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Tactiques militaires de l'EI-Synthèse 1

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Comment analyser les tactiques militaires de l'EI ? Travaillant sur l'analyse de leurs vidéos militaires depuis plus de six mois désormais1, la meilleure solution m'a paru être de partir de cas concrets pour en tirer des conclusions plus générales. Pour ce faire, j'ai dressé un questionnaire-type que j'applique maintenant à chaque vidéo militaire de l'EI, afin de la renseigner au mieux. Le passage des 5 premières vidéos (janvier-février 2016) par ce questionnaire-type permet de dresser une esquisse des tactiques employées par l'EI. Dans cette démarche, je m'appuie sur un article récent du CTC Sentinel2écrit par un véritable spécialiste, ce que je ne suis pas. Il est évident, en effet, que davantage de lectures me sont nécessaires pour déterminer en particulier les origines des méthodes de combat employées par l'EI que l'on peut observer à travers leurs vidéos.




Les chevaliers de la victoire - épisode 6 (wilayat Falloujah)


Cette vidéo a été mise en ligne le 26 janvier 20163. Elle évoque une opération qui a manifestement eu lieu le 1er janvier précédent, dans le secteur de Saqlawiyah, ville au nord-ouest de Falloujah, dans la province irakienne d'al-Anbar, que l'armée irakienne tente de reprendre à l'EI. Ce dernier attaque une installation fixe de l'armée irakienne, probablement une caserne défendue par une petite garnison. Les défenseurs disposent de véhicules (plusieurs Humvees) et surtout d'un char T-72 qui va donne du fil à retordre aux attaquants. Ils sont appuyés par des appareils américains (1 A-10, 1 C-130J-30) et irakiens (1 Su-25).

 

Pour attaquer cet objectif, l'Etat Islamique engage quelques dizaines d'hommes, dont au moins un tireur RPG-7, plusieurs tireurs à la mitrailleuse PK et au moins un tireur d'élite avec SVD Dragunov. La caserne est bombardée avec un canon sans recul SPG-9 porté à l'épaule par un combattant, par un mortier de 82 mm et un autre léger de 50/60 mm. Le T-72 est engagé par le SPG-9 et le tireur RPG-7 (sans succès). Au crépuscule, l'EI engage des inghimasi qui font partie du groupe d'assaut : l'un se fait sauter avec sa ceinture explosive contre le char T-72 et un autre également à l'intérieur de la caserne. En appui, le groupe d'assaut dispose aussi d'une mitrailleuse M2HB et d'une mitrailleuse DSHK de 12,7 mm, bien protégées derrière des positions de sacs de sable, qu'il va changer plusieurs fois de position. Le groupe d'assaut engage un bulldozer blindé pour ouvrir la voie à ses fantassins dans l'installation. Les défenseurs font sauter une chaîne d'IED devant lui, sans le détruire, mais le bulldozer ne peut accomplir sa tâche et se replie. Un canon de KPV de 14,5 mm monté sur pick-up prend pour cible les appareils venant soutenir les défenseurs. Un kamikaze irakien sur VBIED est alors lancé sur camion protégé par un blindage artisanal pour ouvrir la voie dans l'installation : il explose contre celle-ci, mais le groupe d'assaut ne peut emporter la place -la fin de la vidéo sur l'investissement et le butin semble être un montage à partir d'images anciennes.


 


Cet exemple nous montre d'abord que l'Etat Islamique, à l'offensive, n'hésite pas à attaquer un objectif en infériorité numérique. Ici nous ne connaissons pas la taille de la garnison mais le ratio est au plus de 1 contre 1 et probablement légèrement en défaveur de l'EI4. L'organisation a donc du mal à se départir des habitudes héritées de l'époque de la guérilla en Irak, alors même qu'elle mène un type de guerre différent. Ce qui est intéressant ici, c'est l'emploi des inghimasi avant le VBIED, configuration assez rare dans les choix tactiques de l'EI. Les inghimasi sont les troupes de choc de l'EI, revêtus de ceintures d'explosifs qu'ils font exploser si besoin est (ce qui est le cas ici pour deux d'entre eux au moins), entraînés pour le combat rapprochés et pour s'emparer de positions difficiles comme les points fortifiés. Généralement ils suivent l'emploi du ou des VBIED programmés pour ouvrir l'attaque. Ici, ils sont lancés directement sur l'installation probablement pour neutraliser le char T-72 qui semble avoir gêné l'assaut de l'EI. On note aussi que les 2 inghimasi morts au combat sont un Syrien et un Irakien, ce qui tranche avec l'idée que les inghimasi sont pour beaucoup des combattants étrangers (en tout cas ici ce sont des locaux que l'EI choisit de mettre en avant, c'est à remarquer). Autre apport tactique intéressant, l'emploi d'un bulldozer blindé non comme VBIED comme cela arrive de plus en plus désormais, mais comme engin de génie destiné à ouvrir la voie aux inghimasi. Malgré l'échec final probable de l'assaut, on note la souplesse tactique de l'EI puisque même les schémas "classiques" d'emplois des forces peuvent être modifiés en fonction des circonstances.

 


Le raid des Vautours - Wilayat al-Anbar


Cette vidéo publiée le 3 février 20165 est un montage montrant en particulier deux séquences importantes : la première concerne des attaques avec VBIED menées à 70 km à l'ouest de Ramadi, dans la seconde quinzaine de janvier probablement, et la seconde montre l'assaut d'un petit poste près de Nukhayb, plus au sud, à moins de 100 km de la frontière saoudienne, le 4 janvier ou peut-être plus tôt, en décembre 2015. Les attaques avec VBIED visent manifestement la police fédérale irakienne tandis qu'à Nukhayb c'est l'armée qui semble ciblée.

 

A l'ouest de Ramadi, l'EI engage 3 VBIED (deux pick-up blindés artisanalement et un camion-benne lui aussi renforcé avec du blindage artisanal) pilotés par 2 Irakiens et 1 Syrien. Ils sont lancés successivement tous les 3 contre le même objectif, des positions de la police fédérale. Leur progression est couverte par les tirs de 2 mitrailleuses PK. Il y a également en soutien deux technicals, l'un avec un canon KPV de 14,5 mm et l'autre avec un canon ZU-23 monotube.

 

Contre le petit poste de l'armée à Nukhayb, le groupe d'assaut de l'EI se compose d'au moins une douzaine d'hommes et d'au moins 2 technicals (l'un avec canon KPV de 14,5 mm, l'autre avec bitube ZU-23 de 23 mm). Le groupe d'assaut lance un VBIED (un pick-up renforcé de blindage artisanal) piloté par un Syrien qui se jette contre le poste. Il est suivi par des inghimasi dont l'un déclenche également sa ceinture d'explosifs dans ou à proximité de l'installation. Les dégâts sont considérables : on peut voir au moins 3 Humvees détruits par les explosions. Les hommes de l'EI qui pénètrent dans la position n'ont qu'à achever le dernier survivant.

 

Ce deuxième exemple nous permet de revenir sur le rôle des VBIED pour l'EI6. Avec les attaques à l'ouest de Ramadi, on voit que l'héirtage de l'armée irakienne de Saddam Hussein, qui privilégie dès l'après-guerre du Kippour (1973) la puissance de feu, s'est maintenu. L'EI utilise une vague de VBIED (3 ici) pour pallier l'absence de blindés ou d'artillerie, qu'il peut posséder ailleurs et utiliser en lieu et place des VBIED, ou combinés à ceux-ci. La rigidité de l'armée irakienne de Saddam se retrouve dans la désignation d'objectifs fixes qui restent la cible des VBIED et qui ne changent pas au cours de l'opération : dans notre cas les 3 explosent quasiment au même endroit sur les positions de la police fédérale. Dans la deuxième séquence montrant l'assaut du poste de Nukhayb, nous avons par contre un assaut "type" de l'Etat Islamique : le VBIED ouvre la voie pour pallier le manque d'artillerie ou de blindés, il est suivi par les inghimasi dont un au moins se fait exploser à proximité ou dans la position, et l'infanterie n'a plus qu'à achever le travail (les dégâts des explosions étant ici particulièrement considérables ; il n'y a qu'un seul survivant, vite éliminé).


A l'ombre des épées - Wilayat Homs


Cette vidéo publiée le 9 février 20167 est un gros montage de séquences tournées sur le front de Palmyre, à différents endroits. Des tirs de missiles antichars correspondent à des images de novembre-décembre 2015. Un assaut sur des positions du régime a eu lieu les 12-13 janvier 2016 à al-Dawaa, à quelques kilomètres à l'ouest de Palmyre. Une autre attaque de positions du régime prend à Qasr al-Halabat, à 20 km au sud-ouest de Palmyre. L'Etat Islamique fait face ici au régime syrien : on ne voit que des fantassins en action hormis lors des tirs de missiles antichars et lors des vues du butin. Le régime est soutenu par les Russes : lors de l'assaut sur les positions d'al-Dawaa, 2 Su-24 Fencer bombardent les positions de l'EI. A Qasr al-Halabat, ce sont deux hélicoptères de combat Mi-24P Hinds qui attaquent les combattants de l'EI, l'un tirant des salves de roquettes tandis que l'autre le couvre, selon une tactique souvent vue à l'oeuvre depuis leur intervention en Syrie.


L'EI engage des équipes de tireurs antichars avec lance-missiles pour frapper des véhicules du régime. Une équipe avec un lanceur 9K111 Fagot (AT-4 Spigot) comptant 3 hommes (tireur, observateur et pourvoyeur) frappe un pick-up. Une autre équipe (ou la même) avec Spigot touche un char T-55. Une autre équipe avec un lanceur 9K113 Konkurs (AT-5 Spandrel) envoie un missile sur une position du régime comptant plusieurs tentes, Toyota LandCruiser et 3 pick-up. Le missile frappe le Land Cruiser ; puis un second détruit l'un des pick-up. Un autre tir de missile (on ne voit pas le lanceur ; d'après des photos publiées avant la vidéo, il s'agit peut-être cette fois d'un HJ-8) touche un char T-55 qui précède un BMP-1. On voit un autre char en train de brûler (peut-être le T-55 touché juste avant dans la séquence).

 


L'EI montre également son artillerie en action sur ce front. On voit un canon D-30 de 122 mm en train de faire feu, ainsi que 2 mortiers bien protégés derrière des positions défensives et 1 "canon de l'enfer".

 

L'assaut sur les positions du régime à al-Dawaa engage des effectifs des moyens assez conséquents. On peut voir sur les positions de départ de l'EI un char T-55, un char T-72, un BMP-1 détourellé servant de transport de troupes à des inghimasi. Il y a également un bulldozer qui a sans doute aménagé les levées de terre visibles et des pick-up dont un porte des barrils d'essence sur la plate-forme arrière (sans doute un véhicule pour le ravitaillement en carburant). Le T-55 part en tête suivi par le BMP-1. On voit ensuite le T-72 progresser vers les positions du régime, tirant 3 obus de 125 mm et avec sa mitrailleuse coaxiale simultanément. Le T-72 tire encore 2 obus pour couvrir l'approche de fantassins débarqués d'un pick-up vers une des positions du régime protégée par des empilements de caisses de roquettes Grad. Un ZU-23 monté sur Toyota Land Cruiser tire également sur cette position. Le groupe de combat de l'EI qui monte à l'assaut comprend un groupe avec tireur PK et pourvoyeur, tireur d'élite avec Steyr SSG 69 et observateur. Il y a également une 2ème équipe PK ainsi qu'un tireur RPG-7. Le tireur d'élite fait feu sur les hommes du régime qui se montrent en dehors des protections défensives de leurs positions. Un combat rapproché s'engage sur l'une des positions du régime, les deux camps s'expédient des grenades ; les défenseurs font intervenir de l'artillerie légère (mortiers probablement). La position est finalement prise par les combattants de l'EI. On voit plusieurs corps de combattants du régime, dont un qui est décapité par les vainqueurs. Le butin matériel est impressionnant : outre un fusil d'assaut AK-74 avec lance-grenades et un fusil de précision SVD, les combattants de l'EI s'emparent de caisses de munitions (dont du 7,62 mm), d'un canon sans recul M40 iranien de 106 mm avec munitions, d'un lanceur improvisé DIY IRAM avec ses roquettes (fabriqués à partir de roquettes de 107 mm iraniennes semble-t-il), d'un pick-up Toyota Tacoma, d'un guntruck, doté d'un blindage improvisé, de verrins de stabilisation hydraulique, et dont le canon S-60 AZP de 57 mm est également protégé de plaques de blindage, et de 2 chars T-55M dont l'un évacué sur un porte-chars. On voit également ensuite des munitions de 14,5 mm, un mortier léger iranien de 60 mm (HM-12 ou 13) avec ses munitions, au moins 3 missiles 9M111-2 (pour le lance-missile AC 9K111 Fagot), au moins 2 missiles 9M113M (pour le lance-missile 9K113 Konkurs) et un lanceur 9P135 (pour le Fagot).

 

Le combat à Qasr al-Halabat se déroule en zone montagneuse. Le groupe de combat de l'EI progresse vers une hauteur où se trouve une position du régime : il comprend un tireur PK, un tireur RPG-7 et un tireur d'élite sur SVD Dragunov. Les fantassins de l'EI sont pris à partie par 2 Mi-24P russes mais ont des positions protégées avec sacs de sable. Ils finissent par prendre la position ennemie et capturent un RPG-7.

 

L'EI utilise désormais régulièrement des équipes antichars mobiles, aussi bien en défense qu'en attaque, pour éliminer des objectifs de haute valeur : chars, véhicules blindés, mais aussi pick-up comme ici, ou positions fortifiées pouvant entraver la progression. Les lanceurs et les missiles eux-mêmes viennent de prises sur le régime syrien (comme à Palmyre en mai 2015, mais aussi dans d'autres batailles :à al-Qaryatayn en août 2015, l'EI récupère des caisses de missiles Kornet) ou sur les rebelles syriens (TOW, très rare cependant, HJ-8, etc) principalement. Quant à l'emploi, il est probable que plusieurs influences croisées ont joué dans la maîtrise de ce type d'armement -avec peut-être celle du contingent "tchétchène". Par la suite, l'EI a eu l'occasion de raffiner les tactiques d'emploi des missiles antichars contre le régime en Syrie, contre les rebelles, sans parler des camps d'entraînement installés en Syrie ou en Irak pour entraîner les équipes de tireurs/observateurs/pourvoyeurs que l'on voit ici à l'oeuvre, par exemple, à Palmyre. On peut remarquer dans cette vidéo, contrairement à la précédente, qu'en l'absence de VBIED pour un assaut, l'EI utilise ses véhicules blindés de prise et les met en avant pour ouvrir la voie à l'infanterie. C'est ici le rôle joué par le char T-72. On est bien dans la ligne des tactiques de l'armée irakienne sous Saddam Hussein8. On note également la présence d'une escouade d'inghimasi mécanisée sur BMP-1 détourellé. L'assaut frontal semble ici privilégié avec des moyens d'appui (artillerie et mortiers) qui sont regroupés. Les escouades de fantassins de l'EI sont souvent lourdement armées : ici le groupe d'assaut contre les positions du régime à al-Dawaa comprend plusieurs mitrailleuses PK, un tireur d'élite et un tireur RPG-7 (souvent les porteurs d'armes lourdes transportent en plus une arme individuelle). On remarque enfin que l'intervention de l'aviation russe ne représente pas une gêne pour les combattants de l'EI : les Su-24 larguent leurs projectiles bien trop loin et les Mi-24, qui constituent une menace plus crédible, n'empêchent pourtant pas les fantassins de progresser sur les pitons rocheux.

 


Le raid sur le village d'al-Azim - Wilayat Diyala


Cette vidéo a été mise en ligne le 15 février 20169. Elle reflète probablement des opérations du mois de janvier. Elle met en scène un raid sur le village d'al-Azim, au nord-ouest de la province de Diyala, près de la province de Salahuddine. La garnison du village semble constituée de miliciens chiites de la mobilisation populaire, disposant de quelques véhicules blindés, de pick-up et de camions pour le transport. Un hélicoptère de combat Mi-35 et un hélicoptère Bell IA-407 de l'aviation irakienne sont filmés par l'EI au-dessus du champ de bataille.

 

Du côté de l'EI, nous avons une colonne motorisée pour le raid de taille réduite mais qui permet, vu les images, d'être assez précis sur sa composition. La colonne comprend au moins 10 véhicules dont 2 technicals avec canon KPV de 14,5 mm, 1 avec ZU-23 monotube de 23 mm et un autre avec mitrailleuse M2HB de 12,7 mm. Un autre canon KPV est monté sur la plate-forme arrière d'un camion léger Kia Motors. En comptant le caméraman et le chef de groupe, la colonne compte au moins 41 hommes, dont 5 tireurs RPG-7, 6 tireurs PK, 14 fantassins avec AK-47 ou dérivés, 3 fantassins avec M-16 et 2 tireurs d'élite sur SVD Dragunov. Tous les hommes sauf 2 (et le chef de groupe) portent un brassard d'identification blanc autour de la tête.


 

Le combat est assez bref. La seule arme d'appui est un mortier artisanal. Le KPV sur camion léger engage les véhicules des miliciens (M113 et Humvee) qui prennent rapidement la fuite, abandonnant un fusil SVD. Les combattants de l'EI font un prisonnier et incendie 2 véhicules, dont un Humvee de couleur sombre (forces spéciales/police irakienne).


 

Cette vidéo montre que dans la province de Diyala, où les milices chiites et les forces de sécurité irakiennes sont intervenues en force pour contrer l'EI dès 2014, l'organisation est capable de revenir à des tactiques de guérilla. Ici, la vidéo montre un raid motorisé mené par une petite colonne littéralement surarmée : 4 technicals sur 10 véhicules, 5 tireurs RPG-7 et 6 tireurs PK sur 40 hommes, sans compter les 2 tireurs au SVD. C'est donc un effet "boule de feu" qui est recherché en concentrant le maximum de puissance de feu sur un objectif réduit (un petit poste local tenu par les miliciens chiites probablement). Manifestement l'EI est également bien renseigné car le groupe d'assaut attaque un adversaire du fort au faible, et les moyens engagés, réduits, permettent de venir aisément à bout d'une résistance minime.





La victoire vient de Dieu et la conquête est proche - Wilayat Shamal Bagdad


Cette vidéo a été mise en ligne le 9 février 201610. Elle montre une opération de l'EI s'étant déroulée le 5 janvier ou avant. L'action se situe au nord de Badgad, à l'ouest du barrage de Samarra d'après les bandeaux de la vidéo. L'EI attaque des positions tenues par des miliciens de l'organisation Badr (dont on voit le logo de la branche militaire sur un bulldozer Fiat Allis capturé par l'EI) encadrés par l'armée irakienne (mobilisation populaire ?) puisqu'un capitaine de l'armée figure parmi les victimes de l'attaque.

 

Le groupe de combat de l'EI comprend plusieurs dizaines d'hommes au minimum (on en voit plus de 20 sur une séquence) avec des escouades de 7 à 8 hommes organisées autour d'un tireur PK et parfois d'un tireur d'élite sur SVD Dragunov. La première position attaquée est bombardée avec 2 mortiers (1 de 82 mm, 1 de 120 mm). Un VBIED (Humvee avec plaques de blindage supplémentaires) piloté par un Syrien est lancé contre cet objectif. Sa progression est appuyée par plusieurs technicals : l'un avec ZPU-2 de 14,5 mm, un autre avec ZU-23 monotube de 23 mm, un autre avec KPV de 14,5 et un dernier avec bitube Type 65 ou 74 de 37 mm AA. Une mitrailleuse DSHK de 12,7 mm et une mitrailleuse PK fournissent également un tir de suppression pour le VBIED. Celui-ci explose au milieu de la position adverse, détruisant plusieurs véhicules (pick-up et camions) et endommageant un camion portant un bitube ZU-23. Les combattants de l'EI investissent la position couverts par le tir du ZU-23 sur pick-up et par les tirs de mitrailleuses PK. Ils mettent la main sur un véhicule léger Safir iranien avec canon sans recul M40 de 106 mm et sur un pick-up aménagé typique des milices chiites irakiennes combattant l'EI. Les fantassins de l'EI prennent ensuite en chasse des fuyards, dont un groupe de 8 hommes, cerné par les hommes à pied et par un groupe transporté en pick-up. Un capitaine de l'armée irakienne, capturé, est égorgé ; un autre homme est exécuté d'une balle dans la tête et criblé de balles. Un cadavre est lardé de munitions. Une dizaine de corps au moins est visible.

 

Les inghimasi (c'est seulement à ce moment-là de la vidéo qu'ils sont nommés ainsi) poursuivent l'attaque contre d'autres positions des miliciens du Badr et de l'armée. Ils sont appuyés par un ZPU-2 sur technical et par le ZU-23 monotube sur technical déjà vu précédemment qui engage notamment le bulldozer blindé Fiat Allis. Celui-ci est finalement abandonné par les adversaires de l'EI. Les hommes de l'EI opèrent avec des escouades de 7 à 8 hommes comprenant une mitrailleuse PK. Les opposants de l'EI finissent par prendre la fuite à bord de leurs véhicules.


 

Cette vidéo montre un assaut "classique" de l'EI. L'absence de blindés ou véhicules blindés conduit à l'emploi d'un VBIED ouvrant la voie à l'assaut sur les positions irakiennes. On remarquera que l'explosion du Humvee kamikaze semble complètement désorganiser ici le dispositif des miliciens chiites irakiens, qui "paniquent" littéralement et s'égaillent dans la nature. Le VBIED, en plus d'être un blindé ou une artillerie de substitution, a donc aussi un rôle psychologique évident dans ce cas précis. Le tir d'artillerie précède l'intervention du VBIED mais les moyens engagés ici sont relativement légers (2 mortiers seulement). Les inghimasi suivent immédiatement après l'explosion du VBIED. Ce qui frappe ici c'est le nombre conséquent de technicals déployés dans l'attaque, avec notamment l'engagement d'un bitube antiaérien de 37 mm. L'exécution des fuyards a probablement pour but de compléter le choc psychologique provoquer par l'explosion du VBIED : il s'agit de terroriser les miliciens chiites en montrant qu'aucun prisonnier n'est fait et que l'EI réserve la mort à tous ceux qui osent prendre les armes contre lui. Là encore, les escouades de fantassins de l'EI sont surarmées (mitrailleuses PK, armes individuelles, tireurs sur SVD Dragunov).

 


Conclusion


Sur le plan militaire, l'analyse des vidéos militaires de l'EI confirme que l'organisation est un objet "inclassable". Ce n'est ni une guérilla ni l'amorce d'une armée conventionnelle, mais un hybride capable d'adapter ses moyens et ses tactiques aux circonstances et surtout à l'adversaire. Dans ses 5 premières vidéos, l'EI fait face 4 fois à l'armée irakienne et/ou aux miliciens chiites, mais n'emploie pas les mêmes tactiques. Quoi de commun en effet entre l'attaque du poste de Saqlawiyah et le raid motorisé dans la province de Diyala ? En Syrie, contre le régime, l'EI met en oeuvre des moyens beaucoup plus conséquents devant Palmyre (blindés, artillerie) mais recourt aux tactiques de guérilla avec ses lance-missiles antichars. Bien qu'héritier des aspects militaires de l'armée irakienne, l'EI mêle en fait dans ses forces armées un conglomérat d'influences diverses. D'autres ont noté sa flexibilité, sa souplesse tactique. Plus intéressant à déterminer peut-être, les origines de ses tactiques et méthodes de combat si l'on excepte l'influence irakienne. Un travail qui reste encore à écrire.



1J'ai commencé en août 2015, en raffinant depuis le plus possible les analyses. Voir liste ici : http://historicoblog3.blogspot.com/p/la-syrie-cest-par-ici.html
2https://www.ctc.usma.edu/posts/the-military-doctrine-of-the-islamic-state-and-the-limits-of-baathist-influence
3Voir commentaire détaillé ici : http://historicoblog3.blogspot.com/2016/02/mourir-pour-le-califat-1-fursan-al-nasr.html
4https://www.ctc.usma.edu/posts/the-military-doctrine-of-the-islamic-state-and-the-limits-of-baathist-influence
5Analyse détaillée ici : http://historicoblog3.blogspot.com/2016/02/mourir-pour-le-califat-2le-raid-des.html
6https://www.ctc.usma.edu/posts/the-military-doctrine-of-the-islamic-state-and-the-limits-of-baathist-influence
7Analyse détaillée ici : http://historicoblog3.blogspot.com/2016/02/mathieu-morant-et-stephane-mantoux.html
8https://www.ctc.usma.edu/posts/the-military-doctrine-of-the-islamic-state-and-the-limits-of-baathist-influence
9Analyse détaillée ici : http://historicoblog3.blogspot.com/2016/02/mourir-pour-le-califat-4le-raid-sur-le.html
10Analyse détaillée ici : http://historicoblog3.blogspot.com/2016/02/mourir-pour-le-califat-5la-victoire.html

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