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Rudy FURTWENGLER, Quatre hommes en enfer, Guerre 378, Paris, Edition du Gerfaut, 1980, 190 p.

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1943-1944 (?). Avec trois hommes de sa section, Rudy Furtwengler est chargé d'une mission d'infiltration derrière les lignes soviétiques, pour ramener un prisonnier, de préférence un officier supérieur ou un commissaire politique. L'infiltration réussit, mais le retour est plus chaotique que prévu... fait prisonnier, Rudy devra batailler pour sa survie...

Encore un volume de la collection Guerre des éditions Gerfaut, mais j'ai pratiquement asséché le stock du bouquiniste (!), donc ce sera probablement le dernier avant un certain temps... Rudy Furtwengler, qui sert de nom au personnage principal, n'est qu'un pseudonyme, probablement.

A nouveau, très difficile de situer l'intrigue sur le plan chronologique : au début, j'ai cru qu'on était au début 1945, avant l'offensive Vistule-Oder, mais la mention du Donetz à l'extrême-fin de l'ouvrage me laisse croire que l'on est plutôt en 1943-1944... le contenu est similaire à ceux des autres tomes, les Allemands, combattants héroïques, venant à bout de la masse bolchevique et de ses redoutables commissaires politiques et de leurs séances de torture... en plein dans l'apologie de l'Ostfront à la sauce allemande. A noter le terme "Aftomat" qui revient souvent pour désigner les pistolets-mitrailleurs soviétiques, visiblement.



L'article sur la guerre au Tchad (1978-1987) cité par l'IISS : merci Guilhem

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L'allié Guilhem Penent me signale (merci à lui) que mon article sur la guerre au Tchad pour l'Alliance Géostratégique, qui date de quelques mois, a été cité par François Heisbourg, le président de l'IISS, un think tank britannique en relations internationales, et conseiller du président d'un autre think tank, français celui-là, la Fondation pour la Recherche Stratégique.

Il apparaît dans une note d'un article paru le 1er avril dernier dans le journal de l'IISS, Survival, Global Politics et Strategy, disponible (après paiement) ici.

Merci, donc, pour cette citation !

Emmanuel LEPAGE, Un printemps à Tchernobyl, Futuropolis, 2012, 166 p.

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Voici une BD fort intéressante, signalée par mon épouse, que je remercie.

L'auteur, Emmanuel Lepage, réalise une oeuvre de commande au bénéficie d'une association travaillant pour les enfants de Tchernobyl. Pour ce faire, il se rend sur place avec une équipe dont certains membres ont déjà fait le voyage dans la zone contaminée. Non sans interrogations et doutes, au départ, cependant, devant les risques encourus...

Après une partie, inévitable, sur la catastrophe elle-même, ses conséquences, ses mensonges, la vision qu'en a l'auteur adolescent, on en arrive au coeur du propos. La leçon globale, que découvre Lepage au fur et à mesure des jours passés sur place, c'est que Tchernobyl ne se résume plus seulement à la catastrophe, la pollution radioactive, des images de mort et de destruction. Lentement, la vie reprend ses droits, y compris au sein de la zone contaminée. Situation paradoxale pour un auteur parti pour faire un carnet de voyage sur le lieu de la plus grande catastrophe nucléaire survenue à ce jour.

Au coeur des ténèbres ukrainiennes, à la rencontre d'un des "liquidateurs" survivants, en visitant la centrale au pas de course sous le crépitement du dosimètre, puis Pripiat, ville devenue fantôme alors qu'elle incarnait la vitrine du monde soviétique avant l'explosion... et pourtant, il est possible de circuler à d'autres endroits moins contaminés. Pénétrer dans la zone devient même un rite de passage pour les adolescents ukrainiens, pour montrer qu'ils deviennent des hommes, étrange jeu du chat et de la souris avec la mort...

Pour sortir de la vision catastrophiste, après avoir abondamment utilisé le noir et blanc, sombre, pour montrer les ruines du désastre, Emmanuel Lepage n'hésite pas à faire appel à de grandes planches en couleur. C'est surprenant, mais finalement le dessin, tout comme le récit, aide à sortir d'une vision manichéenne et réductrice de Tchernobyl. C'est ce témoignage, qui montre très bien le changement de perspective d'un auteur qui refuse de se laisser enfermer dans des idées préconçues, qu'il faut voir.



Thomas J. CUTLER, Brown Water, Black Berets. Coastal and Riverine Warfare in Vietnam, Pocket Books, 1989, 393 p.

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Pendant la guerre du Viêtnam, peu d'Américains sont conscients du fait que l'US Navy et les Coast Guards apportent leur pierre à l'intervention américaine, aux côtés de l'Army, de l'Air Force, et des Marines. Il faut dire qu'au maximum, 38 000 marins ont été engagés au Viêtnam, sur un contingent avoisinant ou dépassant un peu le demi-million d'hommes. Thomas Cutler construit son récit à partir de la présentation de l'expérience américaine en termes de guerre côtière et fluviale, non sans en cacher les limites, et accompagne le tout de nombreux témoignages. Une façon aussi de ne pas limiter ce volet à l'image du patrouilleur d'Apocalypse Now, et de rendre hommage aux 2 663 marins et 7 garde-côtes qui ont péri pendant la guerre.

L'engagement de l'US Navy au Viêtnam passe d'abord, comme l'ensemble des forces armées américaines, par la phase des conseillers militaires. Les conseillers de la marine interviennent à partir de 1961, sous l'ère Kennedy. Passant de 53 à 265 entre 1961 et 1965, ils contribuent à développer la petite marine sud-viêtnamienne, qui compte des unités de ligne, des navires de transport fluviaux et une force de jonques.



Les Sud-Viêtnamiens ont hérité de certaines Dinassaut de la guerre d'Indochine, qui deviennent des River Assault Groups, comprenant notamment des LCVP et LCM modifiés. Ces groupes sont accompagnés de conseillers américains, qui se retrouvent de plus en plus fréquemment engagés au feu, en 1964. A la même époque, une structure est créée pour tenter d'empêcher l'infiltration de troupes, de ravitaillement et d'armes par mer du Nord au Sud. Les mesures sont accélérées après la capture d'un énorme transport camouflé nord-viêtnamien, le 3 mars 1965 (incident dit de Vung Ro). La Task Force 115, regroupant Américains et Sud-Viêtnamiens, conduit alors l'opération Market Time pour stopper le flux. Les garde-côtes alignent notamment des WPB et des PCF, organisés en divisions et squadrons ; la Navy contribue avec des destroyers en tant que piquets radars, des mouilleurs de mines... et même des aéroglisseurs PACV, bientôt relégués à d'autres fonctions. Le tout complété par les avions de patrouille maritime. L'ennui, la routine, le climat prélèvent un lourd tribut sur les hommes impliqués dans cette opération. A partir de janvier 1966, l'opération Stable Door, quant à elle, assure la protection des ports sud-viêtnamiens, notamment avec des LCPL. L'auteur est moins convaincant quand il évoque des résultats satisfaisants : il faut dire qu'il ne s'attarde pas trop sur la question de savoir si le gros de l'approvisionnement est véhiculé par terre (piste Hô Chi Minh) ou par mer, et qu'il fait appel, dans ses conclusions... aux généraux américains, pas forcément les plus objectifs pour en juger. 




Le delta du Mékong recouvre un bon quart de la superficie du Sud-Viêtnam. Zone peuplée, riche en riz, c'est aussi l'une des places fortes du Viêtcong. La Navy va y engager ses Patrol Boats, ou PBR, en fibre de verre, conçus par un ingénieur qui s'est littéralement tué à la tâche, Slane. D'un équipage de 4 hommes, ils opèrent toujours par paire. Fin 1968, il y en aura plus de 250 en opérations, les modèles ayant subi des améliorations successives. L'opération Game Warden, la patrouille fluviale, est créée en décembre 1965. Il s'agit d'empêcher le Viêtcong de renforcer ses forteresses du delta via le Cambodge, et notamment la zone spéciale de Rung Sat. La Task Force 116 se divise d'abord en deux groupes puis en quatre en janvier 1968. Les PBR collaborent avec les SEAL dans ce jeu du chat et de la souris dans les bras, les canaux et les culs-de-sac du Mékong, avec le Viêtcong. Celui-ci mouillant des mines, les Américains et les Sud-Viêtnamiens engagent aussi des drageurs, qui deviennent les cibles favorites de la guérilla. Pour décontenancer l'ennemi qui pense être tranquille dans la plaine des Joncs, à l'ouest de Saïgon, les Américains y lancent, en novembre 1966, l'opération "Monster", avec 3 aéroglisseurs. Dans les airs, la Navy forme bientôt des escadrilles d'hélicoptère d'attaque pour appuyer les PBR, dont les Seawolves, et d'autres d'OV-10 Bronco pour le repérage et l'appui éventuellement -les Black Ponies. Là encore, Cutler ne discute pas suffisamment de l'impact réel de ces patrouilles fluviales contre une logistique qui n'a, en fait, pas été brisée, comme le montre le cours de la guerre.

La Mobile Riverine Force, ou Task Force 117, comble un manque dans le dispositif américain depuis l'engagement direct de mars 1965. En effet, aucune grande unité constituée n'opère dans le secteur. Il faut dire que le terrain du delta ne s'y prête guère ; en outre, la marine sud-viêtnamienne a peu de navires de transport fluviaux et il faudrait prélever la nourriture sur la population. Westmoreland, le commandant en chef américain au Viêtnam, décide de former, fin 1966, une unité unique dans les annales de l'armée américaine : il couple des unités de la Navy, LST et navires de patrouille, avec une brigade de la 9th Infantry Division, spécialement créée pour intervenir dans le delta. Une base-île est créée spécialement à Dong Tam, et la division arrive sur zone en janvier 1967. La Navy met à disposition des navires qui servent de barraquements flottants, d'hôpitaux ; les navires d'assaut sont baptisés monitors, du nom de ceux de la guerre de Sécession, et sont parfois armés de mortiers, de lance-flammes et autres équipements lourds. La Mobile Riverine Force opère dans le delta pendant toute l'année 1967 et joue un certain rôle pour défaire l'assaut viêtcong pendant l'offensive du Têt dans le secteur, avant d'être rapatrié aux Etats-Unis dès le premier semestre 1969.


 


Au nord, près de la zone démilitarisée, les PBR patrouillent également sur la Cua Viet et la rivière des Parfums, mais seulement à partir de janvier 1968, juste avant l'offensive du Têt, où ils vont être mis à contribution (Task Force Clearwater). Ces patrouilles durent jusqu'en juin 1970 et le transfert des responsabilités à la marine sud-Viêtnamienne.

Fin 1968, lorsque l'amiral Zumwalt arrive au Sud-Viêtnam, il ne peut cependant que constater le manque de mordant d'une Navy qui n'a pas l'impression de jour un rôle très actif. Il lance donc les opérations SEA LORDS, afin d'attaquer les refuges jusque là intouchables du Viêtcong : la forêt U Minh, la péninsule de Ca Mau, la frontière avec le Cambodge. Les opérations Giant Slingshot et Barrier Reef, qui s'étalent jusqu'en 1970, visent à freiner le goulot d'approvisionnement que constitue le delta à partir du Cambodge. Zumwalt, en attaquant les bastions du Viêtcong, cherchent aussi à rôder la marine sud-viêtnamienne qui opère en tandem avec les Américains, dans le cadre de la viêtnamisation. La Navy quitte définitivement le sud-Viêtnam en juin 1971. Mais le coeur n'y est plus, en dépit des efforts de l'amiral Zumwalt.


 


Dès novembre 1968, le programme ACTOV accélère la formation des Sud-Viêtnamiens en les faisant embarquer sur les navires américains. Mais les problèmes sont nombreux pour rendre la marine du Sud-Viêtnam opérationnelle... à la mi-1970 ! Barrière de la langue, différences culturelles n'en sont qu'une partie. Les effectifs gonflent de 8 000 à plus de 20 000 hommes en quelques mois ! Les premiers navires sont cédés dès mai 1969, et le total final est plus qu'impressionnant. Mais en 1973, la Navy sait très bien que son homologue sud-viêtnamienne ne pourra tenir sans son soutien logistique et une intervention directe. Le changement a été trop rapide, trop brutal. 





Cutler, in fine, ne propose donc pas vraiment une analyse de la guerre côtière et fluviale menée par les Etats-Unis au Sud-Viêtnam. Il n'a pas accès aux archives adverses et ne tente d'ailleurs pas de s'y intéresser davantage, avec les sources dont il dispose à l'époque. Il dresse plutôt un tableau très héroïque de la contribution des marins américains au conflit, qu'ils considèrent comme des oubliés sans tenter de comprendre pourquoi leur mission n'a pu être remplie : en ce sens, il s'inscrit très bien dans le courant révisionniste qui se développe sous l'ère Reagan à propos de la guerre du Viêtnam, même s'il ne le formule pas explicitement.


Bruce CULVER et Don GREEN, PzKpfw IV in Action, Armor No 12, Squadron/Signal Publications, 1975, 49 p.

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Après le Sherman et le T-34, et pour changer, le Panzer IV, le cheval de bataille de l'arme blindée allemande... je reprécise que ces petits fasicules sont dépourvues de sources, que le texte est bref, les illustrations et photos nombreuses : il est donc plus destiné à des passionnés, maquettistes, etc. C'est une bonne base pour commencer.

Conçu dès 1936, le Panzer IV est char dont la structure reste sensiblement la même de la version A à la version J : les améliorations portent sur le blindage, l'armement et les capacités de combat. Cela à des fins de standardisation pour une production de plus en plus accélérée. Il a été dessiné avant le Panzer III et répond à l'exigence d'un char moyen formulée par Guderian en 1930. Ces caractéristiques en font l'ancêtre des chars de bataille modernes avec notamment un espace intérieur assez vaste pour accueillir 5 hommes d'équipage. Bien que les Allemands considèrent le Panzer III comme meilleur, c'est le Panzer IV qui demeure produit, réarmé avec un canon long de 75 mm, et ce même après l'apparition du Panther en 1943. Il servira d'ailleurs dans quelques autres conflits après la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Un Panzer IV Ausf. A-Source : http://www.army-guide.com/museum_im/PzKpfw_IV_AusfA_Ger_070201.jpg

Les premières versions, A, B et C ne se distinguent que par quelques détails mineurs. La version C embarque le moteur Maybach qui restera celui du Panzer IV jusqu'en 1945. Le Panzer IV D connaît des modifications supplémentaires, notamment un nouveau mantelet pour le canon de 75 mm court. Le E dispose d'un blindage un peu renforcé et d'une tourelle redessinée. La version F est la plus finalisée de la première phase du Panzer IV, avec déjà des éléments en commun avec le Panzer III.

Le Panzer IV Ausf. F2 est la première version armée d'un canon long de 75 mm, qui apparaît début 1942.-Source : http://www.wwiivehicles.com/germany/tanks-medium/pzkpfw-iv-medium-tank/ausf-f2/pzkpfw-iv-ausf-f2-medium-tank-01.png

Pour contrer la menace des chars soviétiques mieux armés (T-34 et KV-1), le Panzer IV F/2 est rééquipé, en mars 1942, d'un canon long de 75 mm L/43. Le modèle G dispose d'un canon à double frein de bouche et les versions tardive ont une pièce encore meilleure de 75 mm, le L/48, et des jupes de protection de flanc contre les balles des fusils antichars (Schürzen). Le modèle H, très similaire au G, a un renfort de blindage, et de la Zimmerit (enduit pour éviter la pose de mines magnétiques). Il apparaît au printemps 1943. La version finale, le J, est difficile à distinguer du H, bien que certains composants aient été simplifiés pour la production de masse -il entre en service en mars 1944.



Ce Ausf. J est la version finale du Panzer IV. On note les Schürzen latéraux.-Source : http://www.wwiivehicles.com/germany/tanks-medium/pzkpfw-iv-medium-tank/ausf-j/pzkpfw-iv-ausf-j-medium-tank-01.png


C.J. PEERS et Michael PERRY, Imperial Chinese Armies (2) 590-1260 AD, Men-at-arms 295, Osprey, 1996, 48 p.

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Ce volume de la collection Men-at-Arms d'Osprey illustre assez bien les limites de la collection. C.J. Peers, qui a d'ailleurs signé quasiment tous les livres de Men-at-Arms sur les armées chinoises antiques, médiévales et modernes, balaye ici une période chronologique qui va des Sui (VIème ap. J.-C.) jusqu'à la chute des Song et l'avènement des Mongols, soit plus de six siècles. C'est manifestement trop pour un volume de 48 pages, dont 35 de texte seul...

Or comme le rappelle l'auteur en introduction, cette période de l'histoire chinoise est importante. La Chine renoue avec les grands empires perdus depuis les Han, et affronte des ensembles parfois aussi puissants, comme les empires turcs d'Asie Centrale ou les Tibétains. L'apogée est atteint sous les Song, dynastie qui connaît un essor socio-économique sans précédent : c'est là que se développe la poudre à canon qui arrivera quelques siècles plus tard en Occident, que l'on passe à des armées professionnelles, évolutions qui annoncent l'époque moderne. Les sources abondent, entre histoires officielles, locales, trouvailles archéologiques, peintures, etc.

Après le cour intermède des Sui, ce sont les Tang qui s'imposent pendant près de trois siècles (618-907), avant de s'épuiser dans les expéditions extérieures, en particulier contre les Tibétains, et de s'écrouler sous les révoltes intérieures. Les armées Sui et Tang reposent encore sur un système de milice inadapté pour des campagnes prolongées, en particulier à distance. Les Tang ont recours aux volontaires ou à des auxiliaires étrangers, Turcs en particulier. Les armées provinciales deviennent de plus en plus indépendantes et minent le pouvoir central, qui tente en vain de former des troupes régulières. L'élite de l'armée est constituée d'une cavalerie lourde maniant à la fois la lance et l'arc, arme qui est aussi celle de choix des fantassins à la place de l'arbalète. Le matériel de siège reste relativement sophistiqué, comme il l'était sous les Han.

Sous la période (907-960) dite des 5 dynasties (au nord) et des 10 royaumes (au sud), les traditions militaires sont de facto plus variées. Les Song réunifient la Chine en 960, réussissent à surmonter le péril posé par les Jürchen, mais sont finalement vaincus par les Mongols. Ils construisent une armée professionnelle qui absorbe les laissés pour compte de la société, mais la solde est un véritable problème. En outre, l'absence de montures est criante, même si l'armée a des qualités. On tente de réintroduire un système de milice au XIème siècle, sans succès. Les Khitan, en Mandchourie, se reposent eux sur une cavalerie d'élite, avant d'être supplantés par les Jürchen. Ceux-ci sont des archers montés qui ont aussi un certain talent dans l'art des fortifications. L'époque des Song voit aussi l'apparition de manuels militaires plus complets et le développement des machines de siège. La première mention de poudre à canon date de 1044, mais des illustrations laissent penser qu'elle était déjà utilisée au siècle précédent. Au XIème, elle sert de projectile à l'artillerie qui projette des pierres ou des containers de bambou ou de papier remplis de poudre à canon. La proportion de salpêtre est ensuite augmentée et disposée dans une enveloppe en fer, devenant une vraie petit bombe à fragmentation.

Le livre se termine sur l'évocation de 9 batailles importantes de la période, trop succinctement, en quelques lignes, et par les légendes des planches couleur centrales (agréables mais un peu figé). On peut regretter aussi le manque de précision de certaines cartes. La bibliographie indicative présente p.47 ne suffit pas à compenser le survol, faute de place, de périodes aussi importantes que celles des Tang ou des Song : une introduction bien trop brève pour être réellement efficace.

Bruce CULVER et Don GREEN, Sturmgeschütze III in action, Armor No. 14, Squadron/Signal Publications, 1976, 52 p.

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Après le Panzer IV, toujours dans la même collection et avec les mêmes auteurs, le StuG III. Le SturmGeschütze (canon d'assaut) est le produit de l'expérience de la Grande Guerre, où le besoin s'était fait sentir d'un véhicule blindé capable d'appuyer au plus près l'infanterie. Envisagé dès 1936, le StuG III est mis en chantier l'année suivante. Les premières batteries de canons d'assaut StuG III, dont les premières modèles sont armées d'un canon court de 75 mm (le même que le Panzer IV), apparaissent pendant la campagne à l'ouest de mai-juin 1940. La rencontre avec les chars soviétiques, comme pour les Panzer IV, pousse à monter, en 1942, un canon long de 75 mm, L/43 puis L/48. Le StuG III est alors de plus en plus employé dans un rôle antichar, et non en soutien d'infanterie. C'est pour cela qu'est conçue la version StuH 42 embarquant un canon de 105 mm. La version ultime du StuG III, la G, apparaît dès le début de 1943. Le canon d'assaut sert alors de plus en plus comme arme défensive antichar, en particulier à l'est.

Le StuG III Ausf. A-Source : http://www.wwiivehicles.com/germany/self-propelled/sturmgeschutz-self-propelled-gun/stug-iii-ausf-a/stug-iii-ausf-a-01.png


Le StuG III Ausf. A, ou Sdkfz 142, est donc monté sur le châssis d'un Panzer III, le canon d'assaut se distinguant par l'absence de tourelle, ce qui oblige à faire pivoter l'ensemble du véhicule pour tirer dans la direction voulue. Le modèle B, qui apparaît à l'automne 1940, n'a que quelques améliorations supplémentaires. Les versions C et D, entrées en service début 1941, voient par contre leur superstructure légèrement redessinées. Le modèle E, qui arrive à l'automne, dispose notamment de paniers de rangement supplémentaires, en particulier pour les munitions.

Un StuG III Ausf. G sur le front de l'est.-Source : http://www.wwiivehicles.com/germany/self-propelled/sturmgeschutz-self-propelled-gun/stug-iii-ausf-g/stug-iii-40-ausf-g-russia-01.png


Le StuG III Ausf. F, en 1942, est le premier à recevoir le nouveau canon long de 75 mm, L/43 puis L/48 (F/8), qui va conforter le rôle antichar du canon d'assaut, essentiellement à l'est. Le mantelet du canon est redessiné. Le modèle G, qui s'impose à partir du début 1943, est un peu mieux protégé, embarque parfois des schürzen (jupes de protection latérale) et bénéficie de quelques autres améliorations mineures. Il reçoit plus tard de la Zimmerit et un nouveau mantelet pour le canon baptisé "Saukopf".

Ce StuH 42 Ausf. G a le fameux mantelet dit Saukopf.-Source : http://www.wwiivehicles.com/germany/self-propelled/sturmgeschutz-self-propelled-gun/stuh-42/stuh-42-ausf-g-02.png

Frank STEVENS, Le massacre d'Arakan, Feu 4, Paris, Editions du Fleuve Noir, 1964, 256 p.

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Birmanie, Seconde Guerre mondiale. Le caporal Robbo se démène pour vivre la guerre du mieux possible au sein de la XIVème armée britannique. Mais tout va changer lorsque les colonels japonais Tanahashi et Koyarishi décident de lancer une offensive pour percer les lignes britanniques jusqu'aux Indes... en passant à travers le complexe administratif où travaille le caporal Robbo !

Ce roman de guerre des éditions Fleuve Noir, une traduction d'un livre anglo-saxon, est inspiré d'un épisode authentique de la campagne de Birmanie, "the battle of the Admin Box", en février 1944. Il s'agit d'une contre-attaque locale des Japonais destinée à attirer les réserves alliées en Assam, afin de les détourner de la contre-offensive principale nippone. Le nom de la bataille vient de la zone administrative de la 7ème division indienne, où est organisée la défense après que le QG divisionnaire ait été submergé par les assaillants.

Comme de coutume, toute l'histoire est très romancée et sert de prétexte à une galerie de portraits plus ou moins caricaturaux : le caporal planqué mais efficace dans l'intendance, le jeune soldat hésitant devant le baptême du feu, les officiers et sous-officiers britanniques flegmatiques... et des Japonais brutaux, sans finesse et sans pitié dans le traitement des prisonniers -ce qui recouvre néanmoins une bonne partie de la vérité...

L'auteur s'acharne à mettre en scène de manière colorée de nombreux combats au corps-à-corps, et le final, avec une charge de blindés anglais dans le dos des forces assiégeantes japonaises, est, de ce point de vue, particulièrement réussi. Un bon moment de lecture qui change du Panzerporn de chez Gerfaut et évoque un théâtre d'opérations oublié, et peu traité finalement en français, de la Seconde Guerre mondiale.


Gilles BEGUIN et Dominique MOREL, La Cité interdite des Fils du Ciel, Histoire 303, Découvertes Gallimard, Paris, Gallimard, 1996, 144 p.

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La Cité interdite de Chine a souvent exercé une fascination sur les témoins et observateurs étrangers. C'est son histoire que présente Gilles Béguin, conservateur général du patrimoine et directeur du musée Cernuschi, et Dominique Morel, conservateur en chef du patrimoine, dans ce volume de la collection Découvertes Gallimard.

Yongle, le troisième empereur des Ming, décide de transférer sa capitale de Nankin à Pékin. Il édifie au coeur de sa nouvelle capitale un immense palais, une cité pourpre, appelée ensuite Cité interdite, qui est réinvestie par les Qing en 1644 jusqu'en 1911. Un travail titanesque, au service d'une réaffirmation du pouvoir chinois après la dynastie mongole des Yuan.

Les deux grands empereurs mandchous, Kangxi et Yongzheng, vont adopter la vie ritualisée et le protocole des empereurs Ming. L'exercice du pouvoir et les cérémonies officielles et privées en hiver ont lieu, de manière systématique, dans cette Cité interdite.

Qianlong, autre empereur Qing, fait réaménager une partie de la Cité interdite au XVIIIème siècle, notamment la Cour intérieure, domaine privé des empereurs et de leurs femmes, où l'on trouve aussi de nombreux domestiques. C'est sous son règne que commence le long déclin de la dynastie mandchoue, après un brillant apogée. Le nombre de concubines de l'empereur varie mais elles sont parfois amenées à jouer un rôle certain dans les destinées politiques de la Chine. De la même façon, les eunuques, mis en avant par les Ming, sont récupérés par les Qing. Les "dames du palais", sévèrement sélectionnées, mènent une vie de dur labeur, avec finalement peu de contreparties. A la fin du XVIIIème siècle, plus de 9 000 personnes résident dans la Cité interdite.

Les Qing vont s'épuiser dans la crise économique et sociale, l'impossibilité des réformes et la confrontation grandissante avec l'Occident. Ci Xi, impératrice douairière qui exerce le pouvoir de fait pendant près d'un demi-siècle, soutient d'abord un développement à l'occidentale, avant d'appuyer à la fin du XIXème siècle les ultra-conservateurs, jusqu'à la révolte des Boxers. Morte en 1908, elle laisse la place à un empereur enfant, Xuantong, plus connu sous le nom de Pu Yi, balayé par la révolution de 1911. Pu Yi réside dans la Cité interdite jusqu'en 1924 : les derniers aménagements ont été apportés par Ci Xi. Dès 1925, le palais est transformé en musée.

Dans la section Témoignages et documents, assez vaste (un tiers du livre), Morel apporte les témoignages de voyageurs étrangers sur la Cité interdite, le récit de la mort des grands empereurs chinois, des précisions sur les eunuques et les concubines. Il montre aussi comment les Occidentaux construisent une image légendaire et parfois fantastique de la Cité interdite. D'autres témoignages reviennent sur le crépuscule des Qing et sur le tournage du film Le dernier empereur, autour de la figure de Pu Yi. Les dernières pages s'interrogent sur le rôle touristique aujourd'hui dévolu au palais.

Le tout est comme d'habitude abondamment illustré, mais la bibliographie, un peu limitée, est intégralement francophone. On aurait aussi aimé trouvé un peu plus de cartes historiques et surtout des plans de la Cité interdite, dont la présentation n'est faite qu'à travers le texte et quelques illustrations.

La gloire est à eux (Theirs Is the Glory/Men of Arnhem) de Brian Desmond Hurst (1946)

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17 septembre 1944. Dans le cadre de l'opération Market-Garden, la 1ère division aéroportée britannique est larguée à l'ouest d'Arnhem. Le film suit le parcours de quelques soldats anglais des bataillons parachutistes et aérotransportés pendant la semaine de combat qui voit l'échec quasi total de la 1ère division aéroportée britannique, isolée, face eux éléments, notamment, d'une division de la Waffen-SS, la Hohenstaufen.

La gloire est à eux est l'un des premiers films de guerre réalisés après la fin du conflit par l'Angleterre, en 1945. Contrairement à Un pont trop loin (1977) adapté du livre de Cornelius Ryan et qui s'évertue à présenter l'ensemble de la bataille, cette production britannique ne montre que les combats à Arnhem et à Oosterbeek.

L'originalité du film tient à ce qu'il est tourné à peine un an après la bataille, sur les lieux mêmes (dont on peut voir de nombreuses ruines authentiques provoquées par les combats), avec des figurants qui sont les protagonistes des combats, côté britannique : ce sont tous des aéroportés. Il y a même des civils hollandais qui ont joué un rôle remarquable pendant la bataille, comme Kate Ter Horst, que l'on voit aussi dans Un pont trop loin, incarné par Liv Ullmann. Côté matériel, on note la présence de matériels allemands tout à fait authentiques en état de marche : un Tigre I, au moins un Panther, un Panzer IV à canon court de 75 mm et même un char lance-flammes bricolé par les Allemands (un modèle français de prise visiblement). Les moyens restent modestes et les scènes de combat datées, et l'on ne voit pas d'Allemands avec la fin du film (sauf les chars), mais ça vaut néanmoins le détour.

Le film s'inscrit en fait dans le courant des documentaires narratifs, une vogue du cinéma britannique des années 1930-1940. En outre, il montre la bataille d'Arnhem comme étant déjà passée au rang de mythe, celui d'une ténacité et d'une opiniâtreté britannique mises en avant en lieu et place d'un échec militaire cinglant due entre autres à des problèmes de commandement et de planification. Le roi et sa famille ont d'ailleurs fortement soutenula promotion de La gloire est à eux, preuve que le sujet importait. Le film conforte le mythe et brouille la frontière entre la fiction et la réalité puisqu'il est présenté comme une "reconstitution authentique" de la bataille -même les soldats allemands sont joués par des prisonniers de guerre ! Il s'agit plus, en fait, d'un recueil de témoignages mis sous la forme d'une reconstitution historique.

Du « tueur d'amis » à « l'exécuteur » : brève histoire des Zetas

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 Article publié simultanément sur l'Alliance Géostratégique.


1999. Le chef du cartel mexicain du Golfe, Osiel Cardenas Guillen, fait baptiser sa fille. Après avoir conversé avec les invités, il grimpe dans sa Dodge Durango. A côté de lui, le parrain de sa fille, un partenaire de longue date. Le garde du corps de Guillen, Arturo Guzman Decenas, est assis à l'arrière. Soudain, celui-ci sort son arme et exécute le parrain d'une balle dans la tête. Guillen décerne alors à Guzman le surnom de « Friend Killer ». Guzman, c'est Z-1, le fondateur des Zetas, l'une des organisations criminelles les plus dangereuses et parmi les plus militarisées du Mexique. Après une présentation du groupe il y a deux ans1, voici un retour plus précis sur les différentes phases de l'évolution des Zetas, ou comment une « simple » garde prétorienne hypermilitarisée d'un des grands cartels mexicains est devenue la deuxième organisation criminelle du pays, avant d'être à son tour victime de son succès.


Protection rapprochée... et plus si affinité (1997-2004)


Guillen, le chef du cartel du Golfe, qui reprend le contrôle de l'Etat mexicain du Tamaulipas à la fin des années 1990, devient de plus en plus paranoïaque. Face à ses rivaux, nombreux, il ressent le besoin de disposer d'une garde rapprochée d'élite. Guzman, ancien des GAFES2, unité d'élite de l'armée mexicaine, a l'idée de débaucher 30 de ses camarades, bien armés, bien entraînés et qui sont eux-mêmes capables de former des recrues. Ces 31 ex-soldats forment le noyau d'origine des Zetas.



Guillen élargit bientôt leur mission : de 1997 à 2004, les Zetas protègent le chef du cartel du Golfe mais traquent aussi ses ennemis. Ces missions d'élimination sont conduites essentiellement par les trois membres les plus importants : Guzman, alias Z-1, Pinaza, alias Z-2, et Lazcano, alias Z-3. Leur formation militaire leur donne un avantage de taille pour réussir leurs exécutions : en outre, celles-ci prennent un tour barbare d'une ampleur sans précédent, probablement à des fins psychologiques. A ce moment-là, le mode opératoire des Zetas est bien celui d'une unité paramilitaire : organisation de convois, tirs groupés sur les cibles visées, plans de fuite préorganisés, etc.

Source : http://www.csmonitor.com/var/ezflow_site/storage/images/media/images/map-of-mexican-drug-cartels/9337207-1-eng-US/Map-of-Mexican-drug-cartels_full_600.jpg


Paradoxalement, la clé du succès des Zetas va entraîner un durcissement de l'opposition. Ceux-ci ont en effet placé la barre très haut en termes de formation et de militarisation, et les groupes concurrents vont devoir s'aligner sur ce nouveau standard. La Familia Michoacana, par exemple, un autre cartel né au départ d'un groupe de défense communal, tire également son origine des Zetas et se signale, dès septembre 2006, par la pratique banalisée de la décapitation. Pendant que les Zetas consolident l'emprise du cartel du Golfe sur la côte, l'organisation s'agrandit et évolue. Le changement principal intervient entre 2002 et 2004.

Le 14 janvier 2002, l'armée mexicaine arrête le principal comptable de Guillen, Rivera, « El Cacahuete ». Le 21 novembre, Guzman est tué dans un échange de tirs avec les militaires, à Matamoros. Quelques mois plus tard, le 14 mars 2003, c'est Guillen lui-même qui est arrêté au même endroit. L'ancien policier Eduardo Costilla et le frère aîné de Guillen, Antonio Cardenas, commencent à prendre la relève, bien que l'ancien chef ait toujours les moyens d'agir sur le cartel même derrière les barreaux. Pizana, le n°2 des Zetas, prend la tête du groupe, mais il est capturé en octobre 2004. L'organisation tombe donc sous la coupe de Lazcano, Z-3, dont les actes de violence et les calculs froids lui ont valu d'être appelé « The Executioner ». Avec Lazcano à la tête des Zetas, Osiel Guillen en prison et le cartel du Golfe affaibli, une nouvelle phase commence, jusqu'en janvier 2010. Lazcano considère, en effet, qu'il est désormais à même de discuter sur un pied d'égalité avec le cartel du Golfe, et non de se comporter comme un simple employé.

Lazcano, "The Executioner", donne une nouvelle ampleur aux Zetas.-Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/en/thumb/b/b9/HeribertoLazcano-mugshot.png/200px-HeribertoLazcano-mugshot.png



Vers la rupture avec le cartel du Golfe (2004-2010)


A partir d'octobre 2004, les Zetas vont s'émanciper progressivement du cartel du Golfe. Lazcano supervise l'embauche d'anciens des forces spéciales du Guatemala, les fameux Kaibiles, pour renforcer la protection des membres importants de son organisation et les assister pour la sélection de recrues et leur entraînement. Le recrutement est facilité par des contacts secrets au sein de l'armée. Lazcano développe aussi les camps de formation dans le Tamaulipas où les recrues apprennent les bases tactiques des petites unités de combat, l'emploi des armes à feu et des moyens de communication. Il supervise aussi la création d'un réseau radio clandestin. Lazcano élargit également les activités des Zetas au-delà de la simple extorsion : il prend le contrôle, en particulier, des points de contrôle sur les routes principales du trafic de drogue, les plazas, où les rivaux plus faibles doivent acquitter un droit de péage pour convoyer tranquillement leur marchandise.

Pour pérenniser son organisation, Lazcano a également veillé à placer l'argent dans le système bancaire, tout en limitant au maximum les hémorragies internes (pour un peso volé, c'est la mort assurée ou presque) ce qui va permettre de financer les opérations au Mexique et en Amérique Centrale. C'est ce point-là, surtout, qui détermine l'indépendance des Zetas face au cartel du Golfe. Les liens avec ce dernier se distendent encore plus lorsqu'Osiel Guillen est extradé aux Etats-Unis en janvier 2007. Dès le milieu de l'année, les Zetas revendiquent plus de 2 000 hommes, et sont présents dans 24 Etats mexicains. En juin, une attaque coordonnée est montée contre 5 casinos dans 4 Etats différents, et 5 policiers municipaux sont abattus dans le nord du Sinaloa par les Zetas.

Par ailleurs, entre mai et juillet 2007, Lazcano doit participer à des rencontres pour la négociation d'une trêve, aux côtés de Costilla, avec le cartel de Sinaloa. Or Lazcano n'est pas prêt à abandonner sa taxe pour le passage des sicaires de Sinaloa sur son territoire, alors que Costilla, lui, recherche ardemment la trêve. Mi-août 2007, Lazcano s'adresse à 500 de ses hommes rassemblés pour l'occasion et leur fait comprendre qu'il est hostile aux négociations. Dans la seconde moitié de 2007, les Zetas sont particulièrement actifs à Acapulco, Guerrero, où ils cherchent à prendre le contrôle d'un secteur appartenant à l'organisation Beltran-Leyva, qui fait partie de la fédération du Sinaloa.

Costilla ordonne finalement, début 2010, la capture et l'assassinat d'un membre important des Zetas à Reynosa. Il s'agit de Victor Pena Mendoza, un capitaine qui est aussi le bras droit du numéro 2 des Zetas, Miguel Trevino. Celui-ci a demandé la tête du tueur, en vain : dès lors, la guerre est déclarée entre les Zetas et le cartel du Golfe dans le nord du Mexique.


Cartel contre cartel : une guerre qui favorise l'expansion (2010-2012)


Trevino ordonne aussitôt l'exécution des partisans du cartel du Golfe dans le Tamaulipas et le Nuevo Leon, en particulier des policiers municipaux qui sont kidnappés et torturés à mort. 16 membres du cartel sont ainsi enlevés. Des convois comptant jusqu'à 40 véhicules utilitaires sport sillonnent les rues des villes frontalières ou les autoroutes proches, avec des hommes armés de lance-grenades et d'armes automatiques. Les policiers ou les militaires arrivent généralement après les affrontements, à tel point que certains soupçonnent « El Chapo », le chef du cartel de Sinaloa, d'avoir soudoyé les autorités pour ce faire.

Des bannières annoncent alors la formation d'une nouvelle fédération entre les cartels du Golfe, de Sinaloa et La Familia. Les halcones, qui travaillent pour les Zetas, se dépêchent de suspendre dans le Tamaulipas des contre-bannières pour braver la nouvelle fédération. Cette guerre symbolique est en outre très médiatisée, d'autant plus qu'en hissant les bannières, chacun en profite pour déposer aussi un morceau de cadavre ou une tête du dernier ennemi abattu. Chassés du Tamaulipas, les Zetas se replient sur Nuevo Laredo au nord-ouest, à Monterrey et Nuevo Leon au sud-ouest, et au sud à Tampico, à la frontière avec Veracruz. Si le Tamaulipas reste entre les mains du cartel du Golfe, les Zetas réussissent à se maintenir, parfois fortement à Nuevo Laredo, à Torreon, dans le Veracruz, le Puebla, le Campeche, le Tabasco et des parties du Quintana Roo et du Yucatan.

Pour les Zetas, c'est un revers sérieux : en mars 2010, avec la perte du Tamaulipas, ce sont toutes les plazas qui ont été perdues, sauf une. La décision de se replier à Nuevo Laredo et Tampico n'a pas été prise à la va-vite, sur un coup de tête : c'est un pari stratégique réfléchi pour préserve la cohésion du groupe, en conservant le contrôle de deux positions importantes pour le trafic de drogue -un port, Tampico, et un point d'entrée sur le marché américain, Nuevo Laredo. Les Zetas ont réussi à surmonter les assauts des autres cartels et ceux du gouvernement, ce qui prouve leur résistance. A Tijuana, l'organisation Arellano-Felix, l'organisation Beltran-Leyva dans le centre du Mexique, et l'organisation Vincente Carillo-Fuentes, ou cartel de Juarez, ont toutes été réduites en ruines par les coups de poing successifs des autorités mexicaines à la même époque.

En avril 2011, Tijuana et Nuevo Laredo sont les deux seules plaza qui ne sont pas encore entre les mains de la nouvelle fédération. Mais les Zetas conservent leur mordant opérationnel : mi-juillet 2010, à Juarez, ils ont organisé le premier attentat à la voiture piégée depuis 15 ans, en utilisant un dispositif de contrôle à distance et en attirant les secours sur place avant de faire exploser l'engin. D'autres attentats à l'explosif suivront, utilisant notamment du C-4, et visant les ennemis des Zetas. En juillet, août et septembre 2010, les Zetas bénéficient des coups portés par le gouvernement au cartel de Sinaloa, avec l'arrestation du n°3 du cartel et de son tueur à gages en chef, La Barbie, ennemi mortel des Zetas. Parallèlement, ceux-ci diversifient leurs activités en s'impliquant dans le trafic humain le long de la côte du golfe du Mexique, puis dans le vol de pétrole à la PEMEX, la compagnie pétrolière nationale.

Dès la fin 2010, les activités d'extorsion et de péage reprennent normalement, augmentées par le trafic de drogue. Cette dernière activité n'est pas prioritaire au sein des Zetas. Mais la séparation avec le cartel du Golfe entraîne l'absence de contacts en Colombie ou d'autres pays andins. Trevino est l'un des principaux promoteurs, au sein des Zetas, du trafic de la cocaïne, notamment parce qu'il dirige l'une des entreprises de fraude immobilière les plus importantes dans les Amériques. Nuevo Laredo, sur l'I-353, est l'une des voies directes vers l'un des marchés les plus importants de la drogue aux Etats-Unis : Chicago.

Trevino commence à envoyer, en 2005, de la cocaïne et de la marijuana à Chicago, via Nuevo Laredo4 et Houston, développant son réseau à l'est via la I-40 et l'I-10, et au nord via l'I-35, jusqu'à Chicago, mais aussi Atlanta. Il emploie d'abord des gangs d'adolescents, les Zetitas, puis fait appel aux gangs locaux du Texas, et ensuite à gangs répartis sur tout le territoire comme Mara Salvatrucha /MS-13 : ils sont chargés de distribuer le produit et de protéger le retour des fonds au Mexique. C'est ce trafic qui permet aux Zetas de se développer, avec des ramifications dans pas moins de 37 villes du Midwest, du nord-est et du sud-est des Etats-Unis en 2009, selon un rapport des autorités américaines elles-mêmes.

Un membre du MS-13 arrêté à Houston, en 2009, exhibe le tatouage du gang sur son dos.-Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/52/MS-13_tattoo.jpg


En octobre 2009, le FBI monte l'opération Gator Baità Houston. La cible, Willie « Gator » Jones Jr, tient une résidence pour les Zetas, safe house pour les armes, la drogue, et lieu de conditionnement en vue des expéditions via le corridor de l'I-10 en direction de la Lousiane, du Mississipi et de la Floride. Le 16 novembre 2011, la police de Chicago et la DEA démantèlent une cellule locale des Zetas, mettant la main sur plus de 12 millions de dollars et 250 kg de cocaïne. A la mi-novembre, un informateur travaillant sous couvert et transportant un chargement de marijuana est attaqué par 3 membres des Zetas qui pensaient trouver plus de marchandise à bord de son véhicule. L'anecdote montre la violence du groupe et la rivalité grandissante avec le cartel du Golfe, auquel appartenait probablement le chargement.

A ce moment-là, on attribue aux Zetas le contrôle sur pas moins de 10 000 exécutants (!), du Guatemala aux Etats-Unis. Au Guatemala, ils recrutent de jeunes désoeuvrés, les fameux Zetitas, qui sont notamment chargés de prévenir les tireurs du groupe en cas de pénétration adverse sur leur territoire. Si on prend le cas d'un des leurs alliés aux Etats-Unis, le Mara Salvatrucha/MS-13, les différences sont notables. Le MS-13, né à Los Angeles, est un réseau de gangs qui s'étend de New York à L.A., en passant par le Salvador et le Guatemala. On décrit souvent son apparition comme une conséquence tragique des guerres civiles en Amérique Centrale à la fin de la guerre froide, mais en réalité, le MS-13 est le produit des dynamiques de gangs urbains. Il a été créé par des Salvadoriens de Los Angeles et opère désormais dans 42 Etats américains. Le MS-13 n'a pas cependant la cohérence organisationnelle des Zetas : c'est une structure très lâche, un réseau de groupes qui communiquement et collaborent en fonction de rapports de force. Cependant, il existe une hiérarchie, et le MS-13 exerce même une domination régionale au Guatemala. Cette structure décentralisée est aussi plus difficile à pénétrer de l'extérieur. Au niveau des gangs locaux, le commandement est assuré par deux responsables, l'un d'ensemble et l'autre plus spécifiquement chargé des opérations. La loyauté est indispensable à l'égard des gangs les plus influents, ce qui se reflète dans le credo du MS-13, qui consacre l'usage de la force : « Tuer, contrôler et violer ». Le MS-13 se distingue aussi, comme gang, par ses relations avec les cartels de la drogue. Au Mexique, ses membres servent de piétaille aux cartels, dont les Zetas, et d'intermédiaires pour le trafic humain.

A la fin 2011, l'élève a enfin dépassé le maître : les Zetas sont devenus la deuxième plus grand organisation criminelle du Mexique, seulement devancés par le cartel de Sinaloa. Les forces paramilitaires des Zetas étendent leur influence dans tout le pays, et leur adversaire perd du terrain, selon les analystes mexicains.


De la « guerre intestine » à la fin d'une bipolarisation ? (2012-2013)


En 2010 et 2011, les Zetas ont donc résisté à la fois aux assauts de leurs adversaires criminels et à ceux du gouvernement. La vision stratégique de Lazcano et la capacité à combler les pertes et à s'étendre sur de nouveaux territoires ont incontestablement joué. Paradoxalement, en 2012, les Zetas n'ont pas à affronter le cartel de Sinaloa, ce qui aurait semblé logique, mais une rivalité interne entre les deux hommes les plus importants du mouvement.

Miguel Trevino, ancien policier de Nuevo Laredo et numéro 2 des Zetas, est considéré comme un élément impulsif. Lazcano, au contraire, militaire de formation, base toute son action sur la stratégie, sur l'entraînement et le recrutement, et sur un désir non dissimulé de rester en vie. Certains commencent à penser, alors, que Trevino se lasse d'être le n°2. Les autorités mexicaines arrêtent curieusement une série de hauts-responsables proches de Lazcano, comme s'il y avait eu des fuites. Parallèlement, dans les derniers mois de l'administration Calderon, la lutte anti-cartels reprend de la vigueur et les Zetas sont plus vulnérables que le cartel de Sinaloa. Le 13 janvier 2012, Luis Jesus Sarabia Ramon, un membre important des Zetas, est arrêté dans l'Etat de Nueve Leon.

Miguel Trevino Morales, le n°2 des Zetas, prend de plus en plus d'importance à partir de 2005.-Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/5a/Miguel-Trevino-Morales.jpg


Trevino, qui a joué un rôle certain dans l'affrontement avec le cartel du Golfe et le trafic de drogue, sans parler d'un comportement excessivement violent, n'est probablement pas le seul responsable de l'éclatement progressif des Zetas. En août 2010, le chef régional des Zetas à San Fernando, au Tamaulipas, avait procédé à l'exécution de 72 immigrants clandestins puis à celle de passagers de bus détournés -193 morts au total, ensevelis dans des fosses communes. Or les chefs des Zetas lui avaient expréssément demandé de réduire les assassinats pour ne pas trop attirer l'attention de l'armée. L'incident semble donc montrer qu'il existe un découplage entre l'échelon supérieur et les groupes locaux des Zetas.

Un an plus tard, le 25 août 2011, 8 membres des Zetas font irruption dans un casino de Monterrey, au Nuevo Leon, y versent de l'essence et mettent le feu : 52 personnes sont brûlées vives. Le motif : le propriétaire du casinon avait refusé de céder à l'extorsion. L'initiative a visiblement été prise par un sous-fiffre, sans que les chefs de l'organisaient l'aient approuvée. En mai 2012, 49 corps décapités sont retrouvés sur le bord d'une route, dans le Nuevo Leon, près de Cadereyta Jimenez : mais Trevino avait ordonné au chef local des Zetas de déposer les corps au beau milieu de la ville... ce qui là encore, montre des dissensions.

En juin 2012, une guerre des bannières fait rage dans les rangs des Zetas, entre ceux hissant celles qui arborent le portrait de Lazcano et d'autres qui défendent plutôt Trevino. Mais certains experts doutent, en fait, d'une possible guerre intestine au sein du mouvement, à l'exception de tensions peut-être bien présentes parmi la troupe. Le problème réside probablement dans l'expansion fulgurante des Zetas, qui ne tirent que la moitié, tout au plus, de leurs revenus du trafic de drogue. Les immenses rentrées d'argent engendrent certainement une grande frustration parmi les cellules locales, qui assurent l'essentiel des activités, et qui rechignent à voir partir l'essentiel des bénéficies entre les mains des chefs. On assisterait donc, peut-être, à la naissance d'un modèle de « franchise » Los Zetas, avec des cellules locales reproduisant le schéma du groupe.

Pourtant, le 9 août 2012, la police mexicaine découvre les cadavres de 14 membres des Zetas près de San Lui Potosi. Il s'agit d'hommes de main de Caballero, un chef des Zetas dans l'Etat voisin du Coahuila. Ses hommes auraient été tués par la faction de Trevino, qui pense que Caballero a l'intention de quitter les Zetas pour le combattre en s'alliant avec le cartel du Golfe. Ce même mois, les analystes américains multiplient les compte-rendus selon lesquels Trevino aurait bien évincé Lazcano, dernier fondateur historique des Zetas.

En réalité, il semblerait bien que les deux dirigeants des Zetas aient maintenu leur association, et que nombre de rumeurs à propos d'un affrontement interne soient venus des partisans de Trevino qui n'étaient pas satisfaits du leadership de ce dernier. Lazcano est finalement abattu le 7 octobre 2012 par des Marines mexicains à Progreso, dans le Coahuila. Il est ainsi le premier chef important de cartel à être tué dans un échange de tirs depuis 2006. La mort de Lazcano, qui suit la capture de Costilla, le chef du cartel du Golfe, en septembre 2012, là encore par les Marines, et l'arrestation de Caballero, l'adversaire de Trevino, semble profiter au cartel de Sinaloa, dont le chef, « El Chapo », peut espérer s'emparer de Nuevo Laredo, la place forte de Trevino.

Les Zetas et le cartel de Sinaloa, qui ont fini par polariser le secteur des cartels au Mexique, sont concurrencés par l'ascension de nouveaux groupes régionaux à la fin 2012 et dans les premiers mois de 2013 : le cartel de Jalisco Nueva Generacion et les Templiers. Des signes laissent penser que Trevino doit affronter une certaine contestation interne au sein des Zetas, mais sans que le schéma réel soit véritablement clair. Le cartel du Golfe, menacé de disparaître après la capture de Costilla en septembre 2012, a survécu grâce à l'affrontement entre ses rivaux, mais s'est divisé en de multiples factions se jalousant les unes les autres. Une des factions s'impose à Reynosa autour de Ramirez Trevino, mais le cartel du Golfe doit compter sur l'appui de Sinaloa et des Templiers pour contenir la pression des Zetas. Le cartel de Sinaloa, qui employait le cartel de Jalisco Nueva Generacion contre les Zetas dans les Etats du Pacifique et à Guadalajara, a vu son allié s'émanciper et même se dresser contre lui. Ces récentes évolutions au cours de la première moitié de 2013 semblent indiquer que la polarisation des cartels mexicains autour des Zetas et de Sinaloa est bel et bien terminée.


Bibliographie indicative :


Merci à Yves Trotignon qui m'a fourni grâcieusement les analsyes et mémo de Stratfor qui m'ont été particuolièrement utiles pour évoquer les évolutions très récentes de ces derniers mois.

LOGAN, Samuel, « A Profile of Los Zetas: Mexico’s Second Most Powerful Drug Cartel », CTC Sentinel, février 2012, volume 5, numéro 2, p.5-7.

LOGAN, Samuel, « Preface : Los Zetas and a new barbarism », Small Wars & Insurgencies, 22:5, 2011, 718-727.

SULLIVAN, John P., et ELKUS, Adam, « Los Zetas and MS-13 : Nontraditional Alliances », CTC Sentinel, juin 2012, volume 5, numéro 6, p.7-9.

2Grupo Aeromóvil de Fuerzas Especiales. Le groupe trouve son origine en 1986, pour la protection de la coupe du monde football à Mexico. Il est entraîné au départ par le GIGN français. Ensuite, ils sont déployés contre l'insurrection zapatiste du Chiapas (1994).
3Interstate 35, une autoroute qui traverse le centre des Etats-Unis, du Texas au Minnesota.
4Dès le début 2005, les Zetas, profitant des arrestations qui ont désorganisé le cartel du Golfe, s'installe en force à Nuevo Laredo. Le cartel de Sinaloa tente de s'y implanter et la ville se transforme en champ de bataille. A l'automne, les Zetas sont maîtres du terrain, au prix d'une formidable démonstration de violence.

L'autre côté de la colline : bataille autour de Dijon (1870-1871)

David CHAUVEL, Hervé BOIVIN et Eric HENNINOT, WW2.2, tome 1 : La bataille de Paris, Paris, Dargaud, 2012, 64 p.

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Printemps 1940. Hitler a été tué le 8 novembre 1939 dans l'attentat d'Elser à Munich. Goering, qui lui succède, déclenche le Fall Gelb, l'attaque à l'ouest. Mais l'armée allemande est engluée dans les Ardennes battues par les pluies, et la traversée de la Meuse à Sedan se transforme en bataille d'usure, finalement remportée par les Allemands. Ceux-ci campent sur la Somme, et menacent Paris. Pour retourner la situation, les Britanniques et les Français envisagent un plan audacieux. Le sergent Meunier, à la tête de son escouade, est en première ligne ce qui deviendra "la bataille de Paris"...

Beaucoup d'uchronies (réécriture de l'histoire à partir de la modification d'un événement : ce n'est donc pas "l'histoire vraie", avis aux amateurs...) dans la bande dessinée, ces temps-ci.Jour J, chez Delcourt, a suscité mon intérêt pour le genre, avec Block 109, la première série livrant des tomes variables en qualité. J'ai voulu essayer une nouvelle série du même genre parue chez Dargaud, WW2.2., dont l'intérieur de couverture précise, grâce à une carte dûment légendée, que l'aventure sera en 7 tomes. Bon point d'entrée, on sait où l'on va.

La BD s'ouvre sur une citation de l'ouvrage de Jean-Pierre Richardot consacré à la campagne de France et aux "100 000 morts oubliés", paru en 2009 au Cherche-Midi. Les auteurs ont donc travaillé un peu le fond historique. Précisons toutefois que la "réhabilitation" de la prestation de l'armée française pendant la campagne de mai-juin 1940 a tendance à tourner, ces derniers temps, à l'hagiographie (on pense à Dominique Lormier notamment), loin d'une démarche "historienne"...

La séquence d'introduction, signée Eric Henninot, et qui présente le point de départ de l'uchronie, la mort d'Hitler dans l'attentat d'Hitler, est tout simplement superbe : je vous laisse la découvrir par vous-mêmes. Le récit est ensuite classique : après une présentation des événements à partir de la mort d'Hitler, et des décisions stratégiques prises du côté allié, les auteurs offrent une plongée au niveau du soldant en s'intéressant à une escouade de Français qui prennent part à la bataille. Cette escouade du sergent Meunier, comme il se doit, vue à travers les lettres que le sous-officier écrit à sa femme, est une collection de milieux sociaux, de caractères et d'attitudes aussi divers que l'étaient les Français de cette époque... et le scénario ne cache rien, malgré tout, des faiblesses de l'armée française qui, rappelons-le, a quand même perdu la campagne, en vrai.


 



Ensuite tout s'accélère avec le secret d'un des soldats français qui doit partir chercher un document compromettant dans une maison d'un Paris fantômatique, vidée de ses habitants; abandonnée aux militaires, nappée dans le brouillard... duquel vont surgir les Allemands. La victoire reste aux Franco-Britanniques, qui ont su retourner contre l'adversaire ses propres armes, en quelque sorte. On peut être dubitatif sur cette réécriture de l'histoire, mais le "what if ?" n'a jamais été mon dada... d'autant qu'à force de faire de l'uchronie, on finit par brouiller les pistes, pour certains lecteurs, sans doute, sur l'histoire à proprement parler (!). En outre, après le prologue assez bien amené, la bande dessinée manque cruellement de rythme jusqu'aux dernières pages, quand a lieu l'attaque. On rejoint ici le problème historiographique évoqué ci-dessus : à force de vouloir montrer l'état d'esprit des soldats et leur "courage" au feu, on en oublie la géopolitique et le déroulement des opérations elles-mêmes... la petite histoire ne rejoint pas ici la grande.


Fred DUVAL, Jean-Pierre PECAU et Mr FAB, L'homme de l'année, tome 1 : 1917, Série B, Paris, Delcourt, 2013, 64 p.

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Fort de Verdun, 10 novembre 1920. Le soldat français Auguste Thin choisit le cercueil du soldat inconnu, qui est enterré le lendemain sous l'Arc de Triomphe, à Paris. Dix ans auparavant, en 1910, en Côte-d'Ivoire. Boubacar prend la place de son frère Dyaulé pour servir dans les troupes coloniales sous les ordres de Joseph, le fils du maître de la plantation. Après avoir combattu les Abbeys puis les Chleus du Maroc, Joseph, capitaine, et Boubacar, devenu lieutenant, sont expédiés en France au sein de la "force noire" de Mangin pour soutenir l'effort de guerre français, le conflit s'étant déclenché en Europe en août 1914...

Delcourt, surfant sur l'idée de l'uchronie de la série Jour J, et autres séries à thème, inaugure ici une nouvelle fresque dans la collection série B : L'homme de l'année. On retrouve d'ailleurs des auteurs communs avec Jour J,Fred Duval et Jean-Pierre Pécau au scénario ou Manchu et Fred Blanchard qui signent la très belle couverture du tome.

L'idée n'est pas dépourvu d'intérêt : il s'agit de prendre un événement historique bien réel et d'y ajouter une petite histoire inventée pour les besoins d'une bande dessinée. Ce tome 1 tourne ainsi autour de l'histoire du soldat inconnu français de la Première Guerre mondiale, mais les prochains tomes évoqueront, visiblement, la mort de Jeanne d'Arc, Waterloo, la Commune ou Christophe Colomb, entre autres (déjà 7 de prévu).



Si la Première Guerre mondiale a été déjà largement évoquée en bande dessinée, il n'en est pas forcément de même pour l'épopée des troupes coloniales, qui furent d'ailleurs longtemps les oubliées du conflit, côté français. Un oubli de plus en plus réparé aujourd'hui. L'histoire du lieutenant Boubacar est l'occasion de brosser un portrait des grands affrontements de la Première Guerre mondiale, et en particulier Verdun (p.25-36) et l'offensive Nivelle (avril 1917) où les deux personnages principaux font face à leur destin (p.37-51). Mais les deux scénaristes en profitent aussi pour montrer comment les troupes coloniales sont utilisées comme "chair à canon" et la fin de l'album constitue au passage un remarquable pied-de-nez au mépris raciste dans lequel étaient tenus les contingents d'Afrique. Un album très orienté sur la mémoire, donc, et ce n'est pas un mal. 




Ce qui frappe aussi dans le dessin de Mr Fab, c'est sa variété : on passe des plans très colorés d'Afrique au début à la boue et au ton sombre des tranchées et du front de l'ouest, mais aussi par les lumières de Paris lors de la permission du capitaine et du lieutenant Boubacar en 1915. Le scénario est classique, n'échappe pas à quelques lieux communs ("bon Blanc" contre "mauvais Blanc"), mais il est suffisamment intelligent pour retenir l'attention. On va voir ce que donnent les tomes suivants...

Les héros de Télémark (The Heroes of Telemark) d'Anthony Mann (1965)

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1942, Norvège. Les Allemands font augmenter la production d'eau lourde et en modifient la formule à l'usine Vemork Norsk Hydro, qu'ils ont sous la main depuis la conquête du pays. L'ingénieur en chef Nilssen (Ralph Michael) parvient à faire passer à un groupe de la résistance dirigé par Knut Straud (Richard Harris) les données concernant ces modifications. Straud apporte le microfilm au docteur de physique Rolf Petersen (Kirk Douglas) de l'université d'Oslo. Petersen se dispute avec Straud mais finit quand même par regarder le microfilm. Ce qu'il y voit le pousse à demander à Straud de passer en Angleterre pour prévenir les Alliés d'une nouvelle menace...

Les Héros de Télémark, réalisé par Anthony Mann, se base sur les mêmes événements historiques déjà traités dans un film antérieur, franco-norvégien : La bataille de l'eau lourde (1948) de Jean Dréville. Il s'agit du sabotage de la seule usine d'Europe occupée productrice d'eau lourde, près de la ville de Rjukan, dans le comté de Télémark, en Norvège : l'eau lourde est en effet utilisée par les Allemands dans leurs vaines tentatives de concevoir une bombe atomique.

Anthony Mann livre un film très hollywoodien, très romancé (trop ?), qui séduit quand on est plus jeune mais qui vieillit mal quand on le revoit un peu plus tard... Les Héros de Télémark a été filmé en Norvège pour les extérieurs (quais d'Oslo, université, Rjukan, Vemork, etc) et dans les studios Pinewood pour les intérieurs. Les paysages enneigés, les sauts en parachute et l'utilisation de cabanes isolées pour le transmissions radio préfigurent, en quelque sorte, Quand les aigles attaquent, qui le suit de quelques années mais qui laisse un souvenir autrement plus marquant (et qui vieillit mieux, je trouve). Les séquences à skis ont fait appel à d'anciens résistants norvégiens et même à l'entraîneur de l'équipe norvégienne des Jeux Olympiques !

Le film s'inspire des événements réels mais comme souvent, compresse le temps et simplifie de nombreux détails. La première destruction de l'eau lourde dans l'usine est ainsi beaucoup plus dangereuse et constitue un exploit par rapport à ce qui est montré dans la scène correspondante, où Harris et Douglas, avec leur groupe, pénètrent quand même très facilement dans ce site sensible... de la même façon, la traque menée par les Allemands force certains saboteurs à se réfugier en Suède, ce qui n'est pas évoqué. On regrette aussi que le bombardement aérien de l'usine (le 16 novembre 1943) ne montre aucun appareil à l'exception de quelques pauvres images d'archives -les canons de DCA allemands tirent sur le vide... La scène de la destruction du ferry convoyant l'eau lourde (20 février 1944) est bien reconstituée, même si, là encore, les deux héros pénètrent un peu trop facilement sur les lieux pour déposer leur engin à retardement...

Un film de guerre qui reste donc sympathique, mais pas inoubliable.


Les Bérets verts (The Green Berets) de John Wayne et Ray Kellogg (1968)

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Fort Bragg, Caroline du Nord. Le journaliste George Beckworth (David Janssen), opposé à l'intervention des Américains au Viêtnam, assiste à une démonstration des Special Forces pour le grand public. Le colonel Mike Kirby (John Wayne) lui conseille de se rendre en Asie du Sud-Est, implicitement, pour se rendre compte par lui-même. Kirby prend bientôt la tête de deux A-Teams chargés de renforcer un camp des Special Forces au Sud-Viêtnam...

Film atypique que Les Bérets verts de John Wayne, sorti l'année même de l'offensive du Têt, en 1968. C'est en effet l'un des rares films américains à justifier l'intervention américaine au Viêtnam et même à l'encourager. Encore plus étonnant : le personnage de Kirby est inspiré par Lauri Törni, un officier finlandais. Celui-ci a combattu les Soviétiques pendant la guerre d'Hiver puis pendant la guerre de Continuation (1939-1944), servant dans la Waffen-SS, puis rejoignant un mouvement de résistance pro-allemand en 1945. Emigré aux Etats-Unis après un parcours rocambolesque, il devient Larry Thorne, s'engage dans les toutes nouvelles Special Forces, combat au Sud-Viêtnam à partir de novembre 1963 et y meurt dans un crash d'hélicoptère en octobre 1965 !

Si John Wayne n'avait jamais caché ses sympathies patriotiques (Iwo Jima, Alamo par exemple), le film fait l'effet d'une bombe et retourne une bonne partie de l'opinion, en particulier européenne, qui lui était jusque là assez favorable. En France, la sortie intervient le 27 juillet 1969, à peine un an après les événements de mai 1968 : elle est chahutée.

La guerre du Viêtnam, aux Etats-Unis, est de fait la première guerre "quotidiennement" médiatisée, ce qui ne  veut pas dire que les médias sont dès le début hostiles à l'intervention. Bien au contraire, comme plusieurs travaux américains l'ont montré, au départ, les médias relaient le discours officiel. Le tournant se situe davantage en 1967, c'est à dire au moment même où John Wayne réalise son film. L'opposition enfle, les médias commencent à douter, la perte de confiance à l'égard de l'administration Johnson est sensible. Wayne, qui est allé sur le terrain, qui est en fin de carrière et déjà malade d'un cancer, il veut donc faire oeuvre utile pour soutenir l'engagement dans le conflit. Il obtient la collaboration de l'armée américaine et d'importants moyens financier, en dépit de l'échec d'Alamo en 1960 -mais on lui adjoint deux autres réalisateurs...

Le film s'inscrit pleinement, donc, dans le contexte de la guerre froide et dans celui très particulier pour les Américains de la guerre du Viêtnam. L'oeuvre de Wayne n'est sans doute pas réductible à la caricature qu'en ont faite les opposants au conflit à l'époque, mais il faut bien reconnaître qu'elle ne fait pas dans la nuance. Toute la première partie, avec la démonstration des Special Forces devant les journalistes, donne le ton : il s'agit de montrer que Wayne est en faveur de l'intervention au Viêtnam, qui est replacée dans le prisme du combat plus général entre les Etats-Unis et le camp communiste.

La deuxième partie du film est peut-être la plus intéressante car elle colle de près à une des réalités de la guerre du Viêtnam : l'action des Special Forces, chargés de constituer des camps de CIDG (Civil Irregular Defense Groups), notamment près des frontières, afin de surveiller les déplacements de l'ennemi, d'entraver sa logistique, de lui disputer le contrôle des terrains et de la population. Or, à partir de 1964 en particulier, ces camps deviennent une des cibles favorites des assauts en règle du Viêtcong et des Nord-Viêtnamiens, le conflit montant progressivement en intensité. L'épisode du film (qui semble se dérouler en 1965, au tout début de l'intervention directe des Américains) semble d'ailleurs s'inspirer d'un épisode authentique, l'attaque du camp de Nam Dong, les 5-6 juillet 1964, dans la zone tactique du Ier corps, près de la frontière laotienne : le capitaine américain Donlon y gagne la première Medal of Honor du conflit. Wayne cherche à rassurer l'opinion américaine en faisant étalage de la débauche de moyens utilisés : hélicoptères, aviation, lunettes infrarouge, génie, etc -l'armée américaine, comme on l'a dit, a grâcieusement contribué : hélicoptères UH-1 Huey, avions de transport C-7 et C-130, etc, etc. C'est également un des rares films à présenter sous un jour très favorable l'armée sud-viêtnamienne, allié en réalité souvent méprisé par les Américains. En outre, dans ce cas précis, le Sud-Viêtnam n'a jamais été acquis complètement au programme des camps des Special Forces, en particulier parce que ces derniers recrutaient dans les minorités (Montagnards et autres) traditionnellement méprisées par les Viêtnamiens. L'ennemi nord-viêtnamien n'est qu'assez peu visible, mais Wayne montre à la fois sa férocité et son ingéniosité dans l'art militaire : bombardements de harcèlements, pièges, exactions contre la population pour obtenir le consentement par la terreur, attaque massive de nuit... et Wayne, forcé de reconnaître ses qualités en montrant la chute du camp des Bérets Verts, rétablit la situation dans une scène grotesque où un AC-47 Spooky "Magic Dragon" élimine à la Gatling les Nord-Viêtnamiens qui viennent de s'emparer du camp... aveu d'impuissance ? Au passage, dans cette deuxième partie, Wayne en vient à justifier l'emploi de la torture contre un Viêtcong infiltré dans le détachement viêtnamien du camp, mené par le capitaine Nimh, un personnage encore une fois sans nuance et uniquement motivé par la vengeance... une torture qui serait un moindre mal face au déchaînement de cruauté de l'adversaire. 


  

Jusque là, hormis la simplicité du propos, le film colle d'assez près au conflit, l'action des Special Forcesétant rarement évoquée ailleurs, même depuis 1968. Mais la troisième partie achève de ruiner l'ensemble. Il s'agit d'une mission commando dont la crédibilité au sein de la guerre du Viêtnam est cette fois réduite à néant : on est plus sur la vague des actions d'éclat des films traitant alors de la Seconde Guerre mondiale, Les canons de Navarone, etc. On ne voit d'ailleurs pas très bien où Wayne veut en venir dans cette dernière partie, qui ne fait pas du tout authentique... comme dans cette scène épouvantable où un Béret Vert parti en reconnaissance est attaqué par 4 adversaires surgissant de directions différentes, qu'il élimine même en ayant pris finalement un coup de poignard dans le dos (un symbole ?). La scène finale, où Wayne s'adresse au petit garçon viêtnamien qui avait sympathisé avec un Béret Vert qui l'avait finalement pris sous son aile et qui est mort durant l'opération, est sans doute un clin d'oeil à l'engagement américain au Sud-Viêtnam dans son ensemble : celui-ci ne peut triompher qu'avec l'appui des Etats-Unis.

Sur le plan cinématographique, Wayne ne réussit pas à refaire Alamo, les effets spéciaux sont parfois mauvais (crash de l'hélicoptère pendant l'attaque du camp), la musique dépassée, et le tout tourné aux Etats-Unis, ce qui se voit très rapidement. Par contre, la scène de l'attaque du camp des Special Forces est plus réussie, et vaut le détour, d'autant qu'elle occupe une place centrale dans le film. Les autres acteurs s'en sortent assez bien finalement, eux aussi. Les Bérets verts, premier film à traiter de la guerre du Viêtnam et quasiment le seul à la soutenir, est pourtant bien accueilli en salles, aux Etats-Unis comme en Europe. Il n'y a qu'en France quasiment que l'image du "Duke" sera passablement écornée. Mais aujourd'hui, on ne retient pas ce film dans la carrière de Wayne : la légende a survécu.



Ed GILBERT, The US Marine Corps in the Vietnam War, III Marine Amphibious Force 1965-1975, Battle Orders 19, Osprey, 2006, 96 p.

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La série Battle Orders d'Osprey étudie l'organisation, les actions et la force d'une unité donnée. Le n°19, consacré aux Marines pendant la guerre du Viêtnam, est signé Ed Gilbert, ancien artilleur et instructeur de l'USMC qui a écrit également plusieurs livres sur l'engagement des blindés des Marines au combat.

Comme le rappelle l'introduction, les Marines, qui sont les premiers à être engagés au sol au Sud-Viêtnam, vont à la fois affronter les troupes régulières nord-viêtnamiennes et l'insurrection au Sud, le Viêtcong. Les Marines ont une tradition de contre-insurrection qui débouche ici sur le programme CAP (Combined Action Program) dans les villages du Ier corps. Souvent, bien que l'unité de référence des Marines soit la division, ce sont des formations de la taille de la brigade, regroupant fréquemment des bataillons de régiments différents, qui opèrent sur le terrain. Les Marines contrôleront des unités d'autres branches de l'armée au sein d'un commandement indépendant, la IIIrd Marine Amphibious Force, créée surtout à des fins logistiques.

En 1965, le corps aligne trois divisions d'active et une de réserve. Force largement autosuffisante, les Marines sont là pour éventuellement mener des assauts amphibie afin de s'emparer des ports et aéroports et repousse une première contre-offensive soviétique. Mais les Marines protègent aussi les intérêts américains à travers le monde, comme le montre l'intervention à Saint-Domingue en 1965. Le corps est devenu indépendant en 1952, après avoir été menacé de disparition suite à la Seconde Guerre mondiale et après avoir joué un rôle conséquent en Corée. Les Marines y ont expérimenté les premiers concepts aéromobiles de l'armée américaine. Force de réaction rapide, les Marines disposent de différentes unités prêtes à un engagement immédiat (MEU-MEB-MEF).

Forts de l'expérience de la Seconde Guerre mondiale, ils restent des spécialistes de l'assaut amphibie, menés avec vitesse et agressivité. Pour ce faire, ils disposent d'un important appui-feu organique -artillerie, hélicoptères, avions. En revanche, l'emploi des chars n'a pas été formellement l'objet d'une véritable doctrine. Les Marines ont une longue tradition de contre-insurrection et n'ont pas développé une capacité "forces spéciales" à l'instar de ce qui apparaît dans l'armée américaine à partir des années 1950. L'entraînement est dur mais vise à former des guerriers d'élite, capables de prendre des initiatives.

Ed Gilbert présente ensuite la composition des unités engagées au Viêtnam, en détail, puis la logistique mise en place par la IIIrd Marine Amphibious Force. Il en vient ensuite à évoquer la stratégie du corps au Sud-Viêtnam. Le programme CAP bâti dès 1965 est abandonné en faveur de la stratégie d'attrition de Westmoreland dès 1966. Les Marines mène à la fois des missions search and destroy mais aussi une guerre plus conventionnelle près de la zone démilitarisée. L'appu-feu, massif, va des pièces d'artillerie terrestres jusqu'aux canons de la marine et aux missions Arc Light des B-52. Les tactiques d'infanterie restent classiques et les Marines affrontent à nouveau le combat urbain à Hué, en 1968.

Après avoir décrit les armements principaux des Marines, Gilbert souligne que le système de rotation d'un an en vigueur pendant la guerre du Viêtnam fragilise l'excellence du commandement, à tous les niveaux, qui est une des caractéristiques des Marines jusqu'ici. Les Marines mettent l'accent sur les communications et le renseignement. En revanche, comme les autres branches de l'armée, le volontariat est insuffisant et ils doivent recourir à la conscription. Les problèmes de consommation de drogue et de querelles raciales sont bien présents chez les Marines, qui par contre, auraient moins connu le "fragging" et les mutineries que dans l'armée.

Gilbert termine son livre par la présentation de trois opérations : Starlite en 1965, Pipestone Canyon en 1969 et Dewey Canion la même année (avec une petite action, aussi, liée au CAP à Binh Ngiah, en 1966).

Le Battle Orders d'Osprey est au final une bonne introduction au sujet pour le néophyte : la personne qui maîtrise un peu le thème sera par contre un peu déçue. La bibliographie ne comporte d'ailleurs que des titres Osprey, les publications officielles du corps et quelques ouvrages anciens.

I.J. PARKER, L'énigme du dragon tempête, Grands Détectives 4116, 2008, 414 p.

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Japon, XIème siècle. Sugawara Akitada est un jeune fonctionnaire du ministère de la justice impériale. On lui confie une mission importante : retrouver la trace des trois derniers convois d'impôts de la province de Kazusa, qui ne sont jamais arrivés à la capitale. Akitada, accompagné de son fidèle serviteur Seimei, est sauvé des bandits de grand chemin par Tora, un soldat en rupture de ban au franc-parler inhabituel, qu'il prend aussitôt à son service... arrivé sur place, il mesure que l'enquête s'avère bien plus difficile que prévu...

I.J. Parker, ancienne professeur de langues étrangères américaine, a créé le monde des enquêtes d'Akitada, à l'époque Heian du Japon impérial. Elle y a travaillé dès 1997 et la série a débuté en 2002. La collection Grands Détectives reprend depuis quelques années en poche les volumes initialement parus en grand format après traduction.

Pour un premier tome, le démarrage est un peu déroutant car l'auteur ne présente pas en détail le personnage principal et ses acolytes, préférant se concentrer sur l'enquête première. La solution de l'intrigue n'est pas très difficile à trouver au bout d'un certain nombre de pages, en revanche il y a quelques mystères annexes qui sont un peu plus retors. Quant au contexte historique, l'originalité est de placer la série au XIème siècle et non à une période davantage traitée comme le XVIème siècle... par contre, l'auteur n'appuie sans doute pas assez dans ce premier volume sur le fond, même si l'aventure se déroule dans une province reculée et non à la capitale impériale du temps. Le point fort du roman réside peut-être dans sa galerie de personnages, variés et changeants. A noter que c'est un bon volume, au sens paginal du terme, car l'histoire se développe sur 400 pages ! A découvrir si vous êtes intéressés.



Philippe POIRRIER, Aborder l'histoire, Mémo 126, Paris, Seuil, 2000, 96 p.

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Philippe Poirrier, dont j'ai suivi les cours à l'université de Bourgogne, est professeur d'histoire contemporaine. C'est un spécialiste de l'histoire culturelle.

Aborder l'histoire se veut une synthèse d'introduction, comme le précise le titre, à la discipline historique et au métier d'historien. Assez curieusement, Philippe Poirrier part du Moyen Age et non de l'Antiquité pour remonter la trace de l'histoire en France. Il faut dire que la matière accompagne le développement de l'Etat moderne et finit par s'émanciper de la tutelle ecclésiastique à laquelle elle était soumise jusqu'ici.

Avec la Renaissance et la redécouverte de l'Antiquité, l'histoire devient d'abord une affaire de juristes. Puis, au service du prince, elle revisite les mythes fondateurs de l'histoire nationale. Elle se construit aussi pendant les guerres de religion, l'érudition cédant la place à une histoire au service du souverain.

Les Lumières auront tendance à lier philosophie de l'histoire, construction et écriture. Malgré le rôle de l'Académie des inscriptions et des belles-lettres et du cabinet des Chartes, l'histoire n'est pourtant pas élevée au rang de discipline sous l'Ancien Régime. La Révolution et l'Empire témoignent du souci de conserver un patrimoine national et marquent le retour d'une érudition au service du pouvoir.

La monarchie de Juillet fait de l'histoire un instrument de lutte contre la réaction, qui de son côté lutte contre la Révolution dès les premières années de la Restauration. Guizot pose les bases des institutions de "mémoire", centralise la gestion du patrimoine et commence à établir l'histoire comme science. Il soutient aussi les sociétés savantes.

C'est seulement après la défaite de 1870 que l'histoire s'impose dans le champ universitaire, à la Sorbonne et dans les universités de province. La Revue Historique, fondée en 1876, pose un premier jalon d'une histoire méthodique. L'Introduction aux études historiques de Langlois et Seignobos (1897) expose pour le grand public les modalités de la méthode. Mais celle-ci valorise, par la nouvelle méthode documentaire, le Moyen Age, l'histoire de l'Etat et donc une histoire surtout diplomatique, politique et militaire. L'histoire a aussi une place importante dans l'enseignement primaire et secondaire, où les manuels de Lavisse instillent une histoire civique et patriotique. Les méthodiques sont de plus en plus contestés par les réactionnairs puis par la sociologie durkheimienne avant la Première Guerre mondiale.

Quand Marc Bloch et Lucien Febvre lancent Annales d'histoire économique et sociale, en 1929, le contexte est morose : le fossé s'est creusée entre histoire universitaire et public cultivé qui lorgne plutôt du côté de l'histoire réactionnaire. Les deux fondateurs proposent d'abandonner le primat du politique et d'élargir les perspectives : Bloch s'attache ainsi à la longue durée, Febvre s'intéresse aux rapports entre les sociétés et leurs milieux. L'institutionnalisation ne vient qu'avec Fernand Braudel et la création de la VIème section de l'EPHE en 1947. La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II (1949) consacre le primat de la longue durée et de la pluralité des temps. Le laboratoire devient la forme classique du travail de recherche. A la Sorbonne, les Annales ne rencontrent pas forcément un écho importante et l'histoire événementielle se renouvelle elle-même avec Pierre Renouvin. Ernest Labrousse pose les bases de l'histoire quantitative et Maurice Agulhon se penche sur les sociabilités. L'influence des Annales n'est pas exclusive, cependant, mais elle structure l'école historique française jusqu'aux années 1970.

Braudel se retire à la fin des années 70 et rencontre alors un succès médiatique, tandis qu'une nouvelle génération des Annales se met en place, autour de Jacques le Goff ou Pierre Nora (la Nouvelle Histoire). Très présente dans les médias, sa force tient aussi à une recomposition du public. Elle balaye encore plus large - c'est "l'histoire en miettes" dénoncée par F. Dosse. L'anthropologie historique (histoire des comportements, des habitudes) remplace la géographie, l'économie et la sociologie qui dominaient chez les fondateurs des Annales.

L'histoire sociale quantitative et statistique domine alors largement le champ des études historiques. Mais le déclin du marxisme affaiblit le modèle en vigueur. L'élargissement de l'histoire sociale suscite des critiques, comme celle de François Dosse dans L'histoire en miettes (1987). L'histoire est désormais multiple. L'histoire économique se renouvelle via l'histoire globale. L'histoire, en tant que discipline, bénéficie des progrès techniques et d'une nouvelle demande sociale. Les sources orales sont légitimées par l'acceptation d'une histoire du temps présent. Les lignes de fracture idéologiques sont moins nettes, mais ne disparaissent pas pour autant. L'histoire politique n'a pas disparu : bien au contraire, elle s'est renouvelée grâce aux travaux de Robert Folz, René Rémond et même Georges Duby. Progressivement, elle se lie à l'histoire culturelle. Celle-ci remplace progressivement, après les années 1970, l'ancienne histoire des mentalités. Elle contribue à ce que les historiens s'intéressent, aussi, à l'histoire de leur discipline. L'histoire du temps présent débouche par le renouveau de l'histoire politique. Celle-ci doit se confronter aux témoins encore vivants et surtout, est parfois appelée dans des champs qui dépassent l'histoire (procès, etc). L'histoire des femmes, inspirée par les gender studies venues d'Outre-Atlantique, finit également par émerger en France.

Globalement, l'édition de l'histoire est en crise (en 2000) comme les autres sciences humaines, même si certains titres parviennent à toucher massivement le grand public. Les collections se multiplient pour un public plus hétérogène. Les revues jouent un rôle important, de même que L'Histoire, magazine de vulgarisation. La radio, la télévision et l'informatique contribuent à la diffusion des savoirs et acquis de la discipline. La professionnalisation est une tendance lourde du "métier" d'historien, lié à l'enseignement secondaire, quasiment le seul débouché au sortir de l'université. Le nombre d'enseignants-chercheurs a cependant fortement augmenté par rapport au nombre de postes. La thèse et l'habilitation à diriger des recherches sont des "rites de passage". L'historien est devenu un chercheur en sciences sociales. L'identité disciplinaire reste fortes face aux autres sciences humaines. Les historiens français sont plutôt franco-centrés, mais les chercheurs étrangers investissent aussi l'histoire nationale et les liens avec la recherche étrangère se renforcent. Pour Philippe Poirrier, qui écrit en 2000, l'identité de la discipline historique est devenue plus instable et fragile : il conviendrait bien sûr d'actualiser cette idée par des travaux plus récents. Les conseils de lecture fournis permettent déjà d'allers un peu plus loin via les ouvrages et articles indiqués.

Première victoire (In Harm's Way) d'Otto Preminger (1965)

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7 décembre 1941. Les Japonais attaquent Pearl Harbor : les Etats-Unis entrent en guerre. Le capitaine Torrey (John Wayne), est sous le coup d'une enquête pour avoir laissé son croiseur prendre une torpille d'un sous-marin japonais lors d'une patrouille au large des îles Hawaï consécutive à l'attaque. Bientôt rétabli d'une blessure au bras et nommé contre-amiral, Torrey, qui a rencontré l'infirmière et lieutenant Haines (Patricia Neal), est promu contre-amiral et reçoit de l'amiral Nimitz (Henry Fonda) une importante mission...

Première victoire est l'un des derniers grands films épiques en noir et blanc sur la Seconde Guerre mondiale, basé sur un roman de James Bassett. Il raconte l'aventure de plusieurs personnages de l'US Navy dans les débuts de la guerre du Pacifique, en s'inspirant assez librement des premières campagnes du conflit. Le titre anglais est inspiré d'une fameuse citation du héros de la révolution américaine, John Paul Jones.

Le moins que l'on puisse dire est que le film n'emballe pas vraiment. John Wayne, déjà atteint d'un sérieux cancer du poumon, n'est pas au mieux de sa forme. La guerre est vue de manière très romancée et les intrigues secondaires (notamment celle autour de Kirk Douglas, le commandant en second, et de ses déboires amoureux) alourdissent le propos sans véritablement l'enrichir. En revanche Jerry Goldsmith signe une très belle bande originale. A noter également que Henry Fonda incarnera de nouveau l'amiral Nimitz une dizaine d'années plus tard dans La bataille de Midway (1976). Le département de la Défense américain a fortement contribué au film, mais n'a pu fournir que quelques bâtiments ayant encore les caractéristiques de ceux de la Seconde Guerre mondiale : le croiseur lourd USS Saint Paul (CA-73) et le destroyer USS Philip (DD-498) en particulier. Un UH-16 Albatross remplace même les traditionnels Catalinas dont aucun n'avait pu alors être déniché. Les M151 font figure de jeeps et même les vedettes lance-torpilles américaines sont des modèles des années 1950. La bataille finale contre la marine japonaise a été recrée à partir de maquettes, ce qui est assez visible : Kirk Douglas, déçu, avait même proposé de financer des effets spéciaux de meilleur qualité, inspirés de ceux des Sentiers de la gloire, sur ses fonds propres !

Un film quasiment aussi vite oublié que regardé, en dépit de sa bande son et des jolis modèles réduits pour les combats navals !


 

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