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Richard CONNAUGHTON, John PIMLOTT et Duncan ANDERSON, The Battle for Manila, Bloomsburry, 1995, 224 p.

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Plus de 1 000 Américains, 16 000 Japonais et 100 000 civils philippins et alliés ont péri lors des combats de rues de la libération de Manille, du 3 février au 3 mars 1945. La capitale des Philippines partage ainsi le triste privilège, avec Varsovie, d'être une des villes les plus dévastées de la Seconde Guerre mondiale. Mais cette bataille demeure méconnue à l'image de la campagne pour la reconquête des Philippines ; en outre les combats urbains ont été relativement rares dans la guerre du Pacifique.

Les trois auteurs adoptent un plan chronologique et commencent, dans un premier temps, par présenter la ville elle-même, mélange d'influences indigènes, espagnoles et américaines. La "perle de l'Orient" est cependant déclarée ville ouverte par MacArthur dès le 26 décembre 1941, l'assaut japonais fulgurant ayant complètement pris au dépourvu les Américains qui comptent alors se retrancher dans la péninsule de Bataan et dans l'île de Corregidor, à l'intérieur de la baie de Manille.



Les Japonais occupent Manille dès le 2 janvier 1942 : commence alors une période de trois années d'occupation. Les civils alliés sont internés dans des camps. Les Philippines occupent une place stratégique pour Tokyo et en outre, il s'agit de mettre en oeuvre la politique "Asiatiques d'abord" voulue par le Japon et de débarrasser les Philippins du vernis occidental laissé par les Américains. En décembre 1942, les Japonais amorcent la formation d'un gouvernement de collaboration à Manille qui dispose de sa propre milice, le Kalibapi. Les Philippines sont déclarées indépendantes en octobre 1943 sous la coupe d'un gouvernement fantoche. La pénurie alimentaire, la désorganisation économique et le comportement brutal des Japonais entraînent l'hostilité de la population et la formation de réseaux de résistance. Les Américains soutiennent la guérilla et maintiennent le contact notamment par des missions avec sous-marins. Début 1944, MacArthur achève la reconquête de la côte de Nouvelle-Guinée ; Nimitz avance dans le Pacifique central. En mai, le maréchal Terauchi prend le commandement des forces japonaises aux Philippines. Mais le commandant sur le terrain sera Yamashita, rappelé sur place en octobre 1944, alors que le premier raid aérien sur Manille a eu lieu le 21 septembre et que les attaques de la guérilla se multiplient. Le 20 octobre, les Américains débarquent à Leyte. La flotte japonaise, qui comptait détruire l'US Navy au large des Philippines, est mise hors d'état de nuire jusqu'à la fin de la guerre dans le plus grand combat aéronaval de l'histoire. A Manille, une milice formée par les Japonais, le Makipili, sème la terreur au mois de novembre. Yamashita, qui dispose de 270 000 hommes sur Luçon, l'île principale des Philippines où se trouve Manille, a arrêté une stratégie. Il divise ses forces en trois groupes : 80 000 (groupe Shimbu) prennent place dans les montagnes à l'est de Manille ; 30 000 (groupe Kembu) doivent barrer la route des Américains au nord de la ville ; 152 000 (groupe Shobu) se replient dans les montagnes du nord-ouest de Luçon pour mener une guerre d'attrition. Yamashita ne souhaite pas défendre Manille et veut épuiser la logistique américaine en abandonnant les civils philippins. Mais l'aviation et la marine japonaises sont d'un avis contraire, en raison des installations indispensables qui se trouvent dans la capitale. De fait, Yamashita, qui est avec le groupe Shobu, laisse Manille à la charge du contre-amiral Iwabuchi, qui dispose de quelques unités solides et d'un ramassis de personnels hétéroclites de l'armée de terre et de la marine. Iwabuchi croit à une attaque par le sud de Manille et dispose là l'essentiel de son artillerie : or, le 9 janvier 1945, les Américains débarquent dans le golfe de Lingayen, au nord.

MacArthur veut absolument reprendre Manille pour des raisons de prestige. Il va mettre en compétition ses deux commandants d'armée : Krueger, qui commande la 6th US Army débarquée à Lingayen, et Eichelberger, à la tête de a 8th US Army qui avance au sud de Manille à partir du 31 janvier. La 11th Airborne Division d'Eichelberger s'épuise en de vaines attaques, avant d'être relevée et d'avoir perdu près de 1 000 hommes, faute de moyens lourds. Pendant ce temps, la 1st Cavalry Divisionarrive à Cabanatuan le 1er février -où un raid de Rangers les jours précédents a permis de libérer plusieurs centaines de prisonniers américains- avant de percer dans Manille deux jours plus tard, libérant le camp de Santo Tomas sur le campus de l'université. Avec la 37th Infantry Division, la cavalerie pousse ensuite jusqu'à la Pasig, la rivière qui coupe Manille en deux. En se retirant du nord du cours d'eau,les Japonais incendient les habitations, provoquant de nombreuses victimes civiles.

De l'autre côté de la Pasig se tient en particulier l'Intramuros, la vieille citadelle espagnole fortifiée. Les Américains de la 37th Infantry Division, qui au départ n'utilisent que parcimonieusement l'artillerie, finissent par nettoyer les poches de résistance sous un déluge d'obus. Le 9 février, Manille est encerclée : les Japonais, privés de porte de sortie, n'ont d'autre choix que de combattre jusqu'au dernier. A partir de ce moment-là, ils commettent de nombreuses exactions contre les civils : pillage, exécutions sommaires et collectives, viols répétés sur les femmes, y compris les membres de la communauté allemande, pourtant alliés du Japon ! Même les hôpitaux ne sont pas à l'abri des fusiliers marins japonais, qui se signalent par leur férocité. Les Américains finissent par s'emparer de Provisor Island, sur la Pasig, après avoir subi de lourdes pertes. Il semble bien que les Japonais aient appliqué à Manille la règle des "3 tout", comme ils l'ont fait en Chine.

Iwabuchi refuse de percer à travers l'encerclement américain en direction de l'est, ignorant les ordres de Yamashita, et mène une lutteà mort. Les Américains reprennent l'hôpital après y avoir déversé nombre d'obus d'artillerie. L'Intramuros est abordé le 21 février. Les Japonais se battent jusqu'àla dernière cartouche. Faute de pouvoir envoyer massivement l'aviation, restreinte à intervenir en périphérie ou sur des objectifs précis, les GI's font appel à une énorme concentration d'artillerie -plus de 140 pièces rien que pour pilonner l'Intramuros. Les Japonais continuent leurs exécutions et tuent en particulier des ecclésiastiques. Le 26 février, la citadelle est nettoyée : 25 prisonniers originaires de Formose sont pris par les Américains sur 2 000 défenseurs. Iwabuchi et ses officiers se sont suicidés. Les derniers bâtiments tenus par les Japonais sont défendus avec le même acharnement jusqu'au 3 mars. Les pertes civiles sont très élevées, en raison des atrocités commis par les Japonais mais aussi du feu de l'artillerie américaine, qui a tiré plus de 40 000 obus sur la ville.

La bataille de Manille n'était pas indispensable : le centre de gravité ennemi était bien plutôt le groupe Shobu. Mais l'ego de MacArthur a joué, ainsi que celui de Krueger, commandant la 6th US Army. En outre, les Américains ont craint -sans doute à juste titre- des massacres encore plus importants par les Japonais sur les civils dans le cas où Manille serait contournée. Côté japonais, Yamashita a laissé faire la marine qui a pris en charge la défense de Manille, reflétant les tiraillements et rivalités au sein des forces armées japonaises. Les fusiliers marins n'étaient pas les seuls défenseurs, qui manquaient de cohésion. En outre ils s'attendaient plutôt à une attaque venue du sud et/ou de la mer. Cela ne les a pas empêchés d'improviser pendant la bataille. Ils ont employé des armes et canons montés sur les navires et débarqués à terre, ont construit des bunkers et des tunnels, ont utilisé les bâtiments contre l'Intramuros. Côté américain, les unités engagées n'ont pas l'expérience du combat urbain mais se reposent sur la combinaison des armes, sans l'aviation cependant. Le combat reste une affaire de fantassins. L'intervention des chars ou des sapeurs n'empêchent cependant pas les pertes d'être assez lourdes. La bataille de Manille montre avant tout la difficulté du combat urbain. Les Américains d'ailleurs, ne la mentionnent pas sur le monument érigé sur l'île de Corregidor. D'autant que la campagne des Philippines est loin d'être terminée. Le groupe Shobu ne se rend qu'à la capitulation japonaise en août 1945. 

Il est regrettable que les quelques cartes, assez précises mais regroupées au début, n'aient pas été disposées au fil du texte, car cela aurait facilité la lecture. La bibiliographie fournie permet de creuser le sujet si besoin.

 

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