Quantcast
Channel: Historicoblog (3)
Viewing all articles
Browse latest Browse all 1172

Dominique LORMIER, La bataille de Stonne. Ardennes, mai 1940, Paris, Perrin, 2010, 184 p.

$
0
0
Dominique Lormier est un écrivain qui multiplie ces dernières années les ouvrages sur la Seconde Guerre mondiale (entre autres sujets de prédilection, car il écrit beaucoup...). Depuis 2005 et la publication du livre Comme des lions : le sacrifice héroïque de l'armée française, il s'est engagé dans une entreprise de réhabilitation de la performance des soldats français pendant la campagne de mai-juin 1940, tant il est vrai que le souvenir d'une débâcle sans nom reste encore attaché à la prestation de l'armée française face aux Allemands. Ces ouvrages sont ainsi des plaidoyers, plutôt descriptifs, et qui tirent peut-être un peu trop sur la corde du "cocorico" national en voulant redresser l'image du soldat français de 1940.

Cet ouvrage sur la bataille de Stonne ne déroge pas à la règle. L'auteur se fait un plaisir de rappeler en introduction que l'historiographie n'a pas beaucoup progressé sur la campagne de France... ce qui est loin d'être le cas, en particulier depuis le début des années 2000. La comparaison des pertes allemandes quotidiennes entre la campagne de France et l'opération Barbarossa (plus élevées dans le premier cas, d'après Dominique Lormier ?) peut prêter à sourire quand on se rappelle l'ampleur des opérations sur le front russe. La bataille de Stonne serait relativement méconnue, elle aussi -alors que l'auteur, faisant le tour des publications consacrées au sujet, ne peut que constater qu'elles se multiplient depuis quelques années : un autre ouvrage, des articles dans revues spécialisées comme Batailles et Blindés, etc. Stonne, le "Verdun de 1940" selon de nombreux témoignages d'officiers, soldats et historiens allemands, a été en effet l'enjeu de combats acharnés en raison de sa position géographique : dominant la plaine de Sedan, le village aurait pu être le point de départ d'une contre-attaque française sur le flanc des Panzerdivisionen engagées dans la course à la Manche. Pour les Allemands, la possession du village sécurisait leurs arrières.

La première partie (les 75 premières pages, soit presque la moitié du total...) est consacrée à un tableau des forces en présence pendant la campagne de France, française et allemands en particulier, et à un résumé de l'offensive jusqu'à la bataille de Stonne. Le lecteur de Comme des lions... n'apprendra pas grand chose de neuf. P.38, en parlant du général Huntzinger, Dominique Lormier a cette phrase étonnante : "Nous sommes loin de la brillante carrière d'un général Rommel ayant acquis ses grades par des exploits militaires retentissants sur les fronts français, italien et roumain en 1914-1918." . Certes, si Rommel reste dans la Reichswehr en 1919 en raison de son expérience au feu, quand on sait que Rommel n'a dû son avancement après l'arrivée au pouvoir d'Hitler qu'à ses relations privilégiées avec le Führer, et ce jusqu'à pendant la Seconde Guerre mondiale, l'affirmation a de quoi surprendre.


Ci-dessous, épisode de la série Greatest Tank Battles dédiée à la campagne de France avec évocation de la bataille de Stonne. Le documentaire a même fait appel à François Vauvilliers de la maison Histoire et Collections... et met quelques images de T-34 détruits (!) après l'évocation de la bataille de Stonne !
 

 



La deuxième partie revient sur les premiers combats à Stonne, livrés les 14 et 15 mai 1940. La 10. Panzerdivision et le régiment Grossdeutschland butent sur la résistance tenace des 3ème DIM, 3ème DCR et 6ème GRDI en particulier. La qualité de la défense s'explique par la présence de nombreux canons antichars, de blindés capables de tenir la dragée haute aux antichars et chars allemands -H-39, B1bis- et à une artillerie française bien placée et bien renseignée, donc très meurtrière dans ses feux. A noter quand même que le pilonnage de l'artillerie allemande et des Stukas rend progressivement intenable l'occupation du village lui-même par les troupes françaises, Stonne étant bientôt évacué, les troupes s'installant de part et d'autre.



Ci-dessous, reportage de France 3 Champagne/Ardennes sur la bataille de Stonne. En plein dans la "frénésie des lions de 1940", même si le reportage rappelle quand même, au détour d'une phrase, que la bataille n'a rien changé au sort de la campagne... ouf !



 



Dans la troisième partie, Dominique Lormier raconte les exploits des chars lourds français B1bis qui sèment un temps la terreur parmi les troupes allemandes, avant que celles-ci ne trouvent certains points faibles, comme la grille de ventilation présente sur le côté du char. Les Français sont renforcés par des éléments de la 6ème DIC tandis que les Allemands engagent deux divisions d'infanterie, les 16. et 24. ID., mieux adaptées sans doute à ce combat d'attrition que des Panzerdivisionen...

Enfin, pour la quatrième et dernière partie, l'auteur explique comment les attaques allemandes sont successivement brisées entre les 18 et 25 mai. L'artillerie française fait encore une fois preuve de brio en raison de maladresses allemandes -faible discipline radio, officiers perdus avec des documents importants en première ligne. Fantassins, cavaliers des GRDI et troupes coloniales luttent pied à pied. Du 14 au 25 mai, les Français perdent 7500 hommes sur 42500 engagés (17%), les Allemands 26500 sur 90000 (29%). Mais Dominique Lormier ne donne pas la composition tués/blessés/disparus/prisonniers, qui serait peut-être intéressante à connaître. D'après le témoignage d'un ancien officier d'unité antichar française présent lors des combats (et lui aussi auteur d'un livre sur le sujet), Stonne est l'un des rares exemples de bonne coordination interarmes du côté français, pendant la campagne (même si l'absence de l'aviation est quelque peu ressentie, en particulier pour abattre les avions de reconnaissance allemands qui règlent les tirs d'artillerie).

En conclusion, Dominique Lormier précise que la résistance française à Stonne a contraint les Allemands à y engager d'importants effectifs. Une autre offensive allemande les 9 et 10 juin est également repoussée, mais les Panzerdivisionen finissent par pousser plus à l'ouest, au nord de Reims, malgré des pertes en chars conséquentes.

Si le livre fournit une bonne description de la bataille de Stonne et une bibliographie indicative, l'on peut regretter, d'abord, l'absence de cartes de situation plus précises (hormis une carte générale présente en début de volume) qui oblige à s'imaginer mentalement les lieux du combat. Il n'y a pas non plus d'illustrations, ce qui est dommage. Le plus regrettable sans doute, c'est que ce livre, sorti en 2010, pour l'anniversaire des 70 ans de la campagne de France, s'inscrit pleinement dans une frénésie "commémorative" cherchant à aller au-delà du travail historiographique déjà mené et qui fait la part belle aux défauts de la belle mécanique allemande et au contraire aux atouts de l'armée française et de l'effort de réarmement mené en particulier par le Front Populaire. Dominique Lormier met ainsi au pinacle les combats autour de Stonne qui n'ont pas eu un grand impact sur le déroulement de la campagne : les Panzerdivisionen ne sont pas inquiétées dans leur cavalcade vers la Manche... ce que l'auteur, qui ne fait pas de contextualisation, ne rappelle pas. Ce récit purement factuel n'apporte pas grand chose de neuf et semble surtout servir la volonté de Dominiquer Lormier de revaloriser à tout crin la prestation du soldat français en 1940. Au mieux, on peut le conseiller à des lecteurs novices souhaitant sortir des stéréotypes éculés sur la campagne de France, mais il faudra aller voir d'autres ouvrages pour comprendre un peu mieux les tenants et les aboutissants des récentes évolutions historiographiques.


N'hésitez pas à cliquer sur les liens ci-dessous pour soutenir le blog, voire à acquérir les ouvrages si vous êtes intéressés.





Viewing all articles
Browse latest Browse all 1172

Trending Articles