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Café Stratégique n°23 : Où va la dissuasion nucléaire française ?

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23ème numéro des Cafés Stratégiques avec Philippe Wodka-Gallien, chercheur associé à l'Institut Français d'Analyse Stratégique, aujourd'hui jeudi 14 mars, à partir de 19h au café Concorde. Il sera question de la dissuasion nucléaire.

Francis BERGESE, Biggles, tome 3 : Le Bal des Spitfire, Bruxelles, Miklo, 1996, 56 p.

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Fin de l'été 1940, dans le comté de Kent.Biggles, accompagné de ses comparses Algy et Ginger, est chargé par le Fighter Command de prendre la tête du Squadron 666, une unité de Spitfirescomposée de pilotes baroudeurs, chassés d'autres unités en raison de divers problèmes de discipline. Biggles va s'attacher à en faire un groupe soudé pour affronter l'ultime phase de la bataille d'Angleterre...

Biggles est un héros fictif créé par William Earl Johns, un ancien pilote qui a servi dans la RAF sur le front de l'ouest en 1918, étant abattu et capturé, puis a quitté le service en 1930. Il crée le personnage de Biggles en 1932. Les aventures de Biggles sont réadaptées en bande dessinée par Bergèse à partir de 1990. Biggles sert dans le Royal Flying Corps pendant la Première Guerre mondiale puis dans la RAF, et effectue à la fois des missions policières toujours en rapport avec l'aviation et des missions militaires. Comme Buck Danny, Biggles, qui lui ressemble d'ailleurs fortement, ne vieillit jamais !



  


Le Bal des Spitfires est tiré de la 24ème aventure de Biggles écrite par Johns, Spitfire Parade, sortie en 1941. Bergèse met l'accent sur les différentes personnalités qui composent le Squadron 666 (qui n'a en fait été créé qu'en mars 1945 au sein de la RCAF) et leurs diverses péripéties. L'affrontement avec les Allemands dans les cieux est rude et les pilotes de la RAF devront même se garder des Hurricanes (je ne vous en dis pas plus...). Le dessin de Bergèse est efficace et on apprécie le soin du détail quant aux marquages des appareils, avec plusieurs emblèmes nettement reconnaissables (II./JG 3 p.49, par exemple, ou la tête de mort de la KG 54 p.16). De même, les lettres identifiant les squadrons britanniques sont respectés (RO pour le Blenheim solitaire p.12, ce qui correspondant au Squadron 29 effectivement équipé de Blenheim au début de la guerre ; GZ pour les Hurricanes du Squadron 32 p.48). Immanquablement, le film fait penser à la bataille d'Angleterre.

Un album à déguster sans modération.


Mes funérailles à Berlin (Funeral in Berlin) de Guy Hamilton (1966)

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L'agent secret britannique Harry Palmer (Michael Caine) doit se rendre à Berlin, coupée en deux par la guerre froide mais où les évasions d'est en ouest parviennent encore à réussir. Le colonel Stok (Oskar Homolka), le chef du KGB du secteur de Berlin-Est, souhaite faire défection. Palmer doit sonder le colonel pour voir si ses intentions sont sincères et organiser son évasion. Ce faisant, il retourne sur les lieux de ses premiers faits d'armes en marché noir qui l'avaient fait arrêter et l'avaient contraint à intégrer les services secrets britanniques. Il retrouve son ancien associé allemand, Johnny Vulkan (Paul Hubschmid), qui travaille aussi pour son chef, le colonel Ross (Guy Doleman). Bientôt Vulkan s'arrange pour que Palmer passe à Berlin-Est et rencontre Stok...

Le deuxième opus de la trilogie des Harry Palmer, dont j'avais commenté le premier volet ici, est celui qui se raccroche le plus au film d'espionnage classique sur fond de guerre froide : passage à l'ouest, anciens nazis, course au trésor. Guy Hamilton, bien connu pour avoir fait plusieurs James Bond (Goldfinger notamment, mais aussi L'homme au pistolet d'or) réalise un ensemble solide mais peut-être en dessous d'un autre film contemporain sur le même thème dont j'ai déjà également parlé et qui l'a probablement influencé, Le Secret du Rapport Quiller. Comme dans le premier opus, le propos insiste sur l'aspect très banal du rôle de l'agent secret et sur le caractère désabusé de Palmer face à sa profession, qu'il n'a pas choisie. C'est plus conventionnel que le premier volet qui mettait en place l'univers Palmer, sans être désagréable. Michael Caine est toujours aussi impeccable dans une décennie où il s'affirme comme l'un des acteurs britanniques majeurs de son époque. A regarder.




  



Francis BERGESE, Biggles, tome 6 : Squadron Biggles, Bruxelles, Miklo, 1999, 46 p.

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Automne 1940. Biggles est toujours à la tête du Squadron 666, composé de cas un peu spéciaux de la RAF. Il doit composer avec la pénurie de pilotes et d'avions, mais aussi avec les missions spéciales qu'on ne manque pas de lui demander, ainsi qu'avec plusieurs imprévus...

Suite des aventures du tome que je commentais précédemment, puisque Squadron Biggles est d'ailleurs sous-titré "Bal des Spitifire 2". Le scénario est toujours inspirée des écrits de W.E. Johns et du roman Spitfire Parade sorti en 1941.

Ceci étant dit, si le dessin est toujours impeccable et les détails aéronautiques recherchés (Ju 88 de la KG 30 dès la première page ; en revanche le Squadron 619 mentionné p.26 était du Bomber Command, non du Fighter Command), l'histoire commence à s'essouffler. D'où le recours aux missions secrètes et à des ficelles déjà utilisées dans le premier volet mais qui fonctionnent du coup moins bien.

Mais pour les fanas d'aviation et de la bataille d'Angleterre, lecture conseillée, ne serait-ce que pour voir les appareils comme le Lysander, assez rarement présenté.

Tom CLANCY, Code SSN, Paris, Le Livre de Poche 17138, 2007, 350 p.

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21 février 2003 : découverte d'un immense gisement pétrolier par une compagnie américaine au large des îles Spratley. 23 février 2003 : coup d'Etat en Chine. Le conservateur communiste Li Peng s'empare du pouvoir. 26 février 2003 : invasion chinoise des îles Spratley. Un pétrolier américain est arraisonné. 27 février 2003 : l'US Navy est en alerte maximum. Les porte-avions Nimitz et Independence foncent sur l'archipel des Spratley. Le sous-marin d'attaque USS Cheyenne, de la classe Los Angeles, commandé par Bartholomew Mackey, doit rallier la zone d'opérations à partir de la côte ouest des Etats-Unis...

Code SSN (SSN en VO), paru en 1996, est l'un des rares romans de Tom Clancy à sortir de l'univers de Jack Ryan, comme Tempête Rouge. En outre, autre originalité, il se focalise sur les opérations du sous-marin d'attaque classe Los Angeles, sans trop rentrer dans les détails de l'uchronie, contrairement à l'habitude.

Si la description de la guerre sous-marine et des aspects techniques et militaires est toujours aussi pertinente, l'histoire elle-même est très monotone et sans surprise, ce qui est assez surprenant chez Clancy qui nous avait habitué à mieux. Le sous-marin américain vient en effet à bout presque à lui tout seul de toute la flotte chinoise (plus de 60 bâtiments envoyés par le fond) sans avoir une égratignure, ce qui semble un peu gros. Le scénario semble presque sorti d'un jeu vidéo tellement il est banal, sans compter la vision peu reluisante de la Chine et des Chinois que propose Tom Clancy. Et en réalité, c'est bien l'adaptation en livre d'un jeu PC, le livre se contentant en gros de reprendre les missions du jeu dans chaque chapitre (!). Pour résumer, Super Mack, le commandant du Los Angeles, dispose des meilleures armes et du meilleur équipage du monde, et comme la flotte chinoise ne lui suffit pas, les Russes vendent à Pékin des Alfa, des Akula II et même un Typhoon pour égayer la partie (sic).



En résumé, un livre plutôt ennuyeux, et loin d'être un succès de Clancy. 

 

Feux croisés (Crossfire) d'Edward Dmytryk (1947)

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1945, peu de temps après la fin de la Seconde Guerre mondiale. L'inspecteur de police Finlay (Robert Young) est appelé sur une scène de crime où Joseph Samuels (Sam Levene) a été assassiné. Il découvre bientôt que le meurtrier pourrait être un des soldats démobilisés que Samuels a rencontré peu de temps avant avec sa compagne dans le bar d'un hôtel. Le sergent Keeley (Robert Mitchum) s'inquiète du sort de son ami Mitch (George Cooper), qui semble suspect aux yeux de Finlay. Chaque soldat raconte sa version des faits à Finlay, à commencer par Montgomery (Robert Ryan)...

Edward Dmytryk, réalisateur peu conventionnel, signe ici un film précoce sur l'antisémitisme, remarqué à sa sortie puisqu'il reçut le Prix social au festival de Cannes en 1947. Un film tourné au pas de charge en 23 jours seulement ! Avec les trois Robert (Young, Mitchum, Ryan), le casting est impeccable. A noter que le scénario est adapté d'un roman de Richard Brooks et que Dmytryk a remplacé l'homosexualité par l'antisémitisme comme motif du crime. Le film reste, aujourd'hui encore, d'une étonnante actualité au vu de la teneur du propos... Une vision sans complexe et assez réussi du désarroi et de la faillite morale de l'immédiat après-guerre aux Etats-Unis, et de la difficulté pour les soldats démobilisés à se réinsérer normalement dans la société. Dmytryk, sympathisant communiste, sera mis au ban d'Hollywood la même année par le Comité des activités antiaméricaines. Il continue sa carrière en Angleterre avant de revenir aux Etats-Unis pour purger sa peine, puis, pour reprendre le travail, finit par donner des noms de "communistes"... ce qui provoque un tollé dans l'opinion et marque aussi une rupture dans la carrière du réalisateur.


Stéphane FERRARD, Histoire des blindés français, Paris, éditions Argos, 2012, 151 p.

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Je remercie les éditions Argos pour cet envoi.

Stéphane Ferrard, journaliste, écrit notamment dans les magazines DSI et Histoire et Stratégie. Sans peut-être aller jusqu'à dire qu'il est "unique en son genre", comme l'auteur le fait dans l'avant-propos, il faut reconnaître que l'histoire des blindés français n'a pas passionné les historiens, y compris militaires. Stéphane Ferrard cherche surtout à remettre à l'honneur la contribution française dans la naissance et le développement des engins blindés, une tradition qui s'exprime aujourd'hui à travers leLeclerc ou le nouveau VBCI.

Le plan de l'ouvrage, chronologique, se découpe en 5 parties. Dans la première (1902-1918), l'auteur montre comment la France a bien créé le char à tourelle et non pas le canon d'assaut que sont, de fait, les blindés britanniques de la Grande Guerre. C'est l'avènement de l'automobile qui suscite l'intérêt de l'armée française, avant 1914, pour les engins motorisés, automitrailleuses en particulier. Le début du conflit donne cependant lieu à des expédients, comme les "torpilleurs à roulettes" de Galliéni. Avec la guerre de tranchées, le besoin de surmonter ces obstacles et les réseaux de fil de fer conduit à envisager l'utilisation d'engins chenillés. Le colonel Estienne théorise l'emploi de ces engins, et, non sans mal, contribue à la mise au point des chars Schneider puis FT, ce dernier étant véritablement le "char de la victoire". Estienne réfléchit aussi à un engin plus lourd mais la fin de la guerre interrompt brutalement le processus d'expérimentation.

La deuxième partie (1919-1940) montre comment l'expérience française de la Première Guerre mondiale s'essoufle pendant l'entre-deux-guerres, mais n'est pas perdue pour d'autres -Stéphane Ferrard oubliant le rôle important des Soviétiques, au passage. Dans les années 20, l'armée française envisage, comme le général Fayolle en 1919, l'emploi d'avant-gardes motorisées rapides, de véritables groupements mobiles. L'idée d'Estienne d'un corps blindé autonome est reprise et même testée par l'armée du Rhin, ces manoeuvres montrant déjà, entre 1925 et 1928, les carences françaises qui seront celles de 1940 (chars trop lents, artillerie immobile, manque de canons automoteurs et de DCA, de tranmissions, d'entraînement). La cavalerie se motorise cependant pour pouvoir manoeuvrer dans l'espace belge et donne naissance aux DLM. Le char reste cantonné au rôle de soutien d'infanterie, même si le char de bataille, qui donne naissance aux B1bis, doit éliminer les chars adverses. Les divisions cuirassées de réserve ne sont organisées que trop tard et leur composition est incomplète. Les blindés français sont correctement blindés et bien armés, mais restent trop lents, gourmands en essence, munis d'un tourelle monoplace et dépourvus de radios. On ne s'étonne pas que les DLM aient mieux tenu pendant la campagne de 1940 que les DCr, qui sont en plus engagées dans de mauvaises conditions, en tronçons, on dispersées en "bouchons antichars".

Dans la troisième partie (1940-1960), le propos porte surtout sur le camouflage du matériel et la production clandestine par les autorités jusqu'en novembre 1942 et l'invasion de la zone Sud par les Allemands. Ce qui n'empêche pas Vichy de collaborer avec les nazis pour mettre au point de modèle de char SOMUA jamais utilisé car déjà obsolète. L'armée d'Afrique du Nord est ensuite rééquipée avec du matériel américain, dont le M4 Sherman que des ingénieurs français expatriés dès 1940 ont peut-être aidé à mettre au point (pour le canon en tourelle en particulier). A la Libération, l'industrie blindée repart en puisant dans l'expérience et le matériel allemands. L'AMX-50, char lourd, reste à l'état de prototype, mais la France met au point l'AMX-13, véritable succès, y compris à l'exportation, et l'EBR Panhard qui marque des générations entières de tankistes.

Le quatrième chapitre (1960-1990) fait entrer les enjeux de la guerre froide : à l'heure du champ de bataille nucléaire, le besoin de nouveaux engins se fait sentir. L'AMX-30B2 reste le Main Battle Tank français jusqu'à l'apparition du Leclerc : il rend en précision ce qu'il perd en protection comparé au M-1 américain ou au Léopard allemand. Le char est décliné en de multiples versions connexes -automoteur d'artillerie, antiaérien, etc. Pour l'accompagner sont également mis au point le véhicule de combat AMX-10RC, le VAB, véritable succès avec plus de 4 000 exemplaires livrés, et l'ERC 90 Sagaie, qui fait ses preuves en OPEX. Tous ces véhicules s'imposent alors que l'URSS est au bord de l'effondrement et que la guerre pour laquelle ils avaient été conçus va plus ou moins disparaître.

Dans un dernier temps (1990-2012), Stéphane Ferrard décrit l'arrivée du Leclerc (finalement livré en 1992 à seulement un peu moins de 400 exemplaires, circonstances géopolitiques et financières obligent). Les AMX-10RC, VAB et ERC 90 sont revalorisés pour durer. Le nouveau VBCI est un véhicules à roues, préférées désormais à la chenille (meilleure résistance aux mines en particulier). Le VBL, tardivement apparu, et qui a fait ses preuves lui aussi, doit maintenant être remplacé tout comme le sont actuellement les véhicules légers P4.

En conclusion, Stéphane Ferrard rappelle le rôle de pionniers des Français en matière de chars et ce dès la Grande Guerre, le colonel Estienne envisageant déjà le corps blindé autonome. On sait comment l'expérience ne fut pas prolongée : choix d'une guerre défensive et d'un char qui accompagne d'abord l'infanterie. On n'est pas forcément obligé d'être d'accord, cependant, avec l'idée selon laquelle la défaite de 1940 aurait fait naître chez nous un "complexe d'infériorité". Pour l'auteur, la production blindée française reste actuellement excellente, mais les matériels vieillissent faute de planification budgétaire adaptée. On peut se dire que c'est peut-être la raison principale, effectivement, mais pas la seule raison.

Au final, que penser de ce petit opuscule ? En 150 pages environ, on a l'essentiel sur l'histoire des blindés français, avec une part plutôt équilibrée entre description et analyse, qui varie selon les chapitres. Un petit livret photo couleurs au centre présente certains des matériels, malheureusement pas tous ceux évoqués. En revanche, il n'y a pas de bibliographie indicative en fin d'ouvrage, même si quelques références (souvent anciennes) sont citées au fil du texte ou dans quelques notes, ainsi que des travaux de l'auteur, dans les magazines auxquels il contribue. A certains moments du livre, d'ailleurs, certaines formules laissent peut-être penser que des morceaux sont repris de ces travaux. C'est un peu dommage de ne pas avoir quelques pistes pour creuser si on le souhaite. Autre petit défaut : ce parti pris qui consiste à vouloir systématiquement revaloriser la contribution française au développement des chars. L'intention est louable mais finit par envahir un peu trop le propos à certains moments. Enfin, le livre est à 15 euros pièce, ce qui apparaît un peu cher : certes l'ouvrage est fort utile, mais à ce prix-là, il est probable que certains seront dissuadés de l'acheter. Vu le format, grosso modo celui d'un Que-Sais-Je, et le contenu, on aurait plutôt attendu 9-10 euros.



Georgi K. ZHUKOV, Marshal Zhukov's Greatest Battles, Cooper Square Press, 2002, 302 p.

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Le maréchal Joukov, l'un des artisans de la victoire soviétique durant la Grande Guerre Patriotique, reste assez méconnu du grand public français, bien que ses mémoires aient été rapidement traduites en français pendant la guerre froide. Récemment, l'historien Geoffrey Roberts lui a consacré une biographie, mais les travaux du genre se comptent sur les doigts d'une main.

Ce livre rassemble des extraits des mémoires de Joukov, traitant des quatre grandes batailles, les plus connues, qu'il dirigea pendant la guerre : la défense de Moscou, la défense puis la contre-offensive devant Stalingrad, la bataille de Koursk et l'offensive sur Berlin. A l'origine, il avait été édité en 1969 par Harrison E. Salisbury.

Cette nouvelle édition est préfacée par David M. Glantz, le grand spécialiste du conflit germano-soviétique et en particulier de l'Armée Rouge avant et pendant la guerre. Glantz rappelle combien les mémoires de Joukov sont fonction de querelles politiques -Joukov, banni par Staline après la guerre, est de ceux qui permettent à Khrouchtchev de s'imposer, avant que celui-ci ne le marginalise à son tour. Ces extraits sont issus d'articles publiés à la fin des années 1960 pour la revue du Ministère de la Défense soviétique. Bien entendu, le texte de Joukov comporte des omissions, des silences volontaires. Joukov n'évoque pas, ainsi, son rôle dans les nombreuses contre-attaques coûteuses lancées en différents secteurs du front à l'été 1941 (sud-ouest, Smolensk). Joukov reste associé, entre octobre 1941 et l'été 1943, au secteur central du front de l'est, celui considéré comme étant décisif. Il met au point l'opération Mars contre le saillant de Rjev, qui échoue lamentablement, et camoufle cet échec en diversion au service d'Uranus. En janvier 1943, Joukov se rallie à l'avis de Staline qui envisage une offensive sur tout le front, dans la foulée du succès à Stalingrad. Même au moment de la bataille de Koursk, à l'été 1943, Joukov ne perd pas de vue, selon Glantz, l'objectif central qui reste pour lui la destruction du Groupe d'Armées Centre allemand. Les opérations Koutozov, Roumantsiev et ensuite sur le Dniepr portent clairement sa marque. Il n'évoque pas non plus l'opération ratée contre Iassy au printemps 1944. Après le succès de l'opération Bagration, il prend la tête du 1er front de Biélorussie pour la grande offensive Vistule-Oder de janvier 1945. Il ne parle pasde la compétition pour la prise de Berlin avec Koniev, ni des difficultés survenues pendant cette dernière bataille, mais cherche par contre à répondre des accusation selon lesquelles la guerre aurait pu être terminée par une ultime poussée sur Berlin dès février 1945.

Les extraits choisis montrent que Joukov a été profondément marqué par la défense de Moscou, sur laquelle il s'attarde beaucoup, et par la bataille de Stalingrad. S'il expédie assez vite il est vrai l'échec de l'opération Mars, Joukov reconnaît ne pas avoir suffisamment pris en compte la topographie et ne pas avoir correctement préparé les appuis. Son silence est donc tout relatif et il faut replacer cette mystification dans ses bonnes proportions... dans le récit de la bataille de Koursk, Joukov fournit de nombreux détails sur la préparation défensive soviétique et explique pourquoi le front de Voronej eut plus de difficultés par rapport au front Central. Pour la bataille de Berlin, description qui inclut aussi l'opération Vistule-Oder, Joukov règle surtout des comptes avec Tchouïkov qui soutient mordicus après la guerre qu'une occasion unique de prendre Berlin a été manquée en février 1945, avant le virage à droite sur la Poméranie.

Bien que trop peu illustré et manquant de cartes, voici une compilation intéressante pour avoir la vision critiquée par un spécialiste de la Grande Guerre Patriotique par l'un des principaux acteurs du succès soviétique.

Ryuji NAGATSUKA, J'étais un kamikaze, Documents 49, Paris, J'ai Lu, 1974, 312 p.

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Les kamikazes utilisés par l'armée et la marine japonaise à partir d'octobre 1944 contre la flotte américaine ont marqué l'imagination des Occidentaux. Les pilotes ayant survécu à la guerre ont été très peu nombreux à faire part de leur expérience. C'est ce qui fait l'intérêt de ce témoignage, signé Ryuji Nagatsuka, comme le rappelle dans la préface l'as français Pierre Clostermann, qui tombe peut-être un peu trop sous le charme de cet étudiant devenu engin de mort au service de l'empereur, et qui a su réécrire sa propre histoire pour la magnifier.

Car Nagatsuka est un étudiant plutôt hostile aux militaires avant son incorporation dans l'armée, qui ne survient qu'à la fin de 1943. Avec certains de ses camarades, en tout cas c'est ce qu'il dit, il envisage même de biaiser pour échapper à cette mobilisation. On a à faire ici à un récit reconstruit -dans les discussions avec les autres étudiants, Nagatsuka intègre des données sur l'historique de la guerre du Pacifique qui n'étaient pas connues de la population japonaise et n'ont été rendues accessibles qu'après la guerre. On notera d'ailleurs que Nagatsuka cherche systématiquement à minimiser les crimes de guerre commis par l'armée japonaise : la terrible marche de la mort de Bataan aurait été ainsi presque plus dure pour les gardiens japonais que pour les prisonniers de guerre américains et philippins !

Résolu malgré son passé d'étudiant contestataire, amateur de français et de littérature hexagonale, à servir son pays, Nagatsuka choisit d'entrer dans l'aviation de l'armée de terre : il a été horrifié par la description des brimades subies par les recrues de l'infanterie qui lui a décrites un camarade rencontré par hasard dans le train. Il est alors formé au pilotage sur des appareils démodés relégués aussi à la défense du sol japonais, des Ki-27 Nate. Dès juin 1944, avec les premiers bombardements de B-29 sur le Japon après la prise des Mariannes, Nagatsuka rejoint une escadrille d'interception qui opère à la fois sur Ki-27 et sur chasseur bimoteur Ki-45 Toryu. Les deux mitrailleuses de 7,7 mm du Ki-27 ne sont que de peu d'utilité face aux B-29, ainsi que peut le constater le jeune étudiant. Malgré quelques vols sur Ki-45 et sur le chasseur Ki-43 Hayabusa, c'est pourtant sur Ki-27 que vole Nagatsuka jusqu'à la fin de la guerre.





Il ne cache rien des désastres subis par l'armée et la marine japonaise pendant sa formation de pilote : perte des Mariannes, désastre de la bataille de la mer des Philippines puis carnage sans nom lors du gigantesque affrontement à Leyte. Parallèlement, il se fait l'écho du terrible rationnement alimentaire subi par les Japonais et même par les forces armées, ainsi que de l'étranglement du Japon en raison du blocus naval et aérien -les appareils d'entraînement sont souvent maintenus au sol faute d'essence, quand ils n'utilisent pas un mélange dangereux dit A-Go, qui cause de nombreux accidents.

A partir d'octobre 1944, la marine impériale forme les premières unités d'attaque spéciale, mieux connus en Occident sous le nom de kamikazes, bientôt rejointe par l'armée de terre japonaise. Nagatsuka présente cette décision comme un véritable tiraillement pour certains amiraux qui en sont les inspirateurs, ce dont on peut légitimement douter. La peinture des volontaires pour les corps d'attaque spéciaux, dont il fait partie, est plus convaincante : les pilotes kamikazes ne sont pas forcés ni ligotés dans leurs appareils, mais une terrible pression s'exerce sur eux de la part de leur hiérarchie, liée au fonctionnement de l'armée et de la société, tout simplement. Les volontaires sont résignés mais s'interrogent beaucoup, aussi, sur le sens de leur action.

Nagatsuka, quant à lui, n'a jamais eu l'occasion de jeter son Ki-27 sur un porte-avions américain. Le 29 juin 1945, il prend l'air avec son escadrille mais le mauvais temps et l'absence de la flotte américaine désignée comme objectif le forcent faire demi-tour. Consigné au sol faute d'essence, rongé par le remords d'avoir échoué, il se jette à corps perdus le 12 août 1945, trois jours avant l'annonce de la reddition japonaise, avec son Ki-43 Hayabusa contre les appareils américains qui attaquent le Japon. Abattu et blessé, il termine la guerre à l'hôpital avant de rentrer chez lui.

Un récit intéressant sur le plan historiographique car il permet de saisir comment un ancien pilote kamikaze fait part de son engagement en réécrivant quelque peu les événements dans une optique nostalgique qui est celle majoritaire, en 1972 (date de parution initiale du livre), dans un Japon qui se trouve au sein du camp occidental pendant la guerre froide. Et ce alors même que les premières attaques contre un passé mal accepté font surface.

 

The Cuckoo (Кукушка) d'Aleksandr Rogojkine (2002)

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Septembre 1944, quelques jours avant que la Finlande, alliée de l'Allemagne, ne signe un armistice avec l'URSS et ne mette fin à la guerre de Continuation. Veikko (Ville Haapasalo), un soldat finlandais, est abandonné, enchaîné sur un rocher, par ses camarades finlandais et allemands qui lui reprochent ses opinions pacifistes, au milieu d'une forêt de Laponie. Pour être sûr qu'il se fasse tuer par les Soviétiques, les soldats lui font revêtir un uniforme de la Waffen-SS pour le transformer en kukushka, le nom que donne l'Armée Rouge aux snipers finlandais kamikazes. Non loin de là, Ivan (Viktor Bychkov), un capitaine de l'Armée Rouge accusé de correspondance anti-soviétique, est convoyé vers une cour martiale par le NKVD. Mais la jeep est bombardée par des avions soviétiques, le conducteur et le garde sont tués, Ivan sonné par l'effet de souffle. Veikko, enchaîné à son rocher, assiste à la scène en regardant par la lunette de son fusil. Peu de temps après, Anni (Anni-Kristiina Juuso), une fermière laponne dont le mari est parti à la guerre depuis quatre ans, cherchant de la  nourriture et de quoi survivre, trouve bientôt la scène de désolation autour de la jeep russe. En enterrant les corps, elle se rend compte qu'Ivan est vivant et elle décide de le traîner jusqu'à sa ferme...

Le cinéma russe traitant de la Grande Guerre Patriotique a produit plusieurs réalisations de qualité ces dernières années. OutreL'Etoile, sorti la même année queThe Cuckoo, on pense plus récemment à La bataille de Brest-Litovsk (2010). Ce film-ci évoque non sans ironie la fin de l'affrontement entre l'URSS et la Finlande, qui commence avec la guerre d'Hiver de 1939-1940 et se poursuit en 1941, avec l'invasion allemande -d'où le nom de guerre de Continuation que lui donnent les Finlandais.

Le réalisateur joue subtilement de la rencontre fortuite, dans le paysage sauvage de la Laponie, de trois personnages que tout oppose et réunit à la fois : le capitaine russe arrêté par le NKVD, l'étudiant finlandais qui refuse de combattre et la fermière samie rendue veuve par la guerre. Aucun des trois ne parle la langue de l'autre, ce qui donne lieu à de nombreux quiproquos. La guerre reste bien présente puisqu'Ivan, le capitaine russe, considère longtemps Veikko comme une menace, un fasciste, alors que celui-ci ne songe qu'à rentrer chez lui. Et les Allemands rôdent autour de la ferme d'Anni.

Un film réussi d'Alexandre Rogojkine, récompensé à sa sortie par l'Aigle d'or du meilleur film, qui est aussi un plaidoyer contre la futilité de la guerre.


 

L'autre côté de la colline : publication et sondage

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En guise de troisième et dernier article pour le mois de mars 2013 qui aura vu la naissance de ce blog collectif, je contribue avec une rapide synthèse sur l'escadrille VMF-214 pendant la guerre du Pacifique, celle des Têtes Brûlées.

Merci également à tous ceux qui ont participé au sondage pour l'article du mois d'avril : plus de 50 réponses en 15 jours, c'est déjà un bon score pour un blog si jeune ! L'article portera donc sur le maréchal soviétique Mikhaïl Katoukov, commandant de la 1ère armée de chars soviétique de la Garde pendant la Grande Guerre Patriotique, thème qui a recueilli pas loin des deux tiers des suffrages. Que tous ceux qui avaient voté pour la première guerre du Congo se rassurent : le sujet sera bien traité, mais plus tard !

Au commencement était la guerre...23/Before the Killing Fields : la guerre au Cambodge (1970-1975)

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Article publié simultanément sur le site de l'Alliance Géostratégique.


Si la guerre du Viêtnam reste assez mal connue du public français, que dire alors de celle qui se déroule au même moment dans le Cambodge voisin ! L'attention des historiens, et du grand public, s'est focalisée sur le génocide commis par les Khmers Rouges après la prise du pouvoir par ces derniers, en 1975. Pourtant, une guerre effroyable fait rage entre 1970 et 1975 entre les Khmers Rouges et les forces cambodgiennes qui ont rallié le camp américain. Et ce alors même que le Cambodge reste pour l'armée nord-viêtnamienne, engagée dans la reconquête du Sud, à la fois un sanctuaire et un nouveau terrain de conflit. Retour sur une guerre oubliée, véritable annexe à celle se déroulant alors au Sud-Viêtnam.


De la neutralité de façade au coup d'Etat de mars 1970


En 1953, le gouvernement français accorde l'indépendance au royaume du Cambodge, première partie de l'Indochine coloniale à pouvoir s'administrer de manière autonome sous la coupe du roi Sihanouk. Pendant dix ans, le souverain tente de maintenir son pays en dehors des conflits qui agitent le Laos puis le Sud-Viêtnam voisins. En novembre 1963 pourtant, Sihanouk annonce que l'aide américaine ne sera plus d'actualité à partir de janvier 1964. Le Cambodge s'oriente désormais vers la Chine, Sihanoul étant persuadé qu'à terme, c'est elle qui dominera la péninsule indochinoise.

 

De 1964 à 1966, Sihanouk se montre plutôt complaisant à l'égard du Viêtcong et des Nord-Viêtnamiens. En mars 1965, il accueille la conférence des peuples indochinois, organisée par des représentants du Pathet Lao1 et du Viêtcong, et qui condamne la présence américaine en Asie du Sud-Est. Au même moment, l'aide chinoise, soviétique et tchécoslovaque filtre à travers le Cambodge. Les Chinois promettent de soutenir les Forces Armées Royales Khmères (FARK), qui comptent alors 49 000 hommes, pour les augmenter de près de 20 000 hommes supplémentaires.



Trois ans après son revirement, Sihanouk doit cependant faire machine arrière. Une assemblée plus conservatrice a été élue et Lon Nol, le ministre de la Défense pro-américain, nommé Premier Ministre. Le Parti Communiste cambodgien, inquiet, lance une première série d'attaques contre les postes gouvernementaux en avril 1967, jouant d'une révolte paysanne contre les taxes du gouvernement. Lon Nol envoie l'armée pour écraser la rébellion, mais les survivants, qui ont des armes de prise, se réfugient dans la campagne pour mener la guérilla. C'est le début de ce que Sihanouk appelle la guérilla des Khmers Rouges, les communistes cambodgiens, qui tentent dès l'année suivante de relancer une offensive avec leurs 4 à 5 000 combattants -sans succès, car les Nord-Viêtnamiens ne les soutiennent pas au départ, méfiants à l'égard d'un mouvement soutenu par les Chinois.

Cinq mois plus tard, après un incident avec la Chine, Sihanouk autorise les Nord-Viêtnamiens à utiliser plus largement le port de Sihanoukville pour acheminer du ravitaillement dans les camps le long de la frontière sud-viêtnamienne. Dans le même temps, il annonce que la présence viêtnamienne sur le sol de son pays n'est pas autorisée par le gouvernement de Phnom Penh, et qu'il ne s'opposera pas à l'entrée de troupes américaines sur son territoire à la poursuite de leurs adversaires. Le Viêtcong et les Nord-Viêtnamiens deviennent ainsi un bouc-émissaire commode aux problèmes du Cambodge, en lieu et place des insignifiants Khmers Rouges, pour Sihanouk. Bientôt des relations diplomatiques sont rétablies, en mai 1969, avec les Etats-Unis. Le président Nixon, qui a succédé à Johnson, aimerait en finir avec le sanctuaire cambodgien de l'armée nord-viêtnamienne. Le MACV-SOG2 opère déjà au-delà de la frontière depuis 1967. Nixon accroît cependant nettement l'effort américain en autorisant, à partir de mars 1969, des frappes de B-52 sur la région frontalière du Cambodge : c'est l'opération « Menu », qui voit 108 000 tonnes de bombes déversées sur la frontière est du pays jusqu'en mai 1970.



L'agonie de la République khmère (1970-1975)



Dans sa démarche de contenter tout le monde en conservant une neutralité de façade, Sihanouk s'est en fait aliéné de nombreux segments de la société. Les Forces Armées Royales Khmères, en particulier, sont frustrées de ne pouvoir éliminer la présence viêtnamienne sur la frontière orientale. En outre, les communistes ne les ont que peu soutenues militairement contrairement aux Américains, dont l'aide a cessé en 1964. En 1970, Sihanouk, qui fait face à une opposition sérieuse au Cambodge, part en Chine puis en URSS. Durant son absence, l'assemblée le prive de son pouvoir le 18 mars. Il est remplacé par le commandant des FARK, le général Lon Nol, qui change immédiatement de posture. Il a déjà fermé le port de Sihanoukville le 12 mars. Le royaume du Cambodge rejoint le camp américain et exige des communistes qu'ils quittent immédiatement le pays. Un appel à une aide militaire est faite au camp occidental afin de rebâtir les nouvelles Forces Armées Nationales Khmères (FANK). Les FANK attaquent bientôt les troupes nord-viêtnamiennes à Baret, à 150 km au sud-est de Phnom Penh. Les combats font rage pendant une semaine mais les FANK, surclassées, doivent se replier de la frontière. Pendant ce temps, Lon Nol se sert de la minorité viêtnamienne vivant au Cambodge comme monnaie d'échange : les Viêtnamiens sont regroupés dans des camps, puis des massacres ont bientôt lieu.



C'est alors que l'armée américaine et l'ARVN lance une offensive de grand style contre le sanctuaire nord-viêtnamien au Cambodge, à partir du 29 avril 1970, en réaction à l'offensive nord-viêtnamienne qui est arrivée à moins de 25 km de Phnom Penh. L'objectif est de détruire la base logistique adverse, d'envoyer un signal fort à Hanoï et de tester l'ARVN au combat. L'ARVN continue de mener des opérations dans le royaume voisin les années suivantes. Parallèlement, les Etats-Unis commencent à soutenir les FANK. Le 22 avril, des milliers d'armes communistes capturées sont expédiée à Phnom Penh. En mai, les Américains aérotransportent 2 000 Khmers Kroms (des Khmers vivant au Sud-Viêtnam, une minorité ethnique que les Special Forces ont encadré dans leurs camps pendant les premières années de la guerre du Viêtnam) à Phnom Penh. Fin 1970, 8 bataillons de Khmers Khroms opèrent déjà au Cambodge.

D'autres pays du camp occidental proposent leur soutien. En juillet 1970, 2 000 soldats des FANK partent pour 16 semaines d'entraînement en Thaïlande. Les Thaïlandais consentent également à former 2 000 Khmers vivant sur leur propre sol. Les FANK lancent, en août, l'opération Chenla, afin de reprendre des zones de culture de riz hors de contrôle du gouvernement. 10 bataillons d'infanterie soutenus par des blindés et de l'artillerie convergent sur la route n°6 pour balayer le secteur et reprendre les rizières autour de Kompong Thom. Après un succès initial, les FANK sont repoussées par la 9ème division nord-viêtnamienne, unité d'élite des communistes. Les pertes sont lourdes.

En 1971, les communistes frappent un grand coup pour montrer leur mainmise sur le Cambodge. Dans la nuit du 21 janvier, 100 commandos montent une attaque sur la base aérienne de Pochentong, à Phnom Penh. Presque toute la force aérienne khmère est détruite au sol. D'autres commandos attaquent la base navale et les environs de la capitale. Les unités qui participent à « Chenla » sont rappelées. L'état-major des FANK décide alors de tenir les villes avant tout et abandonne les campagnes aux communistes. Lon Nol, qui a été victime d'une attaque cardiaque après le raid sur Pochentong, monte une autre offensive en avril 1971. Il s'agit de sécuriser la route n°6 entre Kompong Cham et Kompong Thom. L'opération Chenla 2 bénéficie d'un intense appui aérien pour amoindrir les deux divisions nord-viêtnamiennes adverses. Le 20 août 1971, Chenla 2 prend l'ennemi par surprise et réussit à ouvrir la route en deux semaines. Elle se termine le 25 octobre. Mais la 9ème division nord-viêtnamienne, renforcée par les 205ème et 207ème régiments des forces régionales, isole et anéantit la Task Force des FANK. Début décembre, ce sont dix bataillons et tout leur matériel qui ont été perdus.

Début 1972, les FANK lancent deux opérations de moindre envergure. L'opération Angkor Chey vise à nettoyer le complexe d'Angkor Vat de la présence communiste. L'opération Prek Ta est coordonnée avec l'ARVN au sud de la route n°1 . Aucune ne réussit et les FANK sont à nouveau rejetées sur Phnom Penh. En mars, les communistes sortent de leur réserve et attaquent les villes de Prey Veng City et Neak Luong. L'ARVN franchit la frontière pour affronter la 1ère division nord-viêtnamienne, soutenant de durs combats près de Kompong Trach. Au même moment, les Khmers Rouges frappent la capitale avec 200 roquettes de 122 mm ou obus de 75 mm de canon sans recul, tuant plus d'une centaine de personnes. En mai, une nouvelle attaque d'artillerie et de sapeurs vise Phnom Penh, tuant 28 personnes. Les FANK traquent alors les équipes lance-roquettes autour de la capitale, réduisant temporairement la menace.

Les Khmers Rouges commencent alors à attaquer le commerce dans le delta du Mékong. Le 23 mars, des sapeurs s'en prennent à deux cargos à Phnom Penh. La même semaine, des mines flottantes détruisent deux barges. Les garnisons gouvernementales dans le Mékong sont également assaillies. En juillet, les FANK tentent de dégager le secteur en coordination avec l'ARVN. L'armée nord-viêtnamienne intervient avec, pour la première fois, des chars et des missiles sol-air SA-7. Avec un appui aérien massif, la Task Force s'empare de Kompong Trabeck en août. Mais la garnison est perdue en septembre lors de la reprise des combats. Jusqu'à la fin de l'année, les insurgés harcèlent les forces gouvernementales et provoquent une mini-émeute du riz à Phnom Penh. Le commerce fluvial sur le Mékong est attaqué par des hommes-grenouilles.

En janvier 1973, les Khmers Rouges, ignorants le cessez-le-feu gouvernemental, lancent leur offensive de la saison sèche. En mars, les attaques se multiplient au nord de la capitale et dans le Mékong. Un assaut massif sur Phnom Penh suit mais un appui aérien massif inflige de lourdes pertes à l'assaillant en août. Les communistes ouvrent alors un second front sur la capitale provinciale de Kompong Cham. Ils occupent la moitié de la ville dont l'hôpital, où ils massacrent les patients. Les Etats-Unis retirent leur soutien aérien le 15 août : depuis 1969, ils ont largué plus de 530 000 tonnes de bombes sur le Cambodge. Les FANK acheminent des renforts par voie fluviale. Le 10 septembre, un assaut amphibie permet de chasser les Khmers Rouges de la ville et de la délivrer complètement.

La victoire regonfle le moral du gouvernement, bien qu'il ait fallu engager 4 brigades pour reprendre Kompong Cham. Les communistes renouvellent pourtant leur offensive à la saison sèche, en janvier 1974. 2 régiments approchent à 5 km au nord-ouest de Phnom Penh, mais perdent 300 hommes devant la 1ère division des FANK. Les insurgés ayant effectué une percée au sud-ouest de la capitale face à la 3ème division, les communistes y déplacent leurs unités. Les soldats inexpérimentés des FANK craquent et la situation n'est rétablie le 20 janvier que par l'envoi de renforts. Les FANK contre-attaquent en février au nord-ouest et au sud de Phnom Penh et repoussent les insurgés. Les communistes utilisent alors leurs canons de 105 mm capturés et pilonnent la capitale, tuant 200 personnes rien que le 11 février. Alors que les FANK cherchent à détruire cette artillerie, les communistes visent cette fois le delta du Mékong.

En mars, les Khmers Rouges délaissent la capitale et se concentrent autour de deux capitales provinciales, Oudong et Kampot. A Kampot, 300 hommes de la garnison désertent, affaiblissant la défense. Avant que les communistes n'aient pu profiter de la situation, 2 brigades des FANK arrivent en renfort et infligent 300 pertes à l'adversaire. En avril, la ville ne tient que par l'arrivée par hélicoptère de deux bataillons. 4 000 défenseurs s'accrochent à Kampot, perdant 400 tués mais infligeant sans doute 2 300 pertes aux communistes entre mars et mai 1974. A Oudong, la situation est critique : le 2 mars, l'assaut communiste refoule 700 hommes de la garnison et 1 500 civils dans une enclave au sud-est de la ville. Une Task Force des FANK est convoyée en ferry jusqu'à Tonle Sap pour leur porter secours mais les insurgés les attendent avec des canons sans recul de 75 mm et des lance-roquettes RPG-2. 25 hommes sont tués pendant le débarquement et un hélicoptère UH-1 est abattu. Tandis que la Task Force fait la jonction avec la garnison, 4 000 s'entassent dans le périmètre. Les communistes lancent plusieurs assaut et emportent la position : seuls 650 personnes rejoignent les lignes amies. Les FANK réussissent plus tard à reprendre la ville.

En juin 1974, la mousson ralentit les opérations. Les FANK tentent de regagner du terrain autour de la capitale en jouant de leur mobilité tactique, infligeant des revers aux insurgés. La garnison de Kompong Seila, assiégée depuis 8 mois, est secourue par une équipe des Special Forces héliportée au milieu de la garnison. En septembre, une offensive est lancée au sud de la capitale, sur la rivière Bassac, avec deux Task Forceséquipées de véhicules blindés M113. Les combats continuent jusqu'en décembre et les pertes sont lourdes des deux côtés. Les Armored Squadrons des 4 divisions des FANK y sont engagés.

En 1975, les communistes repartent à l'assaut sur le Mékong et dans un rayon de 15 km autour de Phnom Penh. Les 4 divisions des FANK sont regroupées près de la capitale tandis que la 1ère brigade aéroportée est envoyée à l'est, sur le Mékong. Les forces aériennes et navales défendent aussi Phnom Penh. Malgré leurs efforts, l'avance des communistes est inexorable. Le 1er avril, le commandant de la garnison de Neak Luong, le dernier poste gouvernemental sur le Haut-Mékong, doit demander une frappe aérienne sur sa propre position. La route du Mékong est coupée ; un pont aérien est mis en place jusqu'au 14 avril, date où la base de Pochentong est frappée par des roquettes. Une demande d'aide aux Etats-Unis est rejetée par le président Ford le 15 avril. Les FARK brûlent leurs dernières cartouches et mettent bas les armes le 17 avril. Les communistes entrent dans Phnom Penh.


L'armée cambodgienne


Le 20 novembre 1946 est signé un accord franco-cambodgien reconnaissant officiellement la naissance des Forces Armées Royales Khmères (FARK). Trois jours plus tard, un premier bataillon est formé à partir de la Garde Nationale et du régiment de tirailleurs cambodgiens de l'armée française. Sous commandement français, les FARK affrontent pour la première fois le Viêtminh en 1947. Elles mènent de petites opérations durant les trois années suivantes et assument progressivement la défense des provinces de Battambang et Kompong Thom.

En 1953, les FARK prennent part aux manifestations qui réclament l'indépendance complète du Cambodge. En octobre, après des centaines de désertions volontaires, le haut-commandement français transfère la défense du territoire national aux FARK. Mais la France maintient des unités au nord-est du pays pour protéger ses lignes de communication. Fin mars 1954, alors que l'essentiel des ressources françaises se concentre à Dien Bien Phu, les FARK conduisent leur première opération en autonomie contre le bataillon 436/101 du Viêtminh qui a franchi la frontière sud du Laos et a attaqué au nord-est du Cambodge une compagnie du 9ème bataillon d'infanterie français. En mai, le Viêtminh avance au sud, prend Prek Te et s'empare de la section moyenne du Mékong. Le 1er bataillon de parachutistes contre-attaque en juillet et reprend les positions perdues.

Les accords de Genève portent l'effectif des FARK à 45 000 hommes. Fin 1955 cependant, l'armée est réduite à 36 000 hommes : le Cambodge, qui cherche à conserver sa neutralité, mise sur les programmes d'action civique. L'aide américaine prenant fin dès 1954, les FARK n'arrivent que péniblement à maintenir un effectif de 18 000 hommes. Vers 1965, la faiblesse des forces armées devient criante face aux menaces posées par l'insurrection des Khmers Rouges et à l'insurrection conservatrice des des Khmers Serei. En outre, le Viêtcong et l'armée nord-viêtnamienne sont désormais installés sur la frontière est, contre laquelle les FARK lancent un timide coup de sonde en novembre 1969. En janvier 1970, les FARK comptent 53 bataillons et 11 compagnies régionales. La moitié des bataillons est constitué de bataillons d'infanterie, l'autre moitié étant des bataillons de chasseurs (infanterie légère) ; les parachutistes, la garnison de Phnom Penh et la Garde Royale sont regroupées en demi-brigades. La DCA, l'artillerie, le génie et le transport sont également formés en demi-brigades ; il y a un bataillon indépendant de chars à Kompong Cham et un régiment de chars à Sre Khlong. Tous les autres bataillons dépendent de la réserve générale ou des régions militaires.

En mars 1970, les rumeurs de coup d'Etat vont bon train : trois bataillons de Khmers Serei anticommunistes ont infiltré la capitale, et un bataillon de Khmers Kroms de la 25ème division de l'ARVN et des éléments du camp des Special Forces de Tien Bien au Sud-Viêtnam sont également présents autour de Phnom Penh. Lon Nol, qui arrive au pouvoir le 17 mars, réorganise les FARK en FANK. Le 18 juin, il crée des brigades d'infanterie dans la réserve générale. Dès juillet, les FANK alignent 206 000 hommes. Les Khmers Serei des montagnes Dongrek sont entraînés en Thaïmande et deviennent le noyau d'une brigade de Special Forces basée à Siem Reap. Elle est plus tard élargie en 9th Brigade Group. 8 bataillons d'irréguliers Khmers Kroms sont aussi envoyés à Phnom Penh. La 1ère brigade de choc des FANK, évacuée au Sud-Viêtnam après la chute de la garnison dans la province de Ratanakiri, est rééquipée et renvoyée au Cambodge. Un programme d'entraînement régimentaire est mis en place au Sud-Viêtnam en 1971.

Les FANK sont alors marquées par un mélange des structures à la fois françaises et américaines. Les groupes de brigades en regroupent normalement deux ; mais il y a aussi des demi-brigades, des régiments indépendants, des brigades indépendantes, des groupes, des bataillons territoriaux. Une gendarmerie paramilitaire est créée pour contrôler les campagnes. Début 1972, les FANK emploient toujours le groupe de brigades à l'échelon le plus élevé. De ces 15 groupes de brigades levés en janvier 1972, 3 sont réellement efficaces ; 3 s'entraînent au Sud-Viêtnam ; les 9 autres ne sont que de peu de valeur. En avril, la réserve générale est répartie en 3 groupes : les forces A sont attachées à une zone militaire pour une opération ; les forces B, 5 brigades, sont désignées comme la réserve de l'état-major général ; les forces C, deux bataillons aéroportés, sont la réserve personnelle de Lon Nol.

Les FANK bénéficient de l'arrivée des Khmers Kroms, particulièrment agressifs et formés au combat au Sud-Viêtnam. En février 1970, 13 brigades, plus les Special Forces, comptent déjà un nombre important de ces combattants. Mais les pertes sont lourdes durant les opérations Chenla 1 et 2 et le moral baisse quand les unités sont maintenues au-delà de leur tour d'opération de 6 mois. En mars 1972, seules les 7ème, 44ème et 51ème brigades de Khmers Kroms conservent une certaine efficacité. 6 mois plus tard, après la mutinerie d'un bataillon de Khmers Kroms, le recrutement se tarit. Les FANK cherchent alors à développer leur propre structure d'entraînement. L'école des candidats officiers est déplacée de Phnom Penh à Long Vek. Des centres d'instruction pour l'infanterie sont ouverts à Kandal et Kompong Speu. Les Special Forces ouvrent une école à Battambang. En juillet 1972, un système de milices d'autodéfense est mis en place dans les régions militaires. Une direction de la libération et de la construction de l'Etat est même créée en novembre et conduit le programme d'autodéfense, tout en travaillant de concert avec la direction politique de la guerre de l'état-major général et sa brigade de guerre psychologique.

Une réorganisation majeure des FANK intervient en décembre 1972. Les anciennes formations sont dissoutes : 32 brigades, 202 bataillons d'infanterie et 405 compagnies d'infanterie territoriale sont instaurées. Les 32 brigades regroupent 128 des bataillons. 20 brigades restent indépendantes tandis que 12 sont intégrées dans les 4 premières divisions des FANK. Une cinquième, la 9ème division de la Garde, est levée en avril 1974 par le général Ith Suong. Mais avec les accords de Paris en janvier 1973, les FANK pâtissent du retrait de l'assistance militaire. Deux mois plus tard, la 1ère brigade de parachutistes, considérée comme l'une des meilleures formations de l'armée, abandonne ses positions le long du Mékong, au sud, quand l'opération dure plus longtemps que prévu. Plusieurs unités imitent bientôt son attitude. En outre, le soutien aérien américain cesse à partir d'août 1973. Ce même mois, les instructeurs chinois nationalistes de l'école d'artillerie quittent également le pays. Les FANK montrent cependant de réelles capacités de combat en 1974, avant de s'effondrer l'année suivante, faute d'assitance extérieure.


Les forces communistes au Cambodge


Le combat des communistes contre le gouvernement commence avec le soulèvement manqué d'avril 1967 dans la province de Battambang. Bien que le soulèvement échoue, les Khmers Rouges s'installent dans les campagnes et forment une guérilla. Après le coup d'Etat de mars 1970, ils constituent leurs premières unités territoriales à partir des meilleurs groupes d'autodéfense villageois. Le prince Sihanouk, qui a trouvé refuge en Chine, sert leur cause en ralliant le camp communiste. Aux yeux de la paysannerie cambodgienne, le soutien de Sihanouk donne un surcroît de légitimité à la cause des Khmers. Les forces des Khmers Rouges doivent comprendre 3 divisions armées par la Chine, avec des forces régulières, régionales et territoriales. Des Khmers Rouges, des défecteurs des FANK et des Khmers ethniques partisans des Nord-viêtnamiens au Sud-Viêtnam forment les premiers contingents. Les centres d'entraînement sont établis sur la frontière est du Cambodge et au Laos ; le quartier général est établi à Kratie, une capitale provinciale désertée par sa garnison après le coup d'Etat.

Les pro-Sihanouk et les Khmers alignés sur les Nord-Viêtnamiens renforcent le sanctuaire de ces derniers sur la frontière est du Cambodge et ont souvent des conseillers de Hanoï dans leurs unités. Fin 1970, la guérilla compte déjà 15 000 hommes, et se développe en 1971 tandis que l'armée nord-viêtnamienne défait les unités des FANK. En 1972, les Nord-Viêtnamiens retirent leurs effectifs du Cambodge et la guérilla, avec ses 50 000 réguliers et 100 000 irréguliers, assume seule le combat. Une véritable guerre d'attrition prend place contre les forces gouvernementales, contre les lignes de communication, pour démoraliser les FANK. En janvier 1973, la guérilla déclenche sa première offensive à grande échelle, mais elle est décimée par l'aviation. En juin, ayant tiré les leçons de l'expérience précédente, elle regroupe 75 de ses 175 bataillons dans un nouvel assaut contre Phnom Penh. Bien qu'elle parvienne à s'emparer de positions au sud et au sud-ouest de la capitale, elle est à nouveau saignée dans l'aventure et laisse 16 000 hommes sur le terrain, certaines unités perdant 60% de leur effectif. Les Khmers pro-Nord-Viêtnam ont particulièrement souffert, laissant le champ libre aux Khmers Rouges de Pol Pot dans la lutte pour la mainmise politique de l'insurrection.

Malgré le retrait du soutien aérien américain en août 1973, l'offensive de la saison sèche de 1974 n'obtient pas le résultat escompté : les 60 000 réguliers de la guérilla n'infligent pas une défaite conséquente aux FANK. Ce n'est qu'en janvier 1975 que « l'offensive du Mékong » va donner des résultats décisifs. Le 1er avril, la guérilla emporte Neak Luong. 12 divisions légères, 40 régiments, marchent depuis le nord-ouest sur Phnom Penh. En deux mois, la résistance des FANK est brisée, l'anneau extérieure de défense de la capitale enfoncée : la reddition survient le 17 avril.

L'armée nord-viêtnamienne est le principal adversaire des FANK en 1970-1971. Elle emploie à la fois des tactiques conventionnelles et des méthodes irrégulières, comme le raid des sapeurs sur la base aérienne de Pochentong en janvier 1971. A la fin de cette même année, elle se retire progressivement du Cambodge, croyant avoir brisé les FANK. Les unités de sapeurs et de lance-roquettes restent cependant sur place et des infiltrations maritimes sur la côte sont menées pour acheminer des munitions à partir d'avril 1972. L'armée nord-viêtnamienne intervient aussi quand ses sanctuaires du Bas-Mékong sont menacés : elle lance ainsi une contre-attaque blindée en août 1972. Après les accords de Paris, elle maintient pas moins de 36 000 hommes au Cambodge, dont le 367ème régiment de sapeurs, qui attaque la base de Pochentong à la roquette en avril 1973. Des unités antiaériennes sont également stationnées au Cambodge. En décembre 1974, l'armée nord-viêtnamienne n'a plus que 12 000 combattants présents sur place. Le conflit avec les Khmers Rouges n'est pas pour rien dans la diminution de la présence nord-viêtnamienne. L'artillerie de Hanoï soutient pourtant l'offensive finale de Pol Pot en 1975.


Pour en savoir plus :


Kenneth CONBOY et K. BOWRA, The War in Cambodia 1970-1975, Men-at-Arms 209, Osprey, 1989.


1L'insurrection communiste au Laos.
2Military Assistance Command, Vietnam-Studies and Observation Group : le nom de la structure regroupant l'effort de guerre non conventionnelle avant et pendant la guerre du Viêtnam, au Sud-Viêtnam, au Nord-Viêtnam, au Laos et au Cambodge.

Un cerveau d'un milliard de dollars (Billion Dollar Brain) de Ken Russell (1967)

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Harry Palmer (Michael Caine) a finalement quitté le MI-5 pour devenir détective privé. Contacté au téléphone par une étrange voix métallique, on lui demande d'aller à Helsinki livrer un colis qui contient en fait 6 oeufs infectés par des virus, volés au centre de recherches britanniques de Porton Down. A Helsinki, Palmer rencontre Anya (Françoise Dorléac), qui l'amène à son contact, une vieille connaissance, Leo Newbigen (Karl Malden). Léo est amoureux d'Anya mais Harry comprend vite que celle-ci n'est que complaisante. Léo emmène Harry dans une salle secrète où un ordinateur transmet chaque jours les ordres à accomplir. L'ordinateur a la même voix que celle qui a contacté Palmer pour l'envoyer à Helsinki...

Un cerveau d'un milliard de dollars est le dernier film de la trilogie Harry Palmer, inspirée des romans de Len Deighton. C'est une sorte d'aboutissement puisqu'au réalisme assez froid des deux premiers volets succède une sorte de frénésie qui emballe le film dès le départ. Une frénésie originale puisque la mission de Palmer n'est pas de contrer les Soviétiques, mais d'empêcher que ceux-ci ne soient rayés de la carte par un de leurs adversaires complètement mégalomane. Le tout servi par un bon casting, Michael Caine toujours impeccable, Karl Malden, Françoise Dorléac (qui meurt tragiquement peu après dans un accident de voiture) et Oskar Homolka, déjà présent dans le deuxième volet, Mes funérailles à Berlin. Ken Russell, alors spécialiste de la télévision et des documentaires, conclut ainsi d'une manière élégante la trilogie consacrée à l'espion britannique.

On peut noter que ce troisième et dernier film se montre très critique à l'égard des Américains, présentés ici soit comme des va-t-en-guerre en pleine guerre froide ou comme des égoïstes peu scrupuleux, uniquement intéressés par l'argent. On est alors au beau milieu d'une floppée de productions sur l'espionnage, dont les fameux James Bond, qui donnent une influence certaine à ce film qui conserve malgré tout l'originalité du "label" Palmer. Et ce label, ce sont par exemples des détails comptement décalés : l'appartement rempli de toiles érotiques du docteur finlandais, les résistants stay-behind lettons qui n'ont rien de stay-behind, ou la forteresse incroyable du général Midwinter. On mentionnera aussi le final, clin d'oeil évident à Alexandre Nevskid'Eisenstein, avec cette charge folle des camions américains sur la glace, qui finit comme celle des chevaliers teutoniques en 1938...

Bref, on ne saurait que trop recommander cette courte série de films d'espionnage, qui dépayse un peu. A déguster dans modération ! 





 

Los ! Hors-série n°2 (avril-mai 2013)

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Merci à Xavier pour cet envoi.

Le magazine dédié à la guerre navale des éditions Caraktère, Los !, s'est dotée d'un hors-série à l'image de ses grands frères. Ce numéro 2 reprend, pour une partie (complétée par le prochain numéro), le travail de l'historien italien Erminio Bagnasco, qui avait publié une sorte d'encyclopédie des sous-marins ayant servi durant la Seconde Guerre mondiale. L'ouvrage, traduit en anglais, attendait une traduction française. C'est visiblement à ce travail que s'est attelée la rédaction.

Mis à part le fait que la couverture, magnifique comme souvent dans ce magazine, fait indubitablement penser à la série de jeux PC Silent Hunter, dédiée à la guerre sous-marine, on apprécie dans cette première partie qui couvre le début de la guerre que les 7 plus grandes flottes de sous-marins du conflit soient abordées -y compris celle de l'URSS.

L'encyclopédie à proprement parler est précédée d'un lexique des termes essentiels, toujours pratique, et d'une double page rappelant les grands principes du torpillage par les sous-marins du conflit. Les 7 flottes sont ensuite présentées successivement plus ou moins selon le même modèle : rapide introduction présentant la doctrine et l'évolution de la flotte sous-marine entre les deux guerres mondiales, puis listing détaillé et commenté des classes de sous-marins de chaque nation, avec parfois quelques petits suppléments (encadré sur l'autogyre FA-330 embarqué sur les U-Boote type IX, par exemple, p.57).

Les pages d'introduction pour chaque pays sont sans doute les plus intéressantes car elles résument assez bien les choix réalisés en matière de sous-marins. L'Italie, marquée par l'influence de la Grande Guerre, opte pour une guerre plutôt statique en Méditerranée, où les proies marchands sont plus rares, l'adversaire habile dans la lutte ASM alors que les sous-marins italiens ne brillent pas forcément pas leur conception, d'où des pertes assez lourdes. Le Japon compte lui utiliser ses sous-marins pour harasser la flotte américaine avant la bataille décisive : d'où une conception triple autour d'un sous-marin océanique, d'un sous-marin d'escadre et d'un sous-marin pour défendre les eaux nationales. L'habitabilité des sous-marins japonais n'est pourtant pas bonne, de même que leur équipement embarqué, ce qui les rends vulnérables à la lutte ASM. En revanche, ils disposent d'excellentes torpilles. En Allemagne, les expérimentations menées durant l'entre-deux-guerres ne permettent pas de satisfaire les penseurs comme Dönitz qui compte déjà employer des sous-marins réduits pour attaquer le commerce ennemi en surface,avec des groupes de U-Boote. Ces tactiques ainsi que la production du sous-marin le mieux adapté, le type VII, ne sont vraiment mises en route qu'en 1941, moment où sont aussi corrigés les défauts initiaux des torpilles allemandes.


Ci-dessous, la courte introduction du jeu PC Silent Hunter, premier du nom, sorti en 1996 par SSI... ça date !

Côté allié, la France renouvelle largement sa flotte de sous-marins après la Grande Guerre : protection des routes maritimes et coloniales, attaque du commerce, mouillage des mines, et même un croiseur sous-marin unique en son genre, le Surcouf. Bien armés, rapides, puissants, les sous-marins français sont pourtant handicapés par un système lance-torpilles complexe, un temps de plongée trop long et un kiosque imposant. Les Britanniques ne peuvent que mener une guerre de patrouille contre les ports ou côtes adverses, qui a cependant son utilité comme en Méditerranée. Ils développent des sous-marins côtiers, océaniques et d'escadre, et les prototypes validés sont repris à la déclaration de guerre pour ne pas ralentir la production. L'URSS, après des débuts heurtés, aligne au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale la plus importante flotte de sous-marins, mais ceux-ci sont surtout des modèles côtiers, qui ne sont pourtant pas dépourvus de qualités. La formation des équipages reste pourtant en deçà de ce qui aurait pu être fait et, surtout, le conflit contre l'Allemagne n'incite pas à accorder la priorité aux sous-marins. D'où sans doute les résultats médiocres des engins soviétiques. Les Etats-Unis, en raison de la dispersion de leurs bases, développent de grands sous-marins océaniques. Malgré tout, le début du conflit voit un problème flagrant de fiabilité des torpilles, résolu bien tardivement. Les engins vastes et spacieux, confortables pour leurs équipages, préfigurent les classes qui assurent le succès contre les Japonais.

On a avec ce hors-série un excellent dictionnaire, en quelque sorte, des classes de sous-marins et des choix afférents des 7 pays présentés au début de la Seconde Guerre mondiale. Un outil fort utile pour un lecteur comme moi pas forcément passionné par la guerre sous-marine mais qui n'hésite pas à lire sur le sujet. Je regrette juste pour ma part que les pages d'introduction pour chaque nation ne soient pas un peu plus nombreuses, car les listes des classes de sous-marins, indispensables mais quelque peu monotones à la longue pendant la lecture, prennent l'essentiel du numéro. Davantage de texte ne serait peut-être pas mal pour compenser cet effet malheureusement incontournable dans un tel travail. En revanche les illustrations, profils et encadrés abondent, et on peut que s'en féliciter !

Catherine BRICE, Histoire de l'Italie, Tempus 28, Paris, Perrin, 2002, 489 p.

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Catherine Brice, ancienne élève de l'ENS et de l'Ecole Française de Rome, maître de conférences à l'IEP de Paris, est une spécialiste de l'histoire de l'Italie contemporaine. Ce volume compte parmi les premiers de la fameuse collection de poche Tempus, chez Perrin : il s'agit en fait d'une réédition d'un ouvrage de Catherine Brice paru initialement chez Hatier en 1993, et revu depuis.

Ecrire une histoire "nationale", des origines à nos jours, pour ainsi dire, est souvent une gageure. Bien souvent l'exercice révèle la spécialité d'origine de l'historien(ne), par un déséquilibre entre les périodes, ce qui est le cas ici : si à peine 100 pages sont consacrées à l'Antiquité (où on relève quelques coquilles) et 40 pages (!) au Moyen Age, les périodes moderne et contemporaine bénéficient de 150 pages chacune ou plus, pour la dernière. Ce genre de problème est fréquent dans ce type de travail : ici, on regrette en particulier que le Moyen Age soit tellement survolé. Ceci étant dit, il y a un traitement toutà fait intéressant de la formation de l'unité italienne au XIXème siècle et, bien évidemment, de l'histoire contemporaine de l'Italie qui est la spécialité de Catherine Brice. La partie consacré au fascisme et à la période mussolinienne est une bonne synthèse et mérite le détour.

Malgré ces défauts, j'ai apprécié également cet ouvrage car il comporte des cartes en parallèle du texte, ce qui est une bonne chose, et parce qu'il offre une bibliographie pour creuser la question, même si elle mériterait d'être "gonflée", en particulier pour les deux périodes les plus anciennes. En outre, l'ouvrage a le mérite, comme cela est annoncé dans l'introduction, de soulever la complexité de l'histoire italienne, ou plutôt des Italies : car le pays est pluriel, à bien des titres. Une bonne introduction d'histoire politique et socio-économique, essentiellement, car les autres aspects (culture, etc) sont un peu négligés. L'ensemble mériterait d'ailleurs une réédition pour couvrir les dix ans écoulés de l'histoire italienne.


 

L'autre côté de la colline : la guerre du bush (1ère partie)

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Comme nous l'avions affirmé dans la présentation du blog collectif L'autre côté de la colline, la rédaction, dont les trois membres présentent un article mensuel chacun, est ouverte aux propositions d'articles écrits dans la ligne définie par cette même présentation.

C'est ainsi que dès le premier mois d'existence du blog, nous pouvons publier la contribution de Jérôme Percheron, consacrée à la guerre du bush entre les forces angolaises marxistes et l'Afrique du Sud, soutenues par leurs alliés respectifs. Le propos a été divisé en deux parties pour plus de commodités, la seconde suivra bientôt. Encore un article sur un conflit africain de la guerre froide, ce qui montre aussi que fidèle à la ligne définie dès le départ, nous nous intéressons à des épisodes peu traités de l'histoire militaire, ou qui, en tout cas, n'ont pas reçu grande audience pour le public francophone.

Margaret DOODY, Aristote Détective, Grands Détectives 2695, Paris, 10/18, 2003, 349 p.

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Athènes, 332 av. J.-C. . Alors que la ville est sous la domination macédonienne, bien qu'Alexandre le Grand soit parti à la conquête de l'empire perse, le citoyen Boutadès est assassiné chez lui d'une flèche en travers de la gorge. Stéphanos, l'un des premiers citoyens à arriver sur les lieux, va devoir prendre la défense de son cousin Philémon, un proscrit accusé à tort de ce crime. Pris au dépourvu, Stéphanos a recours aux conseils éclairés de son mentor, le philosophe Aristote...

Margaret Doody est un professeur de littérature à l'université de Notre-Dame, dans l'Indiana, aux Etats-Unis. Elle a publié en 1978 Aristotle Detective, ce qui en fait une des pionnières du genre des enquêtes policières sous l'Antiquité, bien avant les romans de Steven Saylor sous la République romaine finissante, par exemple, un peu à l'image d'Ellis Peters avec Frère Cadfaël. Doody a eu envie d'écrire ce roman pour retranscrire en quelque sorte la Rhétorique d'Aristote.

Ce n'est peut-être pas la meilleure série Grands Détectives en ce qui concerne l'intrigue policière, en revanche l'atmosphère socio-culturelle de l'Athènes du IVème siècle est assez bien retranscrite. A noter que le quatrième de couverture mentionne la date de 322 : or les habitants d'Athènes apprennent la victoire d'Alexandre à Tyr au début du roman, et l'on entend parler plus loin de la bataille d'Issos, alors qu'Antipater est régent en l'absence d'Alexandre et que les Spartiates ne sont pas encore révoltés, ce qui nous place en fait dix ans plus tôt, en 332, et non en 322. On note aussi qu'il n'y a pas de postface de l'auteur à propos des sources utilisées, ni de lexique ou de présentation historique : or à un moment un marin athénien use de Neptune au lieu de Poséidon (!).

Bref, un volume qui se lit bien, sans plus.

Sean McGLYNN, Blood Cries Afar. The Forgotten Invasion of England 1216, Spellmount, 2011, 287 p.

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On dit souvent, en particulier lorsqu'on évoque Napoléon Ier en 1805 ou Hitler pendant la Seconde Guerre mondiale, que l'Angleterre n'a plus été envahie avec succès depuis l'expédition de Guillaume le Conquérant en 1066. C'est oublier un peu vite d'autres tentatives certes infructueuses, mais qui n'ont pas été loin parfois de réussir. La plus fameuse est sans doute celle menée par le prince Louis, fils de Philippe Auguste et futur Louis VIII, en 1216-1217, au beau milieu d'une guerre civile qui déchire l'Angleterre, moins d'un siècle après l'affrontement entre le roi Etienne et l'impératrice Mathilde. C'est à cette expédition que fait -très maladroitement- référence Ridley Scott dans son Robin des Bois (2010), tandis qu'un autre film, Ironclad (2011), se concentre -de façon romancée- sur un épisode fameux précédant l'invasion française, le siège du château de Rochester (octobre 1215).

C'est ce conflit que Sean McGlynn, auteur spécialisé sur l'histoire militaire anglaise médiévale, s'efforce de présenter dans cet ouvrage. Comme il le rappelle dans son introduction, on se bat d'abord au Moyen Age pour la possession de la terre. Mais les guerres déterminent et sont aussi déterminées par l'environnement politique des royaumes de France et d'Angleterre en ce début de XIIIème siècle. Sean McGlynn veut aussi dresser une histoire militaire du conflit entre Capétiens et Plantagenêts entre 1202 et 1217 (il remonte un peu dans le temps pour mieux faire comprendre les causes de l'invasion française en 1216) qui offre un bon aperçu de ce que pouvait être la guerre au Moyen Age à cette période. Il cherche à souligner la place importante de la monarchie et celle de la guerre elle-même dans le monde médiéval. Enfin, il prône un retour aux sources primaires et se place dans la lignée des travaux de Philippe Contamine et d'historiens anglais qui l'ont précédé ou suivi pour remettre à l'honneur le phénomène de la guerre dans l'historiographie du Moyen Age.



Sean McGlynn commence par présenter les principaux protagonistes de la période, les rois anglais et leur adversaire Philippe Auguste. Il nuance la vision généralement très négative qui colle à Jean Sans Terre, le successeur de Richard Ier Coeur de Lion en 1199. Même s'il reste un vaincu, un perdant dans la vision traditionnelle, les faits montrent qu'il n'était pas dépourvu de qualités, y compris sur le plan militaire. Mais face à Philippe Auguste, il aurait fallu Richard plutôt que Jean. La perte de la Normandie, consommée en 1204, qui a vu aussi la chute retentissante de la forteresse de Château-Gaillard, consacre le rôle dominant du royaume de France sur le nord-ouest de l'Europe. En outre, elle place les Français à portée pour envahir l'Angleterre. En cherchant à reconquérir la Normandie pour maintenir la politique traditionnelle de guerre sur le continent afin de protéger l'Angleterre, Jean Sans Terre est contraint de pressurer davantage ses sujets, et jette ce faisant les graines de la discorde qui mèneront à la Magna Carta en 1215.

France et Angleterre luttent aussi indirectement en soutenant des candidats rivaux sur le trône du Saint Empire -Frédéric II et Otton IV, respectivement. Les deux royaumes entretiennent également des relations heurtées avec la papauté et Innocent III, très imbu de sa volonté d'imposer une sorte de "théocratie pontificale". Les deux armées se ressemblent : elles nécessitent d'importantes ressources financières et logistiques, reposent sur un modèle féodal mais on trouve déjà des embryons d'unités permanentes et le recours aux mercenaires pallie certaines carences. Les châteaux jouent un rôle de premier ordre. Un aspect important de la période est le développement des marines de guerre. Les Anglais ont déjà une certaine expérience et prennent l'ascendant sur les Français, qui récupèrent tout juste la Normandie et ses ports.

En 1205-1206, Jean fait à nouveau campagne en France, sans grand succès. Il passe ensuite plusieurs années à réprimer, assez efficacement, les menées turbulentes des Gallois, des Ecossais et même des Irlandais, souvent soutenus en sous-marin par Philippe Auguste. En 1213, sous la menace d'une invasion française (déjà), il accomplit un geste astucieux en se soumettant à la volonté du pape. Le roi de France, privé du soutien de Renaud de Boulogne et de Ferrand de Flandres qui font défection, ne peut passer en Angleterre. Débarqué à La Rochelle en février 1214, Jean Sans Terre est battu par le prince Louis, le futur envahisseur, à la Roche-au-Moine. Philippe Auguste écrase ses alliés à Bouvines, le 27 juillet. Tous les efforts financiers de Jean n'ont servi à rien. Les Français confirment leur rôle dominant et mettent la main sur la Flandre. Dès la fin 1214, l'Angleterre s'attend à une invasion.

En outre, Jean Sans Terre, qui n'a pas ménagé ses barons, a très vite une révolte sur les bras en 1215. Son comportement incite les féodaux du nord, de l'est et de l'ouest à se révolter contre ce qu'ils jugent être un dévoiement de la monarchie. Les rebelles occupent Londres en mai 1215, marquant un point important. Jean est forcé de négocier et d'accepter, en juin, le fameux document qu'est la Magna Carta, incontournable dans la tradition législatrice britannique. Ce n'est pas une constitution ou une déclaration d'indépendance à l'image de celle des colonies américaines de 1776 : c'est la mise par écrit des revendications, surtout financières, des barons rebelles, qui en profitent pour proposer de mettre en tutelle le souverain conseillé par un groupe issu de leurs rangs. Jean accepte bon gré mal gré mais il n'entend pas devenir un monarque constitutionnel. Soutenu par le pape, il va rapidement renier ce document et repartir en guerre, dès le mois de septembre. C'est alors que se place le fameux épisode du siège de Rochester, moment épique, mais qui montre surtout que Jean, renforcé de mercenaires venus du continent, est en train de reprendre l'avantage dans le sud-est. C'est pourquoi le premier contingent français débarque en décembre : les contacts ont été établis précédemment avec Philippe Auguste mais les choses sont précipitées pour renverser la situation. L'Angleterre, ravagée par les troupes de Jean qui pratiquent une politique de terre brûlée contre les possessions des rebelles, connaît sa pire période d'anarchie depuis le roi Etienne au XIIème siècle.


Quand Ridley Scott réinvente l'histoire et mélange un peu tout : pendant l'invasion française de 1216, le prince Louis ne dispose pas de péniches de débarquement dignes d'Il faut sauver le soldat Ryan (sic), et les combats n'ont pas lieu sur la plage, mais sur mer, entre flottes, ou sur terre, devant les châteaux et dans les villes, essentiellement.





Le contingent français est renforcé en janvier 1216, puis le prince Louis débarque en Angleterre en mai, transporté sur les navires d'Eustache le Moine, un personnage haut en couleurs, corsaire qui a servi Jean avant de se brouiller avec lui et de passer dans le camp français avant Bouvines. Jean Sans Terre se replie devant l'arrivée du prince français. En juin-juillet, les rebelles et les Français contrôlent déjà un tiers du pays, le sud-est essentiellement. Mais le prince Louis va se heurter au système de châteaux bâti par Jean Sans Terre et dont celui-ci a gardé pour l'essentiel le contrôle. Les garnisons de Douvres et Windsor lui sont fidèles et les Français sont obligés d'y mettre le siège. Si Alexandre II, roi d'Ecosse, traverse toute l'Angleterre pour rendre hommage au prince Louis -fait inédit dans l'histoire britannique jusque là-, il n'aide pas pour autant les Français à prendre Douvres, qui continue à résister. En outre, dans les forêts du Weald, William de Kensham, un bailli fidèle à Jean, recrute des archers et mène une véritable guérilla contre les Français : la figure de Willikin de Wealda inspiré en partie Robin des Bois -même si lui est moins généreux, puisqu'il décapite allègrement ses prisonniers...

Jean continue sa politique de harassement en évitant l'affrontement direct. Mais sa mort inopinée dans la nuit du 18 au 19 octobre 1216 va profondément transformer la guerre. Le souverain laisse le trône à son fils Henri III, mineur, et à un conseil de régence dominé par le vénérable Guillaume Le Maréchal, héros de la chevalerie. Le principal atout politique des Français -la détestation de Jean Sans Terre par les barons- a disparu. Tandis que les royalistes restent prudemment sur la défensive et consolident leurs forces, Louis marque encore quelques progrès territoriaux avant d'être arrêté, début 1217, lors d'affrontements près de Rye et Winchelsea. Il abandonne alors le siège de Douvres, qui n'est toujours pas tombée, et envoie une partie de son armée soutenir les rebelles qui ont mis le siège devant Lincoln. C'est là, que le 20 mai 1217, l'armée royale intervient : les Français sont pris en sandwich à l'intérieur de la ville entre la garnison du château et les royalistes venus de l'extérieur qui font leur jonction. Les pertes sont lourdes, de nombreux dignitaires sont capturés. Mais les Français ne sont pas encore chassés d'Angleterre.

Ironclad (2011) est un peu plus crédible que le Robin des Bois de Ridley Scott, mais le siège de Rochester est là encore grandement romancé à des fins épiques. 



Les ralliements se multiplient cependant à la cause d'Henri III, renforcés par l'émergence d'un sentiment national, selon McGlynn : sans doute faut-il davantage y voir l'amorce d'une construction d'identité face à un envahisseur extérieur, phénomène assez classique. Retranché à Londres, Louis tente de négocier avec les royalistes mais se montre trop intransigeant. Son épouse, Blanche de Castille, restée en France, bat le rappel des coffres et des hommes pour renforcer son époux en soldats et en matériel. Des renforts modestes mais qui peuvent aider à prolonger le conflit et à en changer le cours. Cependant, la flotte française est interceptée devant Sandwich, le 24 août 1217, par les navires anglais : la décision a lieu sur mer. Les Anglais prennent le dessus et s'emparent de l'essentiel de la cargaison, mettent à mort Eustache le Moine. Louis doit céder et quitte l'Angleterre dès le mois de septembre. 

Les Français ont échoué d'abord parce qu'ils n'ont pas pu prendre Douvres et assurer des liaisons correctes avec leur base arrière en France. La levée du siège est sans doute une erreur, mais Louis cherchait aussi à reprendre l'initiative en s'emparent d'autres places fortes fidèles au parti royaliste. En outre il a su composer entre ses barons français et anglais jusqu'au bout, ce qui n'est pas un mince exploit. La défaite de Lincoln est un revers sérieux mais c'est bien la destruction de la flotte de renfortà Sandwich qui condamne toute l'entreprise : Louis est isolé et a les mains liées. La mort de Jean Sans Terre, qui supprime le principal motif politique de la rébellion et élimine aussi un chef militaire peu brillant, porte sans doute le coup vital à l'invasion française. La défaite politique se transforme ensuite en défaite militaire. Malgré cela, les Français n'ont sans doute jamais été plus prêts de dominer l'Angleterre que lors de cette invasion manquée de 1216.

Un ouvrage intéressant, donc, et qui couvre un sujet peu traité : on appréciera l'abondant volet central d'illustrations (avec de nombreuses cartes) et la non moins développée bibliographie, qui aurait peut-être méritée un classement par thèmes pour s'y retrouver un peu. On peut regretter toutefois que l'auteur développe sur la moitié du livre la situation avant le conflit à proprement parler (de 1199 à 1215) : c'est un peu trop. On peut aussi être en désaccord avec la responsabilité qu'il confère finalement, après l'avoir réhabilité, à Jean Sans Terre dans le conflit : si sa personnalité est en cause, c'est surtout le système des Plantagenêts installé par Henri II qui s'écroule, Jean ne faisant qu'accélérer le processus.

 

Jacques DUQUESNE, Jean Bart, Paris, Seuil, 1992, 318 p.

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La figure de Jean Bart reste pour moi associée à une des lectures de mon enfance, L'histoire de France en bande dessinée, qui mettait en scène les exploits du corsaire de Louis XIV. Cependant, le personnage n'a pas fait l'objet d'une abondante littérature. Les biographies sont rares et probablement inégales. Celle de Jacques Duquesne, journaliste et écrivain, parue au Seuil en 1992, si elle n'est pas dépourvue de défauts, a le mérite de constituer une bonne entrée en matière.

Jean Bart naît en 1650 dans la ville de Dunkerque, alors possession espagnole. A l'âge de 8 ans, il assiste de loin à la bataille des Dunes Turenne défait l'armée ibérique renforcée par Condé, le frondeur. Dunkerque est libérée, mais pas encore française. Jusqu'en 1662, elle accueille d'abord une garnison anglaise laissée là par Cromwell : finalement, Charles II rétabli roi d'Angleterre vend tout  simplement la place à Louis XIV. La même année, Jean Bart fait ses premières armes de marin comme mousse sur le Cochon-Gras, une grosse barque de contrebandiers.



 

En 1666, comme c'est la coutume à l'époque en temps de paix, Jean Bart s'engage dans la flotte hollandaise, alliée de la France, de l'amiral De Ruyter, qui combat une Angleterre qui commence alors à vouloir dominer les mers. Bart y connaît son baptême du feu, dont il ne voit pas grand chose, puisqu'il sert sur la première batterie au pont le plus bas. En 1672, quand Louis XIV se retourne contre la Hollande, Jean Bart revient à Dunkerque. Contre son ancien employeur, il a déjà en tête d'utiliser la course plutôt que la guerre d'escadre. Dès 1673, il s'empare de ses premières flûtes. L'année suivante, il devient officiellement corsaire du roi. A l'époque, cette véritable guerre économique qu'est la course relève d'abord de l'entreprise privée, non de l'acte étatique. Bientôt, Jean Bart monte une frégate, la Royale, avec laquelle il continue de faire des prises. Dans les corps-à-corps, il est souvent au premier rang, n'hésitant à affronter en duel et à tuer le capitaine adverse si nécessaire.

Marié, Jean Bart passe, après quelques déboires avec la Royale, sur une autre frégate, La Palme, avec laquelle il capture 16 bâtiments rien qu'en 1676. Sur terre, la guerre s'enlise. Si Colbert accélère la construction des bâtiments de course selon les techniques en vigueur à Dunkerque, renommées, il hésite encore à former de véritables escadres de corsaires. Il faut dire que la Hollande est une grande puissance : le commerce, la finance et un régime libéral, malgré des dissensions internes, font toute sa force. A bord d'une nouvelle frégate, Le Dauphin, Jean Bart livre en mars 1678 l'un de ses plus rudes combats contre un navire de guerre hollandais : il est blessé pendant l'abordage. La guerre se termine : Louis XIV est venu à bout d'une coalition dressée contre lui. Les corsaires dunkerquois n'ont pas peu contribué au succès : Jean Bart lui seul réclame 81 prises !

Vauban profite de la paix pour désensabler le port de Dunkerque et la fortifier après avoir construit ses défenses vers l'intérieur. Bart, nommé lieutenant de vaisseau en 1679, s'ennuie, d'autant qu'il a perdu son épouse et l'un de ses camarades corsaires. Heureusement, Seignelay le nomme capitaine de frégate légère. La guerre se prépare en effet, Jacques II étant bientôt chassé d'Angleterre par Guillaume d'Orange. Or Louis XIV soutient le roi déchu. Au début de la guerre de la Ligue d'Augsbourg, grâce aux efforts de Colbert et de Seignelay, la marine de guerre française est puissante, une construction qui ne s'est pas faite sans mal, mais avec l'accord du souverain.

Jean Bart par en course sur la Railleuse, avec son fils...qu'il fait bien vite descendre à terre après un abordage violent qui se termine à nouveau au corps-à-corps. Il escorte entre Le Havre et Brest un convoi de 20 navires, renforcé par le chevalier de Forbin et son bâtiment. Interceptés par deux vaisseaux anglais, les deux corsaires français, après un combat inégal mené jusqu'à la dernière extrêmité, sont capturés. Ils parviennent cependant à s'évader d'Angleterre assez facilement, bien que Forbin, Provençal tonitruant, en rajoute pour la forme dans ses mémoires. Fin 1689, Jean Bart se remarie, entre dans la bonne société dunkerquoise, participe à une confrérie. Il souhaite bloquer les côtes hollandaises et anglaises par une guerre de course et mener des raids, imitant De Ruyter dans la Tamise en 1667.

En 1690, l'amiral de Tourville remporte une victoire contre la flotte anglaise à Bévéziers. Mais après la mort de Seignelay, la marine française commence son déclin. Elle abandonne la Manche à l'adversaire. Jean Bart réussit enfin à former, en 1691, son escadre de corsaires. Il faut cependant sortir de Dunkerque, environnée de navires adverses. Il attaque les côtes anglaises. A son retour, victime de calmonies, jalousé par Forbin, il se rend pour la première fois à Versailles pour plaider sa cause et gagne la confiance du roi. Mais le 29 mai 1692, la flotte française sous les ordres de Tourville est battue à La Hougue. Ce ne sont pas tant les pertes matérielles que l'effet moral qui y est important : les Français se découragent de combattre sur mer, en guerre d'escadre, et ne maintiennent que la course, abandonnant les flots aux navires de ligne anglais.

Jean Bart, lui, convoie les partisans de Jacques II en Irlande pour provoquer un soulèvement. La famine de 1693-1694 met la France en difficulté. Tourville parvient heureusement à s'emparer d'un important convoi près de Lagos. Jean Bart aussi. Mais son coup de maître survient en juin 1694 : avec son escadre de six bâtiments corsaires, il intercepte au Texel un convoi de blé hollandais de 30 navires. Il défait l'escorte à l'abordage et ramène les marchands à Dunkerque. La France respire. Jean Bart envoie son fils faire le récit de la bataille à Louis XIV, qui lui confère la noblesse. Mais un autre danger menace : les Anglo-Hollandais s'attaquent successivement à tous les ports français. Saint-Malo, Brest, Dieppe et maintenant Dunkerque.

Le blocus commence en septembre 1694, ce qui n'empêche pas Jean Bart de se faufiler à l'extérieur. Après des tentatives infructueuses, les assiégeants lèvent le blocus en août 1695. Jean Bart fait un autre voyage pour transporter des jacobites, à nouveau en vain. Peu après, il doit incendier un convoi capturé au Dogger Bank sous la menace de bâtiments de guerre ennemis. Jean Bart est pourtant nommé chef d'escadre en 1697. Bientôt, il convoie le prince de Conti dont Louis XIV espère qu'il sera nommé roi de Pologne. A nouveau c'est la désillusion. Au retour à Dunkerque, le corsaire français apprend que la paix de Ryswick a mis fin au conflit. Jean Bart a pris au cours du conflit 14 navires de guerre, en a détruit 16 ; il a capturé 50 navires marchands, en a brûlé 62 et rançonné 18.

A terre, nommé commandant de la marine de Dunkerque en 1699, Jean Bart se morfond à nouveau. Les relations avec l'intendant son exécrables. Mais voilà que le problème de la succession d'Espagne amène à nouveau la guerre. Jean Bart inspecte Le Fendant, son nouveau bâtiment, le plus imposant qu'il ait commandé, 70 canons. Lors d'une visite, le 11 avril 1702, il prend froid. C'est probablement une pneumonie qui le terrasse le 27 avril. Si Cassard ou Duguay-Trouin prennent la suite de Jean Bart dans la course, la marine de guerre française a abandonné le terrain à l'Anglais. D'ailleurs, à la fin de la guerre de Succession d'Espagne, l'Angleterre obtient le démantèlement des fortifications de Dunkerque. Colbert et Louis XIV ont cherché à briser les Provinces-Unies puis l'Angleterre, Amsterdam puis Londres devenant les villes phares d'Europe. Pour ce faire, ils ont fini par institutionnaliser la guerre de course : un processus où Jean Bart a joué les premiers rôles. Il est aussi, à sa façon, le symbole d'une certaine mobilité sociale sous l'Ancien Régime.

Si le livre est bien écrit et comprend une bibliographie indicative (à actualiser), on peut toutefois regretter, en raison du sujet, l'absence complète d'illustrations et surtout de cartes. Difficile de se faire une idée des types de bâtiments ou des manoeuvres sur mer ! 

La guerre en face : que sont nos soldats devenus ? (2011) de Patrick Barbéris

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"Depuis la fin de la guerre d'Algérie, 250 000 hommes ont servi sur plus de 160 théâtres d'opérations extérieures. Pourtant, qui se souvient du Tchad, du Liban, de Kolwezi ?
Comment sommes-nous passés du soldat inconnu aux soldats méconnus ?


Ce film s'interroge sur la disparition de la figure du soldat dans notre société et revient sur les causes de cette disparition, en revisitant cinquante ans d'histoire. Des soldats de tous rangs, qui ont participé à ces opérations et le font encore, nous parlent de leur engagement et des transformations majeures qui sont apparues au sein de l'armée depuis la fin guerre d'Algérie. Ce documentaire dévoile les nouveaux visages de la guerre et notre incapacité à la regarder en face."

Voilà un documentaire -d'ailleurs rediffusé actuellement par France 2- des plus intéressants. Coproduit par l'ECPAD et l'INA, il fait appel aux témoignages de nombreux militaires, généraux, officiers, parfois hommes du rang. On note la présence parmi de noms assez visibles de la blogosphère militaire ou de défense : l'allié Michel Goya, bien sûr, mais aussi Rémy Porte, de Guerres et conflits.

Ce documentaire m'a plu à plusieurs titres. D'abord parce qu'il évoque, par exemple, les opérations menées par l'armée française au Tchad: Limousin (1969-1972), destinée à appuyer le président Tombalbaye contre le FROLINAT, et surtout Tacaud (1978-1980), où l'armée française a dû mener des combats au sol parfois très violents pour repousser le FROLINAT et ses différentes composantes, en passe d'emporter le régime du général Malloum. Mais c'est aussi, plus largement, une réflexion sur le rapport de la France, de sa société, à son armée.

Après les guerres de décolonisation et l'indépendance de l'Algérie (1962), la vision du soldat et de la guerre en France a en effet changé du tout au tout : les appelés qui ont combattu rentrent au pays considérés comme des perdants, ayant mené une "sale guerre", et ils n'ont guère le loisir de faire part de leur expérience -alors que beaucoup en ont besoin. La stratégie de la dissuasion nucléaire voulue par le général De Gaulle accélère un processus concomittant : l'armée française peut jouer de la carte atomique en cas d'agression. Parallèlement, les appelés vont garnir le dispositif européen prévu pour repousser un éventuel assaut des forces du Pacte de Varsovie -qui n'interviendra jamais, comme on sait. En revanche, pour mener les opérations extérieures, en particulier en Afrique, dans les anciennes colonies, le pouvoir privilégie les unités de volontaires, professionnelles -légionnaires en particulier, mais pas seulement. La tendance est déjà visible pendant l'opération Limousin et ne fait que se confirmer par la suite. En outre, la guerre ayant mauvaise presse, il s'agit de camoufler du mieux possible ces interventions, d'en parler le moins possible, quand on ne joue pas sur les mots pour masquer de véritables situations de conflit. 

Avec l'engagement au Liban, c'est le début des opérations sous mandat de l'ONU, des "soldats de la paix". L'attentat contre le Drakkar, en 1983, ramène brutalement pour un temps les Français à la réalité. Mais ces missions d'un genre nouveau, qui perdurent encore aujourd'hui, conduisent à des situations proprement ubuesques, et tragiques, comme lors du conflit en ex-Yougoslavie. Le passage du documentaire sur cette dernière intervention et la parole des témoins évoquant la reprise du pont de Verbanja est particulièrement poignant. La chute de l'URSS et la fin de la guerre froide conduisent, in fine, à l'abandon du service militaire et à l'adoption d'une armée de métier, celle-là même qui menait les opérations extérieures et continue de le faire aujourd'hui -et qui se retrouve encore rognée, à tort, par le futur Livre Blanc. Pendant la guerre du Golfe, en 1990-1991, le président Mitterrand, de manière symbolique, avait déjà fait le choix de ne pas envoyer le contingent mais les unités professionnelles, annonçant la disparition du service militaire. Ce processus éloigne encore un peu plus l'armée française de la société, qui refuse pendant longtemps, à nouveau, de voir qu'une véritable guerre est menée en Afghanistan, du moins avant l'embuscade d'Uzbeen en 2008 -mais que reste-t-il de cet "électrochoc" aujourd'hui ? D'autant que, comme le présente le documentaire, le soldat est devenu, dans les médias, une victime, au même titre que des accidentés de la route ou les morts provoqués par une avalanche. C'est peut-être aussi, mais le documentaire ne le dit pas, que les politiques n'ont pas cherché véritablement à mobiliser la population et à faire comprendre les enjeux de ce qui est une vraie guerre. Certes, les impératifs de la sécurité nationale imposent des décisions rapides, mais il n'aurait peut-être pas été inutile de songer à un véritable débat national sur la guerre en Afghanistan. C'est peut-être faute de l'avoir fait que la population manifeste plutôt de l'indifférence, d'ailleurs, que de l'hostilité à notre engagement sur place. C'est la une des seules limites du documentaire : ne donner la parole qu'à des militaires, ce qui s'impose dans l'exercice, mais évite aussi de parler des responsabilités de l'armée elle-même par rapport à ces situations.

Une réalisation à voir, donc, ne serait-ce que pour entendre les témoignages de ces soldats français oubliés qu combattent à Ati, au Tchad, pour sauver le régime de N'Djamena... alors que les médias français se focalisent dans le même temps sur le saut du 2ème REP à Kolwezi. A l'heure de l'opération Serval, il est bon de se souvenir que la France a mené de vraies guerres en Afrique et ce depuis plus de 40 ans.  


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