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Yann COUDERC, Sun Tzu en France, Paris, Nuvis, 2012, 222 p.

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Merci à Yann Couderc de m'avoir envoyé son ouvrage dédicacé.

Cet ouvrage comble à mon avis un manque, et répond à une question qu'en tant qu'amateur d'histoire militaire, je me suis toujours posé : quelle version traduite de Sun Tzu doit-on lire ? Tant il est vrai, que depuis une dizaine d'années, abondent les traductions, comme le rappelle l'auteur.

Le livre, précédé d'une citation que je trouve très appropriée, est préfacé par Jean-Pierre Raffarin. Dans son introduction, Yann Couderc (officer de l'armée de Terre, Saint-Cyrien) explique combien la réception en France de Sun Tzu est récente, puisque la première traduction populaire ne survient qu'en 1972, dérivée d'un ouvrage anglophone. A partir des années 2000, un véritablement engouement naît pour Sun Tzu et les livres et autres supports fleurissent. Le livre se divise en deux parties. Dans la première, Yann Couderc se propose de revenir sur la réception de Sun Tzu en France ; dans la seconde, il revient sur les problèmes de version et de traduction, pour déterminer en fait le meilleur ouvrage à conseiller au lecteur français non sinologue qui voudrait aborder Sun Tzu.

La première traduction remonte en fait à 1772 : elle est l'oeuvre du père Amiot, un jésuite missionnaire en Chine. A noter d'ailleurs qu'on parle alors de Treize articles et non d'Art de la guerre, dénomination ultérieure. La traduction n'est pas remarquée en France, à une époque où la Chine intéresse un peu moins la monarchie absolutiste. Pour les militaires français, cette traduction survient en plus la même année que la parution de L'essai général de tactique de Guibert. Il faut attendre 1948 pour voir une nouvelle traduction largement diffusée, celle de Lucien Nachin, qui lui commence à appeler le texte L'art de la guerre. En 1971 paraît la version de l'Impensé Radical, puis, l'année suivante, la traduction de la version du général des Marines Griffith, publiée en Champs/Flammarion, qui va devenir un best-seller, y compris, d'ailleurs, dans les milieux radicaux (c'est alors que s'impose la dénomination de L'art de la guerre). Valérie Niquet est la première, en France, à traduire Sun Tzu à partir du chinois classique et non du mandchou, comme le père Amiot, en 1988. Plusieurs éditions sont renouvelées dans la décennie 1990. Puis, avec les années 2000, c'est l'explosion : traductions à partir du père Amiot, à partir du chinois classique, rééditions... On trouve aujourd'hui au minimum 18 versions différentes du texte. Comme le montre Yann Couderc, cette diffusion ne se limite pas qu'aux traductions du texte : bandes dessinées (il rappelleles atouts et défauts du support), versions numériques, commentaires de Sun Tzu, sites et blogs (dont le sien), ressources audiovisuelles... et même jeux de table ou vidéo (en tant que joueur régulier du jeu de plateau Sun Tzu, j'ai apprécié). Yann Couderc s'interroge aussi sur la désaffection des militaires français à l'égard de Sun Tzu, et ne voit pas de réponse à y apporter. Est-ce l'effet d'un regarde trop occidentalo-centré ? Je me pose également la question.

Dans la deuxième partie, l'auteur explique que le traité n'est pas l'oeuvre d'un seul auteur, mais la mise par écrit de réflexions visiblement longuement mûries. Sachant qu'il en manque des parties et qu'il n'a été vraiment codifié qu'au IIème siècle ap. J.-C. : c'est seulement sous les Song (960-1279) qu'il devient un classique à étudier pour les concours impériaux. Il y a de nombreuses versions du texte car on trouve des problèmes classiques liés à la traduction elle-même : question d'appréciation. Mais il y a également le souci de la traduction entre chinois classique et moderne (que s'était déjà posé le père Amiot) et le fait que le texte lui-même est parfois assez obscur. Certains traducteurs souhaitent absolument coller au sens littéral, d'autres essaient de rendre l'essence du propos pour le lecteur français. Au final, Yann Couderc tranche et conseille de se référer à la version de Jean Lévi parue dans la collection Pluriel chez Hachette, qui serait la meilleure sur le marché.

En conclusion, il souligne l'importance de la traduction de Griffith pour le monde militaire, puis de celle de Valérie Niquet qui a probablement contribuéà diffuser le texte et a indirectement contribué à l'exposion des années 2000, où l'on sert maintenant Sun Tzu à toutes les sauces, pour ainsi dire. Pour le meilleur et pour le pire. Bizarrement, il n'y a pas d'autre traduction dans les pays francophones. S'il a infuencé l'art de la guerre asiatique, et chinois au premier chef, il n'est en fait pas très étudié en Occident, ni sur les autres continents. Sauf en Amérique latine, en raison des soulèvements révolutionnaires de la guerre froide et de l'influence des textes communistes. A tel point, par exemple, que l'armée colombienne opérant contre les FARC a dû se mettre à lire Sun Tzu pour lutter contre la guérilla ! 

On trouvera en fin d'ouvrage une bibliographie commentée qui complète utilement le propos. Le texte est agrémenté de nombreuses illustrations, ce qui est assurément un plus. Un travail indispensable pour tous ceux qui, comme moi, se demandait quelle version française de Sun Tzu il fallait lire. On a désormais la réponse !

 

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