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Fabienne FERRERE, Un chien du diable, Grands Détectives 4131, Paris, 10/18, 2008, 315 p.

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Fin 1594. Alors qu'Henri de Navarre, le chef protestant devenu catholique après une conversion douloureuse mais nécessaire, est en passe de devenir Henri IV, une lettre compromettante qui pourrait lui coûter son trône disparaît. En outre, le marquis de Bleuse est assassiné dans une église de Rouen et son corps mis en scène pour accréditer la thèse d'un crime protestant. Pour éclaircir ce complot et récupérer la missive, le roi, sur les conseils de son chancelier Cheverny, fait appel à un élément sûr : Gilles Bayonne, chevau-léger, vétéran des guerres de religion qui, par la force des choses, devient l'envoyé spécial du souverain. Mais l'enquête à Rouen sera bien plus complexe qu'à première vue...

Fabienne Ferrère est professeur de philosophie dans le sud-ouest. Le premier roman de la série Gilles Bayonne, Un chien du diable, est paru chez Denoël en 2006 avant d'être réédité en poche par 10/18 en 2008. J'avais commenté le deuxième tome, Car voici que le jour vient, sorti en poche en 2011, il y a déjà un moment. Depuis, plus rien. Gageons que la série reprenne car elle a gagné en puissance rien que sur ces deux tomes-là.

Le premier tome pose les jalons de l'ambiance générale de la série. L'intrigue n'est pas complexe mais suffisamment bien menée pour que l'on doute de l'identité du criminel jusqu'au bout. Le roman vaut surtout pour la peinture d'une enquête dans un Rouen catholique rallié plutôt contraint et forcé à Henri IV, et qui n'éprouve guère de sympathie pour la Religion Prétendue Réformée... le tout se déroulant (volontairement ?) sous une pluie perpétuelle, ce qui ravira les Normands (mention spéciale à Claude et Laurène, qui se reconnaîtront). Les personnages pataugent dans la gadoue, comme si celle-ci représentait les conditions de vie dantesques du monde urbain français au sortir des guerres de religion.

Seul regret peut-être, si l'arrière-plan historique est important pour comprendre l'ensemble, l'auteur ne prend pas la peine de nous gratifier d'une carte (même dressée à la main) de Rouen en 1594, ni de nous faire un petit aperçu historique comme c'est pourtant souvent le cas dans la collection. Pour certains lecteurs, ça peut aider. Si en plus elle pourrait nous mentionner ses sources d'inspiration, ses ouvrages de référence, ce serait encore mieux. 



Publication : la bataille d'Aix-la-Chapelle (1944)-Batailles et Blindés n°54

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C'est avec à nouveau un grand plaisir que je vous annonce la publication d'un article sur la bataille d'Aix-la-Chapelle (1944), dans le dernier numéro de Batailles et Blindés, le 54, qui vient de sortir en kiosque. Et pour la première fois, comme vous pouvez le voir sur la couverture ci-contre, l'article fait la une ! Merci à Yannis Kadari et à toute son équipe : la collaboration est toujours limpide pour le travail de publication.

Cet article traite à la fois du combat urbain dans Aix-la-Chapelle, une de mes marottes, mais aussi, plus largement, de la bataille pour l'encerclement de la ville et en particulier de l'assaut contre certaines parties de la ligne Siegfried, le fameux Westwall.

Comme d'habitude, je vous ai fait une vidéo pour présenter tout ça. Elle est beaucoup plus longue que d'habitude, mais le sujet me passionnant, je me suis autorisé ce débordement. Bon visionnage !

Un supplément gratuit sera bientôt mis en ligne ici-même.
 



René-Jacques LIQUE, Bokassa Ier. La grande mystification, Afrique contemporaine 16, Paris, Editions Chaka, 1993, 192 p.

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La récente éviction de François Bozizé par les rebelles il y a quelques jours m'a donné envie de replonger dans l'histoire de la République Centrafricaine, en relisant notamment cette courte biographie de Bokassa écrite en 1993 par René-Jacques Lique.

Lique est une journaliste de formation, qui a servi en Afrique, et son travail en porte la marque : le livre se base surtout sur des témoignages de première main ou des extraits de presse de l'époque, et la bibliographie fournie, entièrement francophone, mériterait d'être actualisée, par exemple avec l'ouvrage de Stephen Smithécrit sur le même sujet.

Bokassa est un ancien tirailleur des colonies ayant servi dans l'armée française pendant les campagnes de la Libération. C'est d'ailleurs le seul officier de carrière centrafricain au moment de la création de la République de Centrafrique ! Détournant quelque peu l'oeuvre du "père de la nation", Barthélémy Boganda, et mettant à profit l'accaparation du pouvoir par le président Dacko, Bokassa tente un coup de force.

Le 1er janvier 1966, accompagné du capitaine Banza, son acolyte de l'armée, il élimine les principaux dirigeants en place dont Izamo, le commandant  de la toute puissante gendarmerie. Mounoumbaye, le chef de la sécurité intérieure, qui avait réussi à se réfugier au Zaïre, est livré par ses hôtes, torturé à mort et abattu. Des dizaines de personnes sont aussi emprisonnées et disparaissent dans les cellules putrides de la prison de Ngaragba. Pour justifier son coup d'Etat, Bokassa avance l'argument fallacieux de la menace chinoise sur le Centrafrique !

Alternant menace et séduction, il fait reconnaître son gouvernement par les autres pays africains -dont le Tchad de Tombalbaye, ce qui ne va pas sans mal, puisqu'il a exécuté des personnalités issues d'ethnies tchadiennes...- et par la France. Bientôt, Bokassa fait modifier la constitution pour s'octroyer les pleins pouvoirs, puis, non sans modestie, s'attribue les grades supérieurs de l'armée jusqu'à celui... de maréchal, en 1974. Cerise sur le gâteau : la création, en 1976, de l'Empire du Centrafique et le couronnement fastueux de Sa Majesté Bokassa Ier (cf la couverture du livre).

Paranoïaque, Bokassa, qui voit des complots partout, a déjà fait éliminé son complice Banza qu'il jugeait trop dangereux en 1969. Adepte des déclarations fracassantes, il proclame son intention, en 1977, de se doter de la bombe atomique (!) et exige de la France la construction d'un chemin de fer pour désenclaver son pays ! En 1978, il se rend en pélerinage sur la tombe de De Gaulle à Colombey et multiplie les frasques dans la campagne française... mégalomane, protégé par des parachutistes français qu'il a lui-même demandé, Bokassa fait rechercher sa fille métisse viêtnamienne issue d'un amour de jeunesse... qui, une fois retrouvée, ne s'avère pas être la bonne, en fin de compte. Le code pénal qu'il instaure privilégie les châtiments corporels : les voleurs ont les oreilles coupées, les bastonnades sont fréquentes comme celle de 46 détenus de Ngaraba en juillet 1972...

L'économie centrafricaine ne va pas supporter longtemps les extravagances de l'empereur, qui trafique avec des diamantaires et dont la cérémonie du couronnement se révèle au-delà des capacités du pays. C'est ainsi que Bokassa fait acheter 25 000 bouteilles de bourgogne et extorque 25 millions de francs CFA aux diamantaires libanais... La contestation étudiante démarre en octobre 1978 après l'imposition du port d'un uniforme, mesure surtout destinée à renflouer les caisses du régime. L'armée écrase le soulèvement, jette des dizaines d'enfants en prison au mois de janvier 1979 dont beaucoup meurent asphyxiés faute de place dans les cellules ! Le régime s'écroule et la France est pointée du doigt pour avoir tarder à prendre la mesure de l'empereur et de ses agissements... il faut dire que le président Valéry Giscard d'Estaing disposait de sa réserve de chasse personnelle en Centrafrique...




La France maintient en effet des relations ambigües avec Bokassa. Le général de Gaulle est agacé par le personnage, mais l'invite à Paris et lui remet la Légion d'Honneur. Pompidou continue cette politique et d'abord pour protéger les 5 000 Français présents sur place. Bokassa menace un temps de s'allier à l'URSS pour que la France participe au financement du nouveau palais présidentiel. Quant à Valéry Giscard d'Estaing, outre la réserve de chasse de 2 millions d'hectares, l'affaire des diamants va lui coûter très cher : Bokassa offre en effet à ses proches des pierres précieuses ce qui déclenche un tollé dans la presse française une fois les faits connus et coûte pour certains sa réélection en 1981 au président. C'est pourtant lui qui lance, en 1979, l'opération Barracuda qui chasse l'empereur et ramène l'ancien président Dacko.

Pourquoi Bokassa a-t-il "tenu" si longtemps ? Peut-être était-il perçu comme un rempart face au communisme en Afrique, à l'image de Mobutu au Zaïre. Il a su en jouer, comme lors du rapprochement fortuit avec la RDA. Pour obtenir l'alliance et les pétrodollars de Kadhafi, il n'avait pas hésitéà se convertir à l'islam -c'est d'ailleurs en Libye qu'il se réfugie après son éviction. Persona non grata, il échoue finalement en Côte-d'Ivoire avant de revenir dans son pays en 1986 où il est jugé par un tribunal et condamné à mort -peine que le président Kolingba, un autre militaire arrivé entretemps au pouvoir, commue en 20 ans de travaux forcés. Bokassa est mort en prison en 1996. Reste la démesure d'un règne aussi carnavalesque que sanglant.




Cafés Stratégiques n°24 : Séries TV et sécurité internationale, de 24h à Homeland

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C'est aux liens entre séries télé et sécurité internationale que s'intéressera le prochain café stratégique, 24ème du nom, qui se déroulera le jeudi 11 avril prochain à 19h, au café Concorde, comme de coutume.

L'intervenant est cette fois-ci Jean-Baptiste Jeanjène Vilmer, enseignant (droit de la guerre) et chercheur postdoctoral Banting en droit international de la faculté de droit McGill University (Canada).

A vos agendas pour noter ce rendez-vous !

Supplément-Batailles et Blindés n°54 : Le 26th Infantry Regiment dans la bataille d'Aix-la-Chapelle

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Comme de coutume, un petit supplément gratuit pour les lecteurs.


La bataille d'Aix-la-Chapelle est rapidement devenue une référence dans le cadre de l'étude du MOUT (Military Operations in Urban Terrain) au sein de l'armée américaine. Les extraits ci-dessous sont tirés de documents publiés par l'association du 26th IR, eux-mêmes issus de rapports écrits par les principaux officiers de l'unité ayant mené les combats d'Aix-la-Chapelle et de documents officiels.


La 1st Infantry Division (ID), qui mène la poursuite du VIIth Corps sur le flanc gauche en direction de la frontière allemande, pénètre le Westwall le 12 septembre 1944 autour d'Aix-la-Chapelle, le même jour que la 3rd Armored Division (AD) sur le flanc droit. Le 26th Infantry Regiment (IR) de la 1st ID est alors divisé en deux : le 1st Battalion accompagne la Task Force Hogan de la 3rd AD, et le Regimental Combat Team sert de réserve à la division et protège le flanc nord. Le 13 septembre, le 26th IR reçoit l'ordre d'attaquer le secteur au sud-est de la ville, pour permettre aux 16th et 18th IR de se déplacer plus à l'est, et de percer au nord vers Ellendorf et Verlautenheide. Mais la résistance allemande se durcit. Il faudra en fait plus d'un mois pour encercler Aix-la-Chapelle et en venir à bout, le 26th IR se chargeant du combat de rues pour nettoyer la ville.





Mason (chef d'état-major de la 1st ID) : Le désir militaire non satisfait de pousser pour s'emparer de la ville a été l'une de nos plus grandes frustrations. Au nord, l'épopée du maréchal Montgomery pendant l'opération Market-Garden se termine en échec. En outre, nous sommes désormais trop éloignés de notre base logistique, en Normanie . Nous manquons d'essence, de munitions, notre progression ralentit chaque jour et l'artillerie lourde ne tire plus que quelques obus. Une division d'infanterie comme la nôtre requiert pas moins de 600 tonnes d'approvisionnement par jour pour être opérationnelle ! Les généraux américains, Bradley, Patton, Hodges, pestent contre le détournement de la logistique en faveur de Market-Garden : mais en réalité, nous n'avons ni la cohésion nécessaire après la poursuite, ni le soutien logistique pour attaquer correctement la ligne Siegfried. Nous montons donc des « reconnaissances en force », de la taille du bataillon, pour sonder les premières défenses. Certaines réussissent à trouver des brèches, tout simplement parce que les Allemands n'ont pas installé de troupes sur les positions défensives. Mais ces pénétrations ne sont pas exploitées, et la défense allemande se renforce. De l'artillerie, des chars arrivent progressivement et pour la première fois depuis longtemps nous sommes pilonnés régulièrement. La pluie qui commence à tomber n'arrange évidemment rien à nos affaires.




Le bataillon du génie de notre division est l'une des unités les plus efficaces que j'ai jamais vues. Son commandant est le lieutenant-colonel Bill Gara. A l'ouest d'Aix-la-Chapelle, lors de notre première attaque, nous avons récupéré deux tramways abandonnés sur les rails au bout de la ligne. Gara vient alors me voir pour me parler de l'utilisation, par les Allemands, de petits chars télécommandés bourrés d'explosifs lancés contre nos troupes, qui d'ailleurs n'atteignent que rarement leur cible. Les Allemands les avaient baptisés « Goliaths ». Gara veut améliorer l'idée. Ayant découvert un dépôt allemand de mines Teller et autres explosifs, il pense charger les tramways avec deux tonnes de ces engins et les précipiter dans Aix-la-Chapelle avec un détonateur à retardement. Je lui donne mon accord. Après l'avoir ainsi lesté, les sapeurs poussent le tramway avec un bulldozer. Le tramway commence sa descente, plus lentement que Gara l'escomptait. Des Allemands commencent à tirer au fusil sur l'engin. Finalement, à mi chemin entre nos lignes et leurs, le tramway explose.

Gara n'était pas en panne d'idée. A ce moment-là nous combattons contre, dans ou autour de bunkers. Parfois les Allemands réoccupent une de ces positions après que nous l'ayons prise. Ces ouvrages en béton sont invulnérables aux tirs d'artillerie. Il faut dépenser une quantité considérable de TNT pour faire sauter les ouvrages, or nous n'avons que peu de stocks en explosifs. Gara pense que si nous plaçons des matelas dans les fentes de tir des bunkers, une petite charge suffirait à les ébranler. Des essais lui donnent raison. On réquisitionne alors tous les matelas des environs : à chaque fois que nous capturons un bunker, nous plaçons des matelas dans les embrasures avec une petite charge, l'ouvrage se désintègre, et nous sommes tranquilles.





Daniel (commandant du 2nd Battalion, 26th IR) : Après avoir engagé les Allemands pour boucler la poche de Mons, le bataillon poursuit l'ennemi en retraite sur Aix-la-Chapelle. Les 14 et 15 septembre, il arrive dans les faubourgs sud-est de la ville face à une résistance légère et protège le flanc gauche du 16th IR qui attaque la ligne Siegfried près d'Eilendorf. Il garde cette position statique pendant un mois, avant de passer au nettoyage d'Aix-la-Chapelle proprement dit. La position d'observation est excellente et permet de régler les tirs d'artillerie et de mortiers. Le bataillon mène aussi des patrouilles sur la voie de chemin de fer qui encercle la ville et monte des patrouilles à l'aube pour faire des prisonniers. Le meilleur moyen est d'envoyer une section de fusiliers soutenue par 3 ou 4 chars. Les tirs d'artillerie allemand se font plus denses les jours passant, mais nous sommes bien protégés par les bâtiments que nous occupons.


Mason : au PC de la division, nous avons maintenant une idée plus claire de la façon dont nous allons réduire Aix-la-Chapelle. Il faut encercler la ville au sud et à l'ouest puis pousser l'encerclement vers le nord en passant par l'est, pour couper les défenseurs de leur approvisionnement. Puis, nous entrerons dans la ville et la nettoieront d'est en ouest, comptant sur le fait que les défenses sont surtout orientées vers l'ouest et le sud. Le problème étant que le flanc nord est complètement à découvert, sauf si nous travaillons de concert avec les unités voisines.





Daniel : le plan initial est d'utiliser les 2nd et 3rdBattalions pour nettoyer la ville. Le 2nd Battalion doit se déplacer au nord-ouest, se charger du faubourg de Rothe Erde puis continuer au sud de la cité... parallèlement, les deux bataillons doivent également mener des attaques de diversion. Une section de la compagnie F, avec une section de mitrailleuses légères, doit mener l'attaque de diversion, soutenue par 2 chars et 2 TD. Des postes d'observation sont placés pour fournir un tir continu de mortiers de 81 mm. Une équipe de transmissions suit le chef de section pour qu'il dispose d'un appui-feu immédiat si besoin. L'objectif est une portion d'usine au sud-est de la voie ferrée. Les compagnies F et G doivent ensuite avancer jusqu'à la ligne de chemin de fer, une section de la compagnie F faisant la jonction avec le 3rd Battalion. Un officier de liaison de l'artillerie planifie les tirs de l'artillerie moyenne ; des observateurs pour les mortiers accompagnent chaque compagnie et déroulent du fil téléphonique derrière chaque poste de commandement, une procédure devenue standard pendant la bataille. En plus des chars et TD, chaque compagnie reçoit aussi le renfort d'une section de mitrailleuses lourdes de la compagnie H.

La voie ferrée représente un obstacle considérable : les chars et TD devront passer sous la gare de Rothe Erde. Les trois compagnies attaquent de front, en ligne. Le soutien blindé consiste en deux sections de Shermans et deux de TD, mais au vu des pertes et de la maintenance, seuls 2 chars et 2 TD sont disponibles pour chaque compagnie. Sur les flancs, les compagnies F et G ont une section de mitrailleuses lourdes. Chaque compagnie a le soutien d'une section de mortiers de 81 mm. Une escouade d'une section du 1st Engineer Battalion accompagne également chaque compagnie avec des lance-flammes et des charges explosives. Le bataillon bénéficie aussi d'une section de canons antichars de la compagnie régimentaire. Pour assurer la défense antichar le temps que les half-tracks amènent les canons au-delà du chemin de fer, chaque section organise 6 équipes bazookas.




La compagnie F lance sa première attaque le 8 octobre, sans trop d'opposition. Le 9 octobre, les compagnies F et G avancent pour nettoyer la partie au sud-est de la voie de chemin de fer. Un TD est détruit par un Panzerfaust ; un Sherman Dozer saute sur une mine qui fait voler en l'air la lame de l'engin. Il se trouve que les Allemands ont disposé des mines antichars ou antipersonnels. A 17h00, la zone est nettoyée. Les Allemands montent des patrouilles agressives contre la compagnie F mais sont repoussés à coups de grenades et d'artillerie.

A 9h30, le 13 octobre, l'ultimatum n'ayant pas été accepté par les Allemands, la progression commence. Les chars doivent négocier l'obstacle que représente les voies ferrées, tandis que l'infanterie procède au nettoyage des blocs d'habitations. Elle a reçu pour instruction de ne pas s'engager dans les rues mais d'entrer dans les bâtiments. Les caves doivent être nettoyées à la grenade. Fort heureusement, la plupart des caves communique entre elles et cela évite de repasser par les rues. La compagnie F, qui tient le flanc où la jonction doit être faite avec le 3rd Battalion, souffre d'un tir de harcèlement qui blesse d'ailleurs mortellement le commandant de compagnie. Les objectifs sont atteints à 17h00. A nouveau, les Allemands lancent des patrouilles dans l'obscurité contre la compagnie F.

Une attaque coordonnée est lancée à 15h20 le 15 octobre. Un canon antichar allemand qui tire en enfilade rend la liaison difficile entre les compagnies E et F et l'endroit dangereux pour les chars, avant d'être réduit au silence par l'infanterie. La compagnie G apprend à bien placer ses mitrailleuses lourdes pour ne pas les faire repérer par les nuages de poussière qui s'élevent lors du tir dans les gravats. Pendant sa progression, elle découvre des colis parachutés dans la nuit aux défenseurs par la Luftwaffe. Les Allemands montent des contre-attaques et profitent de la nuit pour détruire un TD à courte distance. Le 17 octobre, la compagnie F doit encore faire face à des tirs de canons antichars assez gênants.

L'attaque reprend le 18 octobre à 7h30. Les Allemands utilisent le squelette du théâtre municipal, réduit en ruines, comme position de défense pour leurs mitrailleuses et leurs armes antichars. Le canon automoteur de 155 mm attaché au bataillon tire 7 obus sur l'édifice, avec de bons résultats. L'avance reprend vers les faubourgs ouest le 19 octobre. Le 20 octobre, à 7h30, le bataillon progresse au-delà de la cathédrale. La compagnie F se heurte à une dure résistance du 404ème régiment allemand à l'école technique, dont il faut 5 heures pour venir à bout. Il faut d'abord nettoyer les nids de mitrailleuses installés sur les toits qui protègent le bâtiment. L'école technique est finalement investie à la grenade à fusil et au bazooka, en détruisant un canon antichar que les Allemands ont disposé pour tirer à courte portée.





Corley (commandant le 3rd Battalion) : le parc Farwick est dominé par une colline sur laquelle est bâti une construction à 4 étages, on y trouve aussi le Kurhaus et l'hôtel Quellenhof. Une série de maisons borde l'approche sud-ouest et des blocs de maisons l'avenue nord-ouest. Le terrain est difficile à observer : le parc était à l'origine une colline qui a été nivelée pour construire des jardins, un lac artificiel, des promenades, des cours de tennis et les deux hôtels. La pente d'Observatory Hill est recouverte de sous-bois. Le 13 octobre, le 3rd Battalion est appuyé par une section de Shermans, une de TD, une de sapeurs et un automoteur de 155 mm. Le lendemain, une section de mortiers de 4,2 pouces est rattachée à la compagnie M. Le 16 octobre, l'automoteur de 155 mm détruit le bâtiment sur Observatory Hill. Le 18 octobre, la Task Force Hogan nous rejoint. Progressivement, nous découvrons que le Kurhaus sert de poste de commandement à une compagnie et le Quellenhof à un bataillon.

La compagnie I attaque soutenue par 15 obus de 155 mm. Les deux autres compagnies sont clouées. L'automoteur tire bientôt 30 obus sur le Kurhaus et le Quellenhof, faisant taire un canon de Flak 20 mm installé sur les étages supérieurs de ce dernier. Toute résistance organisée cesse vers 10h30. Les tirs de 155 mm à bout portant ont eu un effet certain sur les Allemands.


Mason : les automoteurs de 155 mm ont été déjà fort pratiques pour venir à bout des bunkers. Dans le combat urbain, ils trouvent une autre utilisation. Pour faciliter la progression de l'infanterie et éviter les rues balayée par les mitrailleuses, l'automoteur tire un premier obus dans un bloc de maisons, qui ouvre une brèche. Puis il en expédie plusieurs autres à travers pour former un véritable tunnel pour permettre à l'infanterie de progresser et de nettoyer chaque bloc. L'opération est répétée autant de fois qu'il le faut. La méthode, lente, surprend pourtant les Allemands et nous épargne bien des pertes.


Pour en savoir plus :


Aachen. Military Operations in Urban Terrain. 26th Infantry Regimental Combat Team 8-20 octobre 1944, 26th Infantry Regimental Association, 1999 (4ème éd.).

L'autre côté de la colline : l'invasion de l'Iran (août 1941)

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Pour son premier article du mois d'avril, le blog collectif L'autre côté de la colline publie un papier consacré à l'invasion conjointe de l'Iran, en août 1941, par les Anglais et les Soviétiques, signé David François. Une opération fort peu connue mais qui a pourtant d'importantes conséquences sur le conflit. A découvrir !

John TAYLOR, Bloody Valverde. A Civil War Battle on the Rio Grande, February 21, 1862, University of New Mexico Press, 1995, 186 p.

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Le 21 février 1862, deux armées se font face à Valverde, un affrontement de la guerre de Sécession sans commune mesure avec les gigantesques batailles du théâtre oriental, mais pas moins important. Comme le rappelle l'historien Jerry Thompson dans la préface, la brigade de Texans du général Sibley cherche en effet à accomplir la "Destinée Manifeste" de la Confédération voulue par le président Jefferson Davis. En face, les réguliers et les volontaires et miliciens du Nouveau-Mexique commandés par le colonel Canby cherchent à empêcher les Confédérés de s'ouvrir la voie vers le Colorado et la Californie riches en mines, notamment. La bataille de Valverde est le premier affrontement de cette campagne au sud-ouest des Etats-Unis, au-delà du Mississipi.

Pour John Taylor d'ailleurs, Valverde mérite plus que Glorieta Pass, qui lui fait suite, le titre de "Gettysburg de l'ouest". Sibley remporte une victoire à la Pyrrhus qui porte en germe, de fait, la défaite à Glorieta Pass. Les opérations se déroulent au Nouveau-Mexique, un Etat rattaché aux Etats-Unis après la victoire contre le Mexique en 1848. Peu peuplé (90 000 âmes), non relié au reste du pays par le chemin de fer, le Nouveau-Mexique est dominé par 200 familles aisées et sa partie sud ne cachent pas sa sympathie pour les confédérés -qui créent d'ailleurs dès 1861 sur place le nouvel Etat de l'Arizona.

L'expédition confédérée au Nouveau-Mexique doit beaucoup à Sibley, ancien officier de l'armée régulière qui passe au Sud en 1861 et persuade la président Davis de l'intérêt d'une telle entreprise. Les événements semblent d'ailleurs lui donner raison puisque les Texans mettent la main sur plusieurs forts à la frontière quasiment sans rencontrer d'opposition. Sibley forme sa brigade fin 1861 et se met en route en février 1862. Face à lui, Canby, qu'il connait bien pour l'avoir côtoyé dans l'armée régulière avant la guerre.

Canby a articulé son dispositif autour de Fort Craig, pour barrer la route à l'invasion confédérée du Nouveau-Mexique. Il refuse sciemment la bataille rangée que lui propose Sibley devant le fort car le gros de sa troupe comprend des miliciens hispaniques du Nouveau-Mexique à peine enrôlés, dont il n'est pas sûr de la valeur au combat -les préjugés racistes jouant leur part. C'est pourquoi Sibley, pour le forcer au combat, décide de contourner le fort par le nord-est et de franchir le gué de Valverde.

Mais Canby ne se laisse pas surprendre : grâce à une surveillance étroite des mouvements confédérés, il anticipe la manoeuvre et les Nordistes sont les premiers à arriver au gué et à le tenir contre l'avant-garde sudiste. Progressivement, avec l'arrivée du gros des troupes, la bataille, d'une simple escarmouche, se développe. Elle voit d'ailleurs la seule charge de lanciers (semble-t-il ?) de toute la guerre de Sécession, conduite par un escadron confédéré qui est taillé en pièces par le feu et les baïonnettes de volontaires du Colorado.

Alors que les Nordistes semblent prendre l'ascendant et cherchent à balayer le flanc gauche des confédérés en pressant avec leur flanc droit les Sudistes pour les rabattre vers leur ligne, les officiers de Sibley (qui, comme souvent pendant la campagne, est ivre et ne peut diriger les opérations ces jour-là) saisissent leur chance. Pour renforcer leur flanc droit, les fédéraux ont momentanément laissé à découvert leur centre et une batterie d'artillerie qui s'y trouve et pilonne les confédérés. L'infanterie sudiste charge en poussant son fameux Rebel Yell afin d'arriver au contact -l'armement sudiste, de bric et de broc, est plus efficace à courte portée... la percée au centre et la capture de la batterie nordiste entraînent la retraite, ordonnée par Canby, malgré des tentatives de contre-attaque du flanc droit fédéral.

L'armée nordiste n'est cependant pas lourdement défaite et sera capable de tenir la dragée haute à Sibley à Glorieta Pass, un mois plus tard. En réalité, Canby a commis des erreurs à Valverde mais a judicieusement ordonné la retraite au bon moment, sachant qu'il remporterait quoiqu'il en soit une lutte d'attrition que les confédérés ne pouvaient pas gagner. En réalité, Sibley a complètement négligé la logistique de sa campagne, comptant vivre sur le terrain et sur l'accueil favorable des habitants du Nouveau-Mexique... des espoirs rapidement déçus. Ces unités de cavalerie légère, composées d'hommes mal armés, ne peuvent emporter les forts nordistes bien défendus ni affronter les rigueurs du climat. Les soldats confédérés montrent certes de la vaillance au feu, mais cela ne suffit pas à compenser les lacunes de la planification du commandement. Côté nordiste, les volontaires du Nouveau-Mexique n'ont pas démérité, quand on compare leur performance à celles des réguliers, bien qu'ils aient souvent servi de bouc-émissaires commodes pour expliquer les échecs de la campagne.

En annexe, John Taylor peut se permettre le luxe de proposer un tableau détaillé des pertes, rendu possible par la faible ampleur de l'engagement: tous les soldats tués sont mentionnés avec leurs noms ! L'ensemble se complète d'une bibliographie de référence. A noter également que l'ouvrage est abondamment illustré et que de nombreuses cartes permettent de suivre les mouvements de troupes et les phases de la bataille au fil des pages. Un excellent ouvrage de synthèse sur un affrontement méconnu de la guerre de Sécession.

 

Alexander V. PYL'CYN, Penalty Strike. The Memoirs of a Red Army Penal Company Commander, 1943-45, Stackpole Books, 2009, 200 p.

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Depuis quelques années, les éditeurs anglo-saxons multiplient les publications de témoignages de vétérans de l'Armée Rouge racontant leur parcours pendant la Grande Guerre Patriotique. Des témoignages plus ou moins bien édités, mais qui permettent enfin d'apercevoir ce qu'a pu être le vécu des frontoviki : cela change de l'habituelle vision germanocentrée de la guerre à l'est fournie notamment -mais pas seulement- par les grands mémorialistes allemands.

Cet ouvrage est paru initialement en 2006 chez Helion. Le texte a été traduit par Bair Irincheev et l'édition est l'oeuvre d'Artem Drabkin. Drabkin, qui contribue au site irember.ru, fait partie de cette équipe qui collecte, justement, les témoignages de vétérans de toutes les branches de l'Armée Rouge. On lui doit, outre la publication de témoignages individuels ou rassemblés, plusieurs ouvrages intéressants sur le front de l'est. Ces textes figurent parmi les incontournables pour qui s'intéressent à la Grande Guerre Patriotique.

Ce qui fait l'intérêt du témoignage d'Alexander Pyl'cyn, c'est qu'il a commandé une compagnie d'un bataillon pénal de l'Armée Rouge, les fameux shtrafbats. Ces unités, créées par le fameux ordre 227 de Staline à l'été 1942, ont donné lieu à tout un tas de légendes et de lieux communs, qui certes comportent comme toujours une part de vérité, mais qui a été souvent déformée. Elles auraient ainsi été envoyées systématiquement dans les champs de mines pour dégager la voie à l'infanterie, tout en montant à l'assaut avec un fusil pour trois hommes. Le témoignage de Pyl'cyn montre qu'il n'en est rien. Il est vrai cependant que celui-ci aurait mérité d'être recontextualisé par une introduction/préface situant l'unité, son parcours, sa composition, etc. De même, l'absence de cartes pour se repérer suppose une bonne connaissance des campagnes du front de l'est. Cela relativise un peu la portée du témoignage mais n'enlève rien à sa valeur.

Pyl'cyn, qui est originaire de Sibérie, fils d'un cheminot inquiété par le régime stalinien, ne s'engage pas moins dans l'Armée Rouge, et reçoit une formation d'officiers en Extrême-Orient - et ce bien que les officiers et les autorités connaissent probablement les antécédents de sa famille. Est-ce pour cette raison qu'en décembre 1943, il est affecté au 8ème bataillon pénal indépendant ? Il le suppose, mais ne peut l'affirmer. Ce bataillon s'est distingué à Koursk, à l'été 1943, avec le Front Central : qaund Pyl'cyn y arrive, il n'est pas à court d'effectifs, car les cours martiales soviétiques fonctionnent bien et l'Armée Rouge y envoie aussi les prisonniers récupérés aux Allemands. Il faut noter d'ailleurs que le bataillon de Pyl'cyn est essentiellement composé d'officiers dégradés pour des motifs variés et qui se voient offert une chance de racheter leurs fautes au shtrafbat. Pyl'cyn a sous ses ordres et même comme adjoints des hommes anciennement plus gradés que lui !

En février 1944, le 8ème bataillon pénal, rattaché au 1er Front de Biélorussie de Rokossovsky et en particulier à la 3ème armée du général Gorbatov, mène une reconnaissance en force sur les arrières allemands près deRogatchev, dans le secteur de Gomel, en Biélorussie. Une opération risquée, d'où l'emploi du bataillon pénal, mais celui-ci bénéficie aussi d'armements en conséquence, dont des lance-flammes. Fin mai 1944, le bataillon, surnommé par les Allemands le "gang de Rokossovsky", est transféré au nord de Kovel, près de la 38ème division de fusiliers. Il s'y déroule pendant quelques temps une guerre de positions où les shratfniks doivent procéder au déminage, parfois même déplacer des mines allemandes pour s'en servir comme renfort à leur propre défense, une tâche qui n'est pas sans danger. Pyl'cyn se souvient assez bien des hommes qui composent son unité : à côté d'anciens officiers de l'aviation, des chars ou de l'infanterie parfois condamnés pour des motifs futiles, on trouve des cas beaucoup plus iniques comme ce pervers sexuel qu'il faut envoyer à coups de pied dans le derrière pour tenir la tranchée.

Du 18 au 26 juillet 1944, le bataillon pénal est engagé dans une offensive pour encercler la ville de Brest-Litovsk. Il mène de durs combats contre les Allemands, parfois au corps-à-corps, avant d'atteindre ses objectifs. Les mines bondissantes laissées dans leur retraite par les Landsern causent d'importantes pertes à l'unité. Pyl'cyn lui-même est blessé. Le bataillon pénal n'a pas l'honneur de pénétrer dans Brest-Litovsk, réservéà des formations de fusiliers. Pyl'cyn cherche bientôt à rejoindre son unité en Pologne, quite à se sauver de l'hôpital de campagne. Il est intéressant de lire que d'après lui, l'insurrection à Varsovie n'aurait pu bénéficier de l'aide du 1er Front de Biélorussie, dont la logistique était défaillante et qui n'avait plus d'obus pour son artillerie.

En septembre 1944, le 8ème bataillon pénal est engagé dans la tête de pont sur la Narev, au nord de Varsovie, dans le secteur de la 65ème armée. Les combats sont très durs, les Soviétiques doivent repousser des attaques d'infanterie et de chars allemands, tout en étant parfois victimes des tirs fratricides des Sturmoviks... en octobre 1944, lors d'une offensive pour élargir quelque peu la tête de pont, le 8ème bataillon pénal est engagé délibérement dans un champ de mines par le général Batov, qui commande la 65ème armée : les pertes montent jusqu'à 80 %, et Pyl'cyn ne se montre guère tendre à l'encontre du général soviétique, bien qu'il n'ait connu les faits qu'après la guerre, en réalité. En décembre, alors que le 8ème bataillon pénal défend toujours la tête de pont de la Narev, Pyl'cyn épouse Rita, sa compagne infirmière qu'il a connu en 1943 près d'Ufa durant sa formation initiale. Là encore, à côté des nombreuses "femmes de campagne" des officiers soviétiques, il y a aussi d'authentiques relations dépassant le simple appétit sexuel... 

Le 8ème bataillon pénal, toujours rattaché au 1er Front de Biélorussie désormais commandé par Joukov, se prépare pour l'offensive Vistule-Oder de janvier 1945. Les effectifs sont recomplétés et entraînés : une des tâches importantes des officiers des shtrafbats est en effet de former aux rudiments du combat d'infanterie des officiers qui parfois viennent d'autres branches de l'armée et n'ont aucune expérience de ce type de combat. Le bataillon contribue à ouvrir la voie jusqu'à Varsovie, libérée le 17 janvier, mais à nouveaux, il doit céder les premières places à des fusiliers de la Garde avant de pouvoir entrer dans la ville. En février-mars 1945, avec la 23ème division de fusiliers et la 61ème armée, le bataillon mène de très durs combats en Poméranie devant Stargard puis Altdamm.

Pyl'cyn n'approuve guère, a posteriori en tout cas, les exactions commises par l'Armée Rouge lors de l'entrée en Allemagne. Il est horrifié à la vue d'une famille allemande écrasée sous les chenilles d'un char soviétique. Il tient aussi à insister sur le fait que les cours martiales, qui fournissaient alors moins de condamnés à son bataillon pendant le second semestre 1944, commencent à nouveau à bien tourner en 1945 quand il s'agit de punir quelques soldats ayant commis des déprédations et qui sont expédiés dans les shtrafbats. La dernière bataille de Pyl'cyn est le franchissement de l'Oder, en avant d'unités de fusiliers, mené avec des moyens de fortune, où sa compagnie est décimée, malgré l'emploi de Panzerfaüste retournés. Blessé, il est cependant évacué à temps et peut ainsi ensuite visiter Berlin et ses environs au moment de la capitulation allemande. Après la guerre, Pyl'cyn sert dans une unité de sécurité qui opère dans la zone de l'Allemagne occupée par les Soviétiques. 

L'ensemble est complété par un petit livret central avec quelques photos. Une lecture qui démontera quelques idées reçues, pour beaucoup, sur les bataillons pénaux de l'Armée Rouge, loin d'une certaine image d'Epinal qu'une certaine historiographie tente de nous faire avaler...



Batailles et Blindés n°54 (avril-mai 2013)

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Un numéro encore bien rempli pour la dernière mouture de Batailles et Blindés, le magazine phare des éditions Caraktère, auquel j'ai encore une fois contribué, comme je l'annonçais il y a quelques jours.

Dans l'éditorial, Yannis Kadari rejoint le camp de ceux qui déplorent les coupes qui menacent l'armée française à travers le prochain Livre Blanc. Un Livre Blanc qui agite bien du monde sur la blogosphère, les réseaux sociaux et même dans la presse quotidienne à grand tirage. Si je comprends les inquiétudes, je ne me reconnais pas forcément dans tout ce qui est dit.Sous un pseudonyme, "Diogène" s'exprime au nom du blog Secret Défiance auquel Yannis Kadari décide d'ouvrir une double page dans chaque numéro. Là encore, je ne souscris pas à tout ce qui est avancé.

- le Blindorama d'Alexandre Thers est consacré à la Hongrie (1941-1945). Un allié de l'Allemagne dont la production blindée, pendant la guerre, reste insuffisante pour couvrir les besoins. D'où le recours à des matériels allemands et quelques succès remportés alors que le sort de la guerre à l'est est déjà décidé, en 1944-1945.

- François de Lannoy retrace les durs combats menés par la 2ème DB à Grussenheim, en janvier 1945, alors que les Français tentent de réduire la poche de Colmar. Ils vont se heurter à forte partie. Récit très factuel, avec beaucoup de témoignages, et centré sur le côté français : à part quelques lignes, peu de choses sur le camp allemand d'en face.

- Jean-Philippe Mavournel, qui avait signé l'article sur la Hitlerjugend face au débarquement dans le précédent numéro, revient sur le parcours de la cavalerie blindée allemande. Une arme rendue a priori obsolète par la Grande Guerre mais qui parvient à se maintenir, à travers les leichte Divisionen, jusqu'au début de la Seconde Guerre mondiale, en dépit des efforts de Guderian. Elle retrouve sa splendeur sur le front de l'est... ainsi que les crimes de guerre, commis à la fois par les unités montées de la Wehrmacht et celles, plus nombreuses encore, de la Waffen-SS. Les dernières formations sont annihilées en Hongrie.

- Xavier Tracol signe le dernier volet des Chroniques Africaines, initiées à partir du n°41; avec la reddition de l'Axe en mai 1943. La campagne d'Afrique du Nord se termine, et la chronique du magazine aussi. Reste à savoir comment occuper ces 6-8 pages dans les prochains numéros !

- Albert Grandolini, enfin, livre la dernière partie de sa description de l'ultime campagne nord-viêtnamienne entraînant la chute du Sud en 1974-1975. Ici, les combats pour achever les défenseurs de Saïgon. L'auteur évoque en particulier, avec bien plus de détails et de précision que je ne l'avais fait, la fameuse bataille de Xuan Loc, baroud d'honneur de l'ARVN. Mais il montre aussi que la bataille de Saïgon n'a pas été la promenade de santé trop souvent décrite, ce que moi-même j'ignorais ou en tout ne connaissais pas suffisamment. Instructif comme toujours.

- à noter la rubrique Actualité des livres qui couvre deux pages, et qui reprend par exemple l'ouvrage de Stéphane Ferrard que je commentais récemment (peut-être un peu trop gentiment à mon goût).

Je précise aussi qu'hormis le Blindorama et les chroniques africaines, tous les articles mentionnent leurs sources : excellente chose.

Militaria Hors-série 86 : La bataille de Berlin (II)-L'encerclement

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Il m'arrive souvent, sur ce blog, de recenser des magazines pour lesquels je n'écris pas. Etant auteur pour plusieurs groupes différents, je n'ai évidemment aucun intérêt à massacrer tel ou tel magazine, on l'aura compris. Ici, j'ai pris le parti de dire ce que je pense : quand c'est bon, je le dis, quand c'est mauvais, je le dis aussi, et quand c'est plus mitigé, itou. Ainsi, pour Guerres et Histoire, magazine avec lequel je ne suis pas totalement en phase, mais auquel je reconnais certaines qualités.

J'ai eu l'envie d'acheter Militaria Hors-Série, chose que je n'avais pas faite depuis très longtemps, après avoir pris en cours de route un débat sur le forum Les colleurs de plastique, spécialisé dans le modélisme. Le débat portait initialement sur les photos publiées dans ce numéro mais j'y suis intervenu pour parler du fond. J'avais arrêté d'acheter le magazine il y a longtemps, car le fond était pour moi déjà insuffisant, à l'époque (il y a dix ans à peu près). Cependant, comme M. Buffetaut, l'auteur dudit texte, est lui aussi intervenu dans ce sujet pour défendre son texte, je me suis dit qu'il serait mieux de critiquer en connaissance de cause. Et je n'ai pas été surpris.

Je rappelle que les hors-série Militaria(qui en gros ont dû commencer vers 1990-1991, que quelqu'un me corrige si je me trompe) sont systématiquement (ou presque) écrits par Yves Buffetaut avec des profils couleur et illustrations fournis par Jean Restayn.

Sur le fond d'abord, j'ai été un peu surpris par le découpage : la troisième partie traitera des combats de rues dans Berlin et je ne sais pas de quoi parlait la première, mais la deuxième, baptisée "L'encerclement", ne manque pas d'étonner. Il est en effet question de la mise en défense de Berlin, des combats dans la poche de Halbe au sud de la capitale, puis dans une dernière partie, Yves Buffetaut revient en fait à nouveau sur les défenses de Berlin juste avant l'arrivée des Soviétiques. Rien sur la branche nord de l'encerclement ni sur les combats entre Seelow et Berlin elle-même, après la percée sur les hauteurs. Bon, passons.

Problème de taille : on aurait pu appeler ce hors-série "La bataille de Berlin vue duté allemand". Rien ou presque sur les Soviétiques (qui sont rappelons-le les vainqueurs de la campagne, quand même), à part un rapide ordre de bataille au moment des combats de la poche de Halbe (p.42, et uniquement pour le 1er Front d'Ukraine de Koniev) et des remarques à l'emporte-pièce dans le texte ou les légendes des photos qui ne font pas sérieux. Exemple avec la photo p.39 : "Lors de l'avance au sud de Berlin, des blessés russes sont évacués sur une charrette qui pourrait remonter à l'époque de la Grande Armée de Napoléon, alors que passe à côté le matériel le plus moderne : T-34/85, katioucha, etc. Ce cliché est un peu à l'image du communisme russe : rien n'est fait pour le confort de l'individu, tout passe pour l'industrie lourde." . On se demande vraiment où est le cliché... autre cas, la légende de la photo p.76 : "Une colonne de chars JS IIM entre dans les ruines fumantes de Berlin. Les chars lourds russes ont un avantage énorme sur les Tiger : ils sont infiniment plus nombreux !" . Ce qui rejoint un argument que je développe ci-dessous. Par ailleurs, Yves Buffetaut semble accorder un impact certain aux "Seydlitz", ces Allemands prisonniers ou communistes recrutés par les Soviétiques et expédiés dans les lignes allemandes (p.44) : cette cinquième colonne aurait complètement désorganisé les arrières pour la défense de Berlin. Difficile à croire. On retrouve cette vieille idée selon laquelle l'Armée Rouge s'est imposée grâce à la seule force du nombre (p.40) : autrement dit, un propos daté, qu'on aurait pu lire il y a 30 ans, avant la fin de la guerre froide. Et ce n'est pas étonnant : les seules source mentionnées (p.63) sont l'ouvrage de Tony Le Tissier sur la poche de Halbe (assez ancien) et les mémoires de von Luck, un officier allemand. Autant dire que ce n'est guère suffisant. En français, Jean Lopez (dont pourtant je  suis loin d'être un inconditionnel) n'a visiblement pas été lu ; en anglais, Glantz, Armstrong, Harrison, Duffy, pour n'en citer que quelques-uns, non plus. Et je ne parle même pas des auteurs russes... ce qui explique peut-être, par exemple, les pertes nettement sous-évaluées mentionnées pour l'anabase de la 9. Armee dans la poche de Halbe (qui certes font débat parmi les spécialistes : Tieke, Lakowski, Le Tissier) : les Allemands y laissent probablement entre 40 et 60 000 tués, peut-être 100 000 prisonniers tombés aux mains des Soviétiques, avec peut-être 10 à 30 000 survivants qui arrivent à rejoindre la 12. Armee de Wenck et sans doute encore moins les Américains (la 9th US Army fournissant, selon Yves Buffetaut, le décompte le plus neutre, ce dont on peut douter).

Sur la forme, on relève de nombreuses coquilles dans le texte : p.12, confusion entre le 47. Panzerkorps, qui s'est rendu dans la Ruhr aux Américains en avril 1945, et le 56. Panzerkorps ; p.35, la SS-Panzergrenadier Division Nordland a le numéro 4 et pas 11. Et il y en a d'autres, que je cesse d'énumérer ici. Il y a des photos intéressantes mais comme je l'ai dit, elles sont parfois gâchées par un commentaire tendancieux ou approximatif, en particulier (tiens tiens) sur le matériel soviétique. Ainsi, p.49, ce n'est pas un obusier de 230 mais de 203 mm sur chenilles (M1931 B-4). P. 52, Yves Buffetaut ne prend pas la peine d'identifier correctement un canon antiaérien soviétique de 37 mm M1939. Ou p.79, quand l'auteur se demande quels peuvent bien être ces marquages sur le Sherman M4A2 (76)W soviétique : "Les insignes sont intéressants, mais leur signification nous est inconnue.".... une simple recherche Internet de deux minutes suffit pour trouver la réponse : ces marquages sont ceux de la 219ème brigade de chars du 1er corps mécanisé soviétique. CQFD. Il est dommage que les auteurs ne soient pas un peu plus curieux. Je ne suis pas un mordu de l'identification de tel ou tel modèle précis de char mais il s'agit ici, dans plusieurs exemples, d'un repérage de base. Quelques photos ne sont pas de très bonne qualité mais par rapport au reste, c'est très secondaire.

Au final, vous l'avez compris, un magazine qui propose une vision très en retard de ce que fut la bataille de Berlin. Bien dommage, surtout pour le prix demandé.

Merci à Jacques Sapir...

Historicoblog (3), L'autre côté de la colline et le reste sur Facebook...

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... retour sur le réseau social au logo bleu que j'avais quitté il y a pfffffff... des années. Même si je postais ici et là par intermittence. Ce sera l'occasion de poster peut-être plus régulièrement (on va essayer de le maintenir sous perfusion et non dans le comas artificiel comme la première fois...) des nouvelles des billets publiés ici et sur L'autre côté de la colline, etc, ainsi que des infos sur les travaux d'écriture et autres activités.

Je n'en suis pas encore à "tweeter" quand même... un petit encadré sur la colonne de droite avec le lien.

André DUMOULIN, Histoire de la dissuasion nucléaire, Paris, Argos, 2012, 223 p.

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Merci aux éditions Argos pour cet envoi.

André Dumoulin, rattaché à l'Ecole royale militaire (Bruxelles) et au département de Science Politique de la faculté de droit de l'université de Liège, est un chercheur reconnu dans la stratégie et les études de défense. Il s'intéresse en particulier à la dissuasion nucléaire française, qu'il aborde dans cet ouvrage d'un peu plus de 200 pages, soit un volume plus gros que le livre de Stéphane Ferrard paru chez le même éditeur que je commentais précédemment.

Le livre est préfacé par le général Jean Rannou, qui insiste sur la rupture que constitue dans l'art de la guerre l'utilisation de la bombe nucléaire en 1945. L'arme atomique sous-tend le concept français de dissuasion nucléaire. C'est une garantie, mais aussi un véritable instrument de politique étrangère. L'évolution du contexte international (la fin de la guerre froide et l'apparition de nouvelles menaces) a cependant interrogé la dissuasion nucléaire. De même que la question d'une défense balistique antimissiles, et celle d'une dissuasion non plus française mais européenne.

L'introduction d'André Dumoulin cherche à cerner le concept de dissuasion et à en faire l'historique. La conception d'une arme nucléaire française doit beaucoup, après 1945, à la volonté politique des hommes de la IVème République, les militaires étant d'abord plus en retrait.

Le reste du propos s'articule en trois parties. André Dumoulin traite d'abord des relations dans une Europe nucléarisée, c'est à dire avec les pays alliés, adverses, ou les organisations dont la France a fait partie (OTAN, etc). La relation à l'OTAN a été ambigüe : la France ne s'en est rapprochée que dans les années 90 où l'organisation a redéfini sa politique nucléaire. Avec le Royaume-Uni, la France a des objectifs militaires communs, plus qu'avec l'Allemagne. Mais la coopération reste difficile. Quant à l'UE, on est encore loin d'une dissuasion nucléaire...

La deuxième partie revient sur l'élaboration doctrine et stratégique de la dissuasion. Un savoir modélisé par des penseurs et qui repose parfois sur des constructions intellectuelles très abstraites, cherchant la rupture. Cependant, l'école française, qui développe en particulier la notion "de faible au fort" s'est signalée dans la pensée stratégique nucléaire : Ailleret, Beauffre, Gallois et Poirier, le dernier s'étant d'ailleurs éteint récemment. Sans oublier l'amiral Castex, pionnier de la réflexion dès 1945. A partir des années 90 est apparue une autre école, dite "révisionniste", et qui postulait que la doctrine nucléaire devait s'adapter au paysage géostratégique. C'était le concept du "fort au fou". La France s'est également dotée d'armes nucléaires non stratégiques, dont l'utilisation a toujours fait débat. En réalité, les présidents Chirac puis Sarkozy ont collé d'assez près à la doctrine orthodoxe de l'arme nucléaire, qui garde la main. Reste la question du rôle de la dissuasion face au terrorisme nucléaire ou son emploi au Sud.

Dans une dernière partie, André Dumoulin présente enfin les vecteurs de l'arme nucléaire successivement bâtis par la France, après un résumé de l'évolution des bombes elles-mêmes. Les Mirage IV sont les premiers instruments de la dissuasion, qui passe d'abord par la voie aérienne. Puis viennent les missiles du plateau d'Albion et, enfin, les SNLE. Il existe aussi des armes tactiques et préstratégiques. Les essais nucléaires ont commencé en Algérie, puis on est passé aujourd'hui à des phases de simulation dans des centres de recherche. L'auteur termine enfin sur la chaîne de commandement qui permet l'utilisation de l'arme. Dommage qu'il n'y ait pas une conclusion d'ensemble.

Comme dans le livre de Stéphane Ferrard, on retrouve un livret central avec des photos couleur. L'ouvrage est pourvu d'un lexique et, cette fois-ci, d'une bibliographie. La lecture est parfois un peu ardue -tous les termes n'étant pas forcément expliqués- mais le tout constitue cependant une bonne introduction à la dissuasion nucléaire mise en oeuvre par la France. Pour le coup, les 15 euros investis sont payés de retour. 

Laëtitia BOURGEOIS, Les deniers du Gévaudan, Grands Détectives 4249, Paris, 10/18, Paris, 2009, 218 p.

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1363, dans les Cévennes, au sein du village de Marcouls et aux alentours. Le collecteur d'impôts royal disparaît mystérieusement après avoir ramassé le dû du village et de ceux des environs. Le seigneur et l'officier royal qui viennent annoncer la nouvelle pensent à un détournement de fonds. Mais le sergent Barthélémy, qui représente l'autorité seigneuriale sur place, n'est pas de cet avis. Aidé de sa compagne, Ysabellis, guérisseuse mal aimée du village, il part à la recherche du disparu, au milieu d'une contrée victime des affres de la guerre, de la peste et des rigueurs du temps...

Laëtitia Bourgeois est docteur en histoire médiévale : elle a en particulier travaillé sur le Velay et sur des thématiques précises (plantes médicinales et aromatiques, par exemple). Le premier volume de la série est sorti en 2005 avant d'être réédité en poche en 2009. La série en compte désormais 4, le dernier étant paru chez 10/18 en 2011.

Pour ce début de l'histoire, l'auteur se contente surtout de poser le cadre -les Cévennes prises dans les tourments des grandes compagnies, présentes indirectement puisque leur menace pèse sur l'intrigue pendant un moment- et de fixer les personnages principaux -Barthélémy et Ysabellis. L'ensemble est court pour cette collection Grands Détectives (200 pages) et l'intrigue n'est pas particulièrement excitante, même si elle réserve quelques surprises (je n'avais pas trouvé le coupable...). Ce n'est pas le meilleur premier tome de la collection que j'ai lu mais on sent un certain potentiel, qui effectivement se développe dans le deuxième tome que j'ai lu il y a quelques temps également. A confirmer pour les troisième et quatrième tomes qui me sont inconnus.

Je viens de voir que l'auteur en question a ouvert un blog en 2011 et qu'un cinquième tome en 10/18 ne va pas tarder à sortir. Dont acte.

Tigre Blanc (Белый тигр) de Karen Shakhnazarov (2012)

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1944-1945. Un conducteur de char T-34/76, dont le véhicule a été touché par un obus tiré par un char Tigre, est brûlé à 90% mais survit miraculeusement à ses blessures. Rétabli mais en partie amnésique, le conducteur, baptisé Naydenov (Alex Vertkov), est recruté par le major Fedotov (VitalyKishchenko). Celui-ci s'est vu attribuer la tâche, par le haut commandement (le maréchal Joukov), de débusquer le Tigre qui a détruit le char de Naydenov. Ce mystérieux blindé, qui semble surgir de nulle part et détruire des dizaines de chars soviétiques sur leurs arrières, effraie autant les Allemands que les soldats de l'Armée Rouge. Or Naydenov est désormais obsédé par la tâche de venir à bout de ce fantôme : Belyy Tigr, ou Tigre blanc...



- C'est le dieu des chars qui t'a dit ça ?
- Oui.
- Et ce dieu, où est-il ?
- Dans le ciel. Dans les nuages. Il a un trône et il est assis dessus. Autour de lui, il y a tous les chars détruits à la guerre.
- A quoi ressemble-t-il, ce dieu ?
- Il est partout, dans le casque du tankiste... il a un T-34. En or. Quand il monte dedans, il y a la foudre et l'éclair. 


Il n'y a qu'un film de guerre russe qui puisse comporter de tels dialogues.

 Le cinéma russe traitant de la Seconde Guerre mondiale, et la guerre en général, se signale par des productions intéressantes depuis près d'une décennie, avec force moyens : que l'on pense à L'Etoile, 9ème escadron, La bataille de Brest-Litovsk... Tigre blanc confirme la tendance. Assez clairement inspiré du roman d'Herman Melville, Moby Dick (et par certains côtés du film Duel de Spielberg), le film joue sur le fait bien connu de la réputation du char Tigre I allemand pendant la Grande Guerre Patriotique, adversaire redoutable et redouté -mais loin d'être invulnérable- des tankistes russes. Il est basé sur le roman d'un tankiste soviétique, Ilya Boyashov. Le réalisateur fait du Tigre l'essence même du nazisme, du fanatisme raciste et idéologique mise en oeuvre par les nazis : chaque apparition est d'ailleurs accompagné de morceaux de Wagner. A l'inverse, Naydenov et son T-34 deviennent le rempart de l'URSS et permettent de s'interroger sur la nature de la guerre, le bien et le mal, et la façon dont les conflits sont restés dans la mémoire collective.

Shakhnazarov cherche aussi à montrer que la guerre dépasse, en quelque sorte, la compréhension humaine : ainsi, le personnage principal, gravement brûlé, guérit miraculeusement et reçoit le don de parler aux chars. La scène finale du film, où l'on voit Hitler parler à un personnage habilement masqué par l'obscurité (probablement le Diable en allégorie), met en exergue la la cruauté d'une certaine culture européenne qui déchaîne la destruction. Une mise en garde aussi contre le retour d'une idéologique qui malheureusement est loin d'avoir disparue. Le réalisateur termine là-dessus, manifestement pour donner à réfléchir.

Sur un plan technique, le film, tourné en seulement trois mois (entre autres dans un village reconstitué aux abords de Moscou), fait appel à une véritable débauche de matériels. Si le Tigre, visiblement monté sur un IS-2 modifié (on en voit d'ailleurs au moins un autre dans le film), n'est pas très ressemblant (il m'a penser à ceux de la grande fresque brejnévienne, Libération), il y a pléthore de T-34/85, T-34/76, et même des carcasses allemandes et un char Matilda du Prêt-Bail (avec aussi une réplique de M3 Lee/Grant), sans compter les SU-100, ISU-152, le BT-7 détruit et d'autres véhicules légers. Aux commandes, en plus, de véritables tankistes russes (!). Bref, un vrai régal pour les yeux.

On ne se lasse plus des productions du cinéma russe ! Fortement conseillé. 


 



L'autre côté de la colline : la guerre du bush, 2ème partie

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Jérôme Percheron, dans cette deuxième partie, revient sur les armements, tactiques et unités employés pendant la guerre du bush.

Pour la suite du mois d'avril, en attendant mon article sur Katoukov à paraître le 20, Adrien nous a contacté un beau travail pour le 10 dont je vous laisse la surprise.

Thomas S. EDRINGTON et John TAYLOR, The Battle of Glorieta Pass. A Gettysburg in the West March 26-28 1862, University of New Mexico Press, 1998, 176 p.

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La campagne du Nouveau-Mexique (1862) est l'une des plus méconnues de la guerre de Sécession. Trois ans après son ouvrage consacré à la bataille de Valverde, que je commentais récemment, John Taylor s'associe à Thomas S. Edrington pour aborder celle qui est appelée communément "le Gettysburg de l'Ouest" -à tort, d'ailleurs, selon les deux auteurs.

Ceux-ci remettent la bataille dans son contexte et résument les événements ayant conduit à la campagne, et notamment le rôle du général Sibley, côté confédéré. Ils s'interrogent d'ailleurs sur les véritables motifs de l'offensive : les ordres donnés à Sibley par le président Davis le 8 juillet 1861 prévoient de lever deux régiments de cavalerie et une batterie d'artillerie pour chasser les Nordistes du Nouvau-Mexique. Mais on a beaucoup spéculé sur une possible poussée en direction du Colorado, de la Californie, tandis que les Confédérés cherchaient aussi à rallier les Etats du nord du Mexique à leur cause. Une autre hypothèse veut même qu'après la chute du Nouveau-Mexique, Sibley devait aller jusqu'au Missouri pour renforcer Price, puis rejoindre Lee en Virginie !

Le premier engagement de la campagne, après l'invasion confédérée du Nouveau-Mexique, n'est pas décisif : les Sudistes remportent une victoire tactique à Valverde mais les contraintes logistiques se font cruellement sentir et Fort Craig reste toujours une épine dans leur flanc qui n'est pas tombée. Cependant, en marchant sur le nord de l'Etat, les confédérés mettent la main sur des stocks que les fédéraux n'ont pas pu détruire entièrement et prennent Santa Fe, la capitale, ce qui améliore leur situation. Mais en face, il y a sur leur route Fort Union, une forteresse quasiment imprenable au vu des moyens des confédérés et où viennent juste d'arriver les volontaires du 1er régiment du Colorado, à marche forcée. Leur chef, le colonel Slough, n'est d'ailleurs pas très en phase avec Paul, le commandant du fort, ni avec Canby, qui a combattu à Valverde, et encore moins avec ses propres hommes...

L'armée de Sibley ne se remet en marche que lentement vers Fort Union. Il faut pour cela emprunter la piste de Santa Fe, qui passe entre les montagnes Sangre de Cristo et la Glorieta Mesa : le défilé qui permet d'y entrer à l'ouest s'appelle Apache Canyon. Les confédérés stationnent à l'entrée du défilé, au ranch de Johnson. Au milieu de la passe se trouve le ranch de Pigeon. A l'est, il y a le ranch de Kozlowski. Au matin du 26 mars, les Nordistes, qui se sont avancés sans être détectés par les confédérés jusqu'à la partie supérieure d'Apache Canyon, tombe sur les sentinelles confédérées. C'est le début de la bataille de Glorieta Pass qui, comme Gettysburg, s'étale sur trois jours. Menés par le Major Chivington, un pasteur haut en couleurs du Colorado, les Nordistes parviennent à déborder les Sudistes par les flancs et en capturent plus de 70, les pertes étant par ailleurs assez légères.

Le 27 mars est une pause, les renforts arrivant de part et d'autre. Le lendemain, Slough, qui s'est avancé au milieu de la passe jusqu'au ranch de Pigeon, divise ses forces : il garde 900 hommes et en envoie 500 autres sous les ordres de Chivington pour contourner le défilé par le sud et attaquer les confédérés par l'arrière. Les confédérés, eux, avancent d'un seul bloc sur le ranch de Pigeon et laisse une faible garde avec leur train de bagages à l'entrée ouest de la passe, au ranch de Johnson. Deux batailles vont alors se développer en parallèle. Dans la passe, les confédérés obtiennent la surprise tactique au ranch de Pigeon et comme à Valverde, cherche à déborder les nordistes par les ailes avant d'attaquer sur le centre qu'ils croient affaiblis. Les Nordistes sont forcés de se replier mais dans l'assaut, les confédérés ont perdu plusieurs officiers de valeur. Pendant ce temps, Chivington, qui a escaladé la mesa Glorieta, tombe sur le train de bagage confédéré au ranch de Johnson. Les hommes du Colorado descendent la falaise et dispersent les sentinelles confédérés, puis brûlent tous les chariots de transport, abattent et dispersent les mules.


Dans Le Bon, la Brute et le Truand, l'irruption du chariot (6:17) pendant la scène dans le désert et sans doute une référence à l'attaque du Major Chivington sur le train de bagages confédéré pendant le dernier jour de la bataille de Glorieta Pass (28 mars 1862). Mais le film se déroule plutôt pendant la phase de retraite de Sibley, après la bataille...
 




Les confédérés croient avoir remporté une autre victoire, mais se rendent vite compte du désastre subi sur leurs arrières. Slough, de son côté, s'est replié vers Fort Union. Mais Canby sort de Fort Craig avec ses troupes dès le 1er avril et menace de couper Sibley de sa route de retraite vers le Texas. Dès le 12 avril, les confédérés sont à Albuquerque et cherchent à se replier en toute hâte vers le sud ; le 14, Canby fait la jonction avec les troupes de Fort Union. Sibley doit contraindre ses hommes à parcourir le désert de San Mateo ; début mai, les premiers éléments arriventàMesilla. Plus d'un millier de Texans ont disparu dans cette campagne.

Si les deux auteurs contestent l'appellation de "Gettysburg de l'ouest" à la bataille de Glorieta Pass, c'est d'abord parce que c'est une victoire tactique des confédérés, mais surtout parce qu'elle n'eut rien de décisif. En fait, la campagne de Sibley est presque condamnée à l'échec dès le départ. Même après le succès de Valverde, la non-prise de Fort Craig est déjà un aveu d'échec. Les 250 pertes de Glorieta Pass ne font que sceller le sort d'une campagne déjà bien compromise.

Comme le volume précédent, l'ouvrage est abondamment illustré, comprend de nombreuses cartes en parallèle du texte permettant de suivre les mouvements de troupes et les phases de la bataille, et, en annexes, les ordres de bataille et détails précis des pertes (permis par la faible ampleur des engagements). Un régal !

Les Têtes Brûlées (Baa Baa Black Sheep-Black Sheep Squadron) de Stephen J. Cannell (1976-1978)

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1942. Le capitaine Gregory "Pappy" Boyington"(Robert Conrad) quitte le groupe des Tigres Volants et parvient, avec sa roublardise légendaire, à obtenir le grade de commandant tout en prenant la tête d'une nouvelle escadrille de chasse du corps des Marines basée dans le Pacifique Sud. Ce sera la VMF-214, bientôt surnommée "Les Têtes Brûlées". En effet, Boyington a recruté l'essentiel de son escadrille parmi des candidats à la cour martiale : bagarres, flirts avec les infirmières de Vella Lacava, l'île où sont basées les Têtes Brûlées, soirées bien arrosées et problèmes de discipline seront le lot quotidien du chef d'escadrille...

Les Têtes Brûlées (merci à Aurore), la série légendaire des combats aériens dans la guerre du Pacifique, a remporté un franc succès dans l'hexagone. Elle édulcorait cependant largement la dureté des combats contre les Japonais tout en revalorisant le rôle des combattants américains, alors que les Etats-Unis sortaient tout juste du traumatisme viêtnamien. Le thème a eu d'ailleurs des précédents et aussi des successeurs : il n'est qu'à voir le film Pearl Harbor (2001) qui reprend les mêmes ingrédients, plus de 25 ans après...

Pour des besoins légaux, les noms ont été changés, mais on reconnaît les îles Salomons et les archipels environnants où se jouèrent certaines des plus dures batailles de la guerre du Pacifique. D'ailleurs la progression de la guerre et des opérations dans la série est erratique et parfois incohérente, mais relever toutes les erreurs de la série relèverait de la gagure, tant il y en a (!). Si le F4U Corsair est bien la vedette de la série, il faut aussi souligner que les plans se répètent souvent au fur et à mesure des épisodes, et ce malgré l'introduction d'images d'archives en couleur. Quand on regarde tous les épisodes à la suite, la répétition de certaines séquences provoque d'ailleurs presque un ras-le-bol, tellement elle est flagrante. De la même façon, on reconnaît des séquences prises à La bataille d'Angleterre et à d'autres films de guerre contemporains comme La bataille de Midway. Les Zéros de la série sont les fameux T-6 modifiés qui avaient déjà été employés pour le film Tora ! Tora ! Tora ! Outre les Corsairs, côté américain, la série met en scène des P-51, des P-38, des B-25, un P-40 et un DC-3, et même un hydravion J2F Duck.




 La série a été tournée essentiellement au large de la côte sud de la Californie et de ses îles, ce que l'on reconnaît aisément notamment lors des scènes d'atterrissages des Corsairs sur Vella Lacava (on voit facilement que cela n'a rien d'une île du Pacifique...). Quant au scénario, il est très lâchement inspiré des mémoires du véritable Gregory Boyington, qui n'a pas hésité durant sa carrière à enjoliver les faits en sa faveur (voir l'article que j'ai consacré à la VMF-214 sur L'autre côté de la colline). Si les résultats furent corrects pour la première saison (24 épisodes), pour la deuxième, qui s'arrête au bout de 12 épisodes, il fallut renforcer l'aspect romantique en donnant un rôle plus prononcé aux infirmières de l'île (sic). Les Têtes Brulées ont en fait assez mal vieilli : typiques des séries américaines à faible budget et large audience, elles ne parviennent à accrocher que sur les premiers épisodes (notamment le pilote, exceptionnellement long et assez bien mené), avant de vite lasser par les répétitions et le simplisme de certaines situations, répliques ou images. Il faut dire qu'à l'époque, la série intervient au moment charnière où les héros "collectifs" comme les Têtes Brûlées commencent à laisser la place à des personnages plus individualisés... Bref, à regarder pour le plaisir de se souvenir, mais sans plus.

 

Laetitia BOURGEOIS, Le parchemin disparu de maître Richard, Grands Détectives 4278, Paris, 10/18, 2009, 317 p.

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1363, dans le Gévaudan. Un notaire, maître Jehan Richard, a été sauvagement assassiné dans le village de Saint-Clément, son coffre à parchemins forcé et en partie pillé. Le seigneur de Randon charge son sergent, Barthélémy, de mener l'enquête. Celui-ci se heurte dès le départ à l'hostilité des habitants et à la difficulté de comprendre un vol qui repose sur des documents écrits, lui-même ne sachant pas lire. Une enquête difficile qui n'épargnera personne, y compris son épouse Ysabellis, la guérisseuse demeurée pendant ce temps-là dans leur maison du village de Marcouls...

Et de deux ! Après Les deniers du Gévaudan, j'ai enchaîné sur la lecture du deuxième tome de la série, le dernier que j'ai en ma possession, puisque je n'ai pas encore acheté les deux autres déjà parus en format poche -en attendant le cinquième, comme je l'annonçais l'autre fois.

Un deuxième qui, comme je le disais aussi précédemment, est bien meilleur que le précédent. L'intrigue est plus construite, même si l'on devineà la fin un peu trop facilement les coupables, cette fois. Une enquête dans ce temps de vaches maigres qu'est, au Moyen Age, la période de carême, en pleine guerre de Cent Ans. L'atmosphère recrée par Laetitia Bourgeois, docteur en histoire médiévale (son blog ici), prend bien. Elle joue ici, en particulier, des relations compliquées entre paysans et seigneurs à la faveur du conflit. Sans parler de la question de l'accès au savoir à une époque où, évidemment, tout le monde ne sait pas lire. Il ne me reste plus qu'à lire les autres !

 

DSI n°91 (avril 2013)

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Un moment que je n'avais pas acheté DSI. Mais dans ma nouvelle situation, évidemment, je privilégie plutôt les ouvrages qui me servent à l'écriture, les magazines devenant plus secondaires (sic), et il n'y a pas que DSI qui en souffre. Comme toujours, résumé de ce que j'y ai trouvé d'intéressant :

- dans les Veilles Stratégiques, des encadrés ou textes rappellent que la France n'est pas la seule à souffrir des coupes budgétaires. C'est une tendance dans toutes les nations occidentales ou presque, y compris aux Etats-Unis -on apprend d'ailleurs aujourd'hui que 17 escadrilles de l'USAF sont clouées au sol pour motif budgétaire. Ce n'est pas le cas partout puisque l'Algérie, par exemple, augmente ses dépenses militaires.

- dans Industries de l'armement, on note que pour la première fois, dans le rapport annuel du SIPRI, la Chine se classe en 5ème position, devant le Royaume-Uni, pour les ventes d'armes.

- un article intéressant de Laurent Barillère sur la logistique, un enjeu stratégique. Mention spéciale pour Olivier Kempf, d'EGEA.

- même chose avec l'article de Lionel Chauprade sur l'ALAT et la 4ème dimension tactique, qui sert d'ailleurs d'une ou deux sources que j'avais employées pour le n°13 d'Histoire et Stratégie sur les opérations aéromobiles.

- Joseph Henrotin fait le point sur les MANPADS, et revient sur le danger posé par une supposée prolifération. Un problème qui concerne d'ailleurs à la fois les milieux militaires et civils.

- tableau par Benoist Bihan de la Royal Air Force, qui se serre encore la ceinture, et n'est plus capable, comme nombre de forces aériennes occidentales, de mener des opérations autonomes sans le soutien américain.

- Emmanuel Vivenot revient sur la question du blindage des hélicoptères -on se rappelle que la première perte de Serval a été un pilote d'hélicoptère blessé à mort par des tirs venus du sol.

- dans les fiches techniques, il y a notamment une présentation du F-5E Tiger II.

- plusieurs présentations de publications que je suis en train de lire ou en passe de le faire, comme Sun Tzu en France de Yann Couderc ou les premières publications de la nouvelle maison d'édition Argos.
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