Merci à https://twitter.com/green_lemonnn pour les traductions et https://twitter.com/ruffthecrimedog et https://twitter.com/MathieuMorant pour l'identification de certaines armes.
Le
parcours du 1er régiment illustre bien le devenir de l'insurrection
syrienne depuis 2015. Issu de Liwa al-Tawhid, autrefois un des
groupes les plus puissants de la rébellion, le 1ee régiment a fini
par rejoindre Fatah Haleb, une des deux coalitions principales
opérant à Alep. « Approuvé » par les
Américains, le 1er régiment fait partie des récipiendaires de
missiles TOW à la fin de l'année 2015. Ce soutien, cependant, n'est
pas suffisant : le 1er régiment lie son chemin à celui de la
Turquie, qui fournit du matériel, puis s'engage à ses côtés après
l'intervention turque en Syrie, Euphrates Shield, à partir du
23 août 2016. Aujourd'hui le 1er régiment combat dans la poche
d'Alep sud-est, au nord de la ville et à l'est, près d'al-Bab, avec
l'armée turque. Celle-ci n'a fourni que des armes légères, sans
doute quelques pièces d'artillerie légère également (mortiers),
des pick-up et un seul véhicule blindé. Cela n'a rien d'un
appui massif et déterminant quand on songe que le 1er régiment
affronte 3 adversaires : le régime syrien à Alep, largement
soutenu par ses soutiens étrangers, les Kurdes de l'YPG, qui
bénéficient du soutien américain contre l'EI, et l'EI lui-même,
qui aligne parfois des moyens matériels autrement supérieurs.
Historique
Le
1er régiment (Al-Fauj al-Awwal) est une formation de rebelles
syriens créée en mars 2015, dirigée par Hassem Kenjo1.
A l'origine, les membres de ce groupe viennent de Liwa al-Tawhid,
une ancienne unité parmi les plus puissantes de l'insurrection
syrienne et centrée sur Alep (qui a fait partie du Front
Islamique)2.
Déliquescente3,
celle-ci se délite, faute de soutien extérieur, depuis l'automne
2013, en une multitude de groupes dont le 1er régiment. Celui-ci a
fait partie du Front du Levant4
jusqu'en mai 2015, avant de rejoindre Fatah Halab, coalition
de groupes rebelles soutenus par les Occidentaux et de formations
islamistes opérant à Alep. Le 1er régiment a également participé
à la formation de la coalition Ansar-al-Charia, créée en
juillet 2015, avec une coloration plus islamiste, mais qui ne
fonctionne plus dès la fin 2015. Il opère essentiellement à Alep
et au nord de la province du même nom, mais on l'a vu aussi
intervenir dans la province de Hama. Il a reçu des missiles
antichars TOW à la fin de l'année 20155.
Le
1er régiment participe aux combats de février 2016, quand le régime
syrien ouvre un corridor au nord-ouest d'Alep vers Zahra et Nubl et
encercle des rebelles dans la poche d'Azaz au nord d'Alep (où se
trouve certains de ses combattants). Un article détaillé sur les
unités rebelles du même mois crédite l'unité d'environ 500
combattants6.
Une analyse plus longue sur les forces rebelles de la province d'Alep
donne quant à lui 1 500 hommes, et souligne les liens de la
formation avec la Turquie, qui chercherait ainsi à avoir des relais
dans le nord de la Syrie. Le 1er régiment dispose d'un « expert »
dans le creusement des tunnels7,
Abou Assad8.
Au mois de mai, le groupe est parmi les signataires d'un texte
demandant à Jaysh al-Islam d'arrêter les combats fratricides
contre les rebelles de Faylaq al-Rahman dans la poche de l'est
de la Ghouta à Damas9.
Le 2 août, lors de l'offensive rebelle pour lever le blocus des
quartiers est d'Alep, le 1er régiment fait sauter un tunnel sous les
positions du régime dans le quartier de Ramouseh10.
Il semble jouer un rôle conséquent au sein de Fatah Halab
pour cette opération11.
Le 22 août, il détruit au missile antichar un BMP-1 du régime dans
le collège technique de l'académie d'artillerie d'Alep. En
septembre 2016, il est à l'offensive pour prendre le quartier
d'Ameriyah à Alep. En octobre 2016, le 1er régiment participe à
l'offensive rebelle au nord de la province de Hama, tirant des
roquettes 9M22U Gradà Tel-al-Syriatel. A partir du 28
octobre, il participe également à l'attaque des rebelles contre les
quartiers ouest d'Alep tenus par le régime. Le 1er décembre 2016,
le 1er régiment intègre Jaysh Halab, la coalition créée en
urgence par les rebelles dans la partie sud-est d'Alep que ceux-ci
contrôlent encore après l'offensive du régime. Comme le montrent
ses vidéos récentes, le 1er régiment combat à la fois dans la
poche au sud-est de la ville d'Alep encore tenue par les rebelles,
mais aussi au nord-ouest d'Alep, et à l'est de la ville, avec
l'armée turque engagée dans l'opération Euphrates Shield,
pour reprendre al-Bab à l'EI.
Idéologie
L'emblème
du 1er régiment est relativement simple : le nom de l'unité,
1er régiment, est surmonté d'un drapeau blanc avec écriture noire
où figure la profession de foi de l'islam (shahada).
En-dessous, en rouge, figure l'inscription « La victoire ou
le martyre ».
Le
groupe dispose d'un compte Twitter12
très actif, d'une chaîne Youtube13
et d'un site Internet, la page Facebook semble en revanche
avoir disparu (il y a sans doute eu, comme souvent, beaucoup de
suppressions successives).
Sur
ses vidéos, le 1er régiment utilise à la fois son logo, couplé à
celui de l'Armée Syrienne Libre, et le logo de Fatah Halab.
Cela vaut pour la ville d'Alep, mais pas sur le front d'al-Bab ou le
logo de Fatah Halab disparaît souvent.
A Alep, le logo de Fatah Halab en haut à droite... |
... qui disparaît sur le front d'al-Bab, à l'est d'Alep, avec l'armée turque. |
Le
10 novembre, le site du 1er régiment publie un article sur les
combattants étrangers servant aux côtés du régime syrien. Il
confirme que la base de la montagne Azzan, à 15 km au sud d'Alep,
est l'une des plus importantes de la région : on y trouve les
chiites irakiens de Nujaba, le Hezbollah, des Iraniens.
Nujaba serait également présent en force à l'académie
militaire, à l'ouest d'Alep, qui serait son QG ; le Hezbollah
serait à Hamdania, et à Zahra et Nubl. A Aziza, au sud d'Alep, on
trouve le QG de Liwa al-Baqir (milice de chiites syriens),
ainsi que des Irakiens chiites, dont Nujaba. Liwa
Fatemiyoun stationnerait dans le quartier industriel de Sheikh
Najjar à l'est d'Alep. L'aéroport d'Alep serait contrôlé par les
Pasdarans et le Hezbollah.
Le
18 novembre, un poster est dédié à un commandant du 1er régiment
tué à Sheikh Saïd, Khaled Najjar. Le 27 novembre, un poster rend
hommage à Hassem Kenjo, le chef du 1er régiment, tué la veille
dans les combats de Sheikh Saïd à Alep-Est.
Armement,
matériel, tactiques
Une
analyse en source ouverte de l'armement, des matériels et des
tactiques employés par le 1er régiment depuis un mois environ
permet d'aboutir à plusieurs conclusions. D'abord, que le soutien
turc est évident : le 1er régiment dispose d'armes neuves
venant de Turquie, des M-16A2 avec viseur ACOG, des mitrailleuses
M240 ou M249 montées sur ses véhicules, un mortier yougoslave et
d'autres pièces d'artillerie venues sans doute de la Turquie, de
même que cette mitrailleuse Zastava
M84 flambant neuve. Le 1er régiment a reçu également, semble-t-il,
un unique véhicule blindé ACV-15 AACP que l'on voit depuis quelques
temps maintenant dans les rangs des groupes rebelles soutenus par la
Turquie dans la province d'Alep. Le groupe dispose également de
nombreux technicals.
L'infanterie se monte à chaque fois à quelques dizaines d'hommes au
maximum. Mais le 1er régiment ne dispose pas de moyens très
lourds : un possible lanceur BM-21 Grad
est visible début novembre mais pas depuis. Rien d'équivalent en
tout cas à la puissance de feu déployée par le régime et même
par l'EI en certaines occasions. Rien d'étonnant à ce que l'unité
privilégie le pilonnage à distance avec ses moyens d'appui,
limités, avant d'engager l'infanterie souvent derrière les
véhicules qui ouvrent la voie. La discipline de feu n'est pas très
respectée chez les fantassins, mais il y a aussi sans doute
l'intention de faire le coup de feu pour la caméra.
Le
6 novembre, le 1er régiment tire avec un LRM, peut-être un lanceur Grad sur montage improvisé, de nuit,
à Alep.
Le
8 novembre, à l'est d'Alep, le 1er régiment engage plusieurs
technicals : un KPV sur Isuzu, un KPV sur Land
Cruiser, une DSHK sur Isuzu ou Hilux, une M240 sur
Land Cruiser. Il y a plusieurs dizaines de fantassins :
on retrouve une M240 et plusieurs hommes armés de M-16. Un sniper
opère sur un vieux Mosin Nagant 1891/30 avec lunette plus récente
que celle d'origine et quelques modifications.
Mitrailleuse M240 sur Land Cruiser. |
Sniper avec un vieux Mosin Nagant 1891/30 équipé d'une lunette de visée plus récente que celle d'origine. |
Le
9 novembre, un mortier moyen (peut-être un vieux mortier soviétique
PM-41 de 82 mm) pilonne les positions du régime sur la colline de
Mutah, au sud d'Alep.
Le
10 novembre, une vidéo montre un VBIED de l'EI arrêté par les
technicals du 1er régiment à l'est d'Alep, et le kamikaze
s'enfuyant à pied. Dans les combats, l'unité engage un technical
avec KPV et une dizaine de fantassins soutenus par un technical
avec une M240.
Le
12 novembre, un convoi du 1er régiment monte au combat contre l'EI à
l'est d'Alep. Le groupe dispose d'au moins 3 technicals (un
KPV, un autre KPV protégé par un bouclier, un ZU-23) Plusieurs
dizaines de fantassins sont engagés.
Le
14 novembre, le 1er régiment tire au missile TOW 2A sur une position
du régime à Alep.
TOW 2A. Le 1er régiment en a reçu à partir de la fin 2015. |
Le
15 novembre, un convoi d'au moins 5 véhicules (dont 2 technicals :
Isuzu avec DSHK et Land Cruiser avec DSHK) monte au
front d'al-Bab.
Le
17 novembre, un Land Cruiser avec ZPU-2 et un mortier moyen
(81-82 mm) tirent de nuit sur les combattants du régime qui
cherchent à avancer à Sheikh Saïd. Un canon sans recul SPG-9 est
utilisé pour des tirs « en cloche » sur des
positions du régime au sud d'Alep. Le 1er régiment montre un de ses
snipers en action, qui abat 3 combattants adverses et en
blesse peut-être un autre avec un SVD. Le 1er régiment est
également présent au nord d'Alep où il combat les Kurdes de
l'YPG : technical avec KPV, plusieurs dizaines de
fantassins.
Sniper sur SVD Dragunov. |
Le
20 novembre, le 1er régiment tire avec son lanceur TOW 2A sur une
position du régime.
Le
21 novembre, un mortier moyen M69A de 82 mm yougoslave tire sur les
positions du régime à Sheikh Saïd (Alep-Est).
Le
22 novembre, une vidéo filme un canon sans recul SPG-9 en action à
Sheikh Saïd (Alep-Est).
Une
vidéo du 23 novembre montre les combats contre l'EI à l'est d'Alep.
Le 1er régiment engage une infanterie de plusieurs dizaines
d'hommes, un Land Cruiser avec bitube ZU-23, un Hilux
avec KPV protégé par un bouclier en forme de porte. L'infanterie
dispose d'une mitrailleuse Zastava M84 (copie yougoslave de la
PK) et d'une M249.
Au fond, un mitrailleur avec une M249. |
Une Zastava M84 flamblant neuve. |
Une
vidéo montre les combats dans les villages autour d'al-Bab le 24
novembre. Le 1er régiment aligne un ZU-23 monotube sur Land
Cruiser, un Isuzu avec KPV protégé par un bouclier, un
autre KPV sur Land Cruiser, un canon sans recul SPG-9 et
plusieurs dizaines d'hommes.
Engagé
à l'est d'Alep le 25 novembre, le 1er régiment dispose d'un KPV
avec bouclier sur Isuzu et d'un ZU-23 monté sur Land
Cruiser. Une dizaine de fantassins au moins est engagée, avec
mitrailleuse PK, AK-47 et une M249. L'infanterie progresse le long de
bâtiments à côté d'un véhicule blindé ACV-15 turc, que la
Turquie semble donc avoir fourni au 1er régiment, ce qui confirme
les liens avec ce pays. Plus exactement, le 1er régiment a reçu un
ACV-15 AAPC équipé seulement d'une tourelle avec mitrailleuse M2HB
de 12,7 mm, les versions avec canon ou missile antichar étant
opérées uniquement par l'armée turque.
L'infanterie du 1er régiment progresse derrière un ACV-15 AAPC fourni par la Turquie. |
Le
26 novembre, le 1er régiment filme la conquête du village d'Um
al-Ajmi, près d'al-Bab, à l'est d'Alep. L'unité engage un Isuzu
avec KPV/bouclier et un Land Cruiser avec mitrailleuse Type
77/85. L'infanterie comprend plusieurs dizaines d'hommes dont un
tireur PK et un fantassin avec M-16A2 avec lunette ACOG. On voit une
escouade de 10 hommes à la fin de la vidéo.
M16A2 avec viseur ACOG. |
Le
27 novembre, une batterie d'au moins deux mortiers moyens (81-82 mm)
pilonne les positions du régime à Zahra, au nord-ouest d'Alep. Ce
même jour, avec un lanceur TOW 2A, le 1er régiment frappe à Tel
al-Syriatel (Aziza) un char « T-90 » (en fait
T-72B) qui ne semble pas complètement détruit, et qui a déjà été
touché par un missile.
Le
29 novembre, le 1er régiment tire sur une colonne au sud d'Alep,
Al-Syriatel, avec un lanceur pour roquettes Grad (122 mm)
artisanal monté sur trépied.
Le
1er décembre, le 1er régiment utilise au combat, à Sheik Saïd, un
Land Cruiser avec ZPU-2 protégé par un bouclier et un canon
sans recul SPG-9. Une autre vidéo montre l'emploi d'une mitrailleuse
lourde Type 77/85 à l'intérieur d'un bâtiment et du même SPG-9. A
l'est d'Alep, sur le front d'al-Bab, les combattants ouvrent des
boîtes de munitions en 7,62x39 mm (celles pour l'AK-47) et
installent les munitions de 14,5 mm pour un KPV monté sur Isuzu,
protégé par un bouclier, qui ouvre le feu. Ils tirent aussi avec
une mitrailleuse Type 77/85 de 12,7 mm. Il y a également un
technical avec bitube ZU-23.
Le
3 décembre, le site de l'unité publie des photos sur la
participation de ses combattants à l'opération Euphrate Shield,
à l'est d'Alep, aux côtés des troupes turques. Un mortier moyen
(81-82 mm) bombarde les positions du régime à Aziza (sud-est
d'Alep).
Le
4 décembre, le 1er régiment utilise un lance-roquettes artisanal,
monté sur trépied, pour tirer des roquettes Grad (122 mm)
sur les positions du régime à Aziza, au sud d'Alep. Le même jour,
il bombarde au mortier moyen (81-82 mm) les forces du régime près
de la base aérienne de Nayrab. Il tire aussi un missile antichar
Fagot contre une position fortifiée avec mitrailleuse lourde
KPV de 14,5 mm à Zahraa, au nord-ouest d'Alep.
Lance-missiles antichars Fagot en action à Alep. |