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Angus KONSTAM et Tony BRYAN, Lepanto 1571. The greatest naval battle of the Renaissance, Campaign 114, Osprey, 2003, 96 p.

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La collection Campaign des éditions Osprey revient sur les grandes batailles de l'histoire militaire, selon un plan classique (qui mériterait d'ailleurs, peut-être, d'être revu ou étoffé) : introduction, présentation des forces en présence, des chefs, des plans, puis description de la bataille et de ses conséquences, le tout assorti d'une bibliographie, de nombreuses illustrations, dont des dessins en pleine page et des vues 3D des opérations.

Angus Konstam, qui a travaillé dans plusieurs musées, notamment celui de la Tour de Londres et un autre en Floride, signe ce volume de la collection sur la bataille de Lépante (les illustrations sont de Tony Bryan).

Dans l'introduction, il rappelle que Lépante est en quelque sorte le paroxysme de l'affrontement entre la chrétienté occidentale et l'islam en Méditerranée. Paradoxalement, c'est aussi la fin d'une époque puisque Lépante est le dernier affrontement majeur entre galères, remplacées par les navires à coque ronde qui sillonnent déjà l'Atlantique. L'Empire ottoman a profité de la division de l'Europe occidentale et d'une Espagne tournée d'abord vers l'Atlantique pour continuer son expansion vers l'ouest. Cependant, le siège de Malte (1565) marque un premier coup d'arrêt à cette expansion.

La présentation des commandants respectifs est classique mais a l'avantage d'être équilibrée entre chrétiens et musulmans. Konstam, dont c'est la spécialité, s'intéresse avant tout aux types de navires en présence à Lépante. Chaque camp dispose en quelque sorte d'un modèle de galère "standard". Mais les Vénitiens ont mis au point, pour la bataille, la galéasse, l'adaptation d'un navire de commerce en plate-forme d'artillerie flottante, lente, mais bardée de canons sur l'avant. Ces galéasses seront une très mauvaise surprise pour les Turcs. La coalition chrétienne, qui dispose d'un peu plus de 200 galères et de 6 galéasses, comprend près de 30 000 soldats embarqués et 40 000 marins. En face, les Ottomans comptent eux aussi un peu plus de 200 galères mais aussi un grand nombre de navires plus légers, galiotes et fustas : au total, 50 000 marins et 30 000 combattants. Les chrétiens alignent plus d'artillerie sur leurs navires ; en outre, les soldats embarqués sont principalement armés d'armes à feu. Les Turcs, eux, se reposent davantage sur l'arc, mais ils bénéficient d'une réputation d'invincibilité et leurs nombreux navires plus petits leur permettent une certaine souplesse. Angus Konstam fournit l'ordre de bataille détaillé des deux flottes, avec la liste quasi complète de toutes les galères et autres navires engagés de part et d'autre.

Les flottes se déploient selon un schéma qui reproduit  quelque peu les affrontements à terre : un centre, deux ailes, et une réserve. Don Juan d'Autriche, qui commande la flotte de la Sainte Ligue, compte disposer une paire de galéasses devant chaque contingent, et aligner ainsi près de 200 pièces d'artillerie de front devant les Turcs. Les éclaireurs d'Ali Pacha, de leur côté, n'ont pas repéré l'ensemble de la flotte chrétienne : les commandants turcs ne sont pas d'accord sur l'opportunité de l'engagement mais Ali Pacha tranche en faveur de la rencontre.

La mort deSoliman Ier le Magnifique, en 1566, conduit à un moment de flottement au sein de l'Empire ottoman. Sélim II ne reprend les hostilités qu'en 1570 en attaquant l'île vénitienne de Chypre. Venise a besoin de l'aide de l'Espagne pour sauver sa possession, d'autant que Nicosie tombe rapidement : seule la ville fortifiée de Famagouste résiste sous l'impulsion du gouverneur vénitien, Bragadino. La Sainte Ligue n'est cependant formée qu'en mai 1571 par l'entremise du pape Pie V et la flotte coalisée arrive trop tard pour sauver Famagouste, qui tombe le 4 août : la garnison est massacrée et Bragadino écorché vif par les Turcs, ce qui va raidir les comportements vénitiens.

Le camp chrétien joue son va-tout dans les mois suivants. La flotte se rassemble dans l'Adriatique. Les Vénitiens manquent de faire éclater la coalition en exécutant un officier espagnol venu installer des soldats supplémentaires sur leurs navires en sous-effectifs. Finalement, le commandant vénitien est remplacé et Don Juan mène la flotte à l'entrée du golfe de Patras, le 7 octobre 1571. A 7h30, les deux flottes sont en vue. Si la gauche et le centre des chrétiens se mettent en ligne correctement, avec les deux galéasses en avant, la droite chrétienne, commandée par le Génois Andrea Doria, se retrouve mal alignée et privée de ses galéasses. En outre, elle a en face d'elle Uluch Ali, pirate barbaresque allié des Ottomans. Doria et Uluch Ali, sans doute les meilleurs manoeuvriers de leurs camps respectifs, vont chercher à s'envelopper mutuellement et les deux ailes vont progressivement se séparer du reste de la bataille.

Celle-ci commence à 10h20 au nord, entre l'aile gauche chrétienne commandée par le Vénitien Barbarigo et l'aile droite des Ottomans sous les ordres du Turc Sirocco. Les galéasses rompent la formation ottomane et provoque des dommages importantes aux galères turques. Sirocco cherche à envelopper le flanc gauche de Barbarigo, mais Marco Quirini, le commandant du flanc droit, réussit lui-même à drosser les galères turques vers la côte. Barbarigo est tué dans le corps-à-corps mais l'aile droite ottomane est détruite. Au centre, Don Juan et Ali Pacha ont chacun tiré un coup de canon au début de la bataille pour signaler leur position : rare geste chevaleresque d'une bataille sans merci et qui est surtout un corps-à-corps extrêmement violent au milieu des décharges d'artillerie, d'armes à feu et des jets de projectiles incendiaires ou de flèches. Les galéasses, là encore, jettent la confusion dans les premiers rangs turcs. A 11h40, juste avant le contact, les galères chrétiennes tirent à bout portant sur leurs homologues ottomanes. La bataille au centre se développe autour des deux navires amiraux qui ont foncé l'un sur l'autre. La galère de Don Juan est abordée, puis la situation se renverse et les chrétiens lancent plusieurs assauts sur le navire d'Ali Pacha, qui combat un arc à la main aux côtés des soldats embarqués. La galère de Pertau Pacha, qui commande l'infanterie turque de marine, est prise, puis celle d'Ali Pacha, vers 13h00, après plusieurs assauts infructueux. L'amiral ottoman est tué dans l'assaut final et le centre turc est submergé vingt minutes plus tard. Au sud,Doria et Uluch Pali tentent de manoeuvrer pour déborder sur le flanc. Vers midi, Uluch Ali comprend qu'il ne réussira pas sa manoeuvre et réoriente ses galères vers le trou qui s'est formé entre le centre et l'aile droite chrétienne. Doria tarde à réagir et 16 galères, de leur propre chef, remontent pour poursuivre Uluch Ali. Celui-ci comprend la situation et retourne ses 75 bâtiments contre le groupe chrétien lancé à sa poursuite. Uluch Ali s'empare notamment de la Capitana des chevaliers de Malte, dont il massacre presque tout l'équipage. Comprenant que la bataille est perdue, il s'enfuit vers l'ouest en emmenant 30 à 35 galères de son aile, hissant le drapeau des chevaliers de Malte pris sur la Capitana en signe de défi.

Don Juan veut poursuivre Uluch Ali mais en raison du pillage et de l'état de la flotte, ses subordonnées le persuadent de ne rien en faire. La flotte chrétienne gagne un mouillage à l'abri en traînant les 170 galères turques de prise. 30 000 Turcs ont été tués et 3 000 capturés. 15 000 esclaves chrétiens ramant sur les galères ont été libérés -certains se sont d'ailleurs soulevés contre leurs gardiens pendant la bataille, notamment au nord. Si la Sainte Ligue n'a perdu que 8 galères, les pertes humaines sont lourdes : 8 000 tués et 21 000 blessés, soit un tiers des effectifs. La flotte n'aurait pu manoeuvrer après son succès sans l'appoint des chrétiens libérés ! La plupart des prisonniers turcs, dont Sirocco, agonisant, est exécutée après interrogatoire sans autre forme de procès. La victoire de Lépante n'est pas exploitée par la Sainte Ligue. Uluch Ali, devenu commandant de la flotte turque, fait rapidement reconstruire des galères. Le pape Pie V, architecte de la croisade, meurt en 1573. Don Juan s'empare du port barbaresque de Tunis la même année, mais Uluch Ali le reprend dès 1574. Et Chypre reste entre les mains des Turcs. Mais Lépante a privé la flotte ottomane de ses meilleurs éléments, marins, soldats embarqués, artilleurs, tout en fracassant sa réputation d'invincibilité. Après 1574, celle-ci est condamnée à la défensive stratégique et perd l'initiative. L'Empire ottoman commence bientôt son long déclin. 

Un bon ouvrage d'introduction, donc, à la bataille de Lépante. Deux petits reproches toutefois. D'abord, Konstam ne s'attarde pas beaucoup sur l'histoire socio-économique des deux flottes en présence. D'où viennent les marins, les soldats ? Comment et pourquoi sont construits les bâtiments ? Quel effort cela suppose-t-il pour les puissances concernées ? Etc. Ces aspects sont à peine effleurés. Ensuite, et cela est commun aux autres volumes Ospreyde la collection, rien n'est dit de la postérité de la bataille et de l'historiographie du sujet, ce qui est bien dommage -Lépante ayant été souvent interprété comme un "choc de civilisations" ou comme micro-événement du temps court -on pense au travail de Fernand Braudel, que cite d'ailleurs Konstam. Cela aurait mérité queques pages. Ces réserves mises à part, le travail reste solide, avec une petite erreur de date p.8 (Rome n'est pas mise à sac en 1529 mais en 1527).



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