Merci pour le coup de main à https://twitter.com/green_lemonnn et https://twitter.com/ruffthecrimedog
La
division al-Hamza illustre bien certaines des tendances récentes au
sein de l'insurrection armée syrienne en 2016. Née en avril dans la
poche d'Azaz, cette formation, largement soutenue par les Etats-Unis,
l'est parce qu'elle a fait le choix, par nécessité, de combattre
l'EI, et non plus le régime syrien qui reste pourtant un adversaire
déclaré, tout comme les Kurdes de l'YPG. Avec l'intervention turque
du mois d'août (opération Euphrates Shield), elle sert de
plus en plus d'infanterie d'appoint à l'armée de ce pays. Malgré
le soutien apporté et les matériels fournis, elle reste cependant
mal outillée pour mener un combat urbain de l'ampleur de celui
d'al-Bab, contre l'EI. En outre, elle devient très dépendante de
ses soutiens extérieurs, qui ne soutiendront peut-être pas tous ses
objectifs en dehors de la lutte contre le groupe djihadiste.
Historique
La
division al-Hamza naît officiellement par un
communiqué du 23 avril 2016, qui annonce la fusion de 5 groupes
opérant au nord d'Alep : la brigade al-Hamza, la plus
conséquente et qui donne son nom à la nouvelle formation, Liwa
Mare' Al-Semood, la brigade Dhi Qar, la brigade de l'Eclair du
Nord et la brigade des opérations spéciales. La nouvelle unité se
qualifie de « forces spéciales » : elle est
commandée par des officiers ayant fait défection de l'armée arabe
syrienne et elle est menée par le lieutenant Saif Abou Bakr. La
division al-Hamza stipule qu'elle
combat à la fois le régime syrien et l'EI. La
brigade al-Hamza, à l'origine, a été constituée dans le sud
de la province syrienne d'Hasakah, au nord-est de la Syrie. Elle a
combattu au nord d'Alep dès 2013, comme le confirme son chef Abu
Jalal. Le 7 avril 2016, elle
avait perdu son chef, Abu Yasir al-Sheikh, dans les combats
contre l'EI au nord d'Alep. A part la brigade al-Hamza, il y a parmi
les autres composantes Liwa Dhi Qar, ancienne subdivision de la
division 99 de l'Armée Syrienne Libre (déjà
née du regroupement de 5 petites unités en mars 2016) ; la
brigade de l'Eclair du Nord, une formation récente née dans la
poche d'Azaz. Cette unité est intéressante : bien que
catégorisée « Vetted Syrian Opposition » (VSO,
autrement dit soutenue par le ministère de la Défense américain,
acronyme que détourne les adversaires de ces rebelles, notamment
l'EI, pour les disqualifier), elle
a reçu le 18 juin 2016 un lanceur antichar TOW, qui normalement
est plutôt fourni par la CIA (les deux institutions américaines ne
collaborent pas forcément dans leur soutien aux rebelles syriens, ce
qui n'est pas sans poser problème évidemment). La division al-Hamza
naît dans un contexte particulier : la formation de la poche
d'Azaz en février 2016 « coince » les rebelles au
nord d'Alep, adossés à la frontière turque, encerclés à l'ouest
par les Kurdes syriens du canton d'Afrin, à l'Est par l'EI. Ils sont
alors dépendants de l'appui turc et du soutien aérien de la
coalition anti-EI. Les groupes rebelles de la poche concentrent leurs
efforts contre l'EI et de furieux combats d'allers-retours se
déroulent dans les villages au sud-est de la poche, le front face
aux Kurdes restant relativement calme suite à un accord négocié
avec les Américains.
C'est ce recentrage, par nécessité, des rebelles syriens dans le
combat contre l'EI qui permet aux Etats-Unis d'apporter un appui
aérien et d'armer et d'entraîner des formations rebelles. Le 22
juin 2016,
une brigade « Samarcande » de rebelles turkmènes
rejoint la division al-Hamza : elle est commandée par le
lieutenant Wael Mousa et combat le régime syrien, les Kurdes du PYD
et l'EI.
Dès
le lancement de l'opération Euphrates Shield, le 24 août
2016, la division al-Hamza fait partie des premiers rebelles qui
investissent la ville de Jarabulus avec l'armée turque. Elle
a été convoyée via la Turquie pour participer à l'assaut sur
la ville. Elle
fait partie intégrante de la Hawar Kilis Operations Room,
créée depuis avril (du nom du village d'Hawar Kilis, à 2 km de
la frontière turque), et qui regroupe au nord d'Alep les formations
de l'Armée Syrienne Libre épaulées par le Département de la
Défense américain et largement soutenues par la Turquie. Aux côtés
d'autres groupes comme la division du Sultan Mourad, la
division 13 de l'ASL, et d'autres, elle est pointe de l'opération
Euphrates Shield. Abu Jalal reconnaît la perte , au 22
septembre, de 300 hommes face à l'EI depuis le début des
opérations. Mais la prise de Jarabulus puis d'al-Raï (septembre) a
permis à l'unité de se développer : elle dispose maintenant
d'un bataillon d'infanterie, de 2 bataillons de mortiers, et de
bataillons de mitrailleuses moyennes et lourdes. L'objectif de
l'unité est aussi de permettre aux réfugiés situés derrière la
poche d'Azaz de regagner leur foyer, en chassant l'EI, mais en
combattant également les Kurdes.
Après
la chute de Dabiq, reprise à l'EI le 16 octobre,
la Turquie et ses alliés rebelles se tournent
vers al-Bab. Le début de la bataille d'al-Bab est éclipsé par
le lancement de l'offensive contre Mossoul en Irak au même moment.
L'EI, pourtant, s'est contenté jusque là de mener un combat de
retardement, laissant l'armée turque et ses alliés rebelles créer
une zone tampon le long de la frontière syro-turque de 20 km de
profondeur, disposant surtout des IED et des mines pour freiner
l'avance adverse. A al-Bab en revanche, l'EI se retranche. Il faut
dire qu'al-Bab comptait avant la guerre plus de 60 000 habitants :
c'est une vraie agglomération, contrairement à Dabiq qui n'en
comptait que 3 000. En combat urbain, la
puissance de feu turque, aviation, automoteur d'artillerie T-155
Firtina, chars M-60T Sabra et M-60A3TTS, sans parler
des autres véhicules blindés (ACV-15, Otokar Cobra, etc), ne
peut jouer à plein. Par ailleurs l'infanterie est surtout fournie
par les rebelles syriens, mal préparés à un combat urbain d'assez
grande ampleur contre l'EI. D'autant que celui-ci a fortifié la
ville depuis l'été pour en faire un point d'arrêt à l'offensive
turque : à Manbij, il avait fallu 3 mois aux Kurdes de l'YPG
pour venir à bout de la garnison de l'EI... Le vivier de recrutement
pour les rebelles est alors limité car beaucoup sont davantage
préoccupés par l'offensive du régime sur Alep que par l'opération
Euphrates Shield. En outre des tensions se font jour, au sein
des groupes rebelles engagés avec la Turquie et soutenus par les
Etats-Unis et les formations islamistes ou salafistes. Le 1er
octobre, Abu Ali Kaferhaya (Omar Halifi), un commandant de la
brigade Samarcande de la division al-Hamza, est
tué au combat contre l'EI. Il est natif de Kafr Haia, dans la
province d'Idlib, tenu par Ahrar al-Sham, qui refuse d'autoriser son
enterrement sur place. Des échanges assez vifs ont lieu entre les
deux formations.
Le
2 novembre, la division al-Hamza combat à Masoudiyah, à 20 km au
nord-ouest d'al-Bab. Le 3 novembre, elle est dans le village de
Baruze, à 19 km au nord-ouest d'al-Bab, de Tel Tana (17 km au
nord-ouest), al-Wash (18 kilomètres au nord-ouest), El-Xoz, Kassar
(18 kilomètres au nord-ouest). Le 6 novembre, une vidéo montre les
opérations à Sedud, à 15 km au nord-ouest d'al-Bab. La division
prétend avoir tué 10 djihadistes en reprenant le village. Une vidéo
du 8 novembre montre des opérations à Nimane, à 12 km au
nord-ouest d'al-Bab. Le 9 novembre, l'unité s'empare du village de
Sheikh Alwan, à 9 km au nord-ouest d'al-Bab. Le 10 novembre, la
division annonce la fin de l'entraînement de deux unités
spécialement formées au combat de rues pour la bataille d'al-Bab.
Le 11 novembre, la division est à Betecug, à 19 km au nord d'al-Bab
et Shuweha, village voisin pris la veille. Une photo du 12 novembre
montre les IED laissés par l'EI dans les villages autour d'al-Bab.
Le même jour, la division combat à Khalisa, à 20 km au nord-est
d'al-Bab et à Shalal Wiran (25 km au nord-est). Le 14 novembre, une
vidéo montre la division en action à Hezwane, à 10 km au
nord-ouest d'al-Bab. La division combat aussi à Bascirne à 20 km au
nord-est d'al-Bab. Le 15 novembre, l'opération « Bouclier
de l'Euphrate » s'empare de la ville de Qubasin, au
nord-est d'al-Bab. Le 17 novembre, la division libère le village de
Kundurli, où elle désamorce un VBIED abandonné par l'EI. Le 18
novembre, la division al-Hamza détruit un VBIED de l'EI à Kundurli,
village à 12 km au nord-est d'al-Bab. Une photo du 23 novembre
montre des combattants dans un village dont le YPG a été chassé,
Birshaya, et un autre village est pris, Jeb Aldam. Le 25 novembre, la
division prend le village d'Aji, à 10 km au nord d'al-Bab, coupant
la route vers Manbij. Le 26 novembre, la division annonce la prise
d'Umm Shkayf, un village à 13,5 km au nord-est d'al-Bab. Le 27
novembre, un communiqué de la division al-Hamza annonce la capture
de plusieurs villages, 2 après des combats contre l'EI (dont celui
de Zurzur à 12 km au nord-est d'al-Bab), et d'autres après des
combats contre l'YPG. La progression de la division al-Hamza, que
l'on voit sur la carte, montre qu'elle opère surtout au nord-ouest
et au nord-est d'al-Bab ; après une pause d'une dizaine de
jours à partir de la fin novembre, elle va être engagée dans
l'approche de la ville elle-même.
Comme
l'indique un communiqué du 2 décembre, le porte parole de la
division al-Hamza est le capitaine Haji Yahya. Une photo du 14
décembre montre les lisières de la ville d'al-Bab. Le 25 décembre
2016, la division al-Hamza publie une carte des opérations à
al-Bab. Le 31 décembre 2016, la division al-Hamza annonce la capture
du village de Dagliyash, à 8 km à l'ouest d'al-Bab, après de
violents combats contre l'EI.
Propagande
et idéologie
L'emblème
de la division al-Hamza est un cercle, surmonté des 3 étoiles
rouges de la révolution syrienne, à l'intérieur duquel on trouve
le drapeau de celle-ci, tenu par le canon d'une AK-47 à la
verticale, et le nom en anglais de l'unité. A l'intérieur du
cercle, en arabe, est inscrit : « Furqat al-Hamza.
Forces spéciales », ce qui confirme la vocation de
« forces spéciales » de l'unité.
La
division al-Hamza publie sur un
compte Twitter auquel est associé une
chaîne Youtube. Dans les vidéos, une présentation
initiale avec effet visuel et l'emblème du groupe a progressivement
disparu, laissant un contenu plus sobre. L'emblème apparaît depuis
en haut à gauche de chaque vidéo, le tout étant un peu plus sobre.
Les publications sont consacrées quasi exclusivement au combat :
il n'y a quasiment pas d'élément sur les idées politiques de la
formation, tournée uniquement dans l'affrontement militaire contre
ses adversaires.
Le
21 novembre, la division annonce la mort de Allah Mamdouh Jassim Al
Jassim (33 ans), tué contre l'EI. Une photo du 27 novembre montre
les hommes de la division faire leur prière du midi. Le 30 novembre
2016, la division al-Hamza annonce la mort de 2 de ses combattants,
Ahmed Mohamed Hassan et Allah Mohammed Hassan, contre l'EI. Ils
étaient âgés de 18-19 ans (nés en 1997).
Armement,
matériel, tactiques
Une
étude en source ouverte sur les mois de novembre et décembre 2016
permet d'aboutir à plusieurs conclusions. La division al-Hamza est
approvisionnée en armes par les Etats-Unis (mitrailleuses M240/249,
fusil de sniper Mk 14 EBR, mortiers M252A2 de 81 mm) et par
la Turquie (mitrailleuse Zastava M84, armes légères...). En
outre, sur les deux mois, avec les combats difficiles à al-Bab, la
Turquie a cédé des véhicules blindés à la formation :
d'abord un Humvee avec M2HB, sans doute quelques
automitrailleuses ZPT, enfin au moins un ou deux ACV-15 AACP, comme
c'était déjà le cas avec le
1er régiment. La division al-Hamza dispose aussi d'une flotte
assez importante de technicals (notamment Land Cruiser).
L'infanterie de l'unité est assez peu nombreuse : au maximum on
voit 50 à 60 hommes simultanément, et malgré les déclarations des
communiqués, cette infanterie semble mal préparée à un combat
urbain tel qu'exigé à al-Bab. Elle est ponctuellement appuyée par
l'armée turque, notamment avec des chars M-60T Sabra.
Une
photo du 3 novembre montre 2 mortiers, un lourd (120) et un moyen
(M252A2, 81 mm). Une autre montre le Humvee utilisé par
l'unité.
Une
vidéo du 4 novembre montre plusieurs technicals avec
M2HB/GAU-16, une M240B, un fusil de sniper Mk 14 EBR, une
batterie de 3 mortiers (2 lourds, 1 moyen M252A2).
Une
vidéo du 6 novembre montre une M240B sur Land Cruiser, un
autre véhicule de ce type avec bitube ZU-23, un mortier lourd de 120
mm et un autre de 81 mm (M252A2), le Humvee avec M2HB en
tourelle, une infanterie avec mitrailleuses Zastava M84, M240.
Une
vidéo du 8 novembre montre un convoi avec le Humvee, un
bitube ZU-23 sur Land Cruiser, un tireur PK, un char turc
M-60T, et un ACV-15 AACP numéroté 243768.
Une
photo du 13 novembre montre un mortier lourd de 120 mm et un mortier
moyen de 81 mm (M252A2), une autre une M240B montée sur véhicule.
Le
14 novembre, une vidéo montre un Land Cruiser avec bitube
ZU-23 et un ACV-15 AACP turc utilisé par la division. On voit aussi
un Land Cruiser avec M2HB/GAU-16 en action, un canon sans
recul SPG-9 et une M240B. Ce même jour, le Humvee utilisé
par la division est photographié, frappé de l'emblème de l'unité
sur la portière avant droite.
Le
20 novembre, la division se sert d'un canon sans recul SPG-9 pour
pilonner les positions de l'EI à Qabasin (8,5 km au nord-est
d'Alep).
Une
vidéo du 23 novembre montre une batterie de 4 mortiers, 2 lourds de
120 mm et 2 moyens de 81 mm (M252A2), frapper les positions de l'EI à
al-Bab.
Une
vidéo du 27 novembre montre un convoi de 7 véhicules et une dizaine
de combattants, dont 2 très jeunes, qui portent des M249. On peut
voir en action un Land Cruiser avec M2HB/GAU-16, 2 technicals
avec ZPU-2, une mitrailleuse M240. Une photo du même jour montre des
IED désamorcés par la division al-Hamza, laissés par l'EI dans les
villages autour d'al-Bab.
Une
vidéo du 8 décembre montre un convoi de 24 véhicules de la
division al-Hamza partant pour le front d'al-Bab, dont de nombreux
Land Cruiser avec M2HB/GAU-16. Une automitrailleuse turque ZPT
évolue à côté du convoi. Une photo du même jour montre 50 à 60
combattants alignés. La plupart porte des AK-47, mais on remarque
quelques M-16. Une ZPT est présente à l'arrière-plan ainsi qu'un
autre véhicule blindé.
Une
vidéo du 9 décembre montre un Land Cruiser avec M2HB/GAU-16
en action. Une dizaine de fantassins précède le véhicule dans une
localité. Il y a un autre technical avec KPV et encore un
autre avec ZPU-2 protégé par un bouclier. Une photo prise de loin
montre les silos d'al-Bab, au sud de la ville.
Dans
une vidéo du 10 décembre sur les combats près d'al-Bab, on voit un
convoi de 6 véhicules dont 4 technicals, des Land Cruiser.
L'un d'entre eux a un KPV protégé par un bouclier qui ouvre le feu.
Un autre est armée d'une M240B, qui tire depuis le véhicule puis
tenue par un fantassin, pour la caméra. Une photo publiée le même
jour montre une vingtaine de combattants autour du drapeau de la
division al-Hamza et de véhicules ; les quelques hommes armés
tiennent des M-16.
Une
vidéo du 12 décembre montre les combats aux abords de la ville
d'al-Bab. Un convoi comprend plusieurs technicals : un
Land Cruiser avec M2HB/GAU-16, un autre avec mitrailleuse Type
77/85. Un des fantassins porte le Mk 14 EBR déjà observé. Un
tireur PK fait feu depuis le premier. L'infanterie est appuyée par
le tir d'un mortier lourd (120 mm). Une photo postée le même jour
montre les mêmes véhicules avec une automitrailleuse ZPT turque que
l'on apercevait furtivement dans la vidéo.
Une
vidéo du 20 décembre montre les combats sur le front d'al-Bab. On
voit un Otokar Cobra turc dans la colonne de la division. Des
fantassins montent dans un véhicule blindé turc. La division
al-Hamza dispose de nombreux technicals(Land Cruiser).
L'un d'entre eux ouvre le feu avec une M2HB/GAU-16. La formation
manipule apparemment elle-même plusieurs véhicules blindés ACV-15
AACP fournis par la Turquie. Un mitrailleur tire avec une M249
fournie par les Etats-Unis.
Dans
une vidéo du 21 décembre sur le front d'al-Bab, on voit les hommes
monter dans un ACV-15 AACP, couverts par le tir d'une M2HB/GAU-16 sur
Land Cruiser et d'une mitrailleuse Type 77/85 sur Hilux.
Un M-60T Sabra de l'armée turque escorte également les
fantassins et ouvre le feu.