Un grand merci à https://twitter.com/green_lemonnn pour le coup de main, c'est lui aussi qui m'a signalé cette unité et m'y a intéressé.
Merci également à https://twitter.com/binationale et https://twitter.com/SimNasr pour le coup de main.
Katiba 313 illustre bien la mainmise des alliés étrangers de la Syrie sur son appareil militaire. Cette milice, qui semble constituée de chiites (ou d'alaouites?) syriens de la région d'Alep, au départ, est prise en main et encadrée par le Hezbollah libanais. Née sans doute à l'été 2015, elle est conçue comme une unité de commandos, composée de vétérans de l'armée arabe syrienne, et pilotée par Ali Fayyad, le chef des forces spéciales du Hezbollah en Syrie, qui est tué en février 2016 à Khanasser lors de combats contre l'EI. Visiblement peu nombreuse, Katiba 313, qui se rattache à la 2ème brigade de commandos (al-Maghaweer) du régime syrien, a adopté l'idéologie du Hezbollah et de « l'axe de la résistance », ce qui confirme qu'une partie des forces du régime syrien est sous la dépendance plus ou moins direct de ses soutiens étrangers.
Merci également à https://twitter.com/binationale et https://twitter.com/SimNasr pour le coup de main.
Katiba 313 illustre bien la mainmise des alliés étrangers de la Syrie sur son appareil militaire. Cette milice, qui semble constituée de chiites (ou d'alaouites?) syriens de la région d'Alep, au départ, est prise en main et encadrée par le Hezbollah libanais. Née sans doute à l'été 2015, elle est conçue comme une unité de commandos, composée de vétérans de l'armée arabe syrienne, et pilotée par Ali Fayyad, le chef des forces spéciales du Hezbollah en Syrie, qui est tué en février 2016 à Khanasser lors de combats contre l'EI. Visiblement peu nombreuse, Katiba 313, qui se rattache à la 2ème brigade de commandos (al-Maghaweer) du régime syrien, a adopté l'idéologie du Hezbollah et de « l'axe de la résistance », ce qui confirme qu'une partie des forces du régime syrien est sous la dépendance plus ou moins direct de ses soutiens étrangers.
Historique
La
page Facebook
de cette formation, qui est pour ainsi dire presque la seule source
d'information sur cette unité, semble avoir été créée en
novembre 2011. On y voit d'abord des photos de karatékas :
apparemment elles concernent le club de karaté de la police d'Alep,
dont l'entraîneur est Mustafa Zoaida, ceinture noire 4ème dan,
champion syrien. Les publications sur le karaté continuent en
2012-2013, assez peu fournies. La page semble être tenue par un
ancien soldat de l'armée arabe syrienne, qui l'a peut-être quittée
en novembre 2012, et qui a peut-être suivi une formation militaire
chez un allié du régime (Iran?), tout en combattant pour des
milices pro-Assad. Les indices sont ténus.
Novembre 2011 : karatéka du club de la police d'Alep. |
Photo de couverture de la page du 30 novembre 2015. En réalité, elle semble dater du mois d'août précédent. |
Le
30 novembre 2015, l'auteur de la page change la photo de couverture :
on y voit 16 combattants en tenue militaire, dont un tireur PK et un
tireur RPG-7. La photo de profil, changée le même jour, montre deux
hommes poser avec leurs AK-47 (dont un muni d'une baïonnette) dans
un paysage montagneux. Un message publié le même jour indique que
la page ne traitera plus du karaté mais du combat pour le régime
dans lequel se sont manifestement engagés les karatékas (sic). On
peut donc supposer qu'elle est constituée pour partie de cadres de
la police d'Alep, parmi lesquels peut-être des chiites syriens, ou
des Alaouites. La propre page Facebook de l'auteur, qui
reprend parfois les mêmes clichés, semble montrer que l'unité
existe au moins depuis août 2015. Visiblement, la milice est
intervenue dans le sud de la Syrie, dans les zones rurales de Deraa
et Quneitra, à Damas, sur le flanc est de l'aéroport militaire de
Deir-es-Zor, dans la plaine d'al-Ghab à Hama/Idlib, et à Alep. Une
publication du 13 décembre laisse penser que la milice combat à
Mansourah, dans la plaine d'al-Ghab, à l'ouest de la province de
Hama : le nom de la formation semble bien être Katiba 313
(le titre de la page est « commandos syriens » ;
le nom arabe semble
effectivement renvoyer à une unité commando, Maghaweer),
plus tard rattachée à une 2ème brigade.
Le
3 janvier 2016, la page déplore la mort d'un des combattants de
l'unité, Daniel Mohamed Moussa, qui doit être enterré au cimetière
militaire de Tartous. La formation combat à Rabia, dans la province
de Lattaquié, en janvier 2016. Un combattant du groupe est tué le 8
février 2016. En février, l'unité combat à Kinsabba. Les
commandos semblent collaborer avec le génie dans la pose d'IED pour
tendre des embuscades nocturnes aux rebelles syriens. Le groupe
honore un cadre du Hezbollah, tué au combat en Syrie, qui a
peut-être supervisé la formation de cette unité. Ce cadre n'est
autre qu'Ali Fayyad, tué
en février 2016à Tal Haman dans la province d'Alep, lors des
combats contre les rebelles et l'EI sur la route de Khanasser.
Surnommé Hajj Alaa Bosnia car il avait combattu en Bosnie
dans les années 1990, Fayyad était également un vétéran de la
guerre contre Israël en 2006. Il combattait en Syrie depuis 2012 et
s'était signalé en particulier dans son action contre la poche de
la Ghouta orientale à Damas (la page évoque d'ailleurs ses
opérations dans ce secteur et autour de l'aéroport international de
Damas). Selon certains observateurs, il aurait même dirigé les
forces spéciales du Hezbollah en Syrie. En mars, l'unité
combat dans les montagnes du nord-est de la province de Lattaquié.
Toujours dans les montagnes de Lattaquié, l'unité utilise des
motos. La formation semble avoir au moins une sous-unité
(bataillon). Une photo du 6 mai montre un officier de l'unité, le
lieutenant Mohamed Salloum. Un cliché du même jour montre un
combattant sur un char T-72. Le recrutement s'effectue jusqu'à Hama,
voire plus loin. En mai également, l'unité dénonce les attentats
de l'EI commis dans la bande côtière alaouite, notamment à
Tartous. D'après une publication de juin, on comprend que la milice
dispose bien d'une capacité de génie. En mai-juin, la milice a sans
doute combattu à Khan Touman, au sud d'Alep. D'après un post du 17
juin, Katiba 313 appartiendrait à la 2ème brigade des
commandos syriens. En juillet, l'unité est déployée à Alep. Un
cadre, Issa Mohamed Shaheen, commandant adjoint d'une unité, est
tué. Début août, la milice est déployée dans les appartements
1070 après la contre-offensive rebelle pour lever le blocus d'Alep,
via Ramousseh. En décembre, la milice prend part aux combats pour
réduire la poche rebelle d'Alep-Est. Le 15 décembre, l'unité
annonce la mort de 2 de ses membres : Abdullah Zakaria Hosher de
la province de Lattaquié et Yusuf Ahmed Yousef de la province de
Raqqa. La formation est particulièrement proche d'un officier
supérieur syrien (un colonel sans doute, surnommé Abu Omra Al
Ghali), avec lequel l'administrateur de la page pose souvent :
c'est peut-être le chef actuel de l'unité.
Ali Fayyad, le chef des opérations spéciales du Hezbollah en Syrie, tué en février 2016 à Khanasser, a probablement dirigé l'unité. |
L'administrateur de la page, tenant une MAT-49, à côté de l'officier supérieur (colonel ?) qui apparaît souvent sur ses clichés et qui dirige peut-être l'unité. Alep, décembre 2016. |
Propagande
L'unité
a un premier emblème : un cercle jaune, avec des couronnes de
lauriers sur les côtés et des larmes de sang sur la partie
inférieure, encadre le dôme de Zaynab au centre, lui-même entouré
de 2 AK-47 et surmonté d'un drapeau rouge chiite. Au centre, sous le
dôme, on lit Katiba313 et en-dessous,
al-Maghaweer (commandos).
Dans la partie supérieure du cercle jaune, on lit : « La victoire vient d'Allah, la conquête est proche »,
slogan souvent utilisé par les miliciens chiites. La première
version de cet emblème est le décalque, à l'exception du nom, de
celui de la milice Kataib Sayyid al-Shuhada, milice née en
Syrie en 2013, composée de chiites irakiens, et probablement
paravent pour l'organisation Badr qui envoie ainsi des combattants en
Syrie, ainsi que pour Kataib Hezbollah (la milice est largement financée par l'Iran). En novembre 2016, une
nouvelle version de l'emblème apparaît : un combattant en
tenue complète, avec casque, est à genoux et vise avec son AK-47,
remplaçant le dôme de Zaynab, et l'inscription inférieure dans le
cercle jaune est : « Les forces du commandant martyr
Hajj Alaa Bosnia ». L'unité s'est donc renommée en
l'honneur d'Ali Fayyad, qui l'a probablement dirigée un temps avant
sa mort. Le changement montre le lien étroit entre l'unité et le
Hezbollah. Il est cette fois mentionné aussi sur l'emblème
que l'unité appartient à la 2ème brigade.
L'emblème de Kataib Sayyid al-Shuhada qui a inspiré le premier de l'unité. |
Le 1er emblème de Katiba 313 (avril 2016). |
Le 2ème emblème (novembre 2016). |
Sans
surprise, la page de la formation fait l'éloge de Bachar el-Assad et
de ses proches. En décembre 2015, la page publie des communiqués
militaires du régime et fait un éloge prononcé de Bachar el-Assad
et de son épouse. Elle fête aussi l'anniversaire de Maher el-Assad.
Hafez el-Assad figure en bonne place dans le cortège de louanges. Le
17 décembre, une photo montre 3 hommes faisant le salut militaire
devant une église. Le 28 décembre, deux soldats, un tireur PK et un
tireur RPG-7, s'apprêtent à faire la prière devant leurs tapis :
l'un d'entre eux semble porter des effets de l'armée irakienne (il
s'agit en fait d'une photo datant du printemps 2013, en Irak). Le même jour,
la page prie pour le rétablissement d'un blessé à Idlib. Le
symbole 313, qui fait partie du nom de la formation, revient
souvent : pour les chiites irakiens, il représente le nombre de
commandants militaires ou de soldats devant accompagner le Mahdi
quand il apparaîtra. C'est également le nombre de combattants qui
aurait entouré le prophète lors de la bataille de Badr (624). Le
nombre est très utilisé par les milices chiites (ou alaouites)
aussi bien en Irak qu'en Syrie. Plus généralement, la symbolique
chiite est très présente sur la page, à l'image de certaines
milices irakiennes combattant en Syrie.
Le nombre 313, important dans la symbolique chiite, est très utilisé par l'unité. |
Maher al-Assad. |
Photo prise en Irak au printemps 2013, un chiite et un sunnite priant côte-à-côte, réutilisée sur la page. |
Armement,
matériel, tactiques
La
formation est manifestement très liée au Hezbollah, qui par
l'intermédiaire d'Ali Fayyad, a visiblement constituée cette petite
unité de forces spéciales, davantage infanterie de choc semble-t-il. L'armement est standard : AK-47,
PK, RPG-7, SVD, mais on note la présence d'au moins un fusil
anti-matériel iranien AM 50 (12,7 mm). Les combattants sont parfois
bien protégés comme on l'a dit : casques, gilet pare-balles,
lunettes pare-éclats, qui les font ressembler d'ailleurs aux
fantassins du Hezbollah. L'unité ne semble pas disposer d'un
effectif conséquent, les photos montrent au plus 20 à 30 hommes, ce
qui correspond à la conception « élitiste » qui
semble présider à la formation. A Alep, le 22 décembre 2016,
l'administrateur de la page et membre de l'unité pose avec un
pistolet-mitrailleur français MAT-49, en compagnie de l'officier
supérieur souvent vu avec lui.
L'administrateur de la page Facebook de l'unité avec un AM 50 iranien, montagnes de Lattaquié, printemps 2016. |
Toujours l'administrateur de la page avec un MAT-49, Alep, décembre 2016. |