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Eric ALARY (dir.), Les grandes affaires criminelles en France, Nouveau Monde poche, Paris, Nouveau Monde Editions, 2013, 379 p.

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Eric Alary, professeur de classes préparatoires à Tours et à Sciences Po, est un spécialiste de l'Occupation, de la gendarmerie française et du thème des frontières. Pour décortiquer les "grandes affaires criminelles" apparues au XIXème siècle via la presse, il a réuni un panel d'auteurs (11), historiens et juristes essentiellement, afin de présenter les cas les plus emblématiques du genre, à grand renfort d'illustrations et en évoquant même deux affaires à la Réunion. Ces affaires continuent parfois d'alimenter les peurs collectives des Français et le sentiment d'insécurité, parfois de manière complètement irrationnelle.

Autant le dire tout de suite, le résultat est décevant. Si 38 affaires sont présentées dans l'ordre chronologique, elles le sont tout au plus chacune sur une dizaine de pages maximum, ce qui est parfois trop court pour présenter tous les tenants et aboutissants des cas avancés, malgré le renfort des illustrations (qui auraient pu d'ailleurs être davantage commentées). La formulation alambiquée, par moments, n'aide guère à la compréhension, et le rythme est coupé par des encadrés qu'il aurait peut-être mieux valu rajouter en annexes de l'ouvrage. Le livre se concentre d'ailleurs surtout sur les crimes les plus anciens dans la chronologie, de 1796 à 1949, les derniers étant expédiés en quelques pages (4 pour Carlos ou l'affaire Grégory). On en ressort quelque peu frustré, en dépit de la présence d'une bibliographie somme toute limitée (36 sources secondaires et 3 sources primaires, soit à peine une référence par affaire, et elles ne sont pas classées pour mieux s'y retrouver...).

Pour ma part, je trouve cela dommage, d'autant plus qu'il s'agit d'une réédition (le livre est initialement paru en 2007 en grand format), et que la version Nouveau Monde Poche n'apporte visiblement pas grand chose de plus hormis un prix moindre, ce qui est certes appréciable. Et pourtant, le sujet m'intéresse, sinon je ne l'aurais bien sûr pas acheté... l'ouvrage a cependant le mérite de traiter des cas volontairement choisis et quelque peu remis en contexte pour montrer, à l'aide des encadrés, comment la justice et les forces de l'ordre se sont adaptées pour contrer de nouvelles formes de criminalités, mais aussi que certaines peurs n'ont rien de neuf : à la Belle Epoque, on tremblait devant les "apaches" de Paris tout comme on tremble aujourd'hui devant une autre forme de délinquance juvénile...


Philippe BOUIN, La peste blonde, Policier 6360, Paris, J'ai Lu, 2002, 317 p.

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1668. Alors que les négociations entre les grands Etats d'Europe vont bon train à Aix-la-Chapelle, le lieutenant général de police du royaume de France, La Reynie, reçoit une lettre anonyme dénonçant des malfaiteurs qui trafiqueraient des perruques imprégnées du bacille de la peste ! La maladie, après avoir décimé l'Angleterre, s'étend en effet sur certaines villes du nord du royaume. La Reynie prend immédiatement des mesures de quarantaine pour parer à la contagion dans la capitale. Mais il faut arracher le mal à la source ; pour cela, il fait appel à Dieudonné Danglet, son commissaire secret, et à sa bande de gueux tout droit issus de la cour des Miracles...

Philippe Bouin, né en 1949, s'est consacré entièrement à l'écriture à partir de l'an 2000. La peste blonde est le deuxième tome des aventures de Dieudonné Danglet, officier du lieutenant général de police de Louis XIV, La Reynie : je prends donc la série en cours de route. Difficile de prime abord de rentrer dans le roman policier, dont les 50 premières pages sont difficiles à avaler. Heureusement, la trame, bâtie autour d'un fait parfaitement authentique -la lettre anonyme reçue par La Reynie le 1er mai 1668- prend vite le pas sur ces premières lourdeurs et l'on se plonge facilement dans l'intrigue mise en place par l'auteur, d'autant que c'est plutôt bien mené et que l'auteur a fait, visiblement, quelques recherches. L'envers du décor des fastes de Versailles, en quelque sorte, bien que le propos ne soit pas marqué par une vision trop pessimiste de la société du temps -le héros est un adepte de Descartes et a foi dans le progrès de l'humanité, ce qui ne manque pas de surprendre pour le XVIIème siècle.

Il va falloir que je récupère le premier tome et les suivants pour confirmer...


Philippe RICHARDOT, La fin de l'armée romaine 284-476, Bibliothèque Stratégique, Paris, Economica, 2005, 408 p.

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En 2005, Philippe Richardot, agrégé et docteur en histoire, livre la troisième édition de son ouvrage La fin de l'armée romaine (284-476) chez Economica. Cet ouvrage, paru initialement en 1998, comblait un manque. En effet, rares sont les historiens qui livrent des réflexions sur l'armée romaine des IVème-Vème siècles ap. J.-C., en particulier après le règne de Constantin. Or l'armée, qui a été au coeur de la grande crise du IIIème siècle, l'est aussi des événements qui conduisent à la chute de l'Empire romain d'Occident et à la survie de l'Empire romain d'Orient. L'historien insiste sur le rôle des deux empereurs Dioclétien et Constantin, qui selon lui relève de la même école de pensée. Le livre n'est sans doute pas la référence définitive sur le sujet, mais il est tout de même incontournable.

Le propos suit un plan thématique. Dans le premier chapitre, Philippe Richardot souligne la place de la fonction militaire chez les empereurs romains des IVème-Vème siècle, souvent eux-mêmes soldats de métier. On peut discuter en revanche de l'interprétation la "réforme" de Gallien, au IIIème siècle, qui écarte les sénateurs de la fonction militaire. En revanche, il est vrai que les empereurs du Vème siècle sont progressivement dépossédés de leur fonction militaire. En Occident, des généralissimes, souvent d'origine barbare, dirigent en sous-main les restes de l'Empire derrière un empereur fantoche ; en Orient, en revanche, des personnalités parfois plus fortes maintiennent la continuité.



Evoquant ensuite la chaîne de commandement, Philippe Richardot insiste sur l'importance des protecteurs domestiques, un véritable corps de cadets, selon lui. Il rappelle l'évolution de la hiérarchie militaire, des maîtres de la milice aux simples soldats, qui devient d'ailleurs de plus en plus floue, même si certains termes sont conservés par les Byzantins. Le chapitre suivant, sur la crise du recrutement, est un peu plus faible (bien que difficile) : si l'historien explique la démilitarisation progressive des Romains et la mise en place d'un recrutement héréditaire et fiscal, qui entraîne une importante désertion, les parties sur la composition sociale de l'armée ne sont pas assez développées.

Sur la question des effectifs, Philippe Richardot précise que ceux-ci restent encore importants pendant les guerres civiles de la Tétrarchie, jusqu'à la victoire de Constantin. Les unités ont ensuite un format plus restreint (500-1 000 hommes) et l'armée romaine ne compte plus sur le nombre mais sur la qualité opérationnelle des unités. Le IVème siècle voit encore de grandes armées de plusieurs dizaines de milliers d'hommes s'affronter lors des guerres civiles (Mursa, 351) ou encore plus importantes dans le cadre de grandes expéditions (Perse, 363). Au Vème siècle, l'armée d'Occident s'effondre et se trouve remplacée par des fédérés barbares, tandis qu'apparaissent des milices d'autodéfense, alors que l'armée d'Orient parvient à maintenir une armée régulière moins barbarisée. Les barbares comptent rarement plus de quelques dizaines de milliers de combattants et les seules armées massives auxquels doivent faire face les Romains sont celles des Perses Sassanides en Orient.

L'historien livre ensuite une traduction de la Notitia Dignitatum, malheureusement peu commentée, avant de revenir sur le choix d'une défense mobile. Les Romains hésitent entre l'arrêt des envahisseurs sur la frontière ou une nouvelle réponse, la défense en profondeur. Dioclétien opte pour la première solution, d'où le nombre important de fortifications construites sous son règne. Constantin ne néglige pas la défense en avant, mais occupé par les guerres civiles, il met aussi en place une défense en profondeur, choix entériné sur la fin de son règne. Celle-ci se maintient par la suite et la défense en avant disparaît progressivement. Le choix se prolonge par la bipartition de l'Empire dès 364, une stratégie qui prend le pas à partir de 395 au point d'entraver toute coopération efficace. L'étude de cas de la défaite romaine sur la frontière du Rhin en 388 montre cependant que les deux défenses mobiles, en avant et en profondeur, coexistent encore à la fin du IVème siècle.

Les frontières deviennent progressivement un lieu de surveillance et non plus de barrage contre les invasions : la tâche devient une fonction spécialisée mais elle prend des formes reflétant les différences géographiques de l'Empire. Le terme de garde-frontières apparaît dès 298 mais les mots évoluent au fil des siècles : ripenses/riparienses, limitanei, burgarii/castellani... Les fortifications, plus compactes, évoluent vers un modèle quasi médiéval. Le filtrage des razzias prévaut en Afrique du Nord et en Egypte. Le barrage choisi en Grande-Bretagne se révèle inefficace. Le double barrage sur le Tigre et l'Euphrate prouve en revanche son efficacité contre les Sassanides. On retrouve un barrage filtrant en Arabie et en Palestine, où les fédérés arabes jouent d'ailleurs un rôle de plus en plus grand, remplaçant parfois les limitanei. Le même principe sur le Rhin ne tient pas au Vème siècle, alors que celui sur le Danube, plus longue frontière terrestre de l'Empire, tient bon jusqu'au milieu du Vème siècle. En plus des flottilles fluviales sur les deux fleuves, la marine romaine doit mener la guerre contre les pirates francs puis saxons qui s'en prennent en particulier à la Grande-Bretagne.

Parallèlement, l'intérieur se couvre de fortifications, et d'abord dans les campagnes, en particulier à l'initiative des grands propriétaires terriens. Des lètes et des Sarmates, en particulier en Gaule, servent de garnison. Les Romains développent aussi des fortifications intérieures, comme dans les Alpes Juliennes ou dans les Pyrénées. Les villes se hérissent de remparts et autres moyens de défense. Rome est délaissée par les empereurs qui s'installent dans des cités plus proches des frontières, comme Trèves ou Sirmium. Au Vème siècle, la capitale de l'Occident est à Ravenne, et non à Rome, qui a perdu sa fonction politique et militaire. En Orient, après Antioche, c'est Constantinople qui s'impose, après sa fondation en 330, comme la nouvelle capitale de l'Empire, protégée par les imposantes murailles de Théodose II qui arrêteront tous les envahisseurs jusqu'en 1453.

En Méditerranée, la marine romaine n'assure plus, au IVème siècle, qu'une fonction de transport, rarement de combat. Au Vème siècle, les Vandales, après la capture de l'Afrique du Nord, bâtissent une véritable thalassocratie dont ni l'Occident ni l'Orient ne peuvent venir à bout. Il faudra attendre la campagne de Bélisaire sous Justinien pour que le royaume vandale soit vaincu. La logistique romaine est bien rôdée, même si le cantonnement des troupes chez l'habitant pose problème et que certaines campagnes, comme celles contre la Perse, dépassent, en fait, les capacités de l'Empire. Les camps sont encore bâtis au IVème siècle.

Les Romains portent aussi une grande attention au renseignement. La cartographie se développe. Les agentes in rebus font office de "police politique" de l'empereur. Les exploratores se chargent du renseignement stratégique, tandis que les speculatores, procursatores ou excursatores éclairent la progression de l'armée. Les interrogatoires de prisonniers n'hésitent pas à recourir à la torture puis à l'exécution. Mais le renseignement ne reste valable que lorsqu'il est recoupé, ce qui n'est pas toujours le cas et entraîne parfois des défaites côté romain.

La poliorcétique est encore très présente au IVème siècle : les sièges les plus impressionnants opposent les Perses aux Romains ou les Romains entre eux, à l'occasion des guerres civiles. En Occident, les Barbares n'ont au départ pas de science du siège à proprement parler mais ils apprennent au contact des Romains, comme le montrent plusieurs épisodes du Vème siècle. Les sièges sont toujours coûteux pour l'assaillant. La cavalerie s'est développée au IVème siècle : à côté du scutaire, le plus présent, on trouve aussi les cavaliers ultra-lourds, minoritaires, cataphractaires, et clibanaires, inspirés des Sarmates et des Sassanides. Le rôle de la cavalerie semble plus appréciable en Occident qu'en Orient, où les adversaires des Romains ont par tradition une arme montée plus prononcée. L'infanterie romaine conserve son efficacité au IVème siècle et multiplie les armes de jet. Les fantassins romains restent supérieurs en combat rapproché tout en cherchant à s'adapter à la guérilla barbare. En Occident cependant, les troupes régulières sont évincées par les fédérés dès la fin du IVème siècle.

Philippe Richardot présente, judicieusement, le désastre d'Andrinople dans un chapitre entier. La défaite romaine de 378 n'est d'ailleurs pas due à une invasion mais à une révolte de fédérés. Elle montre surtout que les barbares ont appris au contact des Romains, qui ne bénéficient plus de leur ancienne supériorité. Dès le IIIème siècle, l'armée romaine recrute massivement des Barbares, individuellement ou de manière collective, et les influences sont réciproques. La barbarisation s'accélère entre 376 et 382 ; en Occident, les fonctions supérieures de la hiérarchie militaire sont quasiment monopolisées par des Francs. L'Empire romain d'Occident est détruit par l'ingérence des fédérés barbares qui prennent la place de l'armée régulière, malgré des réactions antibarbares qui au contraire sauvent pour partie l'Empire d'Orient. La bataille des Champs Catalauniques (451), qu'évoque l'historien dans un autre chapitre, n'est d'ailleurs plus qu'une bataille entre fédérés barbares de l'Empire romain.

En conclusion, Philippe Richardot voit trois raisons principales dans l'échec de l'armée romaine à sauvegarder l'intégralité de l'Empire : la démilitarisation des Romains, la barbarisation de l'Empire et sa division. Les guerres civiles accentuent le problème du recrutement par les pertes importantes qu'elles engendrent. Les barbares, au contact des Romains, ont appris et ne craignent plus leur supériorité militaire : le mythe de l'invincibilité des armes romaines à vécu. L'ambition des fédérés, en Occident, envahit le champ militaire puis politique de l'Empire, conduisant à sa disparition. L'Orient, à partir de la bipartition, survit : il est plus riche, la paix avec la Perse protège son flanc est sur une longue période, les barbares ne sont jamais souverains sur le plan militaire car Constantinople réussit à maintenir une armée régulière. La capitale, bien protégée, permet au pouvoir impérial de conserver un certain lustre. Progressivement l'Empire romain d'Orient devient ainsi l'Empire byzantin.

A noter qu'en plus d'une bibliographie (malheureusement non classée par thèmes), l'ouvrage comprend nombre de cartes disposées au fil du texte et des illustrations à la fin de la plupart des chapitres : les cartes ne sont pas forcément très lisibles, mais c'est quand même appréciable.

Vidéo-L'autre côté de la colline : la bataille de Xuan Loc (9-21 avril 1975)

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Ci-dessous, vous trouverez une vidéo d'introduction à mon prochain article sur L'autre côté de la colline, à paraître le 20 juillet, sur la bataille de Xuan Loc. Je voulais expérimenter de nouvelles choses sur les vidéos, malheureusement de petits problèmes techniques m'en ont empêché : le traditionnel exposé est absent, avec seulement un extrait du meilleur documentaire américain sur la guerre du Viêtnam. Mais ce n'est que partie remise... bon visionnage !


Richard D. NOLANE et MAZA, Wunderwaffen, tome 3 : Les damnés du Reich, Paris, Soleil, 2013, 48 p.

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Mi-novembre 1946.Bergier a réussi à échapper à la traîtrise du réseau de résistants polonais infiltré par les nazis et se dirige vers la zone spéciale d'Auschwitz. Pendant que Rudel et son escadrille s'en prennent à un bâtiment soviétique au-dessus de la mer Noire, Murnau doit subir les tests de l'Ahnenerbe qui confirment ses visions au seuil de la mort : celles du visage du Führer qui apparaît inexplicablement alors qu'il a ordonné la mise à mort du pilote. Murnau commande bientôt la nouvelle escadrille de Triebflügel qu'il a contribué à mettre au point pour la production en série...

L'uchronie des éditions Soleil, basée en particulier sur les prétendues "armes miracles" des nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, poursuit son chemin, et plutôt de belle façon. Néanmoins, en refermant ce tome, et après l'avoir lu deux fois de suite, j'ai l'impression d'un petit essoufflement. Certes, on découvre enfin la raison du secret posé sur la zone spéciale d'Auschwitz (dans le genre Soleil vert, mais on se demande quand même d'où les nazis parviennent à déporter encore des Juifs en 1946, au vu des cadences d'extermination réelles pendant la guerre...), et quelques nouveaux appareils font leur apparition, comme ce P-61D spécial de l'OSS qui largue Bergier, ou comme ces hélicoptères Fl 282 Kolibri, réellement expérimentés par les Allemands (on voit aussi un Focke-Achgelis Fa 223 p.27). Mais quelque part, on se dit que les Allemands, à bord de leurs super-machines de guerre, ont un peu la vie trop facile contre les Alliés, à l'image du raid anti-navire de Rudel au-dessus de la mer Noire, ou de l'attaque des Triebflügel contre les B-29 à la fin de l'album. A noter cependant les Gloster Meteor qui escortent ces mêmes B-29, dont une escadrille de la France libre (!). La conclusion du tome apporte de nouvelles interrogations en redirigeant l'intrigue vers l'Antarctique, haut lieu de toutes les thèses assez farfelues, d'ailleurs, sur la survie des nazis après la guerre, comme le rappelait le complément place à la fin du premier tome. Ce tome 3 pose aussi la question de la responsabilité des Alliés à l'égard des camps. On peut regretter peut-être de ne pas avoir davantage de détails en fin de volume sur le Triebflügel, qui tient un rôle important dans ce troisième tome ; en outre, il semble passer rapidement de l'état de prototype à la production en pré-série ! Ici, Richard D. Nolane propose une interview d'un spécialiste fictif américain du IIIème Reich qui évoque la montée en puissance d'Himmler (histoire de mettre l'eau à la bouche du lecteur pour la suite) avant d'être interrompu et tué dans un attentat à la bombe qui pulvérise les locaux de la radio. Petite satisfaction personnelle : p.27, le château du Wewelsburg n'est plus situé en Prusse (erreur que j'avais signalée précédemment) mais bien en Westphalie.



Bref, la série commence à mon avis à tourner en rond : on aimerait assister à un renversement, car même dans une uchronie, on n'a pas forcément envie de voir les nazis l'emporter, a fortiori quand le héros principal est un pilote de la Luftwaffe passé dans la SS... le scénario semble écartelé entre l'aspect uchronique et les combats aériens, mais ce sont ces derniers qui encore les plus efficaces. L'histoire part un peu dans tous les sens, passe d'un personnage à l'autre, sans lien réel, les Alliés ne trouvent toujours pas de parade aux armes nazis, et la série, qui devait compter deux tome au départ, en alignera probablement 4 voir plus... reste à savoir si elle rebondira de meilleure façon dans les suivants. 


L'autre côté de la colline : la bataille de Xuan Loc (9-21 avril 1975)

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Pour terminer les publications du mois de juillet surL'autre côté de la colline, je signe ce jour un article consacré, à nouveau, à la bataille de Xuan Loc (9-21 avril 1975). J'avais déjà abordé la question pour l'Alliance Géostratégique il y a déjà un an, mais le sujet m'intéressant encore et avec de nouvelles sources, j'offre en particulier une description plus précise de l'affrontement, tout en résumant les grandes lignes de la campagne de 1975 jusqu'à la bataille.

Avec les vacances, le mois d'août donnera probablement lieu à un article plus court, et peut-être plus analytique.

YANN et Alain HENRIET, Dent d'ours, tome 1 : Max, Dupuis, 2013, 50 p.

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Octobre 1944. A bord du porte-avions USS Yorktown (CV-10, deuxième du nom), le pilote Max Kurtzman, volant sur Corsair, abat plusieurs avions japonais lors d'une attaque kamikaze. Revenu à San Diego avec son porte-avions qui doit réparer ses dégâts, Max est aussitôt arrêté par la police militaire. On lui reproche d'apparaître, plus jeune, sur un numéro de la revue nazie Der Adler, en 1935. Max, jeté en prison, repense alors à ce qui est à l'origine de tout : son enfance en Silésie, en 1930, où il rêve de devenir pilote à côté de ses camarades allemands Werner et Hanna...

On connaît Yann pour ses scénarios talentueux, et notamment celui d'une des dernières séries parues, Le pilote à l'Edelweiss, sur la Grande Guerre. Difficile de se démarquer de la concurrence en cette période de floraison des BD sur l'aviation militaire. Associé ici à Alain Henriet au dessin, Yann brode une histoire qui utilise en partie, on le sent, les mêmes ficelles, sur la Seconde Guerre mondiale. Ce début est peut-être un peu moins réussi que celui du pilote à l'Edelweiss.

On note ainsi que le Fighting Lady, censé être le Yorktown de la classe Essex, est en fait... le Saratoga, d'après son profil p.18. De même, l'engagement des F4U Corsair sur porte-avions de la Navy en octobre 1944 semble bien précoce : rappelons que ces appareils, initialement rejetés comme avions embarqués par l'US Navy, servent d'abord à terre, à partir des îles, aux côtés des escadrilles des Marines, avant que celles-ci ne soient finalement embarquées sur porte-avions fin 1944 et surtout en 1945.


Difficile également de croire à cette rencontre entre un jeune Juif, un Allemand et Hanna Reitsch, personnage bien réel, en Silésie, en 1930. Bien qu'Hanna Reitsch soit effectivement née dans cette région. Les relations entre les trois adolescents sont d'ailleurs un peu convenues (et ils en savent beaucoup sur les événements politiques pour leur âge...), même si la montée du nazisme et son encadrement de l'aviation, d'abord à travers le vol à voile et l'engagement dans les Jeunesses Hitlériennes, sont bien mis en scène. Yann fait également intervenir dans l'aventure le général Donovan, patron de l'OSS, ancêtre de la CIA. A noter également dans les dernières pages de l'album l'apparition du Me 163 Komet, entre les mains de Reitsch, contre une formation de B-17.

Malgré cette entame en demi-teinte, on ne peut que se réjouir de la présence de 4 pages d'interview de Yann en fin d'album, où il explique notamment ses choix scénaristiques. Il n'était peut-être pas nécessaire de remonter jusqu'aux Vandales (!) pour justifier du choix de la Silésie, la période moderne suffisait amplement. Intéressant de voir aussi que Yann était un lecteur assidu de Buck Danny, du Fana de l'aviation et regardait avec avidité les Têtes Brûlées -ce qui renvoie à mon article de L'autre côté de la colline.

Le dessin est agréable sans être forcément inoubliable (sans parler de la couverture, magnifique et qui attire l'oeil), et on attend le deuxième tome intitulé Hanna -Dent d'ours, j'ai oublié de le dire, renvoyant à un talisman précieusement conservé par Max autour de son cou. Car malgré les quelques défauts que j'ai mentionnés, c'est du solide.


Keith William NOLAN, The Battle for Saigon Tet 1968, Pocket Books, 1996, 274 p.

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Keith William Nolan, décédé en 2009, était un Américain, diplômé en histoire, qui a écrit une douzaine de livres sur les grandes opérations de la guerre du Viêtnam. Ses ouvrages ont tous le même profil : ils reposent essentiellement sur une collecte de témoignages de vétérans américains, enrichie de quelques éléments d'analyse et précisions factuelles. La lecture en est donc parfois un peu fastidieuse, bien que remplie de détails intéressants. C'est une base américanocentrée qui permet d'apprécier le déroulement d'une opération, mais il faut la compléter par des lectures plus poussées -la bibliographie se limite d'ailleurs à quelques ouvrages officiels et à des travaux secondaires à prolonger par d'autres.

La seule carte générale, qui montre l'ensemble de la région de Saïgon, est malheureusement disposée au début de l'ouvrage. Or Nolan, qui l'immense mérite ici de bataille l'ensemble de l'offensive du Têt dans et autour de Saïgon (dans l'ordre : Tan Son Nhut, la capitale, Bien Hoa et Long Binh), n'a pas pensé à inclure des cartes tactiques, ce qui est bien dommage, car le lecteur n'est pas forcément familier des lieux évoqués.

Comme le rappelle Nolan dans son introduction, l'offensive du Têt est lancée par les Nord-Viêtnamiens alors que les Américains conservent l'illusion d'être en train de remporter le conflit depuis leur intervention en 1965. Si Westmoreland reste focalisé sur le siège qui se développe autour de la base de Khe Sanh, le général Weyand, qui commande les forces américaines autour de Saïgon, obtient en janvier 1968 le retrait d'une quinzaine de bataillons américains engagés vers la frontière cambodgienne pour les positionner plus en arrière, près de la capitale. Les assaillants vont ainsi faire face à deux fois plus de troupes américaines qu'ils ne l'escomptaient.

Sur la base aérienne de Tan Son Nhut, le Viêtcong parvient à pénétrer jusqu'à la piste, avant d'être repoussé notamment par l'intervention de deux bataillons aéroportés sud-viêtnamiens encore présents car retardés pour leur départ vers Khe Sanh. Nolan, d'ailleurs, focalisé sur le point de vue américain, ne rend pas assez justice, comme beaucoup de ses confrères, au rôle qu'a tenu l'ARVN dans l'offensive du Têt, même s'il reconnaît à demi-mots qu'elle ne s'est pas effondrée comme l'espérait les Nord-Viêtnamiens. Les Américains sont surpris de voir l'adversaire abandonner sa tactique traditionnelle du "hit and run" et de le voir s'accrocher au terrain. Malgré une supériorité évidente en puissance de feu, ils sont contraints de déloger le Viêtcong maison par maison, et l'emploi massif de l'appui-feu mine aussi le travail de pacification entrepris auprès de la population sud-viêtnamienne, car les dégâts sur les zones habitées sont importants.

A Saïgon même, laissé à la garde des Sud-Viêtnamiens, il y a seulement un bataillon de police militaire américain, dont cette fois-ci la puissance de feu s'avèrera des plus limités pour faire face à l'assaut adverse. Nolan décrit avec précision, du côté américain, l'attaque contre l'ambassade américaine, promise à une détonnante célébrité. Les assauts viêtcongs sur la capitale, nombreux, sont rapidement mis en échec, mais donnent parfois lieu à des combats très violents, comme près du cantonnement BOQ 3 où les MP's américains ont fort à faire pour venir à bout d'un adversaire mieux armé. Il faut l'intervention d'unités mécanisées venues de l'extérieur de la ville pour faire pencher la balance en faveur des Américains.

Sur la base aérienne de Bien Hoa, dont la sécurité avait été renforcée après une attaque de sapeurs en février 1967, le renseignement américain avait déterminé la probabilité d'une attaque dans la nuit de l'offensive du Têt, mais pas de cette ampleur. Les assaillants sont délogés notamment grâce à l'intervention d'unités de la 101st Airborne Division et l'emploi massif de gunships, dont des nouveaux hélicoptères Cobra.

Au complexe de Long Binh, où se trouve le poste de commandement de la IInd Field Force et un important dépôt de munitions, le général Weyand n'est pas complètement surpris. Le renseignement a en effet réussi à déterminer qu'une attaque aurait lieu, grâce à une espionne ayant des liens familiaux avec un commandant viêtcong. Preuve de l'efficacité, parfois, d'un renseignement local, qui n'empêche en rien la surprise face à l'ampleur de l'offensive du Têt. Les Américains ont judicieusement placé autour du complexe des patrouilles de reconnaissance qui servent de "sonnettes". Les combats n'en sont pas moins acharnés, en particulier dans les hameaux autour du complexe, comme ce "village des veuves", où sont installées les familles des soldats de l'ARVN morts au combat, ainsi que des exilés catholiques du Nord-Viêtnam.

En conclusion, malgré le succès militaire américain, Nolan rappelle que le Têt pulvérise les déclarations de l'administration Johnson et de l'armée quant au déroulement du conflit. C'est une défaite psychologique, car la nation n'est pas prête à sacrifier tant d'hommes et de ressources face à un adversaire qui, lui, encaisse sans broncher des pertes immenses pour atteindre des objectifs d'ailleurs plus cohérents. Nolan est un peu dur avec l'armée sud-viêtnamienne, qui contribue tout de même largement à repousser l'offensive du Têt, mais il est vrai que celle-ci, malgré son succès, reste handicapée par de graves faiblesses structurelles, dont la faute retombe aussi sur les Américains, ce que l'auteur ne dit pas. Nolan semble penser que l'offensive était inutile, car les Etats-Unis se seraient de toute faon retirés, à terme. On peut raisonnablement en douter : le Têt est bien le tournant de la guerre du Viêtnam.



Alexei FEDOROV, Partisans d'Ukraine, tome 1 : L'organisation clandestine, J'ai lu leur aventure 125, Paris, J'ai Lu, 1966, 255 p.

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Ce numéro 125 de la fameuse collection bleue "J'ai lu leur aventure" ne reprend pas, pour une fois, les mémoires d'un ancien nazi, mais celles d'Alexei Fedorov, secrétaire du Comité Régional de Tchernigov au sein du parti communiste d'Ukraine, au nord de Kiev, entre cette dernière ville et celle de Gomel.

Fedorov dirige pendant la Grande Guerre Patriotique l'un des groupes de partisans les plus actifs de cette région de l'Ukraine. Ce premier tome montre combien l'organisation des partisans soviétiques sur les arrières de la Wehrmacht n'a pas été chose facile. Elle avait été anticipée avant la guerre, mais les belles constructions théoriques du parti ne tiennent plus devant la violence du choc de l'attaque allemande, le 22 juin 1941, même si, en fin de compte, elles s'avèrent utiles par certains côtés.

Fedorov, après le bombardement et l'occupation de Tchernigov par les Allemands, erre lui-même plusieurs mois à travers les forêts, les marais et les campagnes d'Ukraine, en compagnie de soldats de l'Armée Rouge pris derrière les lignes allemandes -et qui formeront souvent l'essentiel des premiers groupes de partisans-, de paysans souhaitant échapper à l'occupation ou de personnages plus atypiques, comme ce vieillard parlant allemand et qui ne veut pas être réquisitionné comme interprète, préférant s'en aller à chaque fois avec sa vache !

Fedorov découvre que l'organisation clandestine prévue avant le déclenchement des hostilités n'a pas pu se mettre en place. Il faut tout repenser, tout reconstruire, au milieu d'une population plutôt complice des partisans, mais qui compte aussi des éléments antisoviétiques n'hésitant pas à rallier l'occupant pour rétablir l'ancien régime tsariste ou pour y trouver leur profit, comme ce criminel de droit commun visiblement passé au service des Allemands.

L'auteur a néanmoins tendance à penser que la majorité des Ukrainiens a soutenu le camp soviétique pendant la guerre, ce qui est probablement loin d'être le cas. Hormis dans quelques passages, il n'y a cependant aucune intention réelle de propagande : Fedorov expose sans fard ses doutes, ses hésitations, ses ratés même -comme lorsqu'il tire sur un homme qui se fait un peu trop pressant et qu'il suspecte d'être un mouchard, et qu'il rate ! La peinture du mouvement partisan à ses débuts, dans la région de Tchernigov, n'a ainsi rien de glorieux, bien au contraire : on manque d'armes, d'expérience militaire, d'entraînement, même si la population fournit le gîte et le couvert.

Un volume qui a donc le mérite de présenter, dans cette collection bleue, la Grande Guerre Patriotique, sous un angle original, celui des partisans, et par le biais d'un acteur. Cela reste évidemment un témoignage écrit après les faits -comme Fedorov le reconnaît lui-même- et donc à prendre comme tel. Mais on se consolera en se disant que ce n'est finalement pas si courant.


Gung Ho ! (1943) de Ray Enright

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Janvier 1942. Le corps des Marines américains demande des volontaires pour une unité spéciale, chargée des missions les plus périlleuses. Le sergent "Transport" (Sam Levene) arrive pour rencontrer une vieille connaissance, le lieutenant-colonel Thorwald (Randolph Scott). Celui-ci, qui a combattu en Chine, lui explique qu'il avait quitté les Marines pour observer les tactiques de guérilla des communistes chinois face aux Japonais, qu'il souhaite appliquer à la future unité. Le cri de ralliement de celle-ci sera "Gung Ho !", ou "travailler ensemble", en chinois. Parmi les volontaires qui se présentent, un paysan (Rod Cameron), un prêtre ordonné (Alan Curtis), un jeune homme issu d'un milieu social défavorisé devenu boxeur amateur (Robert Mitchum)... bientôt commence un entraînement intensif sous la houlette de Thorwald. Les survivants de la sélection sont dépêchés à Hawaï, où ils peuvent voir les effets de l'attaque sur Pearl Harbor et débuter une formation au combat de jungle. Bientôt, les Américains débarquent à Guadalcanal et l'unité reçoit l'ordre de faire route pour sa première mission...


Gung Ho !, réalisé pendant la guerre, en 1943, s'inspire de l'assaut du 2nd Raider Battalion d'Evan Carlson sur l'atoll de Makin, les 17-18 août 1942. Le raid, qui vise à détourner l'attention des Japonais du débarquement à Guadalcanal et à collecter des informations sur les îles Gilbert tout en détruisant le maximum d'installations. C'est un succès, puisque la garnison japonaise est anéantie, mais plus pour regonfler le moral de la population américaine, car aucun prisonnier n'est capturé et les Japonais, avertis, renforceront la défense de l'archipel, ce qui ne sera pas sans conséquences sur l'assaut de novembre 1943. Le raid a aussi permis de tester les tactiques de Raiders, des bataillons d'élite formés au sein des Marines pour des missions équivalentes à celles des forces spéciales. Ces bataillons seront ensuite dissous, faute d'emploi. A noter que le film se garde bien d'évoquer le sort de 9 Marines "oubliés" sur l'île pendant le décrochage, capturés par les Japonais puis exécutés après avoir été transférés à Kwajalein... guerre oblige.

Le film a bénéficié du concours des Marines puisque les scènes ont été tournées dans leurs installations à San Diego et Camp Pendleton, en Californie, comme de nombreux autres réalisés pendant la guerre. Le thème principal est celui d'un groupe d'élite mené par un chef charismatique, favorisant l'esprit d'initiative et l'excellence au combat, capable de surclasser des Japonais qui manqueraient de faculté d'adaptation. Certaines anecdotes sont cependant directement inspirées du parcours de Carlson, peu orthodoxe. Les scènes de combat ne sont pas forcément des meilleures mais se laissent regarder : on peut sourire en voyant les efforts faits pour camoufler les armes américaines maniées par les Japonais (des Chinois et des Philippins, en réalité) afin qu'elles ressemblent à celles des soldats du Mikado. A côté de Randolph Scott, qui domine l'ensemble, on remarque la prestation du jeune Robert Mitchum.

Un honnête film de propagande, à la gloire des Raiders des Marines et de l'effort américain dans le Pacifique pendant la Seconde Guerre Mondiale.



Terre damnée (Copper Canyon) de John Farrow (1950)

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Après la guerre de Sécession. Un groupe d'anciens soldats confédérés s'est installé comme mineurs de cuivre dans une vallée du Nevada. Mais la seule fonderie de Coppertown est la propriété d'un Nordiste qui a perdu un fils à la guerre, et qui refuse de traiter le minerai des anciens rebelles. En outre, la ville est sous la coupe du shérif et de son adjoint, Travis (Macdonald Carey), un homme de main envoyé avec une femme, Lisa Roselle (Hedy Lamarr), par un puissant personnage afin de mettre les lieux en coupe réglée. Les mineurs, désespérés, font appel aux services de Johnny Cooper (Ray Milland), un tireur de foire derrière lequel ils croient reconnaître le colonel Desmond, une légende de l'armée confédérée...

Un western très classique (trop ?) à l'époque de la Reconstruction, après la guerre de Sécession, qui peine à trouver ses marques. Les moyens étaient pourtant conséquents mais l'ensemble manque de rythme et même le final, spectaculaire, est brouillon. Ray Milland a visiblement du mal à s'adapter au western, qui n'est à vrai dire pas son genre de prédilection. Son rôle de tireur d'élite dans des spectacles itinérants est bien la seule originalité, ou presque, du film. Les paysages n'impressionnent pas, le jeu des acteurs non plus, sauf peut-être pour Carey qui interprète le méchant libidineux. Reste le thème et quelques scènes qui captent un peu l'attention. 


Marc GABOLDE, Akhenaton. Du mystère à la lumière, Histoire 478, Découvertes Gallimard, Paris, Gallimard, 2005, 128 p.

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Marc Gabolde,égyptologue, maître de conférences à Montpellier-III, est un spécialiste de la période amarnienne. Il a dirigé des fouilles, à partir de 1998, dans la nécropole royale de Tell el-Amarna. Il est donc tout indiqué pour écrire ce Découvertes Gallimard consacré à Akhenaton.

Amenhotep IV, futur Akhenaton, hérite au XIVème siècle av. J.-C. d'un empire égyptien qui compte parmi les grandes puissances du Proche-Orient. Paradoxalement, alors que le personnage a fasciné à la fois les chercheurs et le grand public, la documentation le concernant reste très lacunaire. Akhenaton, qui règne de 1356 à 1339 avant notre ère, est le dixième roi de la XVIIIème dynastie, la première du Nouvel Empire. Il dirige un ensemble à l'unité retrouvée contre les Hyksôs, où le pharaon est un chef à la fois politique et religieux, monarque itinérant d'un pays dont la culture fascine ses voisins, qui influencent en retour une société égyptienne cosmopolite. La religion est un polythéisme complexe, mais sous la XVIIIème dynastie, on assiste à la solarisation de nombreuses divinités locales et à la montée en puissance de la figure d'Amon, qui devient le dieu dynastique, en particulier à Thèbes. Le grand-père d'Akhenaton, Thoutmosis IV, a mis fin aux guerres de conquête et a établi de solides relations diplomatiques avec les autres puissances. Le règne de son fils, Amenhotep III, assez mal connu, est cependant une période de prospérité où le culte solaire prend déjà de l'ampleur. Son propre fils, le futur Akhenaton, naît assez tard dans le règne et n'était pas destiné à régner : un frère aîné décède subitement. Quand son père meurt, Amenhotep IV monte sur le trône à l'âge de dix ans.

Dès la deuxième année de son règne, il met en avant une nouvelle divinité, le soleil incarné sous la forme du disque-Aton. Après avoir célébré un jubilé après trois ou quatre ans de règne (au lieu de trente ans), il épouse Néfertiti, peu connue par ailleurs, mais dont il reste le magnifique buste conservé à Berlin. Le pharaon commence alors des constructions à Karnak et modifie l'architecture des sanctuaires. Comme il n'arrive pas à imposer sa nouvelle divinité au clergé d'Amon, le pharaon commence à s'éloigner de Thèbes et recherche un emplacement pour une autre capitale. Le culte d'Aton est la première forme de monothéisme, encore qu'Amenhotep ne fait que prolonger une phénoménologie née sous le Nouvel Empire, qui correspond à une crise du polythéisme égyptien. Le rapport à la mort est ainsi beaucoup plus prosaïque, même si les rites funéraires sont conservés.

An l'an VII de son règne, le pharaon, devenu Akhenaton, s'installe dans sa nouvelle capitale, à Tell el-Amarna, à 250 km au nord de Thèbes. Marquée par des stèles frontières, Akhetaton est un espace dédié à Aton, autour des palais royaux et des sanctuaires. Des faubourgs se développent autour pour accueillir les membres de la cour, les fonctionnaires, les ouvriers, ainsi que des nécropoles. La vie est rythmée par le culte d'Aton et les dévotions du pharaon. La vie quotidienne est animée : on l'entrevoit grâce à quelques tombes de notables. La situation de l'Egypte sous le règne est mal connue mais on ne signale ni révolte ni famine : l'expérience religieuse du roi semble être un épiphénomène. La découverte des lettres d'Amarna a permis de découvrir les relations diplomatiques entre l'Egypte et ses puissants voisins. La réception des tributaires, en l'an XII, est un temps fort du règne.

Entre l'an XIV et l'an XVII du règne, de nombreux proches du pharaon décèdent, dont trois de ses six filles, tandis que naît son fils Toutânkhaton, le futur Toutânkhamon. Alors que les troupes égyptiennes combattent en Palestine, Akhenaton meurt à son tour et laisse probablement le pouvoir à sa fille Merytaton, qui a peut-être co-dirigé l'Egypte mariée à un prince hittite, vite assassiné, avant de régner seule. La fille d'Akhenaton commence un retour vers les cultes traditionnels et Amarna est progressivement abandonnée. Toutânkhamon parachève la restauration et fait marteler le nom de son père et ses figurations sur tous les monuments. La période amarnienne a été vécue par les Egyptiens comme un traumatisme religieux, mais a laissé son empreinte. Akhenaton est redécouvert au XIXème siècle en tant que précurseur du monothéisme religieux, avant d'être récupéré au XXème siècle par Freud ou les marxistes.

Cette bonne introduction est comme d'habitude complétée par la partie "Témoignages et documents", où on lira en particulier, outre les textes d'époque, les commentaires des égyptologues ayant travaillé sur la période amarnienne. La bibliographie figure aux pages 120-121, classée de manière thématique.

Patrick CABANEL, Histoire des Cévennes, Que-Sais-Je n°3442, Paris, PUF, 2009, 128 p. (1ère éd. 1998)

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Patrick Cabanel, professeur d'histoire contemporaine à l'université Toulouse-Le Mirail, publie en 2009 la 5ème édition revue de son Que-Sais-Je sur l'histoire des Cévennes.

Les Cévennes n'ont jamais eu, contrairement à d'autres régions du Midi, une unité politique ou administrative : aujourd'hui encore, elles restent partagées entre plusieurs départements (Gard et Lozère pour l'essentiel). C'est la guerre des Camisards, au début du XVIIIème siècle, qui les font connaître et cartographier : paysage construit, les Cévennes ont également été le lieu d'une révolution industrielle et d'un capitalisme à la française, tout en restant une terre de refuge pour les proscrits. Patrick Cabanel place donc son histoire des Cévennes sous le signe du temps long cher à Braudel.

La définition des Cévennes est passée d'un constat géographique à une autre plus culturelle : elles ont été "inventées" par R.L. Stevenson en 1878. Les Cévennes sont à la fois une marche et une porte, mais elles n'existent que par une construction d'une identité historico-culturelle, bien qu'elles soient connues, déjà, par les géographes de l'Antiquité. Elles sont un piémont où circulent des hommes et des marchandises, entre le massif au nord et la plaine au sud. Montagne de vallées, les Cévennes comprennent une forêt presque entièrement artificielle (châtaigniers), et nombre de murs des clôtures et de terrasses, ouvrages de l'homme en partie abandonnés au XXème siècle.

De fait, les Cévennes entrent véritablement dans l'histoire au XVIème siècle, avec l'arrivée du châtaignier, du mûrier et du ver à soie, et du protestantisme. Les périodes anciennes et médiévales restent mal connues. Il manque ainsi une synthèse de géographie historique et une autre d'histoire médiévale sur ce massif. Occupées dès le Paléolithique, les Cévennes sont ensuite divisées entre plusieurs tribus gauloises. On sait qu'il y eut plusieurs villae importantes sous l'Empire romain, avant que la montagne ne devienne une frontière entre royaumes franc et wisigoth. La période médiévale est surtout riche pour les XIVème et XVème siècle : la famille d'Anduze a cependant un pouvoir seigneurial important dès le Xème siècle. Les Cévennes donnent même un pape à la chrétienté, Urbain V. Le châtaignier bouleverse le paysage agricole et bâti.

Le calvinisme pénètre très tôt dans les Cévennes, dès 1530 : le massif est un bastion méditerranéen du protestantisme. Les catholiques deviennent minoritaires, mais cela n'empêche pas la coexistence de villages voisins des deux confessions, qui s'opposent néanmoins fréquemment. Outre le clergé, les voyageurs/colporteurs et les artisans du cuir et du textile semblent avoir joué un rôle important dans la diffusion de la Réforme. Les Cévennes traversent ainsi les guerres de religion du XVIème siècle, avant de servir de forteresse au duc de Rohan au XVIIème siècle : celui-ci signe d'ailleurs la paix d'Alès depuis Anduze. Les Cévennes sont ensuite administrées par un consistoire propre, mais la société reste tout aussi inégalitaire que celle des catholiques ; en revanche, la population est plus alphabétisée et ce en français. La révocation de l'édit de Nantes, en 1685, les dragonnades, violences et autres moyens de pression sèment la terreur dans les Cévennes mais ne parviennent pas à éradiquer la Religion Prétendue Réformée. A peine 2 000 Cévenols rejoignent le "Refuge" des pays protestants voisins de la France. Les autres "nouveaux convertis" restent mais ne sont pas gagnés à Rome : ils suivent les prêches des prédicants au Désert, malgré les persécutions, avant de se soulever à partir de 1702 : c'est la guerre des camisards. Les autorités en viennent à pratiquer la politique de la terre brûlée pour l'emporter : aveu d'impuissance face à des hommes soutenus par la population, profitant du terrain et qui suscitent de l'intérêt dans l'Europe protestante. En 1710, le pays est ruiné, la population décimée, mais la révolte a en quelque sorte sauvé le protestantisme français : le royaule se rend compte qu'on ne peut en venir à bout par la force. Sous la houlette d'Antoine Court, le protestantisme renaît de ses cendres après la fin des camisards et la disparition du prophétisme.

Les Cévennes vont ensuite connaître leur révolution industrielle, après le temps de la polyculture et du châtaignier. Le mûrier, présent dès la fin du Moyen Age, s'impose au XVIIIème siècle et la soie devient un moteur économique jusqu'à l'apparition d'une maladie, la prébine, au milieu du XIXème siècle. Il faut importer des graines du Japon avant que Pasteur n'éradique le mal en 1869. La soie est produite et filée sur place. De même, dès la fin de l'Ancien Régime, on commence l'exploitation du charbon et de métaux. C'est dans les Cévennes qu'est fondée la firme Pechiney, qui entame la fabrication de l'aluminium à partir de 1860. Alès devient ainsi une ville-usine.

La région connaît son âge d'or entre 1800 et 1950 : démographique, économique, culturel et même politique en raison des liens étroits avec la IIIème République. La mémoire du protestantisme cimente l'identité des Cévennes, qui restent une pépinière de pasteurs. La force des Cévennes, c'est que toute la société protestante adhère à cette mémoire du Désert et de la révolte des Camisards dans une formidable cohérence. La maison du chef Rolland est ainsi racheté par la Société d'Histoire du Protestantisme Français et transformée en musée du Désert (1911). Le Réveil protestant touche également les Cévennes où se maintient, aussi, la minorité catholique. Les Cévenols adhèrent massivement à la Révolution, puis confirment ensuite leur attachement à la République, dans l'hostilité à Napoléon III, notamment, puis plus tard en étant dreyfusardes. Le massif fournit beaucoup de "hussards noirs" de la République.

Le XXème siècle est néanmoins le temps du recul, démographique d'abord, en raison des catastrophes agricoles, économique ensuite, à cause de la concurrence. La soie, l'activité minière, périclitent, et l'exode rural fait son oeuvre. L'émigration, saisonnière, devient définitive après la Seconde Guerre mondiale. Pendant le conflit, les Cévennes sont une place forte de la Résistance, parfois animée par des protestants, dans la ligne directe des Camisards. On y cache aussi beaucoup de Juifs. La démographie se redresse dès 1975, avec l'amorce du mouvement hippie et l'arrivée de néo-ruraux. L'espace est même de plus en plus convoité. Sur le plan économique, c'est le tourisme qui prédomine, avec également la création du Parc National des Cévennes. Celles-ci sont une terre littéraire par excellence : après Stevenson, une première génération s'affirme dans les années 1920, une autre dans les années 1960, une troisième aujourd'hui. Des films et des documentaires racontent l'histoire des Cévennes -camisards surtout- ou y sont tournés.

Voici au final une bonne introduction à l'histoire des Cévennes, même si la seule carte est insuffisante et placée en fin de volume. La bibliographie thématique (p.123-126) permet d'aller plus loin.

Olivier HANNE, Charlemagne, l'empereur des temps hostiles, Biographies express, Paris, Bernard Giovanangeli Editeur, 2006, 144 p.

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Les éditions Bernard Giovangeli proposent depuis maintenant une dizaine d'années de plus en plus d'ouvrages, qui sont surtout liés à l'histoire du Premier Empire ou de l'armée française, et essentiellement du point de vue de la mémoire des combattants. Néanmoins le spectre s'élargit, comme le montre cette collection Biographies express, où l'on trouve ce volume dédié à Charlemagne. Il est signéOlivier Hanne, un chercheur en histoire médiévale qui a réalisé sa thèse sur la formation intellectuelle du pape Innocent III.

L'ouvrage ne comporte malheureusement pas d'introduction où l'auteur précise ses intentions. Il démarre directement sur le premier chapitre, où Olivier Hanne présente le monde dans lequel évolue Charlemagne, probablement né en 747. Un monde entre Seine et Rhin, en Austrasie, où les conditions de vie sont rudes, tout comme les moeurs des Francs qui ont succédé à l'Empire romain. La culture reste le fait des monastères, en particulier. La famille de Charlemagne, les Pippinides, a réussi à s'imposer, grâce à ses possessions foncières, ses réformes ecclésiastiques et surtout via l'habileté de ses chefs, Charles Martel et Pépin le Bref, le père de Charlemagne, qui fait déposer le dernier roi mérovingien, Childéric III, en 751. Pépin se fait sacrer par le pape Etienne II avec ses deux fils en 754, avant d'aller combattre en Italie du Nord. A sa mort, en 768, il laisse en héritage cette relation étroite entre son royaume et la papauté, un trône désormais solide et une législation que Charlemagne va s'attacher à renforcer.



Conformément à la coutume franque, le royaume est divisé entre Charlemagne et Carloman, qui ne s'entendent pas, malgré l'entremise de leur mère Berthe qui organise aussi des mariages avec des princesses lombardes. La mort de Carloman en 771 simplifie les choses même si Charlemagne se retrouve seul à la tête de l'ensemble franc. Après avoir écarté sa mère, Charlemagne défait le roi des Lombards, Didier, et ceint sa couronne. La deuxième phase de son règne s'étend jusqu'en 796 : il mène des expéditions militaires, organise ses possessions et légifère. On y distingue deux moments de crise : le premier suit la défaite en Espagne, en 778-779, et le second reflète le mécontentement de l'aristocratie, entre 792 et 795, avec un acmé en 793. Charlemagne surmonte ces crises grâce à sa personnalité, mais aussi grâce à son assise foncière et au concours de l'aristocratie, sans laquelle il ne peut rien. C'est l'un des rares souverains francs pour lequel on dispose d'un portrait physique et psychologique assez précis, en dépit de l'imitation des auteurs antiques par les sources ecclésiastiques. Charlemagne est d'abord le souverain des Francs, de cette tribu, de sa famille, d'un groupe.

Mais c'est d'abord un soldat. Sur 46 années de règne, il n'y en eut que 6 sans expédition militaire. La guerre ne dure pas toute l'année, seulement 3 ou 4 mois. Charlemagne ne dispose cependant que de moyens limités. Si son armée est l'une des meilleures de son temps, c'est grâce à sa troupe de cavaliers lourds. L'armée n'est pas imposante -quelques dizaines de milliers d'hommes au maximum, quelques milliers de cavaliers, dont peut-être un millier de lourds- mais elle est rapide, bien équipée (pour la cavalerie) et efficace. Après avoir combattu en Aquitaine et en Italie, il s'attaque à la Saxe païenne, qui résiste farouchement. Charlemagne doit mener des campagnes militaires parfois sur toute l'année, une première. La conquête de la Saxe est l'obsession de son règne. Il croit y être parvenu en 778, mais la défaite en Espagne rallume la révolte, sous les auspices de Widukind. Charlemagne n'a en fait aucun plan d'ensemble pour ses conquêtes : elles sont assez opportunistes. Sur le plan tactique, il divise fréquemment son armée en plusieurs corps, chargés de converger ensemble sur l'ennemi après avoir séparé ses forces pour la défense. La cavalerie lourde emporte alors la décision. Il prend la tête des campagnes en Saxe dès 779, mais ses lieutenants subissent une défaite au Süntelgebirge, en 782. Charlemagne pratique alors une politique de la terre brûlée et la terreur contre les civils : il fait exécuter 4 500 Saxons à Verden. Le Capitulaire Saxon, en 785, entraîne finalement la reddition et la conversion de Widukind. Charlemagne intervient ensuite en Italie, pour soutenir la papauté et contrecarrer les Byzantins. Il soumet aussi la Bavière du bouillant duc Tassilon, écrase une dernière révolte en Saxe en 793. Le second Capitulaire Saxon, en 797, montre les progrès accomplis, par le fer et par le feu. Il s'est aussi attaqué aux Avars, peuple de la steppe qui s'est installé dans la plaine hongroise. Il prend leur camp, le fameux Ring, où il s'empare d'un fabuleux butin. Mais les Avars ne seront pas totalement soumis et la zone devient une marche, tout comme l'Espagne, où Charlemagne est revenu et a pris Barcelone en 801. L'effort s'essouffle ensuite, comme le souverain : il faut contrer les incursions slaves, vikings et musulmanes. Charlemagne a abandonné la levée de tous les hommes libres pour se reposer sur ses vassaux, capables de fournir des troupes bien équipées rapidement. Il reste impuissant devant les premières attaques vikings. L'armée carolingienne conquiert, certes, mais n'assimile pas : les révoltes sont fréquentes, et il faut même créer une marche contre les Bretons. La guerre est d'abord offensive et doit rapporter du butin, faute de quoi, l'armée perd de son efficacité. Le recours aux vassaux fait perdre à la guerre sa fonction sociale et menace la cohésion du monde franc. 


Charlemagne, le prince à cheval (1993), est l'une des rares fictions consacrées à l'empereur franc.




Charlemagne 1par apo-catholique

Roi itinérant, Charlemagne a le souci de ses possessions rurales. Il reste en Austrasie d'abord, puis, après 779, on le trouve parfois en Neustrie, avant qu'il ne s'installe, à partir de 794, à Aix-la-Chapelle. Dans cette dernière ville, il se construit un palais à l'imitation des empereurs romains et byzantins, dont il reste la chapelle. Charlemagne n'a pas mené de politique économique, mais a favorisé la prospérité de son royaume : conquêtes, gestion des domaines royaux, largesses pour l'Eglise, confiance dans la monnaie et réforme monétaire, même s'il interdit le prêt usurier en 806. L'administration est encore embryonnaire, mais suffit au gouvernement du temps : le plaid ne fait qu'approuver les décisions du souverain. Charlemagne doit composer avec les comtes, héritage mérovingien, mais il ne les contrôle pas vraiment, malgré l'envoi des missi dominici. La corruption et les abus de pouvoir sont fréquents, comme le dénonce la législation. C'est pourquoi Charlemagne a favorisé la vassalité, pour renforcer son pouvoir. Mais ce faisant, il a aussi gonflé l'importance de l'aristocratie, avec laquelle il établit des liens privés pour pallier le manque d'autorité publique.

Charlemagne favorise également une certaine renaissance culturelle et religieuse, qui commence dès le règne de son père. Trivium, quadrivium, mécénat à l'instar des empereurs romains portent sa marque. Il collecte les savants pendant ses voyages, mais les penseurs carolingiens sont surtout attachés à une érudition et à un conformisme religieux. En revanche, les moines multiplient les copies et sauvent ainsi une part importante de l'héritage antique. Charlemagne a besoin des clercs bien formés pour relayer ses instructions et propager correctement la foi chrétienne. Des centres culturels apparaissent : à la mort de Charlemagne, la cour palatiale se disperse et propage la renaissance carolingienne un peu partout. L'Etat et l'Eglise sont en fait quasiment confondus dans la personne du roi, qui veut réformer l'Eglise assez tôt, comme le montre le capitulaire de Herstal en 779. L'Admonitio Generalis de 789 est un programme de réforme morale et religieuse de toute la société. Pour soutenir les évêques, Charlemagne crée les chanoines, puis s'attaque à la réforme monastique. Il demande la règle de Benoît de Nursie au mont Cassin, puis instaure une nouvelle règle pour le monastère d'Aniane, en 792. Charlemagne a essayé d'appliquer les principes chrétiens non seulement aux ecclésiatiques, mais également aux laïcs. Cependant, l'utilisation de l'Eglise comme appui du pouvoir freine cette ambition : les écclésiatiques restent des hommes du rite, la foi vient ensuite, sauf dans les monastères. Charlemagne a voulu créer une société chrétienne parfaite, une tâche sans doute impossible : la preuve, son programme est repris au XIème siècle par la réforme grégorienne.

A partir de 796, Charlemagne se tourne vers la renovatio imperii : la restauration de l'Empire. Il faut d'abord l'imiter : c'est à partir de ce moment que l'on commence à appeler Charles magnus. Charles a eu l'occasion de légiférer sur le dogme en Espagne, contre les adoptianistes. Il récidive en 792 avec les Libri Carolini, qui s'opposent aux Byzantins, déchirés alors par la querelle de l'iconoclasme. Il fait adopter le Filioque, alors que la papauté soutient les décisions du concile de Nicée en 787 et le rejette, jusqu'en 1203. Alcuin pousse Charlemagne dans le sens d'un contrôle plus étroit sur l'Eglise. Le roi franc profite des troubles à Rome contre le pape Léon III et de l'usurpation d'Irène à Byzance pour s'imposer. Il réinstalle Léon III en novembre 800 et se fait couronner empereur le 25 décembre. Le pape pose la couronne sur la tête de Charlemagne, un symbole lourd de conséquences pour l'avenir.

Byzance ne reconnaît le nouvel empereur qu'en 812, conservant le titre d'empereur des Romains pour le basileus. Dès 806, Charlemagne se préoccupe de sa succession, et divise à nouveau l'empire entre ses fils. L'empire tourne à la théocratie avec le vieillissement du souverain : les cinq conciles présidés en 813 sont d'ailleurs une répétition des voeux de l'Admonitio Generalis. Deux de ses trois héritiers étant morts, Charlemagne se décide, la même année, à confier l'Empire à Louis, futur le Pieux. L'empereur meurt le 27 janvier 814.

Les ambitions de Charlemagne étaient immenses, peut-être démesurées. L'empire d'ailleurs, n'y résiste pas et succombe en 888, un déclin favorisé par les coups portés par les Vikings. A t-il été le père de l'Europe ? Oui, si on la considère dans le sens d'une Europe occidentale chrétienne : les conquêtes forgent cet espace, de même que les liens avec la papauté et l'idéal de l'Empire. Mais il a aussi séparé cet espace des Byzantins : l'identité se fait en réaction contre d'autres puissances. L'empereur n'est appelé définitivement Charlemagne qu'aux Xème-XIème siècles. Son règne est passé rapidement au statut de légende, se confondant avec ceux de l'Ancien Testament. On se le dispute en France, en Espagne, dans le Saint-Empire : Frédéric Barberousse le fait canoniser en 1165, avant que les Lumières puis les historiens du XIXème siècle jugent de manière plus critique son action. Il a cependant laissé une marque indélébile dans l'histoire du Haut-Moyen Age.

Une introduction intéressante au personnage, même si l'on s'étonne de voir cité en tête de la bibliographie p.141 l'ouvrage de Georges Bordonove (!), auteur plus littéraire qu'historien, et pas très en phase avec la recherche historique dans nombre de ses travaux... le reste de la bibliographie est correct, même si l'on n'y trouve que des ouvrages français, ce qui est peut-être dommage.


Sylvain GOUGUENHEIM, Tannenberg 15 juillet 1410, L'histoire en batailles, Paris, Tallandier, 2012, 263 p.

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La collection L'histoire en batailles de Tallandier s'enrichit au fil des mois. L'un des derniers volumes, sorti l'an passé, est ainsi consacré à la fameuse bataille de Tannenberg, en 1410, qui oppose les chevaliers Teutoniques aux Polonais et aux Lituaniens. Il est signé de la main de Sylvain Gouguenheim, un historien médiéviste français qui est un des grands spécialistes des ordres religieux militaires, et en particulier des Teutoniques. Sylvain Gouguenheim avait publié en 2008 le fameux ouvrage Aristote au mont Saint-Michel, destiné au grand public, et qui a fait l'objet d'une vive polémique parmi les historiens. Le livre minimisait en effet le rôle du monde musulman dans la transmission de l'héritage grec antique en Occident, et s'inscrivait dans des débats éminemment contemporains : d'ailleurs, il a été apprécié et soutenu par la plupart des historiens, journalistes et essayistes d'extrême-droite. Il semble malheureusement que Sylvain Gouguenheim se soit aventuré sur un terrain où il n'était pas spécialiste : sa thèse est partisane et sélectionne les sources en fonction de ses objectifs, et il semble bien que certaines idées soient plus que contestables. On se demande bien pourquoi il s'est lancé sur cette thématique. Avec ce livre sur la bataille de Tannenberg, Sylvain Gouguenheim est plus dans ses cordes, pour ainsi dire.

Comme il le rappelle dans sa préface, la bataille de Tannenberg, en 1410, a été effacée par celle de septembre 1914, lorsque les Allemands écrasent deux armées russes non loin du champ de bataille médiéval. C'est l'aide de camp de Ludendorff qui propose d'appeler la bataille du nom de Tannenberg, bien qu'elle ne se soit pas déroulée exactement à cet endroit. Il fallait que le souvenir de la défaite des Teutoniques soit particulièrement puissant pour mériter d'être vengé ainsi.



Tannenberg contribue aussi à forger le sentiment national polonais au XIXème siècle. D'ailleurs, l'historien choisit de parler de la bataille de Grunwald, à l'instar des historiens polonais, car les dernières découvertes montrent que l'affrontement eut plutôt lieu près de ce dernier village.

La guerre oppose un Etat féodal à un ordre religieux militaire. L'Etat teutonique est alors une principauté unique en son genre en Europe, qui fascine bien des nobles d'autres royaumes. Le déclenchement du conflit vient de la mort de Louis d'Anjou, roi de Pologne, en 1382. Son successeur sera Jagellon, converti au christianisme et qui rassemble sous sa coupe la Pologne et la Lituanie, cette dernière à christianiser. Cet événement bouleverse à la fois l'équilibre géopolitique de la région mais remet aussi en cause la mission même des Teutoniques : convertir les païens. Après de premières escarmouches, un traité est signé en 1404. Le Grand Maître Ulrich de Jungingen ne veut cependant pas s'en tenir là. Quand la Samogitie se soulève, en 1409, il déclare aussitôt la guerre à la Pologne. Un armistice est conclu en octobre, après de sanglants combats. Jagellon en profite pour mener une véritable campagne de relations publiques en Europe afin d'empêcher les Teutoniques d'être soutenus, avec succès. Privé de l'aide de la branche livonienne menacée par les Lituaniens, Jungingen doit se résoudre à une stratégique défensive. Jagellon et Witold, le grand duc lituanien, optent pour l'offensive : leurs deux armées franchiront ensemble la frontière pour fondre sur le coeur de la principauté teutonique, en juillet 1410. Comme le rappelle Sylvain Gouguenheim, plusieurs sources allemandes, polonaises et lituaniennes racontent la campagne et la bataille : les fouilles archéologiques, en revanche, ont plutôt été décevantes jusqu'ici. L'historien souligne aussi que les sources écrites donnent une vision différente de ce qu'à dû être la bataille, mais n'y voit pas un schéma calqué sur des auteurs anciens, hypothèse émise par un autre historien.

Les forces en présence, comme souvent au Moyen Age, sont difficiles à évaluer avec précision en raison de la pauvreté des sources. Seule certitude : les Teutoniques étaient inférieurs en nombre aux Polonais et aux Lituaniens, peut-être 15 000 hommes contre plus de 20 000. Les deux armées font un usage massif des mercenaires, qui sont plusieurs milliers dans chaque camp, particulièrement du côté polonais qui a eu davantage de possibilités de recrutement. Loin des fantasmes nationalistes du XIXème siècle, on trouve des Allemands combattants du côté polonais et vice-versa... Chaque force compte sur sa cavalerie lourde, son infanterie (arbalétriers et archers, en particulier), et sur une artillerie alors en plein développement. Les troupes sont organisées des deux côtés en bannières, mais on est assez mal renseigné sur les dispositions tactiques. On a davantage d'informations sur l'espionnage mis en oeuvre par les deux camps. Les Teutoniques ont un réseau d'espions et d'informateurs mais qui déversent trop d'informations contradictoires pour être utiles. Les Polonais, au contraire, ont su leurrer les Teutoniques sur leurs intentions : ils leur ont fait croire, jusqu'au dernier moment, que l'action des deux armées serait séparée, alors qu'elles vont opérer de concert.

Le 3 juillet, les Polonais et les Lituaniens franchissent la Vistule. Jungingen cherche à s'appuyer sur les cours d'eau et autres avantages du terrain pour mieux assurer la défense du territoire teutonique. Il barre la route des assaillants sur la Drweca. Les Polono-Lituaniens se déplacent alors vers le sud, puis remontent au nord sur Dabrowno, mise à sac le 13 juillet : les Teutoniques se servent de ce massacre pour soutenir leur cause en Europe. Jagellon a probablement voulu forcer Jungingen à la bataille en ravageant la contrée. L'itinéraire des 14-15 juillet jusqu'à Tannenberg-Grunwald est incertain : en revanche, l'armée teutonique y arrive épuisée par sa marche, détrempée par un violent orage nocturne.

Au matin du 15 juillet, les deux armées se font face dans un combat de rencontre, qui prend au dépourvu les deux camps. Jagellon, après sa prière, se place en retrait pour diriger les opérations. Witold est en première ligne avec ses troupes, sur le flanc droit. Les Teutoniques envoient alors des hérauts avec deux épées pour forcer les Polono-Lituaniens à sortir de la forêt pour combattre dans la plaine, un épisode que les sources polonaises et lituaniennes s'empressent de retourner contre leurs auteurs.

La bataille se divise en quatre phases distinctes. Sur l'aile droite, Witold lance ses troupes sur l'aile gauche des Teutoniques, et après un violent combat qui voit l'artillerie teutonique mise hors d'action, finit par reculer. L'aile gauche des Teutoniques se lance à la poursuite des Lituaniens mais est prise en écharpe par des contingents polonais du centre, tandis que les Lituaniens reviennent sur leurs pas et les encerclent. Les combats sont furieux autour des bannières, signes de ralliement et où campent les chefs. A 16h00, Jungingen, qui a pris la tête d'une réserve de 15 ou 16 bannières, lance une charge par trois fois contre la position où se trouve Jagellon, probablement dans l'intention de le tuer et d'emporter la décision. Mais c'est lui qui trouve la mort dans ce paroxysme de la bataille. L'armée teutonique commence alors à se débander. Le camp est pris, beaucoup de fuyards sont massacrés. On écrira beaucoup par la suite sur la fuite des Lituaniens, vue d'abord comme une véritable débâcle, avant que les historiens ne se demandent finalement s'il ne s'agissait pas de la vieille tactique de la fuite simulée des peuples de la steppe -on trouve d'ailleurs avec les Lituaniens des membres de la Horde d'Or. Les pertes sont difficiles à évaluer, mais ont probablement été lourdes pour les Teutoniques : certainement 200 chevaliers tués, 400 familiers, sergents et valets d'armes de l'oirdre, et peut-être 8 000 hommes en tout. Les pertes polonaises sont beaucoup moins élevées. L'Ordre Teutonique est amoindri mais pas encore anéanti.

Les vainqueurs occupent le champ de bataille ; les prisonniers sont assez bien traités, sauf quelques-uns exécutés pour l'exemple. Jagellon fait rechercher le corps de Jungingen pour l'honorer. Il ne marche pas immédiatement sur la capitale des Teutoniques, Malbork/Marienbourg, mise en état de défense et sauvée par Henri de Plauen. Après une nouvelle défaite à Koronowo le 10 octobre, Plauen, élu Grand Maître, signe finalement le traité de Torun en 1411. Une cinquantaine de bannières sont suspendues dans la cathédrale de Cracovie.

Le souvenir de la bataille commence dès après l'affrontement, entre l'Ordre et les Polonais, et insiste sur quelques épisodes phares. Côté polonais, le récit de Nicolas Traba forge le souvenir d'un moment fondateur du sentiment national, l'anniversaire de la bataille étant commémoré dès 1420. L'Ordre teutonique établit une chapelle à Grunwald dès 1411. La bataille est relue à l'aune des nationalismes du XIXème siècle. Les romantiques allemands vantent les mérites d'Henri de Plauen, sauveur de l'Ordre, tandis que la Pologne disparue territorialement parlant survit aussi par la mémoire de cette victoire médiévale. Les Allemands, en 1927, construisent un mémorial à Tannenberg pour célébrer la victoire de 1914, et y déposent les cendres de Hindenburg en 1935. Le monument n'est pas détruit par les Soviétiques en janvier 1945, comme le dit Gouguenheim : ce sont les Allemands qui le font sauter à l'explosif avant l'arrivée de l'Armée Rouge. Désormais le souvenir de la bataille s'inscrit dans celui de la Seconde Guerre mondiale puis de la guerre froide. Après la fin de celle-ci, il perdure encore en Pologne, comme le montre la commémoration de 2010.

Si les Teutoniques ont perdu à Tannenberg, c'est que l'armée était divisée, épuisée, et qu'elle s'est laissée prendre au piège des Lituaniens. En outre, Jungingen, dans sa stratégie défensive, colle aux raids traditionnels des chevaliers teutoniques, là où les Polono-Lituaniens mènent une invasion en règle, avec des moyens conséquents et modernes. C'est une campagne réfléchie qui fait entrer les conflits entre Teutoniques et Polono-Lituaniens dans l'ère des guerres modernes. La victoire n'a pas provoqué la chute de l'Ordre, mais a détruit sur le plan psychologique sa réputation militaire. Les Teutoniques voient leur domination sociale contestée et n'arrivent plus à justifier de leur mission : le traité de 1411 reconnaît d'ailleurs pour la première fois leur défaite. Tannenberg est donc bien la "Grande Bataille" des chroniqueurs.

Avec ce travail, Sylvain Gouguenheim montre qu'il est capable d'un travail tout à fait pertinent sur un sujet dont il est manifestement spécialiste, comme le montre la bibliographie et les liens étroits avec les autres historiens travaillant sur le sujet, dont ceux polonais. Ce n'est pas un simple ouvrage d'histoire militaire mais une tentative d'explication de la mémoire de la bataille, en particulier du côté polonais. On regrette d'ailleurs que la dernière partie soit si courte, en particulier sur le XXème siècle : il y a là manifestement quelque chose à creuser. Comme souvent dans la collection, les cartes, placées ici au fil du texte, sont trop peu nombreuses et l'on déplore encore l'absence d'illustrations.


Christian INGRAO, Les chasseurs noirs. La brigade Dirlewanger, Tempus 286, Paris, Perrin, 2009, 284 p.

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Christian Ingrao, historien contemporanéiste, dirige depuis 2008 l'Institut d'Histoire du Temps Présent (IHTP). C'est un spécialiste de l'histoire culturelle du militantisme nazi et des pratiques de violence allemandes, notamment sur le front de l'est. En 2006, il publie cet ouvrage consacré à la Sondereinheit Dirlewanger.

Le travail de Christian Ingrao se situe dans la lignée des nouvelles monographies d'unités, telles celles de Smith ou de Browning. La brigade Dirlewanger a déjà fait l'objet de quelques travaux, notamment dans le monde anglo-saxon, mais d'aucun, alors, qui prennent en compte les nouveaux questionnements de l'historiographie : expérience individuelle et collective de la violence de guerre, culture de guerre, imaginaires cynégétiques et pastoraux, construction sociale des gestuelles de violence, c'est ce que se propose d'étudier ici l'historien à travers le choix de la brigade Dirlewanger. Il s'appuie notamment sur le travail de Bertrand Hell qui traite de l'imaginaire de la chasse. Le problème principal est celui des sources, qui ne couvrent pas toutes les opérations de l'unité et restent donc lacunaires. Il s'agit aussi de rebondir sur la thématique du consentement et de la contrainte qui a agité le monde des historiens français spécialistes de la Seconde Guerre mondiale, et ce d'autant plus que l'unité a un profil bien particulier.



Christian Ingrao commence par retracer le parcours de l'unité. Créée en mai 1940 à partir de détenus condamnés pour braconnage, la Sondereinheit Dirlewanger est expédiée en septembre dans le district de Lublin, dans le gouvernement général de Pologne. Elle n'y accomplit alors que des tâches de surveillance et non, à proprement parler, une activité antipartisans. En février 1942, l'unité est expédiée en Biélorussie où elle prend part cette fois à la lutte contre les partisans, de plus en plus menaçants. Elle est présente dès la première opération de râtissage d'envergure, Bamberg, et devient un bataillon en septembre 1942. Sous couvert de lutte contre les partisans, les Dirlewangers entreprennent en fait des massacres de Juifs et parfois, aussi, de la population civile, pour faire le vide. En quinze mois d'opérations, l'unité abat au moins 30 000 personnes, invente une nouvelle technique de déminage en expédiant les civils russes dans les champs de mines supposés (!). Elle a d'ailleurs maille à partir avec la hiérarchie civile SS, mais Dirlewanger est couvert par certains responsables. A l'été 1943, l'unité, qui comprend des compagnies d'auxiliaires russes, intègre aussi des détenus de camps de concentration, qui forment des compagnies séparées des braconniers. Devenue régiment, elle subit des pertes plus lourdes en raison de l'efficacité grandissante des partisans et de l'inexpérience des nouvelles recrues. L'opération Cormoran est la dernière avant l'offensive soviétique, Bagration, le 22 juin 1944, qui jette la Dirlewanger dans la débâcle. Réfugiée en Pologne et passée au rang de Sturmbrigade, la Dirlewanger est engagée, à partir du 4 août, contre le soulèvement de l'Armée polonaise clandestine à Varsovie. Le combat urbain est coûteux : l'unité y laisse sans doute 2 000 hommes, mais en un peu plus de mois, elle participe probablement à l'exécution de 30 000 civils, autant que sur deux ans pendant les opérations en Biélorussie. Elle est ensuite engagée, fin octobre 1944, contre les derniers feux du soulèvement en Slovaquie. A ce moment-là, le recrutement repose moins sur les camps de concentration et les braconniers que sur les détenus pour motif disciplinaire de la SS et de la Wehrmacht. En novembre 1944 cependant arrive un premier contingent de détenus politiques des camps de concentration. Engagée en Hongrie, la Dirlewanger connaît ainsi ses premières défections à l'ennemi. Placée sur le Vistule, devenue 36ème division de grenadiers de la Waffen-SS en février 1945, la Dirlewanger est emportée dans la tourmente de l'offensive finale des Soviétiques le 16 avril, en Saxe, et laisse moins d'une cinquantaine de survivants.

L'historien s'intéresse ensuite au chef de l'unité lui-même, Dirlewanger, qui est loin du rebut criminel dont les Allemands se sont accomodés pendant la guerre froide. En réalité, il est le produit d'une époque, le reflet de mécanismes sociaux et culturels qui pèsent lourd dans le destin de l'Allemagne. Devenu soldat très tôt, Dirlewanger sert dans une compagnie de mitrailleuses. Blessé au début de la Grande Guerre, devenu instructeur, il finit en 1918 par rejoindre le front de l'est, sauve son unité de la capture. Vétéran, expert des nouvelles techniques de combat, Dirlewanger ne parvient pas à se réinsérer. Il combat dans les corps francs, dirige sa propre troupe à partir d'un train blindé dans le Wurtemberg. Devenu étudiant, il adhère aussi au NDSAP en 1923, puis en 1926, gravit les échelons de la SA à partir de 1932. Sa thèse prolonge son engagement politique et militaire. Il est condamné pour une affaire de moeurs en 1934 et emprisonné, mais il ne devient pas un véritable marginal dans l'Allemagne nazie. Il sert en Espagne dans la Légion Condor entre 1936 et 1939 avant de prendre la tête, en 1940, de l'unité spéciale qui portera son nom.

Dirlewanger est présenté par ses hommes, dans les interrogatoires réalisés après la guerre, comme un chef charismatique, courageux, proche de ses hommes, un lansquenet d'une autre époque. Mais ce postulat est surtout celui des braconniers, pas des détenus politiques. Dirlewanger a droit de vie ou de mort sur ses hommes -en tout cas il s'octroie cette prérogative- mais son comportement encourage les membres de l'unité à transgresser la discipline militaire : leur chef souhaite simplement la discrétion. Cette domination charismatique ambigüe s'étiole avec le gonflement de l'unité. Dès l'été 1943, la discipline est beaucoup plus brutale, et davantage encore à partir de l'été 1944, où le nombre d'exécutions enfle démesurément. Les désertions commencent dès l'été 1943 mais le cas le plus spectaculaire a lieu en Hongrie en décembre 1944, par les détenus politiques.

La formation de l'unité ne doit rien au hasard. Les nazis ont voulu utiliser le savoir-faire des braconniers dans la lutte anti-partisans, mais l'assimilation de la chasse à la lutte antiguérilla n'est pas une spécificité allemande et a été pensée et expérimentée dès le XVIIIème siècle. Himmler, Goering, von dem Bach-Zelewsky et Berger, deux des supérieurs de Dirlewanger, sont des chasseurs consommés. Il s'agit d'utiliser le braconnier, double noir du chasseur, et sa passion violente, dans des territoires à pacifier, à civiliser, donc à l'est. Mais cela n'est pas sans entraîner des conflits avec les autres autorités, dès la période du gouvernement général de Pologne. La Dirlewanger continue d'être mal vue en Biélorussie : sa réputation en fait une indésirable, alors qu'elle est appréciée dans la lutte contre les partisans. Sa pratique de l'incendie fait associer la Dirlewanger au feu. Les soldats allemands, après la guerre, mettent en exergue la cruauté et la violence de l'unité pour rejeter les massacres sur elle et se disculper, parfois. Or, ce sont les soldats "ordinaires" qui ont commis l'essentiel des exactions sur le front de l'est, la Dirlewanger étant de toute façon trop réduite en nombre pour pouvoir être accusée de tous les crimes. En faisant de l'unité une bande de marginaux, de criminels et de sauvages, l'Allemagne d'après-guerre déplace la culpabilité et refuse l'introspection.

La mission de la Dirlewanger peut-elle relever d'une guerre cynégétique ? Les reconnaissances s'assimilent à la Pirsch, les opérations de râtissage à la battue. La guerre contre les partisans rejoint le modèle de la chasse. Les cruautés sans cesse répétées des partisans visent à souligner le danger pour le chasseur, alors que les pertes sont plutôt réduites, en réalité. Cette situation correspond à la période en Biélorussie. Le butin est systématiquement décompté, les femmes sont elles exécutés ou soumises à des sévices sexuels avant d'être abattues plus tard. En revanche, les enfants sont eux aussi tués en nombre par la Dirlewanger, en particulier pendant les râtissages, ce qui constitue une déviance de la chasse. De chasseurs, les Dirlewangers deviennent d'ailleurs "pasteurs" en considérant l'ennemi comme du bétail, à déporter ou à éliminer, par exemple en le faisant sauter sur les mines. Chasse et massacre : les partisans sont tués par balles, les civils par le feu ou d'autres moyens. La grande guerre à l'est s'assimile donc bien à l'imaginaire cynégétique., en particulier en 1942, au moment où la menace des partisans devient croissante. De chasseurs, les Dirlewangers sont ensuite devenus tueurs d'abattoir.

Ces pratiques continuent lors de la répression du soulèvement de Varsovie, qui n'est pas très éloigné, en fait, des dernières opérations menées en Biélorussie contre un ennemi mieux armé. Il s'agit de détruire les fondements mêmes de la Pologne et le processus d'animalisation de l'adversaire, dans un contexte de défaite larvée, s'accentue. Le territoire de chasse urbain, à Varsovie, devient ainsi l'un des plus grands charniers du conflit. En Slovaquie, les massacre sont moindres mais les pratiques perdurent, notamment à travers le pillage. Noyée ensuite dans les affrontements titanesques en Hongrie et en Lusace, la Dirlewanger perd de sa spécificité et est anéantie. Malgré les désertions, certains résistent jusqu'au bout, les braconniers en particulier tentant de rejoindre l'ouest pour ne pas tomber entre les mains des Soviétiques.

C'est après la guerre qu'une légende naquit sur l'unité. Dirlewanger, qui n'était pas présent dans les derniers combats, est capturé en juin 1945, détenu en Souabe, et battu à mort par ses gardiens. Cependant, certains responsables nazis et vétérans de l'unité continuent à croire qu'il s'est enfui en Egypte ou dans un autre pays sûr. La RFA mène un certain nombre d'enquêtes sur la Dirlewanger, en lien avec l'URSS et les pays du bloc de l'est. Mais les survivants, habitués aux interrogatoires, adoptent une ligne de défense consistant à ne rien évoquer des massacres et autres tueries. Le principal dossier est refermé en 1995 sans que personne ait été condamné. La plupart des survivants sont devenus des marginaux et ne se sont jamais réinsérés. Ils furent aussi des marginaux de la mémoire, même si nombre de publications de vulgarisation commence à créer la légende de l'unité. Le roman de Willi Berthold montre la Dirlewanger comme un ramassis de marginaux, de criminels de droit commun, responsables des violences, même si le héros, antinazi, parvient à récupérer les meilleurs éléments. La Dirlewanger, célèbre par sa lutte antipartisans, ne fut pas mis en lumière par l'un de ces grands procès qui ont contribué à fixer la mémoire du nazisme.

L'histoire montre désormais combien Dirlewanger est le symbole d'une Allemagne refusant la guerre perdue de 1918. Il a associé la lutte antipartisans à la dimension cynégétique. Il a un parcours original au sein de l'ordre noir, mais non marginal. En réalité, la Dirlewanger est loin d'être responsable, par exemple, de tous les massacres commis en Biélorussie : de nombreuses autres unités ont été impliqués, même si l'Allemagne d'après-guerre a accusé de manière commode les braconniers d'être seuls responsables. L'étude de Christian Ingrao met en exergue le lien entre cette chasse ou cette domestication vue par les Dirlewangers et cette impulsion de l'Etat nazi pour exploiter les territoires conquis et les germaniser : le braconnier est indissociable de l'ingénieur.

Au niveau des limites de l'ouvrage, on peut signer l'absence d'une bibliographie récapitulative (il n'y a que les notes, nombreuses, en fin de volume) et quelques erreurs sur le vocabulaire militaire allemand. On peut aussi regretter que Christian Ingrao ne s'attache pas davantage à présenter l'ennemi partisan soviétique, pourtant fondamental dans son propos, de même qu'à la question de la supériorité de l'Armée Rouge sur l'armée allemande, en ce qui concerne les derniers mois de l'unité, et à celles des auxiliaires russes servant dans l'unité. Le lien entre l'imaginaire cynégétique, l'idéologie nazie et la guerre elle-même n'est pas abordé. Les conflits pour les stratégies de contrôle du territoire en Biélorussie, notamment, entre partisans et nazis, non plus.

C'est pourtant un essai brillant d'anthropologie historique, essentiellement à partir de sources en langue allemande. Ingrao montre que la contrainte ne suffit pas à expliquer la cohésion de l'unité, sauf dans les tout derniers mois de la guerre : le consentement tient à la personnalité du chef, à la mission qui leur a été assignée (braconniers contre un ennemi "animalisé"), à la mobilisation d'un imaginaire cynégétique.

L'autre côté de la colline : "Ils ont tué l'histoire-bataille !". Mythe et réalité

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Aujourd'hui, sur L'autre côté de la colline, je mets en ligne un billet un peu différent de ceux habituels. Il ne s'agit pas à proprement parler d'un article d'histoire militaire mais plutôt d'une courte réflexion sur l'écriture de l'histoire militaire. Mes collègues et moi-même publieront, à l'avenir, d'autres billets de ce type, plus courts, des essais ou des billets d'opinion, parfois engagés, en dépassant quelque peu la stricte histoire militaire.

Dans ce premier billet, j'ai voulu revenir sur une idée encore trop répandue : l'école des Annales aurait "tué" l'histoire militaire en la ravalant au simple rang "d'histoire-bataille", expression restée dans les mémoires et dont d'aucuns se servent encore aujourd'hui pour "casser" des Annales. En réalité, et c'est le sens de mon billet, les fondateurs de cette école invitaient surtout à réinterroger l'histoire militaire et plus largement l'événement selon une nouvelle méthode. Pour l'histoire militaire, cela l'interviendra qu'à partir des années 1970, en France du moins. Reste qu'aujourd'hui, si de nouveaux champs ont été ouverts, l'impulsion elle-même peine à se maintenir, et beaucoup d'ouvrages relèvent encore de "l'histoire-bataille" dénoncée en son temps par les Annales.

Ce billet n'est qu'un premier jet à partir de quelques lectures : je  suis en train de lire ou de relirer d'autres ouvrages sur la question, et je peaufinerai sans doute davantage l'analyse dans de prochains écrits. Comme il ne manquera pas je pense de faire réagir, commentaires et réflexions sont les bienvenus pour échanger sur ce sujet important.

Morituri (1965) de Bernhard Wicki

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Juillet 1942. Les Allemands s'apprêtent à faire appareiller, depuis Tokyo, le cargo SS Ingo, chargé de caoutchouc, matière première vitale à l'effort de guerre nazi. Le capitaine Muller (Yul Brynner), qui le commande, a déjà eu des démêlés avec les nazis suite à la perte d'un autre bâtiment. Son second, Kruse (Martin Benrath), est un nazi fanatique qui rêvait de commander un raider. L'équipage comprend aussi un certain nombre de prisonniers politiques rapatriés en Allemagne (dont Hans Kristian Blech). Ce que les Allemands ne savent pas, c'est que le colonel anglais Statter (Trevor Howard) a fait introduire sur le cargo un Allemand antinazi réfugié en Inde, Robert Crain (Marlon Brando). Ancien artificier, Crain, se faisant passer pour un colonel SS, doit désamorcer les charges qui doivent servir à la destruction du bâtiment en cas de capture, car les Alliés comptent, bien, eux aussi, mettre la main sur la cargaison...


Bernhard Wicki, un réalisateur ouest-allemand, est surtout connu pour son fameux film Le pont (1959), qui figure d'ailleurs dans la collection de DVD du magazine Guerres et Histoire. On sait moins qu'il a collaboré à la réalisation du film Le jour le plus long (pour les scènes allemandes), ayant obtenu la consécration à Hollywood avec Le pont, et qu'il a aussi réalisé cette oeuvre méconnue, Morituri.

C'est un film d'espionnage plutôt bien mené, qui se déroule presque exclusivement sur le bateau lui-même : seules les quinze premières minutes servent à planter le décor et ensuite, c'est la mission. L'ambiance oppressante pour un espion pris au piège dans un milieu confiné est très bien rendue, Brando devant sans cesse se surveiller pour empêcher de se faire prendre, manipulant les autres passagers, jouant enfin la carte de la vérité pour parvenir à ses fins. Le final est particulièrement remarquable.

La force du film réside aussi dans sa galerie assez variée de personnages. Yul Brynner incarne un capitaine allemand pris entre ses contradictions, servir sa patrie, alors même que celle-ci dévoie son fils, commandant d'une vedette lance-torpilles qui coule un navire-hôpital anglais. Brando joue parfaitement le rôle de l'espion malgré lui embarqué dans un jeu périlleux qui laisse peu de place à l'amateurisme. Un autre des personnages phares est celui de la Juive américaine campée par Janet Margolin, transférée sur le cargo après que son navire ait été torpillé par un sous-marin japonais où des officiers de la Kriegsmarine servent de conseiller et suivent discrètement le SS Ingo. Il s'agit alors d'évoquer les tortures infligées aux Juifs par les nazis, qui provoquent chez elle un comportement provocateur confinant au suicide, mais cela permet également d'introduire un discours sur l'antisémitisme aux Etats-Unis, comme on peut le voir chez l'un des marins rescapés également prisonnier. Le thème, pas si fréquent, avait déjà été évoqué par Dmytryk dans son filmFeux Croisés(1947). On trouve aussi des personnages plus convenus comme Martin Benrath, dans le rôle du nazi fanatique mais ô combien efficace.

Le film, inspiré du livre de Werner Joerg Ludecke, attaché militaire allemand à Tokyo, s'impose aussi comme une référence du genre espionnage pendant la Seconde Guerre mondiale.

C.L. GRACE, L'oeil de Dieu, Grands Détectives 3030, Paris, 10/18, 1999, 285 p.

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1471. La guerre des Deux Roses fait rage en Angleterre. Warwick est battu et tué lors de la bataille de Barnet, puis les restes des forces lancastriennes sont écrasés à Tewkesbury. Edouard IV s'impose pour un temps comme roi d'Angleterre. Dans la déroute, un bijou précieux aux mains de Warwick, l'Oeil de Dieu, a été perdu. Le souverain charge son fidèle serviteur, l'Irlandais Colum Murtagh, de le retrouver. Celui-ci est suivi d'une fidèle auxiliaire : une apothicaire, Kathryn Swinbrooke...

Paul Doherty est un professeur d'histoire médiévale britannique. Il a écrit quantité de romans policiers sur toile de fond historique, sous divers pseudonymes, dont celui-ci, C.L. Grace. Ses enquêtes se déroulent soit dans l'Antiquité, soit, et surtout, au Moyen Age, et particulièrement en Angleterre. Sa série la plus prolifique est celle de Hugh Corbett, qui enquête sous le règne d'Edouard Ier. La série Kathryn Swinbrooke n'est pas la plus prolifique (7 tomes), mais a la particularité de se dérouler dans une période assez mal connue du grand public français, celle de la guerre des Deux Roses.

Ce tome est le deuxième de la série des contes de Cantorbéry, ainsi qu'elle est intitulée. On n'est pas perdu car l'auteur prend soin, pour la personne qui prend l'histoire en cours de route, de rappeler l'historique des personnages principaux. Swinbrooke a été formé par son père, apothicaire, qui a suivi notamment des cours en Italie. Elle soigne ses patients dans sa maison de Cantorbéry. Murtag est un Irlandais au service du roi york Edouard IV, après une jeunesse turbulente qui lui a presque valu d'être pendu ; grâcié, il s'est mis au service de la couronne et ses camarades irlandais le poursuivent de leur vindicte. La ville de Cantorbéry tient une grande place dans la série, de même que Chaucer, dont Murtag ne cesse de s'inspirer à l'occasion.

L'intrigue de ce tome-ci est relativement bien menée et il est difficile de deviner la solution complète avant les dernières pages. C'est une série dont le fond historique est assez développé mais cet aspect ne prend pas le pas sur l'enquête policière, ce qui est aussi, justement, une marque de fabrique de Doherty. Intéressant.



Michel PEYRAMAURE, Mourir pour Saragosse, Paris, Le Livre de Poche, 2013, 328 p.

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1789. La Révolution secoue la France de Louis XVI. Antoine-Joseph de Barsac, un petit noble périgourdin mal argenté, se laisse entraîner par un camarade, François Fournier, qui a rejoint la Garde Nationale puis l'armée régulière de la Révolution. De campagne en campagne, Barsac, officier de la Révolution puis de l'Empire, va prendre part à tous les combats marquants de l'époque, dont celui qui restera le plus gravé dans sa mémoire : les deux sièges de Saragosse...

Je suis actuellement en train de boucler un gros travail écrit pour un magazine, dont vous aurez bientôt des nouvelles, ce qui me laisse moins de temps pour les lectures... et ce n'est pas fini. J'ai tout de même trouvé le temps d'avaler ce roman historique signé Michel Peyramaure. Ce dernier, romancier, s'inspire visiblement fortement de l'histoire de France pour ces nombreux écrits -qui sont légion, y compris dans une tonalité plus régionaliste, d'ailleurs.

Ici, on a l'exemple type d'un roman complètement bâti ou presque sur l'arrière-plan historique, sans que l'intrigue soit forcément très marquante -le jeune nobliau gagné aux idées de la Révolution plus par nécessité qu'autre chose et qui reste dans l'ombre de toutes les campagnes de l'Empire qu'il traverse... et qui joue au chat et à la souris avec celle qui sera après la guerre son épouse.

Vous l'avez tout compris, toute l'histoire ou presque n'est qu'un prétexte pour mettre en valeur les guerres de Napoléon (puisque l'auteur passe d'ailleurs très vite sur les années de la Révolution où notre nobliau sert pourtant aussi dans l'armée, aux côtés de Murat) et en particulier un épisode particulièrement sanglant, le siège de Saragosse -ou plutôt les deux sièges, puisqu'il y en eut deux, en 1808 puis en 1809. Des sièges qui se caractérisent par d'intenses combats de rues et des combats particulièrement féroces, où les soldats français doivent faire face à toute une population mobilisée contre l'envahisseur -en fait de soldats français d'ailleurs, les unités de la Grande Armée comprennent déjà nombre d'étrangers... après une véritable boucherie, les défenseurs finissent par se rendre, en février 1809. Notre héros part alors rejoindre l'armée de Napoléon qui affronte les Autrichiens à Wagram, où une blessure met fin à sa carrière militaire. Revenu sur ses terres, il épouse la femme qui l'avait au départ boudé, s'occupe de ses terres, rédige ses mémoires (prétexte au roman) et réunit ses anciens compagnons d'armes, Fournier et Marbot, personnage tout à fait authentique, pour de dernières agapes en formes d'adieu.

Ca se lit bien, ça se lit vite, cela peut s'oublier tout aussi rapidement : au moins le roman a eu le mérite d'attirer mon attention sur cet épisode des sièges de Saragosse, que je vais m'empresser de découvrir un peu plus avant.


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