La
synthèse n°8 récapitule les vidéos 36,
37,
38,
39
et 40
de propagande militaire de l'EI étudiées avec le questionnaire.
Le
partage est toujours plus équilibré entre les théâtre irakien et
syrien. Ici l'Irak domine encore, comme
dans l'échantillon précédent, avec 3 vidéos, mais la Syrie en
a 2. Cela confirme que la situation en Irak n'est pas bonne alors
qu'à l'inverse les 2 wilayats syriennes sont parmi les plus
productives en vidéos militaires depuis quelques temps. Il faut
noter pour l'Irak le retour de la wilayat Diyala, pas vue depuis
longtemps, et celle d'al-Anbar qui n'avait pas livré de vidéo
depuis un certain temps. La wilayat Kirkouk par contre est une des
plus productives depuis quelques mois en Irak. En Syrie, on retrouve
de nouveau la wilayat Halab, souvent présente ces derniers mois, et
la wilayat Homs qui elle aussi fournit beaucoup de vidéos de
propagande militaire à l'EI.
L'écart
entre les opérations montrées dans les vidéos et la mise en ligne
de celles-ci est toujours important. A Kirkouk, on est probablement
dans la moyenne de 3 semaines à un mois d'écart. A Al-Anbar l'écart
est plus conséquent : 2 à 3 mois, preuve que l'EI conserve des
vidéos de ses opérations pour faire des réserves et en avoir
suffisamment sur un temps long. A noter aussi que ce montage est
particulièrement long ce qui confirme une tendance récente (moins
de vidéos mais plus longues pour certaines wilayats). A Homs,
l'écart est de un mois et demi à deux mois, un peu moins important
donc.
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Escouade sortant d'une maison-wilayat Halab. |
La
variété des types de vidéos recoupe les différences entre les
théâtres d'opérations. A Kirkouk, l'EI montre des raids motorisés
de faible ampleur avec des moyens limités. A Halab, l'EI montre la
défense de Manbij face aux SDF : il s'agit d'un combat défensif en
milieu urbain ou suburbain. Le changement à al-Anbar par contre est
conséquent : l'EI semble y revenir de plus en plus, à l'image
d'autres wilayats irakiennes, à des tactiques d'insurrection, les
moyens sont beaucoup moins conséquents. A Homs au contraire, l'EI
conserve une dimension semi-conventionnelle : tout en repoussant les
assauts du régime et en maintenant une défense active, il
contre-attaque avec des moyens qui restent importants. A Diyala, le
passage à l'insurrection n'est pas une nouveauté mais on en
l'éclatante illustration : utilisation d'IED, assassinats ciblés de
nuit, attaques de faible envergure contre des objectifs limités,
etc. Globalement, on ne peut que constater l'évolution très rapide
de l'EI : en difficulté sur le théâtre irakien, il repasse
progressivement à un mode insurrectionnel/terroriste, alors qu'en
Syrie, bien qu'il vante sa défense de Manbij (finalement reprise en
grande partie par les SDF), il est capable de soutenir un
affrontement plus conventionnel face au régime syrien, pourtant
soutenu par les Russes.
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2 tireurs PK en tir couché - wilayat al-Anbar |
Les
capacités de l'EI tiennent aussi à la diversité des adversaires
rencontrés sur les deux théâtres. A Kirkouk, il cible à la fois
l'armée mais aussi la police fédérale irakienne, adversaire
nettement plus à sa portée dans le cadre de tactiques
d'insurrection. A Halab, bien que le siège soit mené par les SDF,
l'EI insiste particulièrement sur son combat contre les YPG, milice
kurde du YPD. A Al-Anbar, de la même façon qu'à Kirkouk, l'EI a
tendance à se choisir des adversaires de moindre envergure comme la
police fédérale, plus facile à viser dans le cadre de moyens
devenus plus insurrectionnels. A Homs, l'EI insiste particulièrement
dans cette vidéo sur le soutien russe au régime syrien : bien que
ce dernier soit abondamment filmé (véhicules détruits, morts,
prisonniers), la caméra s'attarde sur le véhicule russe Gaz Tigr
pris dans une embuscade et la fin de la vidéo est toute entière
consacrée au crash d'un hélicoptère de combat russe Mi-35 le 8
juillet dernier. A noter d'ailleurs que la vidéo de l'EI ne montre
rien qui permette de déduire que le groupe ait abattu l'hélicoptère.
A Diyala, l'EI repassé en insurrection vise davantage les cadres du
gouvernement irakien comme la police fédérale, ou la mobilisation
populaire, que l'armée à proprement parler.
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Drapeau des YPG sur un bâtiment de Manbij-wilayat Halab. |
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Gaz Tigr russe en fuite - wilayat Homs. |
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Mi 24/25 russe - wilayat Homs. |
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Mi-24/25 russe - wilayat Homs. |
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Le Mi-35 crashé survolé par un Mi-24/25 - wilayat Homs. |
Les
effectifs, comme toujours, sont proportionnés au type d'opération
selon la wilayat. A Kirkouk, les raids motorisés ne mobilisent que
quelques dizaines d'hommes au maximum. A Halab, en combat urbain,
l'EI n'aligne pas de moyens considérables mais les escouades de
combat restent autour de la dizaine d'hommes. A Al-Anbar, les
opérations visibles n'impliquent à chaque fois que quelques
dizaines d'hommes au maximum. Les effectifs sont sans doute les plus
nombreux à Homs : plusieurs dizaines d'hommes au moins, notamment
pour les opérations offensives. A Diyala, la plupart des opérations
montrées ne requièrent qu'un nombre d'hommes très réduit, sauf
dans le cas d'un assaut sur une position fixe ou quelques dizaines
d'hommes sont probablement engagés.
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Groupe de combat avec tireur RPG-7 - wilayat Diyala. |
Les
moyens d'appui sont de plus en plus limités et confirment le
sentiment général d'un retour progressif à l'insurrection, sauf
dans certaines wilayats. A Kirkouk, seuls sont utilisés un mortier
lourd et un mortier léger artisanal, ainsi qu'un lance-missiles
antichars Fagot pour frapper un char T-72. A Halab, l'EI utilise des
moyens mobiles en combat urbain : mitrailleuse DSHK, mortier de 120
mm, mortier léger artisanal, lance-roquettes artisanal pour
roquettes de 107 mm, canon sans recul de 106 mm, et lance-missiles
antichars. A Al-Anbar, seules des roquettes artisanales sont
utilisées. La wilayat Homs, d'ordinaire peu avare en moyens d'appui,
ne montre cette fois qu'un lance-missile antichars Konkurs qui
incendie un char T-72. A Diyala, outre un mortier lourd de 120 mm et
un lance-roquettes artisanal, la wilayat met surtout en oeuvre des
IED, preuve d'une tactique renvoyant à un contexte insurrectionnel.
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Lance-missiles antichars Fagot-wilayat Kirkouk |
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Canon sans recul de 106 mm sur Toyota Land Cruiser-wilayat Halab |
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Lance-missiles antichars Konkurs-wilayat Homs |
La
gamme des véhicules demeure un peu plus importante que les moyens
d'appui mais là encore on note des différences sensibles selon les
wilayats. A Kirkouk, les convois de véhicules comprennent surtout
des Toyota Hilux pour le transport de combattants mais relativement
peu de technicals (1 ou 2). A Halab, pour la défense de Manbij,
outre le pick-up embarquant un canon sans recul, on observe qu'un
seul autre technical probablement armé d'un ZPU-2 utilisé en tir
tendu pour le combat de rues. A Al-Anbar, malgré le glissement
progressif vers l'insurrection, on retrouve davantage de véhicules
ce qui correspond aux moyens généralement assez importants de cette
wilayat : véhicule de combat improvisé avec plaques de blindage,
Humvee surblindé, technicals (Toyota Hilux) avec ZU-23 ou KPV. Comme
toujours, ce n'est qu'en Syrie que l'EI engage des blindés : on peut
voir cette fois à Homs un char T-72, un char T-55 ainsi qu'un
véhicule blindé BMP-1 utilisé pour le transport de troupes. La
wilayat aligne également un grand nombre de technicals : KPV/ZPU-2,
bitube ZU-23, camion avec canon AA de 37 mm M1939 et deux camions
embarquant des canons AA S-60 de 57 mm, tous utilisés en tir tendu.
A Diyala, il n'y a que deux technicals, un Hilux avec DSHK et un
camion avec KPV : en revanche, pour l'assaut sur une caserne, la
wilayat engage un M113 de prise avec mitrailleuse Type 77/85 en
tourelle, la dimension semi-conventionnelle n'a donc pas toujours
disparu.
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ZU-23 monotube sur Hilux-wilayat al-Anbar |
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A côté du Hilux, un Humvee surblindé-wilayat al-Anbar |
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Hilux portant un KPV protégé par un bouclier-wilayat al-Anbar |
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Char T-72 - wilayat Homs. |
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ZPU-2 sur Land Cruiser - wilayat Homs. |
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S-60 sur camion - wilayat Homs. |
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BMP-1 transportant les inghimasiyyi ; au fond à gauche un char T-55 - wilayat Homs. |
2
vidéos sur les 5 ne montrent pas de kamikaze sur VBIED. Les 3 autres
concentrent pas moins de 12 VBIED. 7 kamikazes sur les 12 sont
identifiés : on compte 4 Syriens, 1 Tunisien, 1 Egyptien, et un
autre dont la kunya est difficile à déterminer. On remarque de
nouveau que les locaux restent majoritaires, même s'il y a toujours
des étrangers. Les VBIED sont pour la plupart des pick-up renforcés
de plaques de blindage : on note toutefois 2 camions renforcés de la
même manière, ce qui est probablement un M113 (al-Anbar) et un
vieux BRDM-2 (Homs). A Halab, pour la défense de Manbij, les VBIED
sont utilisés pour frapper des bâtiments où stationne l'adversaire
(1 VBIED) mais aussi pour préparer une attaque (2 VBIED se jettent
successivement sur le même objectif, avant l'assaut de
l'infanterie). A Al-Anbar, 2 VBIED sont lancés sur un dépôt de
munitions et de véhicules, seuls, sans attaque ultérieure. Un autre
VBIED en revanche, celui piloté par le Tunisien, explose sur une
installation de l'armée ou de la police pour préparer un assaut au
sol. A Homs, les VBIED servent à harceler l'adversaire en se jetant
sur des positions ou des véhicules. Cas rare, l'EI a récupéré sur
un combattant du régime syrien une vidéo filmée par ce dernier
montrant l'explosion d'un VBIED au milieu de véhicules, ce qui donne
une idée des dégâts que peut occasionner ce genre d'attaques.
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1er VBIED explosant sur l'objectif d'un assaut à Manbij-wilayat Halab |
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2ème VBIED sur le même objectif-wilayat Halab |
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Le Tunisien qui jette son VBIED sur une position fixe pour préparer un assaut de l'infanterie-wilayat al-Anbar |
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VBIED du kamikaze égyptien : pick-up avec plaques de blindage artisanal - wilayat Homs. |
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Un combattant du régime syrien filme l'explosion du VBIED à quelques mètres de lui, vidéo récupérée par l'EI - wilayat Homs. |
Les
vidéos de l'échantillon montrent assez bien les groupes de combat,
escouades utilisées par l'EI. A Kirkouk, les groupes de combat sont
dans la norme de 7 ou 8 hommes, mais relativement bien armés :
parfois 2 mitrailleurs PK par groupe (avec arme individuelle dans le
dos), 1 tireur RPG-7. On peut voir aussi un tireur sur RPK à
lunette. Il y a également un groupe de 2 tireurs d'élite sur SVD
Dragunov. A Halab, pour la défense de Manbij, l'EI emploie au moins
un sniper en combat urbain. Les groupes de combat sont assez étoffés,
avec au moins une dizaine d'hommes dont un tireur PK et un tireur
RPG-7 -les escouades renforcées en combat urbain sont toujours la
norme chez l'EI. A Al-Anbar, il faut noter ce groupe de combat avec 2
tireurs PK, 2 tireurs RPG-7 et un homme portant un lance-roquettes
monocoup sur 8 combattants. Pour un des assauts, il semble y avoir
deux groupes de combat engagés (ou 3) avec une vingtaine d'hommes en
tout. L'armement reste classique : AK-47 ou M-16, mitrailleuse PK et
lance-roquettes antichars RPG-7, qui prend à parti les véhicules. A
Homs, l'armement est standard mais on note que ce sont des
inghimasiyyi qui sont transportés par BMP-1 pour un assaut sur une
position fixe du régime (groupe d'une dizaine d'hommes au moins,
bien armés). A Diyala, les escouades sont classiques avec 7 à 10
hommes armés de manière standard. On note toutefois la présence
d'un M79 Osa lors de l'assaut d'une caserne et le transport d'une
escouade par M113. L'EI a aussi des groupes de tueurs qui abattent
leurs cibles de nuit avec des armes munies de silencieux (fusils
d'assaut/mitraillettes ou pistolets).
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RPK à lunette - wilayat Kirkouk |
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Tireur PK-wilayat Halab |
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Tireur AK-47-wilayat al-Anbar |
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Tireur AK-47-wilayat Kirkouk |
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Tireur RPG-7-wilayat al-Anbar |
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Groupe de combat-wilayat Diyala. |
Toutes
les vidéos de l'échantillon montrent des destructions de véhicules
adverses. A Kirkouk, peut-être 2 Humvees sont détruits de même
qu'un ou deux véhicules de la police fédérale. A Halab, un
bulldozer et un véhicule léger sont incendiés. A Al-Anbar,
plusieurs véhicules de l'armée sont détruits dans un assaut, dont
un BTR-80U ou 94 ; 2 Humvees sont également détruits dans une autre
attaque, et dans une troisième ce sont un BAE
Caiman
et un Navistar MaxxPro ainsi que plusieurs Humvees qui sont
incendiés. A Homs, l'EI détruit un char T-72 à coup de missile
antichar, 2 autres chars, des T-62, sont également vus détruits. A
Diyala, plusieurs pick-up de la police fédérale, 2 Humvees, un ILAV
Badger sont à rayer des effectifs de l'armée ou de la police
irakienne.
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BAE Caiman à droite, Navistar MaxxPro à gauche.-Wilayat al-Anbar |
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T-72 incendié par un missile Konkurs - wilayat Homs. |
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Char T-62 détruit - wilayat Homs. |
Le
butin de l'échantillon est singulièrement limité par rapport au
précédent. A Kirkouk, seuls un Humvee et un véhicule de la police
fédérale sont pris. A Halab, ce sont quelques armes individuelles
(7 AK) et collectives (2 mitrailleuses PK). A Al-Anbar, l'EI s'empare
de plusieurs véhicules : Humvee avec arme de tourelle, technical
avec KPV, pick-up, camion, un autre technical avec KPV et un Humvee
avec KPV ; et d'un certain nombre d'armements : AT-4, roquettes de
RPG-7, AK, obus de mortiers, mitrailleuse MG3, mitrailleuse DSHK sur
affût. A Homs, l'EI s'empare d'un char T-55, d'armes légères et
collectives et de nombreux lance-roquettes antichars (7 à 10). A
Diyala, seul un véhicule est capturé, un technical avec KPV.
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Char T-55 capturé - wilayat Homs. |
Sur
les 5 vidéos, seules 2 montrent un nombre important de morts
adverses. 4 corps de soldats irakiens sont filmés à Kirkouk. A
Halab, en combat urbain, 6 corps adverses en tout sont visibles. La
vidéo d'al-Anbar ne montre que deux corps, ce qui est peu au vu du
montage très long et des nombreuses opérations restituées. Comme
toujours, c'est le régime syrien qui souffre le plus : la vidéo de
Homs montre 16 corps de combattants du régime en tout et 5
prisonniers. La vidéo de Diyala montre 26 corps au moins et
plusieurs prisonniers mais il ne faut pas oublier qu'elle montre des
opérations probablement assez étalées dans le temps.
Plusieurs
vidéos de l'EI montrent des morts ou des blessés. La vidéo de la
wilayat Kirkouk rend homme à Harit Al 'Alami (dont le nom est donné
à un raid) à Abou Afrah Al Ansari et Abou Aisha Al Kurdi,
combattants tués. A Al-Anbar, outre un blessé ramené vers un
véhicule durant un assaut, la vidéo rend hommage à des cadres tués
par la coalition : Omar al-Shishani, Abou Ali al-Anbari et surtout
Khalid Khalaf, un cadre de la wilayat tué dans une frappe américaine
et dont la biographie est retracée dans la vidéo. A Homs, on peut
voir un servant de mitrailleuse PK tué d'une balle en plein combat.
Les
vidéos de l'EI utilisent fréquemment les séquences filmées avec
caméras GoPro sur le front des combattants ou par drone. Dans la
vidéo de Kirkouk, pour la première fois, à la fin d'un combat
nocturne, un combattant de l'EI menace directement la France
d'attaques sur son territoire. Cet échantillon utilise également
beaucoup d'images d'archives, de l'EI ou de son prédécesseur l'Etat
Islamique en Irak puis l'EIIL. Outre les discours des chefs incrustés
dans les vidéos, seule la vidéo de Kirkouk insiste sur l'aspect
religieux en montrant des combattants en prière.