Article publié simultanément sur le site de l'Alliance Géostratégique.
Si
la guerre du Viêtnam reste assez mal connue du public français, que
dire alors de celle qui se déroule au même moment dans le Cambodge
voisin ! L'attention des historiens, et du grand public, s'est
focalisée sur le génocide commis par les Khmers Rouges après la
prise du pouvoir par ces derniers, en 1975. Pourtant, une guerre
effroyable fait rage entre 1970 et 1975 entre les Khmers Rouges et
les forces cambodgiennes qui ont rallié le camp américain. Et ce
alors même que le Cambodge reste pour l'armée nord-viêtnamienne,
engagée dans la reconquête du Sud, à la fois un sanctuaire et un
nouveau terrain de conflit. Retour sur une guerre oubliée, véritable
annexe à celle se déroulant alors au Sud-Viêtnam.
De
la neutralité de façade au coup d'Etat de mars 1970
En
1953, le gouvernement français accorde l'indépendance au royaume du
Cambodge, première partie de l'Indochine coloniale à pouvoir
s'administrer de manière autonome sous la coupe du roi Sihanouk.
Pendant dix ans, le souverain tente de maintenir son pays en dehors
des conflits qui agitent le Laos puis le Sud-Viêtnam voisins. En
novembre 1963 pourtant, Sihanouk annonce que l'aide américaine ne
sera plus d'actualité à partir de janvier 1964. Le Cambodge
s'oriente désormais vers la Chine, Sihanoul étant persuadé qu'à
terme, c'est elle qui dominera la péninsule indochinoise.
De
1964 à 1966, Sihanouk se montre plutôt complaisant à l'égard du
Viêtcong et des Nord-Viêtnamiens. En mars 1965, il accueille
la conférence des peuples indochinois, organisée par des
représentants du Pathet Lao1
et du Viêtcong, et qui condamne la présence américaine en
Asie du Sud-Est. Au même moment, l'aide chinoise, soviétique et
tchécoslovaque filtre à travers le Cambodge. Les Chinois promettent
de soutenir les Forces Armées Royales Khmères (FARK), qui comptent
alors 49 000 hommes, pour les augmenter de près de 20 000 hommes
supplémentaires.
Trois
ans après son revirement, Sihanouk doit cependant faire machine
arrière. Une assemblée plus conservatrice a été élue et Lon Nol,
le ministre de la Défense pro-américain, nommé Premier Ministre.
Le Parti Communiste cambodgien, inquiet, lance une première série
d'attaques contre les postes gouvernementaux en avril 1967, jouant
d'une révolte paysanne contre les taxes du gouvernement. Lon Nol
envoie l'armée pour écraser la rébellion, mais les survivants, qui
ont des armes de prise, se réfugient dans la campagne pour mener la
guérilla. C'est le début de ce que Sihanouk appelle la guérilla
des Khmers Rouges, les communistes cambodgiens, qui tentent dès
l'année suivante de relancer une offensive avec leurs 4 à 5 000
combattants -sans succès, car les Nord-Viêtnamiens ne les
soutiennent pas au départ, méfiants à l'égard d'un mouvement
soutenu par les Chinois.
Cinq
mois plus tard, après un incident avec la Chine, Sihanouk autorise
les Nord-Viêtnamiens à utiliser plus largement le port de
Sihanoukville pour acheminer du ravitaillement dans les camps le long
de la frontière sud-viêtnamienne. Dans le même temps, il annonce
que la présence viêtnamienne sur le sol de son pays n'est pas
autorisée par le gouvernement de Phnom Penh, et qu'il ne s'opposera
pas à l'entrée de troupes américaines sur son territoire à la
poursuite de leurs adversaires. Le Viêtcong et les Nord-Viêtnamiens
deviennent ainsi un bouc-émissaire commode aux problèmes du
Cambodge, en lieu et place des insignifiants Khmers Rouges, pour
Sihanouk. Bientôt des relations diplomatiques sont rétablies, en
mai 1969, avec les Etats-Unis. Le président Nixon, qui a succédé à
Johnson, aimerait en finir avec le sanctuaire cambodgien de l'armée
nord-viêtnamienne. Le MACV-SOG2
opère déjà au-delà de la frontière depuis 1967. Nixon accroît
cependant nettement l'effort américain en autorisant, à partir de
mars 1969, des frappes de B-52 sur la région frontalière du
Cambodge : c'est l'opération « Menu », qui
voit 108 000 tonnes de bombes déversées sur la frontière est du
pays jusqu'en mai 1970.
L'agonie
de la République khmère (1970-1975)
Dans
sa démarche de contenter tout le monde en conservant une neutralité
de façade, Sihanouk s'est en fait aliéné de nombreux segments de
la société. Les Forces Armées Royales Khmères, en particulier,
sont frustrées de ne pouvoir éliminer la présence viêtnamienne
sur la frontière orientale. En outre, les communistes ne les ont que
peu soutenues militairement contrairement aux Américains, dont
l'aide a cessé en 1964. En 1970, Sihanouk, qui fait face à une
opposition sérieuse au Cambodge, part en Chine puis en URSS. Durant
son absence, l'assemblée le prive de son pouvoir le 18 mars. Il est
remplacé par le commandant des FARK, le général Lon Nol, qui
change immédiatement de posture. Il a déjà fermé le port de
Sihanoukville le 12 mars. Le royaume du Cambodge rejoint le camp
américain et exige des communistes qu'ils quittent immédiatement le
pays. Un appel à une aide militaire est faite au camp occidental
afin de rebâtir les nouvelles Forces Armées Nationales Khmères
(FANK). Les FANK attaquent bientôt les troupes nord-viêtnamiennes à
Baret, à 150 km au sud-est de Phnom Penh. Les combats font rage
pendant une semaine mais les FANK, surclassées, doivent se replier
de la frontière. Pendant ce temps, Lon Nol se sert de la minorité
viêtnamienne vivant au Cambodge comme monnaie d'échange : les
Viêtnamiens sont regroupés dans des camps, puis des massacres ont
bientôt lieu.
C'est
alors que l'armée américaine et l'ARVN lance une offensive de grand
style contre le sanctuaire nord-viêtnamien au Cambodge, à partir du
29 avril 1970, en réaction à l'offensive nord-viêtnamienne qui
est arrivée à moins de 25 km de Phnom Penh. L'objectif est de
détruire la base logistique adverse, d'envoyer un signal fort à
Hanoï et de tester l'ARVN au combat. L'ARVN continue de mener des
opérations dans le royaume voisin les années suivantes.
Parallèlement, les Etats-Unis commencent à soutenir les FANK. Le 22
avril, des milliers d'armes communistes capturées sont expédiée à
Phnom Penh. En mai, les Américains aérotransportent 2 000 Khmers
Kroms (des Khmers vivant au Sud-Viêtnam, une minorité ethnique que
les Special Forces ont encadré dans leurs camps pendant les
premières années de la guerre du Viêtnam) à Phnom Penh. Fin 1970,
8 bataillons de Khmers Khroms opèrent déjà au Cambodge.
D'autres
pays du camp occidental proposent leur soutien. En juillet 1970, 2
000 soldats des FANK partent pour 16 semaines d'entraînement en
Thaïlande. Les Thaïlandais consentent également à former 2 000
Khmers vivant sur leur propre sol. Les FANK lancent, en août,
l'opération Chenla, afin de reprendre des zones de culture de
riz hors de contrôle du gouvernement. 10 bataillons d'infanterie
soutenus par des blindés et de l'artillerie convergent sur la route
n°6 pour balayer le secteur et reprendre les rizières autour de
Kompong Thom. Après un succès initial, les FANK sont repoussées
par la 9ème division nord-viêtnamienne, unité d'élite des
communistes. Les pertes sont lourdes.
En
1971, les communistes frappent un grand coup pour montrer leur
mainmise sur le Cambodge. Dans la nuit du 21 janvier, 100 commandos
montent une attaque sur la base aérienne de Pochentong, à Phnom
Penh. Presque toute la force aérienne khmère est détruite au sol.
D'autres commandos attaquent la base navale et les environs de la
capitale. Les unités qui participent à « Chenla »
sont rappelées. L'état-major des FANK décide alors de tenir les
villes avant tout et abandonne les campagnes aux communistes. Lon
Nol, qui a été victime d'une attaque cardiaque après le raid sur
Pochentong, monte une autre offensive en avril 1971. Il s'agit de
sécuriser la route n°6 entre Kompong Cham et Kompong Thom.
L'opération Chenla 2 bénéficie d'un intense appui aérien
pour amoindrir les deux divisions nord-viêtnamiennes adverses. Le 20
août 1971, Chenla 2 prend l'ennemi par surprise et réussit à
ouvrir la route en deux semaines. Elle se termine le 25 octobre. Mais
la 9ème division nord-viêtnamienne, renforcée par les 205ème et
207ème régiments des forces régionales, isole et anéantit la Task
Force des FANK. Début décembre, ce sont dix bataillons et tout
leur matériel qui ont été perdus.
Début
1972, les FANK lancent deux opérations de moindre envergure.
L'opération Angkor Chey vise à nettoyer le complexe d'Angkor
Vat de la présence communiste. L'opération Prek Ta est
coordonnée avec l'ARVN au sud de la route n°1 . Aucune ne
réussit et les FANK sont à nouveau rejetées sur Phnom Penh. En
mars, les communistes sortent de leur réserve et attaquent les
villes de Prey Veng City et Neak Luong. L'ARVN franchit la frontière
pour affronter la 1ère division nord-viêtnamienne, soutenant de
durs combats près de Kompong Trach. Au même moment, les Khmers
Rouges frappent la capitale avec 200 roquettes de 122 mm ou obus de
75 mm de canon sans recul, tuant plus d'une centaine de personnes. En
mai, une nouvelle attaque d'artillerie et de sapeurs vise Phnom Penh,
tuant 28 personnes. Les FANK traquent alors les équipes
lance-roquettes autour de la capitale, réduisant temporairement la
menace.
Les
Khmers Rouges commencent alors à attaquer le commerce dans le delta
du Mékong. Le 23 mars, des sapeurs s'en prennent à deux cargos à
Phnom Penh. La même semaine, des mines flottantes détruisent deux
barges. Les garnisons gouvernementales dans le Mékong sont également
assaillies. En juillet, les FANK tentent de dégager le secteur en
coordination avec l'ARVN. L'armée nord-viêtnamienne intervient
avec, pour la première fois, des chars et des missiles sol-air SA-7.
Avec un appui aérien massif, la Task Force s'empare de
Kompong Trabeck en août. Mais la garnison est perdue en septembre
lors de la reprise des combats. Jusqu'à la fin de l'année, les
insurgés harcèlent les forces gouvernementales et provoquent une
mini-émeute du riz à Phnom Penh. Le commerce fluvial sur le Mékong
est attaqué par des hommes-grenouilles.
En
janvier 1973, les Khmers Rouges, ignorants le cessez-le-feu
gouvernemental, lancent leur offensive de la saison sèche. En mars,
les attaques se multiplient au nord de la capitale et dans le Mékong.
Un assaut massif sur Phnom Penh suit mais un appui aérien massif
inflige de lourdes pertes à l'assaillant en août. Les communistes
ouvrent alors un second front sur la capitale provinciale de Kompong
Cham. Ils occupent la moitié de la ville dont l'hôpital, où ils
massacrent les patients. Les Etats-Unis retirent leur soutien aérien
le 15 août : depuis 1969, ils ont largué plus de 530 000
tonnes de bombes sur le Cambodge. Les FANK acheminent des renforts
par voie fluviale. Le 10 septembre, un assaut amphibie permet de
chasser les Khmers Rouges de la ville et de la délivrer
complètement.
La
victoire regonfle le moral du gouvernement, bien qu'il ait fallu
engager 4 brigades pour reprendre Kompong Cham. Les communistes
renouvellent pourtant leur offensive à la saison sèche, en janvier
1974. 2 régiments approchent à 5 km au nord-ouest de Phnom Penh,
mais perdent 300 hommes devant la 1ère division des FANK. Les
insurgés ayant effectué une percée au sud-ouest de la capitale
face à la 3ème division, les communistes y déplacent leurs unités.
Les soldats inexpérimentés des FANK craquent et la situation n'est
rétablie le 20 janvier que par l'envoi de renforts. Les FANK
contre-attaquent en février au nord-ouest et au sud de Phnom Penh et
repoussent les insurgés. Les communistes utilisent alors leurs
canons de 105 mm capturés et pilonnent la capitale, tuant 200
personnes rien que le 11 février. Alors que les FANK cherchent à
détruire cette artillerie, les communistes visent cette fois le
delta du Mékong.
En
mars, les Khmers Rouges délaissent la capitale et se concentrent
autour de deux capitales provinciales, Oudong et Kampot. A Kampot,
300 hommes de la garnison désertent, affaiblissant la défense.
Avant que les communistes n'aient pu profiter de la situation, 2
brigades des FANK arrivent en renfort et infligent 300 pertes à
l'adversaire. En avril, la ville ne tient que par l'arrivée par
hélicoptère de deux bataillons. 4 000 défenseurs s'accrochent à
Kampot, perdant 400 tués mais infligeant sans doute 2 300 pertes aux
communistes entre mars et mai 1974. A Oudong, la situation est
critique : le 2 mars, l'assaut communiste refoule 700 hommes de
la garnison et 1 500 civils dans une enclave au sud-est de la ville.
Une Task Force des FANK est convoyée en ferry jusqu'à Tonle
Sap pour leur porter secours mais les insurgés les attendent avec
des canons sans recul de 75 mm et des lance-roquettes RPG-2. 25
hommes sont tués pendant le débarquement et un hélicoptère UH-1
est abattu. Tandis que la Task Force fait la jonction avec la
garnison, 4 000 s'entassent dans le périmètre. Les communistes
lancent plusieurs assaut et emportent la position : seuls 650
personnes rejoignent les lignes amies. Les FANK réussissent plus
tard à reprendre la ville.
En
juin 1974, la mousson ralentit les opérations. Les FANK tentent de
regagner du terrain autour de la capitale en jouant de leur mobilité
tactique, infligeant des revers aux insurgés. La garnison de Kompong
Seila, assiégée depuis 8 mois, est secourue par une équipe des
Special Forces héliportée au milieu de la garnison. En
septembre, une offensive est lancée au sud de la capitale, sur la
rivière Bassac, avec deux Task Forceséquipées de véhicules
blindés M113. Les combats continuent jusqu'en décembre et les
pertes sont lourdes des deux côtés. Les Armored Squadrons
des 4 divisions des FANK y sont engagés.
En
1975, les communistes repartent à l'assaut sur le Mékong et dans un
rayon de 15 km autour de Phnom Penh. Les 4 divisions des FANK sont
regroupées près de la capitale tandis que la 1ère brigade
aéroportée est envoyée à l'est, sur le Mékong. Les forces
aériennes et navales défendent aussi Phnom Penh. Malgré leurs
efforts, l'avance des communistes est inexorable. Le 1er avril, le
commandant de la garnison de Neak Luong, le dernier poste
gouvernemental sur le Haut-Mékong, doit demander une frappe aérienne
sur sa propre position. La route du Mékong est coupée ; un
pont aérien est mis en place jusqu'au 14 avril, date où la base de
Pochentong est frappée par des roquettes. Une demande d'aide aux
Etats-Unis est rejetée par le président Ford le 15 avril. Les FARK
brûlent leurs dernières cartouches et mettent bas les armes le 17
avril. Les communistes entrent dans Phnom Penh.
L'armée
cambodgienne
Le
20 novembre 1946 est signé un accord franco-cambodgien reconnaissant
officiellement la naissance des Forces Armées Royales Khmères
(FARK). Trois jours plus tard, un premier bataillon est formé à
partir de la Garde Nationale et du régiment de tirailleurs
cambodgiens de l'armée française. Sous commandement français, les
FARK affrontent pour la première fois le Viêtminh en 1947.
Elles mènent de petites opérations durant les trois années
suivantes et assument progressivement la défense des provinces de
Battambang et Kompong Thom.
En
1953, les FARK prennent part aux manifestations qui réclament
l'indépendance complète du Cambodge. En octobre, après des
centaines de désertions volontaires, le haut-commandement français
transfère la défense du territoire national aux FARK. Mais la
France maintient des unités au nord-est du pays pour protéger ses
lignes de communication. Fin mars 1954, alors que l'essentiel des
ressources françaises se concentre à Dien Bien Phu, les FARK
conduisent leur première opération en autonomie contre le bataillon
436/101 du Viêtminh qui a franchi la frontière sud du Laos
et a attaqué au nord-est du Cambodge une compagnie du 9ème
bataillon d'infanterie français. En mai, le Viêtminh avance
au sud, prend Prek Te et s'empare de la section moyenne du Mékong.
Le 1er bataillon de parachutistes contre-attaque en juillet et
reprend les positions perdues.
Les
accords de Genève portent l'effectif des FARK à 45 000 hommes. Fin
1955 cependant, l'armée est réduite à 36 000 hommes : le
Cambodge, qui cherche à conserver sa neutralité, mise sur les
programmes d'action civique. L'aide américaine prenant fin dès
1954, les FARK n'arrivent que péniblement à maintenir un effectif
de 18 000 hommes. Vers 1965, la faiblesse des forces armées devient
criante face aux menaces posées par l'insurrection des Khmers Rouges
et à l'insurrection conservatrice des des Khmers Serei. En outre, le
Viêtcong et l'armée nord-viêtnamienne sont désormais
installés sur la frontière est, contre laquelle les FARK lancent un
timide coup de sonde en novembre 1969. En janvier 1970, les FARK
comptent 53 bataillons et 11 compagnies régionales. La moitié des
bataillons est constitué de bataillons d'infanterie, l'autre moitié
étant des bataillons de chasseurs (infanterie légère) ; les
parachutistes, la garnison de Phnom Penh et la Garde Royale sont
regroupées en demi-brigades. La DCA, l'artillerie, le génie et le
transport sont également formés en demi-brigades ; il y a un
bataillon indépendant de chars à Kompong Cham et un régiment de
chars à Sre Khlong. Tous les autres bataillons dépendent de la
réserve générale ou des régions militaires.
En
mars 1970, les rumeurs de coup d'Etat vont bon train : trois
bataillons de Khmers Serei anticommunistes ont infiltré la capitale,
et un bataillon de Khmers Kroms de la 25ème division de l'ARVN et
des éléments du camp des Special Forces de Tien Bien au
Sud-Viêtnam sont également présents autour de Phnom Penh. Lon Nol,
qui arrive au pouvoir le 17 mars, réorganise les FARK en FANK. Le 18
juin, il crée des brigades d'infanterie dans la réserve générale.
Dès juillet, les FANK alignent 206 000 hommes. Les Khmers Serei des
montagnes Dongrek sont entraînés en Thaïmande et deviennent le
noyau d'une brigade de Special Forces basée à Siem Reap.
Elle est plus tard élargie en 9th
Brigade Group. 8 bataillons d'irréguliers Khmers Kroms sont
aussi envoyés à Phnom Penh. La 1ère brigade de choc des FANK,
évacuée au Sud-Viêtnam après la chute de la garnison dans la
province de Ratanakiri, est rééquipée et renvoyée au Cambodge. Un
programme d'entraînement régimentaire est mis en place au
Sud-Viêtnam en 1971.
Les
FANK sont alors marquées par un mélange des structures à la fois
françaises et américaines. Les groupes de brigades en regroupent
normalement deux ; mais il y a aussi des demi-brigades, des
régiments indépendants, des brigades indépendantes, des groupes,
des bataillons territoriaux. Une gendarmerie paramilitaire est créée
pour contrôler les campagnes. Début 1972, les FANK emploient
toujours le groupe de brigades à l'échelon le plus élevé. De ces
15 groupes de brigades levés en janvier 1972, 3 sont réellement
efficaces ; 3 s'entraînent au Sud-Viêtnam ; les 9 autres
ne sont que de peu de valeur. En avril, la réserve générale est
répartie en 3 groupes : les forces A sont attachées à une
zone militaire pour une opération ; les forces B, 5 brigades,
sont désignées comme la réserve de l'état-major général ;
les forces C, deux bataillons aéroportés, sont la réserve
personnelle de Lon Nol.
Les
FANK bénéficient de l'arrivée des Khmers Kroms, particulièrment
agressifs et formés au combat au Sud-Viêtnam. En février 1970, 13
brigades, plus les Special Forces, comptent déjà un nombre
important de ces combattants. Mais les pertes sont lourdes durant les
opérations Chenla 1 et 2 et le moral baisse quand les unités
sont maintenues au-delà de leur tour d'opération de 6 mois. En mars
1972, seules les 7ème, 44ème et 51ème brigades de Khmers Kroms
conservent une certaine efficacité. 6 mois plus tard, après la
mutinerie d'un bataillon de Khmers Kroms, le recrutement se tarit.
Les FANK cherchent alors à développer leur propre structure
d'entraînement. L'école des candidats officiers est déplacée de
Phnom Penh à Long Vek. Des centres d'instruction pour l'infanterie
sont ouverts à Kandal et Kompong Speu. Les Special Forces
ouvrent une école à Battambang. En juillet 1972, un système de
milices d'autodéfense est mis en place dans les régions militaires.
Une direction de la libération et de la construction de l'Etat est
même créée en novembre et conduit le programme d'autodéfense,
tout en travaillant de concert avec la direction politique de la
guerre de l'état-major général et sa brigade de guerre
psychologique.
Une
réorganisation majeure des FANK intervient en décembre 1972. Les
anciennes formations sont dissoutes : 32 brigades, 202
bataillons d'infanterie et 405 compagnies d'infanterie territoriale
sont instaurées. Les 32 brigades regroupent 128 des bataillons. 20
brigades restent indépendantes tandis que 12 sont intégrées dans
les 4 premières divisions des FANK. Une cinquième, la 9ème
division de la Garde, est levée en avril 1974 par le général Ith
Suong. Mais avec les accords de Paris en janvier 1973, les FANK
pâtissent du retrait de l'assistance militaire. Deux mois plus tard,
la 1ère brigade de parachutistes, considérée comme l'une des
meilleures formations de l'armée, abandonne ses positions le long du
Mékong, au sud, quand l'opération dure plus longtemps que prévu.
Plusieurs unités imitent bientôt son attitude. En outre, le soutien
aérien américain cesse à partir d'août 1973. Ce même mois, les
instructeurs chinois nationalistes de l'école d'artillerie quittent
également le pays. Les FANK montrent cependant de réelles capacités
de combat en 1974, avant de s'effondrer l'année suivante, faute
d'assitance extérieure.
Les
forces communistes au Cambodge
Le
combat des communistes contre le gouvernement commence avec le
soulèvement manqué d'avril 1967 dans la province de Battambang.
Bien que le soulèvement échoue, les Khmers Rouges s'installent dans
les campagnes et forment une guérilla. Après le coup d'Etat de mars
1970, ils constituent leurs premières unités territoriales à
partir des meilleurs groupes d'autodéfense villageois. Le prince
Sihanouk, qui a trouvé refuge en Chine, sert leur cause en ralliant
le camp communiste. Aux yeux de la paysannerie cambodgienne, le
soutien de Sihanouk donne un surcroît de légitimité à la cause
des Khmers. Les forces des Khmers Rouges doivent comprendre 3
divisions armées par la Chine, avec des forces régulières,
régionales et territoriales. Des Khmers Rouges, des défecteurs des
FANK et des Khmers ethniques partisans des Nord-viêtnamiens au
Sud-Viêtnam forment les premiers contingents. Les centres
d'entraînement sont établis sur la frontière est du Cambodge et au
Laos ; le quartier général est établi à Kratie, une capitale
provinciale désertée par sa garnison après le coup d'Etat.
Les
pro-Sihanouk et les Khmers alignés sur les Nord-Viêtnamiens
renforcent le sanctuaire de ces derniers sur la frontière est du
Cambodge et ont souvent des conseillers de Hanoï dans leurs unités.
Fin 1970, la guérilla compte déjà 15 000 hommes, et se développe
en 1971 tandis que l'armée nord-viêtnamienne défait les unités
des FANK. En 1972, les Nord-Viêtnamiens retirent leurs effectifs du
Cambodge et la guérilla, avec ses 50 000 réguliers et 100 000
irréguliers, assume seule le combat. Une véritable guerre
d'attrition prend place contre les forces gouvernementales, contre
les lignes de communication, pour démoraliser les FANK. En janvier
1973, la guérilla déclenche sa première offensive à grande
échelle, mais elle est décimée par l'aviation. En juin, ayant tiré
les leçons de l'expérience précédente, elle regroupe 75 de ses
175 bataillons dans un nouvel assaut contre Phnom Penh. Bien qu'elle
parvienne à s'emparer de positions au sud et au sud-ouest de la
capitale, elle est à nouveau saignée dans l'aventure et laisse 16
000 hommes sur le terrain, certaines unités perdant 60% de leur
effectif. Les Khmers pro-Nord-Viêtnam ont particulièrement
souffert, laissant le champ libre aux Khmers Rouges de Pol Pot dans
la lutte pour la mainmise politique de l'insurrection.
Malgré
le retrait du soutien aérien américain en août 1973, l'offensive
de la saison sèche de 1974 n'obtient pas le résultat escompté :
les 60 000 réguliers de la guérilla n'infligent pas une défaite
conséquente aux FANK. Ce n'est qu'en janvier 1975 que « l'offensive
du Mékong » va donner des résultats décisifs. Le 1er
avril, la guérilla emporte Neak Luong. 12 divisions légères, 40
régiments, marchent depuis le nord-ouest sur Phnom Penh. En deux
mois, la résistance des FANK est brisée, l'anneau extérieure de
défense de la capitale enfoncée : la reddition survient le 17
avril.
L'armée
nord-viêtnamienne est le principal adversaire des FANK en 1970-1971.
Elle emploie à la fois des tactiques conventionnelles et des
méthodes irrégulières, comme le raid des sapeurs sur la base
aérienne de Pochentong en janvier 1971. A la fin de cette même
année, elle se retire progressivement du Cambodge, croyant avoir
brisé les FANK. Les unités de sapeurs et de lance-roquettes restent
cependant sur place et des infiltrations maritimes sur la côte sont
menées pour acheminer des munitions à partir d'avril 1972. L'armée
nord-viêtnamienne intervient aussi quand ses sanctuaires du
Bas-Mékong sont menacés : elle lance ainsi une contre-attaque
blindée en août 1972. Après les accords de Paris, elle maintient
pas moins de 36 000 hommes au Cambodge, dont le 367ème régiment de
sapeurs, qui attaque la base de Pochentong à la roquette en avril
1973. Des unités antiaériennes sont également stationnées au
Cambodge. En décembre 1974, l'armée nord-viêtnamienne n'a plus que
12 000 combattants présents sur place. Le conflit avec les Khmers
Rouges n'est pas pour rien dans la diminution de la présence
nord-viêtnamienne. L'artillerie de Hanoï soutient pourtant
l'offensive finale de Pol Pot en 1975.
Pour
en savoir plus :
Kenneth
CONBOY et K. BOWRA, The War in Cambodia 1970-1975, Men-at-Arms
209, Osprey, 1989.
1L'insurrection
communiste au Laos.
2Military
Assistance Command, Vietnam-Studies and Observation Group :
le nom de la structure regroupant l'effort de guerre non
conventionnelle avant et pendant la guerre du Viêtnam, au
Sud-Viêtnam, au Nord-Viêtnam, au Laos et au Cambodge.