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René-Jacques LIQUE, Bokassa Ier. La grande mystification, Afrique contemporaine 16, Paris, Editions Chaka, 1993, 192 p.

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La récente éviction de François Bozizé par les rebelles il y a quelques jours m'a donné envie de replonger dans l'histoire de la République Centrafricaine, en relisant notamment cette courte biographie de Bokassa écrite en 1993 par René-Jacques Lique.

Lique est une journaliste de formation, qui a servi en Afrique, et son travail en porte la marque : le livre se base surtout sur des témoignages de première main ou des extraits de presse de l'époque, et la bibliographie fournie, entièrement francophone, mériterait d'être actualisée, par exemple avec l'ouvrage de Stephen Smithécrit sur le même sujet.

Bokassa est un ancien tirailleur des colonies ayant servi dans l'armée française pendant les campagnes de la Libération. C'est d'ailleurs le seul officier de carrière centrafricain au moment de la création de la République de Centrafrique ! Détournant quelque peu l'oeuvre du "père de la nation", Barthélémy Boganda, et mettant à profit l'accaparation du pouvoir par le président Dacko, Bokassa tente un coup de force.

Le 1er janvier 1966, accompagné du capitaine Banza, son acolyte de l'armée, il élimine les principaux dirigeants en place dont Izamo, le commandant  de la toute puissante gendarmerie. Mounoumbaye, le chef de la sécurité intérieure, qui avait réussi à se réfugier au Zaïre, est livré par ses hôtes, torturé à mort et abattu. Des dizaines de personnes sont aussi emprisonnées et disparaissent dans les cellules putrides de la prison de Ngaragba. Pour justifier son coup d'Etat, Bokassa avance l'argument fallacieux de la menace chinoise sur le Centrafrique !

Alternant menace et séduction, il fait reconnaître son gouvernement par les autres pays africains -dont le Tchad de Tombalbaye, ce qui ne va pas sans mal, puisqu'il a exécuté des personnalités issues d'ethnies tchadiennes...- et par la France. Bientôt, Bokassa fait modifier la constitution pour s'octroyer les pleins pouvoirs, puis, non sans modestie, s'attribue les grades supérieurs de l'armée jusqu'à celui... de maréchal, en 1974. Cerise sur le gâteau : la création, en 1976, de l'Empire du Centrafique et le couronnement fastueux de Sa Majesté Bokassa Ier (cf la couverture du livre).

Paranoïaque, Bokassa, qui voit des complots partout, a déjà fait éliminé son complice Banza qu'il jugeait trop dangereux en 1969. Adepte des déclarations fracassantes, il proclame son intention, en 1977, de se doter de la bombe atomique (!) et exige de la France la construction d'un chemin de fer pour désenclaver son pays ! En 1978, il se rend en pélerinage sur la tombe de De Gaulle à Colombey et multiplie les frasques dans la campagne française... mégalomane, protégé par des parachutistes français qu'il a lui-même demandé, Bokassa fait rechercher sa fille métisse viêtnamienne issue d'un amour de jeunesse... qui, une fois retrouvée, ne s'avère pas être la bonne, en fin de compte. Le code pénal qu'il instaure privilégie les châtiments corporels : les voleurs ont les oreilles coupées, les bastonnades sont fréquentes comme celle de 46 détenus de Ngaraba en juillet 1972...

L'économie centrafricaine ne va pas supporter longtemps les extravagances de l'empereur, qui trafique avec des diamantaires et dont la cérémonie du couronnement se révèle au-delà des capacités du pays. C'est ainsi que Bokassa fait acheter 25 000 bouteilles de bourgogne et extorque 25 millions de francs CFA aux diamantaires libanais... La contestation étudiante démarre en octobre 1978 après l'imposition du port d'un uniforme, mesure surtout destinée à renflouer les caisses du régime. L'armée écrase le soulèvement, jette des dizaines d'enfants en prison au mois de janvier 1979 dont beaucoup meurent asphyxiés faute de place dans les cellules ! Le régime s'écroule et la France est pointée du doigt pour avoir tarder à prendre la mesure de l'empereur et de ses agissements... il faut dire que le président Valéry Giscard d'Estaing disposait de sa réserve de chasse personnelle en Centrafrique...




La France maintient en effet des relations ambigües avec Bokassa. Le général de Gaulle est agacé par le personnage, mais l'invite à Paris et lui remet la Légion d'Honneur. Pompidou continue cette politique et d'abord pour protéger les 5 000 Français présents sur place. Bokassa menace un temps de s'allier à l'URSS pour que la France participe au financement du nouveau palais présidentiel. Quant à Valéry Giscard d'Estaing, outre la réserve de chasse de 2 millions d'hectares, l'affaire des diamants va lui coûter très cher : Bokassa offre en effet à ses proches des pierres précieuses ce qui déclenche un tollé dans la presse française une fois les faits connus et coûte pour certains sa réélection en 1981 au président. C'est pourtant lui qui lance, en 1979, l'opération Barracuda qui chasse l'empereur et ramène l'ancien président Dacko.

Pourquoi Bokassa a-t-il "tenu" si longtemps ? Peut-être était-il perçu comme un rempart face au communisme en Afrique, à l'image de Mobutu au Zaïre. Il a su en jouer, comme lors du rapprochement fortuit avec la RDA. Pour obtenir l'alliance et les pétrodollars de Kadhafi, il n'avait pas hésitéà se convertir à l'islam -c'est d'ailleurs en Libye qu'il se réfugie après son éviction. Persona non grata, il échoue finalement en Côte-d'Ivoire avant de revenir dans son pays en 1986 où il est jugé par un tribunal et condamné à mort -peine que le président Kolingba, un autre militaire arrivé entretemps au pouvoir, commue en 20 ans de travaux forcés. Bokassa est mort en prison en 1996. Reste la démesure d'un règne aussi carnavalesque que sanglant.





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