa fille Merytaton, qui a peut-être co-dirigé l'Egypte mariée à un prince hittite, vite assassiné, avant de régner seule. La fille d'Akhenaton commence un retour vers les cultes traditionnels et Amarna est progressivement abandonnée. Toutânkhamon parachève la restauration et fait marteler le nom de son père et ses figurations sur tous les monuments. La période amarnienne a été vécue par les Egyptiens comme un traumatisme religieux, mais a laissé son empreinte. Akhenaton est redécouvert au XIXème siècle en tant que précurseur du monothéisme religieux, avant d'être récupéré au XXème siècle par Freud ou les marxistes.
Cette bonne introduction est comme d'habitude complétée par la partie "Témoignages et documents", où on lira en particulier, outre les textes d'époque, les commentaires des égyptologues ayant travaillé sur la période amarnienne. La bibliographie figure aux pages 120-121, classée de manière thématique.