Saraya
al-Khorasani fait partie de ces milices composées de chiites
irakiens nées en Syrie pour combattre aux côtés du régime syrien.
Ce n'est qu'en 2014 que la milice revient en Irak pour affronter ce
qui devient l'EI en juin. Dès sa naissance en Syrie, Saraya
al-Khorasani se fait remarquer par sa posture pro-iranienne, au
point de reprendre pour emblème celui des Pasdarans qui ont
probablement constitué l'unité, du moins en Irak. Concentrée sur
le théâtre irakien, la milice renvoie toutefois des combattants en
Syrie en novembre 2015 et ce au moins jusqu'en avril 2016. Equipée
par l'Iran, Saraya al-Khorasani intègre le bloc pro-iranien
des milices chiites de la mobilisation populaire chiite (Hashd
al-Shabi). Outre son discours pro-iranien, elle se signale par
nombre d'exactions, notamment en Irak en 2014, qui la font craindre
de beaucoup.
Historique
Saraya
al-Khorasani est la branche militaire d'un parti politique
irakien, le Hezb
Taleea al-Islamiya, qui existe depuis 1995. Il prend la suite de
Sayara al-Karar, une
formation chiite liée à Mohamad Baqir Al Hakim qui a combattu
l'Irak de Saddam Hussein pendant la guerre Iran-Irak, notamment dans
les marais au sud du pays à partir de 1986. Cette milice a aussi
combattu à Kerbala et à Nadjaf après 1991.
Saraya
al-Khorasani (SAK) naît semble-t-il en
septembre 2013, en tout cas c'est ce mois-là que sa présence
devient visible sur les réseaux sociaux. La milice tire son nom de
Abu Muslim al-Khurasani, un chef militaire qui aide à déposer les
Omeyyades au VIIIème siècle, mais surtout le nom
renvoie au guide suprême iranien, Khamenei. SAK revendique alors
être basée à Erbil, au Kurdistan irakien : cette milice opère
uniquement en Syrie, dans les zones rurales autour de Damas. Comme
d'autres formations du même type, elle prétend combattre pour la
défense du tombeau de Zaynab et ne cache pas ses sympathies pour
l'Iran, en particulier l'ayatollah Khamenei. SAK se distingue
par les nombreuses images montrant ses combattants avec le drapeau du
groupe. En outre, c'est l'une des rares milices chiites irakiennes à
ne pas cacher ses sympathies pour l'Iran, voire à prendre
ouvertement fait et cause pour les Pasdarans, comme le montre
l'emblème de la milice. SAK est commandée par Ali al-Yasiri. Le
groupe dispose alors d'un armement classique : AK-47,
mitrailleuses PK, lance-roquettes RPG-7, fusil de précision SVD, et
quelques mortiers. Il opère notamment dans la Ghouta orientale, à
l'Est de Damas.
Dès
le début du mois de juin 2014, SAK
déploie ses combattants en Irak, à Samarra, pour protéger la
ville devant la poussée de l'EIIL, qui devient l'EI après la chute
de Mossoul ce même mois. Il apparaît que SAK bénéficie d'un
financement gouvernemental, le Premier Ministre al-Maliki tentant
d'intégrer une partie des milices chiites dans les forces de
sécurité. En août 2014, alors que SAK prend part à la bataille
pour libérer Amerli de l'EI, une
vidéo tournée par des peshmergas
montrent un Humvee de la milice avec un corps décapité sur
le capot et un autre tiré derrière le véhicule. Le
discours de SAK pendant la bataille d'Amerli est d'ailleurs
particulièrement virulent : tous ceux qui combattent la milice
sont ravalés au rang de l'EI. En novembre 2014, les
combattants de SAK tiennent des villages à 75 km au sud de Kirkouk,
dans le nord de la province de Salahuddine en Irak. Ils incendient
les villages sunnites et pillent les habitations. SAK se fait
remarquer en Irak par sa
posture ouvertement pro-iranienne.
En
2015, les observateurs notent que
SAK recrute essentiellement des chiites du centre et du sud de
l'Irak, et qu'il n'a pas fallu longtemps avant que la milice soit
en ordre de bataille contre l'EI dans le pays. Qassem Soleimani, le
chef de la force al-Qods des Pasdarans, qui servent de modèle
à SAK, a souvent été photographié en compagnie de membres de la
milice. Le général iranien Taghavi des Pasdaransétait
d'ailleurs conseiller auprès de SAK avant d'être abattu par un
sniper de l'EI en
décembre 2014 (une
vidéo de SAK le présente
même comme le fondateur de la milice). SAK est ravitaillé en
matériel par l'Iran. En janvier 2015, elle est très présente dans
la province de Diyala. Le
groupe, grâce au soutien iranien, serait passé de 1 500 à 3
000 hommes, tout en capturant de l'artillerie, des mitrailleuses
lourdes, des canons ZU-23 et des Humveesà l'EI pour
augmenter son arsenal. Le QG de Saraya al-Khorasani serait maintenant
à l'Est de Bagdad ; Ali al-Yasiri, son chef, a été blessé
durant les combats de Diyala en novembre 2014. Fin
2014-début 2015, SAK opère à Tuz Khuzmato dans l'est de la
province de Salahuddine et à Jalawla au nord-est de la province de
Diyala. En novembre 2014, elle aurait disposé de 800 combattants
dans le premier secteur et de 3 000 dans le second ; des
affrontements éclatent avec les peshmergas irakiens. En mars
2015, SAK est engagée dans la libération de Tikrit. En août 2015,
une vidéo montre SAK
utiliser un drone de type Phantom
en appui de ses opérations en Irak. En septembre 2015, une
vidéo de SAK montre un camp d'entraînement,
peut-être dans l'ouest de la province d'al-Anbar, rebaptisé en
l'honneur du général Taghavi. On y avoit Ali al-Yasiri, et son
adjoint, Hamid al Jaza’iri, qui commanderait une « 18ème
brigade » au sein de SAK. Le
parti islamique Taleaa devient de plus en plus visible sur les
réseaux sociaux. Plutôt concentrée sur la lutte contre l'EI en
Irak, SAK
annonce en novembre 2015 qu'elle va participer à l'offensive en
Syrie pour lever le siège des enclaves chiites de Zahra et Nubl au
nord-ouest d'Alep. Parallèlement, SAK a participé aux combats pour
libérer la ville et la raffinerie de Baiji en Irak.
Combattants de SAK (dont on reconnaît l'insigne de manche à droite) en Syrie (janvier 2016). |
Des
photos de SAK montrent des combattants de la milice en Syrie en
janvier 2016. En février, SAK combat dans le secteur de Zahra et
Nubl au nord-ouest d'Alep et dans la ville elle-même. SAK déclare
en mars 2016 vouloir devenir en Irak
l'équivalent des Pasdarans
en Iran. Elle aurait envoyé des
renforts en Syrie au mois d'avril 2016 sur le front d'Alep. Des
photos montrent effectivement les combattants de SAK en Syrie (Damas)
au mois d'avril : sur l'une d'elles, ils sont plus de 50. En
réalité, les combattants de SAK sont également sur le front d'Alep
dès la fin de février 2016 : leur camp de base serait à Damas
d'après les publications de leur page Facebook. En mai 2016,
quand les partisans de Moqtada al-Sadr envahissent le Parlement à
Bagdad, les
miliciens de SAK investissent les rues et se déclarent prêts à
combattre les hommes de Sadr si besoin.
L'Iranien Mohammad Saleh Jokar propose même que SAK devienne le
noyau d'un corps de Gardiens de la Révolution irakien. SAK se
rattache fermement en 2016, au sein de la mobilisation populaire
chiite dont elle fait partie, au
bloc des milices pro-iraniennes, aux côtés du Badr,
de Kataib Hezbollah, d'Asaib Ahl al-haq ou d'Harakat
Hezbollah al-Nujaba. Ces milices, qui sont les mieux armées,
bénéficient de l'appui de conseillers militaires iraniens, ont des
aspirations politiques, et ont sans doute été parmi les plus
efficaces sur le terrain contre l'EI. En juin, la milice combat à
Falloujah ; elle est ensuite présente dans les monts Hamrin. Le
17 octobre 2016, un convoi de SAK monte vers Mossoul pour participer
à l'offensive déclenchée contre la ville par l'armée irakienne et
ses alliés. Des photos de la fin décembre 2016 montrent que SAK
participe au sein de la mobilisation populaire chiiite à
l'encerclement à l'ouest de Mossoul tout en combattant encore dans
les monts Hamrin.
Défilé pour la journée al-Qods. |
Ali al-Yasiri, le chef de SAK. |
Idéologie
et propagande
L'emblème
de SAK, reflétant la position pro-iranienne à l'excès de la
formation, est le décalque exact de celui des Pasdarans. Le
nom de l'unité est précisément Saraya al-Talia
(l'avant-garde) al-Khorasani.
SAK
dispose une page Facebook,
qui est alimentée irrégulièrement mais qui est très suivie. Elle
a aussi un compte Twitter
et une chaîne Youtube.
Le parti politique associé à la milice a également sa propre page
Facebook. SAK a également des pages pour certains de ses
bureaux dans le pays, mais seules quelques-unes comme celle
de Nadjaf est très active. Cette page relaie parfois d'autres
informations que celles de la page militaire, comme ce combattant tué
le 15 décembre 2016 dans les monts Hamrin. La page
de Bassorah est également assez entretenue.
Dans
les images postées sur la page Facebook de SAK, l'emblème du
groupe et le portrait du chef, Ali al-Yasiri, reviennent fréquemment.
Le 15 octobre 2016, un montage photo montre Yasiri, à une période
où il était blessé, marchant avec une canne au milieu de corps
répandus dans un champ (la photo date de février 2016 et a été
prise en Syrie). Yasiri est fréquemment accompagné sur les photos
d'un clerc chiite portant le turban noir, que l'on voit souvent par
ailleurs sur les autres clichés postés par le groupe. Le 25 avril
2016, une photo montre ce clerc aux côtés de Qasseim Soleimani,
probablement en Syrie. Les deux sont avec Yasiri sur un cliché du 23
avril. Le 3 mars, Yasiri et le clerc posaient ensemble devant le dôme
de Zaynab à Damas. Muhandis est aussi honoré par un poster de
propagande.
Le
29 avril, SAK publie un poster d'un combattant tué la veille. Le 9
juin, SAK enterre un combattant tué à Saqlawiyah, près de
Falloujah. Le 14 juin 2016 ont lieu les funérailles d'un combattant
tué un an plus tôt. Pour la journée al-Qods, le 1er juillet 2016,
SAK organise un défilé à grands renforts de drapeaux et de
pancartes, sur lesquelles on reconnaît Khamenei, Khomeiny, Muhandis
et le général iranien Taghavi. Un poster mis en ligne le 22 juillet
honore un combattant tombé la veille. Les 1er, 7 et 9 août, SAK
poste trois posters de « martyrs » récemment tués
au combat. Le 11 septembre, une vidéo honore un capitaine des
Pasdarans qui a combattu avec SAK en Irak et en Syrie et qui a
été tué dans ce dernier pays. Le 23 octobre 2016, SAK annonce la
mort d'un ses combattants dans les monts Hamrin. Le 18 novembre 2016,
un communiqué déplore la mort d'un cadre du SAK, qui avait le grade
de capitaine. Le groupe poste également assez fréquemment des
images d'archives du général iranien Taghavi, alias « Abou
Maryam ».
Armement,
matériels, tactiques
Une
analyse en source ouverte de l'armement, des tactiques et du matériel
de SAK sur l'année 2016 et le début de l'année 2017 montre que le
groupe a acquis des véhicules pris sur l'ennemi, et probablement
aussi via les forces de sécurité irakiennes. Le soutien iranien,
bien que visible, n'est pourtant pas massif. SAK en revanche dispose
d'une infanterie parfois conséquente, même si ce n'est pas la plus
nombreuse des milices pro-iraniennes.
Une
photo du 28 mai montre au moins 3 Humvees de SAK, un autre
véhicules et des lanceurs IRAM sur pick-up. Un cliché du 8
mars en Syrie montre que SAK dispose d'un technical(Land
Cruiser avec KPV). Une photo du 20 mars 2016 montre un mortier
lourd (120 mm) en Syrie. Un cliché du 25 mai montre Yasiri poser
devant un IRAM monté sur camion. Une photo du 29 montre un BMP-1.
Une photo du 30 mai montre des combattants de SAK, dont un tireur PK
et un fantassin avec Colt Commando et AK-47. Un cliché du 2
juin montre un tireur RPG-7. Une photo du 5 juin montre un lanceur
IRAM sur pick-up en position de tir. D'autres clichés
montrent des fusils de sniping sommairement bricolés par l'EI
à partir de tubes antiaériens pris par SAK à Saqlawiyah. Le 15
juin, une photo montre un Humvee de couleur sombre avec DSHK
en tourelle, portant l'emblème du groupe. Une photo du 28 juin
montre des lanceurs IRAM de SAK sur Land Cruiser. Le 30 juin 2016,
une photo montre un char T-72. Un cliché du 3 juillet montre des
lanceurs IRAM sur Land Cruiser. Une photo du 10 août 2016
montre un tir d'IRAM monté sur pick-up. Dans une vidéo du 12
août 2016, il est question d'un « 3ème régiment »,
qui serait donc une subdivision
de SAK. Un cliché du 14 octobre montre 2 mitrailleurs PK de
SAK. Le jour du lancement de l'offensive contre Mossoul, le 17
octobre, une photo montre un alignement d'obus de mortiers. Un cliché
du 18 octobre montre un tireur RPG-7 qui porte en plus une AK-47. Une
photo du 3 novembre montre un tireur d'élite de SAK sur SVD
Dragunov. SAK montre plusieurs Humvees dans ses
publications Facebook.
En
février 2016, une vidéo montre un VBIED de l'EI exploser tout près
des positions de SAK dans les monts Hamrin.
Dans
une vidéo du mois de mai, SAK opère avec un Humvee, un Safir
iranien avec canon sans recul M40 de 106 (avec obus fléchettes), un
technical avec ZU-23 bitube. L'action se déroule de nuit :
des lanceurs IRAM ouvrent le feu. Une autre vidéo de mai montre
aussi plusieurs tirs d'IRAM sur pick-up. Dans une autre vidéo
à Saqlawiyah, on peut voir un Safir avec LRM Type 63, un
Humvee avec KPV, un technical Ford F350 de la police
fédérale avec KPV, un mortier léger, plusieurs tireur RPG-7,
plusieurs tireurs PK, un BMP-1 et un autre Humvee. Une autre
vidéo sur le front de Saqlawiyah montre en tout 2 BMP-1 et 8
Humvees.
Dans
une vidéo du mois de juin 2016, à Falloujah, on voit que SAK aligne
un M1117 de la police fédérale, au moins un BMP-1 et de nombreux
Humvees. L'infanterie est conséquente. SAK capture un tube
antiaérien reconverti en arme de sniping par l'EI.
En
juillet 2016, une vidéo permet de voir que SAK opère avec 3 Humvees
et 1 BMP-1, et une très nombreuse infanterie. On voit également un
technical avec tourelle pour le bitube ZU-23 à l'arrière.
Plusieurs fantassins portent des fusils iraniens anti-matériel AM
50. SAK déminent les IED laissés par l'EI derrière lui. Le clerc
chiite que l'on voit souvent a le bras droit en écharpe dans cette
vidéo.
Dans
une vidéo de décembre 2016, sans doute une compilation d'images
d'archives, on constate que SAK a un BMP-1, une batterie de 3
lanceurs IRAM sur pick-up, des technicals, des Humvees.
Un camion porte 2 Humvees. SAK a aussi une artillerie comprenant un
obusier D-20 de 152 mm et un un LRM iranien HM 20 sur Mercedes 2626.