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Supplément-Batailles et Blindés n°54 : Le 26th Infantry Regiment dans la bataille d'Aix-la-Chapelle

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La bataille d'Aix-la-Chapelle est rapidement devenue une référence dans le cadre de l'étude du MOUT (Military Operations in Urban Terrain) au sein de l'armée américaine. Les extraits ci-dessous sont tirés de documents publiés par l'association du 26th IR, eux-mêmes issus de rapports écrits par les principaux officiers de l'unité ayant mené les combats d'Aix-la-Chapelle et de documents officiels.


La 1st Infantry Division (ID), qui mène la poursuite du VIIth Corps sur le flanc gauche en direction de la frontière allemande, pénètre le Westwall le 12 septembre 1944 autour d'Aix-la-Chapelle, le même jour que la 3rd Armored Division (AD) sur le flanc droit. Le 26th Infantry Regiment (IR) de la 1st ID est alors divisé en deux : le 1st Battalion accompagne la Task Force Hogan de la 3rd AD, et le Regimental Combat Team sert de réserve à la division et protège le flanc nord. Le 13 septembre, le 26th IR reçoit l'ordre d'attaquer le secteur au sud-est de la ville, pour permettre aux 16th et 18th IR de se déplacer plus à l'est, et de percer au nord vers Ellendorf et Verlautenheide. Mais la résistance allemande se durcit. Il faudra en fait plus d'un mois pour encercler Aix-la-Chapelle et en venir à bout, le 26th IR se chargeant du combat de rues pour nettoyer la ville.





Mason (chef d'état-major de la 1st ID) : Le désir militaire non satisfait de pousser pour s'emparer de la ville a été l'une de nos plus grandes frustrations. Au nord, l'épopée du maréchal Montgomery pendant l'opération Market-Garden se termine en échec. En outre, nous sommes désormais trop éloignés de notre base logistique, en Normanie . Nous manquons d'essence, de munitions, notre progression ralentit chaque jour et l'artillerie lourde ne tire plus que quelques obus. Une division d'infanterie comme la nôtre requiert pas moins de 600 tonnes d'approvisionnement par jour pour être opérationnelle ! Les généraux américains, Bradley, Patton, Hodges, pestent contre le détournement de la logistique en faveur de Market-Garden : mais en réalité, nous n'avons ni la cohésion nécessaire après la poursuite, ni le soutien logistique pour attaquer correctement la ligne Siegfried. Nous montons donc des « reconnaissances en force », de la taille du bataillon, pour sonder les premières défenses. Certaines réussissent à trouver des brèches, tout simplement parce que les Allemands n'ont pas installé de troupes sur les positions défensives. Mais ces pénétrations ne sont pas exploitées, et la défense allemande se renforce. De l'artillerie, des chars arrivent progressivement et pour la première fois depuis longtemps nous sommes pilonnés régulièrement. La pluie qui commence à tomber n'arrange évidemment rien à nos affaires.




Le bataillon du génie de notre division est l'une des unités les plus efficaces que j'ai jamais vues. Son commandant est le lieutenant-colonel Bill Gara. A l'ouest d'Aix-la-Chapelle, lors de notre première attaque, nous avons récupéré deux tramways abandonnés sur les rails au bout de la ligne. Gara vient alors me voir pour me parler de l'utilisation, par les Allemands, de petits chars télécommandés bourrés d'explosifs lancés contre nos troupes, qui d'ailleurs n'atteignent que rarement leur cible. Les Allemands les avaient baptisés « Goliaths ». Gara veut améliorer l'idée. Ayant découvert un dépôt allemand de mines Teller et autres explosifs, il pense charger les tramways avec deux tonnes de ces engins et les précipiter dans Aix-la-Chapelle avec un détonateur à retardement. Je lui donne mon accord. Après l'avoir ainsi lesté, les sapeurs poussent le tramway avec un bulldozer. Le tramway commence sa descente, plus lentement que Gara l'escomptait. Des Allemands commencent à tirer au fusil sur l'engin. Finalement, à mi chemin entre nos lignes et leurs, le tramway explose.

Gara n'était pas en panne d'idée. A ce moment-là nous combattons contre, dans ou autour de bunkers. Parfois les Allemands réoccupent une de ces positions après que nous l'ayons prise. Ces ouvrages en béton sont invulnérables aux tirs d'artillerie. Il faut dépenser une quantité considérable de TNT pour faire sauter les ouvrages, or nous n'avons que peu de stocks en explosifs. Gara pense que si nous plaçons des matelas dans les fentes de tir des bunkers, une petite charge suffirait à les ébranler. Des essais lui donnent raison. On réquisitionne alors tous les matelas des environs : à chaque fois que nous capturons un bunker, nous plaçons des matelas dans les embrasures avec une petite charge, l'ouvrage se désintègre, et nous sommes tranquilles.





Daniel (commandant du 2nd Battalion, 26th IR) : Après avoir engagé les Allemands pour boucler la poche de Mons, le bataillon poursuit l'ennemi en retraite sur Aix-la-Chapelle. Les 14 et 15 septembre, il arrive dans les faubourgs sud-est de la ville face à une résistance légère et protège le flanc gauche du 16th IR qui attaque la ligne Siegfried près d'Eilendorf. Il garde cette position statique pendant un mois, avant de passer au nettoyage d'Aix-la-Chapelle proprement dit. La position d'observation est excellente et permet de régler les tirs d'artillerie et de mortiers. Le bataillon mène aussi des patrouilles sur la voie de chemin de fer qui encercle la ville et monte des patrouilles à l'aube pour faire des prisonniers. Le meilleur moyen est d'envoyer une section de fusiliers soutenue par 3 ou 4 chars. Les tirs d'artillerie allemand se font plus denses les jours passant, mais nous sommes bien protégés par les bâtiments que nous occupons.


Mason : au PC de la division, nous avons maintenant une idée plus claire de la façon dont nous allons réduire Aix-la-Chapelle. Il faut encercler la ville au sud et à l'ouest puis pousser l'encerclement vers le nord en passant par l'est, pour couper les défenseurs de leur approvisionnement. Puis, nous entrerons dans la ville et la nettoieront d'est en ouest, comptant sur le fait que les défenses sont surtout orientées vers l'ouest et le sud. Le problème étant que le flanc nord est complètement à découvert, sauf si nous travaillons de concert avec les unités voisines.





Daniel : le plan initial est d'utiliser les 2nd et 3rdBattalions pour nettoyer la ville. Le 2nd Battalion doit se déplacer au nord-ouest, se charger du faubourg de Rothe Erde puis continuer au sud de la cité... parallèlement, les deux bataillons doivent également mener des attaques de diversion. Une section de la compagnie F, avec une section de mitrailleuses légères, doit mener l'attaque de diversion, soutenue par 2 chars et 2 TD. Des postes d'observation sont placés pour fournir un tir continu de mortiers de 81 mm. Une équipe de transmissions suit le chef de section pour qu'il dispose d'un appui-feu immédiat si besoin. L'objectif est une portion d'usine au sud-est de la voie ferrée. Les compagnies F et G doivent ensuite avancer jusqu'à la ligne de chemin de fer, une section de la compagnie F faisant la jonction avec le 3rd Battalion. Un officier de liaison de l'artillerie planifie les tirs de l'artillerie moyenne ; des observateurs pour les mortiers accompagnent chaque compagnie et déroulent du fil téléphonique derrière chaque poste de commandement, une procédure devenue standard pendant la bataille. En plus des chars et TD, chaque compagnie reçoit aussi le renfort d'une section de mitrailleuses lourdes de la compagnie H.

La voie ferrée représente un obstacle considérable : les chars et TD devront passer sous la gare de Rothe Erde. Les trois compagnies attaquent de front, en ligne. Le soutien blindé consiste en deux sections de Shermans et deux de TD, mais au vu des pertes et de la maintenance, seuls 2 chars et 2 TD sont disponibles pour chaque compagnie. Sur les flancs, les compagnies F et G ont une section de mitrailleuses lourdes. Chaque compagnie a le soutien d'une section de mortiers de 81 mm. Une escouade d'une section du 1st Engineer Battalion accompagne également chaque compagnie avec des lance-flammes et des charges explosives. Le bataillon bénéficie aussi d'une section de canons antichars de la compagnie régimentaire. Pour assurer la défense antichar le temps que les half-tracks amènent les canons au-delà du chemin de fer, chaque section organise 6 équipes bazookas.




La compagnie F lance sa première attaque le 8 octobre, sans trop d'opposition. Le 9 octobre, les compagnies F et G avancent pour nettoyer la partie au sud-est de la voie de chemin de fer. Un TD est détruit par un Panzerfaust ; un Sherman Dozer saute sur une mine qui fait voler en l'air la lame de l'engin. Il se trouve que les Allemands ont disposé des mines antichars ou antipersonnels. A 17h00, la zone est nettoyée. Les Allemands montent des patrouilles agressives contre la compagnie F mais sont repoussés à coups de grenades et d'artillerie.

A 9h30, le 13 octobre, l'ultimatum n'ayant pas été accepté par les Allemands, la progression commence. Les chars doivent négocier l'obstacle que représente les voies ferrées, tandis que l'infanterie procède au nettoyage des blocs d'habitations. Elle a reçu pour instruction de ne pas s'engager dans les rues mais d'entrer dans les bâtiments. Les caves doivent être nettoyées à la grenade. Fort heureusement, la plupart des caves communique entre elles et cela évite de repasser par les rues. La compagnie F, qui tient le flanc où la jonction doit être faite avec le 3rd Battalion, souffre d'un tir de harcèlement qui blesse d'ailleurs mortellement le commandant de compagnie. Les objectifs sont atteints à 17h00. A nouveau, les Allemands lancent des patrouilles dans l'obscurité contre la compagnie F.

Une attaque coordonnée est lancée à 15h20 le 15 octobre. Un canon antichar allemand qui tire en enfilade rend la liaison difficile entre les compagnies E et F et l'endroit dangereux pour les chars, avant d'être réduit au silence par l'infanterie. La compagnie G apprend à bien placer ses mitrailleuses lourdes pour ne pas les faire repérer par les nuages de poussière qui s'élevent lors du tir dans les gravats. Pendant sa progression, elle découvre des colis parachutés dans la nuit aux défenseurs par la Luftwaffe. Les Allemands montent des contre-attaques et profitent de la nuit pour détruire un TD à courte distance. Le 17 octobre, la compagnie F doit encore faire face à des tirs de canons antichars assez gênants.

L'attaque reprend le 18 octobre à 7h30. Les Allemands utilisent le squelette du théâtre municipal, réduit en ruines, comme position de défense pour leurs mitrailleuses et leurs armes antichars. Le canon automoteur de 155 mm attaché au bataillon tire 7 obus sur l'édifice, avec de bons résultats. L'avance reprend vers les faubourgs ouest le 19 octobre. Le 20 octobre, à 7h30, le bataillon progresse au-delà de la cathédrale. La compagnie F se heurte à une dure résistance du 404ème régiment allemand à l'école technique, dont il faut 5 heures pour venir à bout. Il faut d'abord nettoyer les nids de mitrailleuses installés sur les toits qui protègent le bâtiment. L'école technique est finalement investie à la grenade à fusil et au bazooka, en détruisant un canon antichar que les Allemands ont disposé pour tirer à courte portée.





Corley (commandant le 3rd Battalion) : le parc Farwick est dominé par une colline sur laquelle est bâti une construction à 4 étages, on y trouve aussi le Kurhaus et l'hôtel Quellenhof. Une série de maisons borde l'approche sud-ouest et des blocs de maisons l'avenue nord-ouest. Le terrain est difficile à observer : le parc était à l'origine une colline qui a été nivelée pour construire des jardins, un lac artificiel, des promenades, des cours de tennis et les deux hôtels. La pente d'Observatory Hill est recouverte de sous-bois. Le 13 octobre, le 3rd Battalion est appuyé par une section de Shermans, une de TD, une de sapeurs et un automoteur de 155 mm. Le lendemain, une section de mortiers de 4,2 pouces est rattachée à la compagnie M. Le 16 octobre, l'automoteur de 155 mm détruit le bâtiment sur Observatory Hill. Le 18 octobre, la Task Force Hogan nous rejoint. Progressivement, nous découvrons que le Kurhaus sert de poste de commandement à une compagnie et le Quellenhof à un bataillon.

La compagnie I attaque soutenue par 15 obus de 155 mm. Les deux autres compagnies sont clouées. L'automoteur tire bientôt 30 obus sur le Kurhaus et le Quellenhof, faisant taire un canon de Flak 20 mm installé sur les étages supérieurs de ce dernier. Toute résistance organisée cesse vers 10h30. Les tirs de 155 mm à bout portant ont eu un effet certain sur les Allemands.


Mason : les automoteurs de 155 mm ont été déjà fort pratiques pour venir à bout des bunkers. Dans le combat urbain, ils trouvent une autre utilisation. Pour faciliter la progression de l'infanterie et éviter les rues balayée par les mitrailleuses, l'automoteur tire un premier obus dans un bloc de maisons, qui ouvre une brèche. Puis il en expédie plusieurs autres à travers pour former un véritable tunnel pour permettre à l'infanterie de progresser et de nettoyer chaque bloc. L'opération est répétée autant de fois qu'il le faut. La méthode, lente, surprend pourtant les Allemands et nous épargne bien des pertes.


Pour en savoir plus :


Aachen. Military Operations in Urban Terrain. 26th Infantry Regimental Combat Team 8-20 octobre 1944, 26th Infantry Regimental Association, 1999 (4ème éd.).


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